DMS : Chapitre 45
DMS : Chapitre 47, parce que.

Chapitre 46 – Prête pour le départ (1)

 

— Bon, dis-je tout haut pour affirmer ma résolution. Je sais exactement dans quel ordre faire les choses, désormais.

Je me retrouvai seule dans les longs couloirs de la secte. Teacup était parti en urgence suite à un appel du superviseur et lorsque j’avais proposé à Pythagore de lui trouver son alcool, ce vin de la Cuvée des Géants, ses yeux avaient brillé et son hésitation fut de très courte durée : il avait aussitôt accepté de se mettre au travail sur le sort que je lui réclamais au moment où je reviendrais avec son précieux.

— Finalement, Teacup n’a pas eu besoin de faire jouer ses relations, hein… Je peux me débrouiller seule, tu vois ?

Bon, peut-être que je n’aurais pas eu besoin d’aller chercher du vin s’il avait demandé lui-même en tant que faveur… Pourquoi suis-je si bête, parfois ?

Mon remords ne dura pas, cependant. Je me souvins que les géants vignerons étaient considérés comme des monstres exceptionnellement puissants, et pouvoir copier l’une de leurs compétences était largement assez rentable pour que je ne regrette pas ma décision.

Mais avant toute chose, j’avais appris juste avant que Teacup ne parte que dans la boutique de magie, qui était en quelque sorte une boutique concurrente à celle des monstres et donjons, je pouvais trouver des sorts et y dépenser mes crédits. Et je possédais justement la coquette somme de 3 000 crédits qui ne demandaient qu’à se changer en articles de premier choix.

— Même si je ne suis pas douée en magie, m’avouai-je, je pourrais quand même jeter un œil, hein ?

Me perdant dans les couloirs, je retrouvai mon chemin en me fiant à ma mémoire. Finalement, la structure architecturale du bâtiment était logique ; moi qui trouvais précédemment qu’il était bâti comme une espèce de maison de fous avec couloirs, escaliers et virages dans tous les sens, je pus, en marchant lentement, déduire qu’il n’en était rien.

— Ah, la boutique de magie.

Entrant dans la pièce que je cherchais, j’y trouvais la même disposition que dans l’autre magasin. Un comptoir, un vendeur et des étagères.

— C’est systématique, hein ? constatai-je.

Le PNJ me vit arriver et m’adressa un sourire charmant :

— Bonjour, cher client ! Oh, et pour un client, c’est une cliente !

Heh… L’autre ne m’avait pas fait la même chose quand je l’ai vu la première fois ?

— Bonjour. Puis-je voir les magies disponibles ? Fonctionnent-elles de la même façon que les articles de donjon ? Par niveau et sous forme de récompense ?

Le marchand secoua la tête en souriant, toujours.

— Non, non, mademoiselle, pas du tout, me répondit-il. La magie fonctionne différemment. Vous avez accès à l’intégralité des sorts disponibles à votre niveau, quoi qu’il arrive ; il vous suffit d’acheter ce qui vous intéresse si vous possédez le bon niveau.

— Oh ? m’étonnai-je. C’est surprenant. Pour une fois, quelque chose fonctionne de manière simple et logique. Il est où, le piège ?

— Le piège ? De quel piè…

— Ah, m’énervai-je un peu, depuis que je suis arrivée, absolument rien ne fonctionne normalement ! Tout est compliqué, tout est anormal, rien ne peut juste être « Je vends, vous achetez » ! Et là, là, vous me dites qu’il suffit de faire un choix parmi les articles proposés de façon tout à fait normale ? Non, je n’y crois pas. Montrez-moi ça.

Le vendeur, peu influencé par ma tirade, se contenta d’agiter le bras et une ribambelle de sorts apparurt sur les étagères derrière lui. Je pouvais tous les voir, classés par niveau et par type. C’était…

— …vraiment si simple ?

— Voici tous les sorts disponibles à votre niveau ainsi qu’aux niveaux précédents, mademoiselle. Cela dit, je constate que vous portez une toge signifiant votre affinité avec le corps et le feu ? Puis-je vous conseiller de ne vous intéresser qu’à ces sorts en particulier ? Ne gâchez pas vos crédits pour des sorts dont vous ne saurez pas tirer tout le potentiel.

— Hmm… murmurai-je, ce n’est pas faux. Mes crédits ne sont pas infinis et j’ai encore envie d’acheter tant de choses. Montrez-moi les sorts concernant mes affinités.

Il agita sa manche une fois de plus, et la plupart des articles présentés derrière lui disparurent comme par enchantement. Ne restaient plus que trois articles.

— Si peu ? Trois sorts de feu ou de corps en sept niveaux ?

— Tout à fait, mademoiselle, confirma le marchand. Désirez-vous faire l’acquisition d’un article en particulier ?

Je me mis à observer plus précisément ce qu’il avait à m’offrir. Ou plutôt, à me vendre. Il y avait d’abord un sort banalement appelé « Choc de Feu ». Si j’en croyais ce que me disait l’information qui apparaissait dans ma tête, il s’agissait simplement d’une magie transformant le mana en chaleur et permettant à son lanceur de faire fondre, ou d’enflammer des objets par simple contact de la main.

— Pas très intéressant…

Le deuxième sort proposé là s’appelait « Enchantement ardent » et permettait d’appliquer un effet évident sur la lame d’une arme. Mais il ne m’intéressait pas non plus. Je ne comptais pas me battre, et si je le devais, j’avais vu FeiLong à l’œuvre : le corps était une arme.

— Bon, ben allons-y pour le dernier… grommelai-je tout en réalisant que l’utilité de ces sorts était bien loin d’égaler ce à quoi je m’attendais.

Hmm ??

— Entrave ? Késako ?

« Entrave ». Un sort de la catégorie du corps qui permettait de faire presque la même chose que la fameuse Pointe d’Immobilisation, mais par magie plutôt qu’en sacrifiant une arme.

— Ahh… Ça pourrait être utile, avouai-je en me souvenant du fameux pouvoir de la Justice qui avait restreint les mouvements de Krahn. Si ce sort fait la même chose que ce fameux pouvoir, alors je pourrai aisément me sortir de situations délicates. Combien de crédits ?

— 500 crédits, mademoiselle.

Le faible prix me prit par surprise. Il s’agissait là de magie, bon sang ! Et on la soldait comme si ce n’était rien de plus qu’une petite commodité ?

— Je prends.

 

***

 

Ma mission suivante consistait à trouver FeiLong et à le convaincre de m’accompagner. Il refuserait sans doute et tenterait peut-être même de me dissuader d’y aller. Mais s’il voulait refuser, je ne lui en voudrais pas : il n’allait pas se sacrifier pour un de mes caprices…

Je fis donc ce que m’avait conseillé Teacup, et je demandai à un garde de le faire appeler, en lui disant que je l’attendrais chez moi. D’après lui, les gardes pouvaient facilement trouver quelqu’un et lui faire passer un message, car ils étaient gérés par une intelligence commune : si l’on parlait à un garde, c’était comme si on parlait avec tous les gardes de la ville.

Et de retour chez moi, après être passée par une porte neuve – d’ailleurs, je me demandais bien qui en avait fait la demande, FeiLong sans doute – je trouvai Friderik endormi sur le lit. Je ne l’aurais pas repéré si je n’avais pas su qu’il était forcément là, enroulé dans ma toge…

Il m’entendit arriver et s’extirpa de la boule de tissu, à demi ensommeillé.

— Oh… Tu es rentrée ? Tu as fait vite. Il ne fait même pas encore nuit, constata-t-il.

— Oui. Je pensais en avoir pour bien longtemps, mais finalement… tout s’est passé un peu mieux que prévu. Je me suis même fait des nouveaux amis, même si l’un d’eux est bien l’un des derniers à qui je m’attendais pouvoir accorder ma confiance, si je me fie à ses intentions cachées…

— Intentions cachées ? reprit le slime. Comment ça ?

— Hmm… Je suis certaine qu’il fait tout ça pour me séduire, me rappelai-je à voix haute.

Friderik se mit à fumer tandis qu’un énorme point d’exclamation apparaissait au-dessus de sa tête.

— Quoi ?! Quelqu’un OSE avoir ce genre d’intentions ?! Quoi ? Qui ?!!

Pourquoi s’énervait-il comme ça ? Après tout, ça ne le regardait pas. C’était mon problème, et j’étais parfaitement capable de le gérer seule. Enfin, je l’espérais. Jusqu’alors, tout s’était passé à merveille et j’avais même gagné un sort qui allait sûrement m’être très utile. Je décidai de bien vite changer de sujet lorsqu’on frappa à la porte.

— Ah. C’est peut-être FeiLong. Je l’attendais.

Je me rendis vers la porte flambant neuve et l’ouvris, pour tomber sur un visage qui m’étais bien familier. En me voyant, son visage se durcit d’un seul coup, un nuage noir aurait tout aussi bien pu se former au-dessus de chez moi.

— FeiLong. Entre, l’invitai-je.

Il franchit le seuil sans dire un mot, l’air légèrement grave. Une fois assis sur une chaise, il m’adressa enfin la parole :

— Wuying, commença-t-il. Pourquoi portes-tu la toge d’une secte de magie ?

— Quoi ?

C’était tout ce qui l’inquiétait ? Il tirait une gueule de tous les diables juste parce que j’avais abandonné ma toge blanche pour une autre grise et rouge ?

— J’ai rejoint la Neuvième Vie, expliquai-je. Où est le mal ? Ils me traitent très bien, j’ai même rencon…

— Là n’est pas la question, trancha d’un seul coup celui que je connaissais d’un calme olympien. Tu as rejoint une secte de magie ! Magie ! Une secte du sud ! Wuying !

— Oui, en effet… Mais… balbutiai-je sans trop savoir pourquoi il s’énervait, pourquoi il paniquait. Tu as toi-même dit qu’une secte était utile pour les expéditions et le partage et…

Je ne savais même pas quel argument avancer, je ne comprenais pas la situation.

— J’en ai vu, des architectes, rejoindre l’une ou l’autre secte de magie, finit-il par avouer plus calmement. Et tous, sans exception, se sont fait avoir. Une fois une secte rejointe, tu as des responsabilités, et celles du sud sont emplies de gens arrogants, trop fiers et autonomes ; tu vas devoir passer beaucoup de temps là-bas et ils profiteront de toi, tu peux me croire.

C’était donc ça ? Il s’inquiétait ?

— Mais… J’ai imposé des conditions avant de les rejoindre, tu sais, tentai-je de le rassurer. Je leur ai dit que je voulais ma liberté, qu’on me foute la paix. Dans le cas contraire, je saurai les quitter, ne t’en fais pas. Je n’ai pas besoin d’eux.

— Les quitter ?

Il se leva d’un bond.

— Tu penses qu’il est si facile de quitter une secte ?!

Il se dirigea vers mon armoire, celle qui était emplie de toges, dans laquelle je pouvais piocher dès que je voulais me changer. L’ouvrant avec force sous mes yeux ébahis, il en fit tomber une dizaine de vêtements.

— Tu vois ?!

Toutes les toges éparpillées au sol étaient grises et rouges, copies conformes de celle que je portais. Je commençais à réaliser. Je venais de m’engager dans une secte, ce n’était pas juste un simple club de couture, mais l’engagement d’une vie et d’une âme. Je n’appartenais déjà plus à ce monde de toges blanches et je ne pouvais plus rien y faire.

— Alors… marmonnai-je, je ne m’étais pas changée… C’est la toge qui s’est transformée ?

FeiLong hocha la tête d’un air déterminé à me faire comprendre mes erreurs. Un hochement de tête qui voulait dire « Je te l’avais dit », mais aussi « Tu aurais dû me demander », et également « Et maintenant, on va faire quoi ? » et moi, je ne pouvais pas y répondre tant j’étais dépitée par ce dont je venais de me rendre compte.

— Mais… Il y a tout de même des gens très bien dans cette secte… Ce ne sont pas des monstres, tentai-je de plaider, même si je me retrouve bloquée dans cette secte, alors tant pis ! Ce sont des gens… biens… Teacup, Pythagore… Je ne peux pas croire qu’ils me feront du mal. Même si Teacup cherchera sans doute à me… Hem, bref.

Après avoir ramassé les toges éparpillées au sol et les avoir rangées à leur place, je me tournai vers un FeiLong toujours silencieux et un Friderik qui reniflait ma toge d’un air absent ; il avait déjà retrouvé son calme.

— Je ne t’ai pas fait venir aujourd’hui pour me faire sermonner, commençai-je, mais pour te parler d’une chose que je vais faire, quoi que tu en dises. Et je sais comme tu es fort, alors j’aimerais te demander ton aide.

Je marquai une pause, afin de le laisser comprendre ce que je venais de dire, et pouvoir y répondre s’il le souhaitait. Mais il se contenta de me fixer de cet air mystérieux que je n’arrivais jamais à déchiffrer. Il attendait clairement la suite de mon explication.

— Je ne sais pas si tu as déjà entendu parler des géants vignerons, mais j’ai décidé d’aller à leur rencontre, avouai-je sans plus attendre.

FeiLong se leva d’un seul coup, encore une fois et alors qu’il venait de se rasseoir et m’attrapa par les épaules.

— Si tu veux mourir, il existe des moyens bien moins douloureux. Je peux même t’aider. Mais pourquoi vouloir… ?

Des moyens moins douloureux ? Mais j’allais simplement mourir. Ce n’était pas la première fois. La douleur… j’y étais habituée, maintenant.

— Pourquoi dis-tu ça ? demandai-je alors.

— Tu sais ce qu’ils font à leurs prisonniers ? Parce qu’ils ne tuent pas leurs victimes, vois-tu. Ils les capturent vivantes.

— Euh… non, je ne sais pas, dus-je admettre, mais si je peux éviter de me frotter à eux, je le ferai, ne t’en fais pas.

Il me regarda droit dans les yeux :

— Si tu ne veux pas te « frotter à eux », alors pourquoi ? Arrête de tourner autour du pot, je vois déjà venir la vraie raison… que je trouve déjà particulièrement stupide, d’ailleurs.

— Pour le vin, dis-je franchement.

— …J’en étais sûr. Un architecte ne désirerait aller à la rencontre des géants pour rien au monde si ce n’est pour leur cuvée… C’est une vraie drogue, tu sais… Dis-moi, en réalité, tu en as trouvé et bu ? Et maintenant, tu es comme possédée par le désir d’en obtenir toujours plus ? C’est ça ?!

Au bout de sa tirade, il ne parlait plus, il hurlait. Et c’était moi, celle qui était possédée par je ne savais quoi ? Il avait l’air en transe.

— Je n’en ai jamais bu, non, le calmai-je aussitôt. J’en ai besoin pour quelqu’un, voilà tout.

Fei Long se calma légèrement en apprenant que je n’avais pas consommé de ce vin et continua à m’expliquer :

— Ce vin est telle une drogue des dieux, littéralement. Lorsqu’on commence à en boire, on en veut toujours plus, et encore et… ça ne s’arrête jamais tant il est bon. On finit par devenir fou ; combien d’architectes se sont-ils faits bannir à tout jamais – malgré cette règle des cent ans – uniquement parce qu’ils ont perdu la raison ? Ils doivent encore errer au-dehors à l’heure où on parle, en haillons, vivant dans des grottes à répéter inlassablement « Vin, vin, mon précieux, mon précieux » !

Ce fut sur ces paroles écriées sur un ton excité que je ne connaissais pas à FeiLong que je compris en mon for intérieur qu’il était inutile d’essayer de le convaincre plus que ça.

Raka
Les derniers articles par Raka (tout voir)
DMS : Chapitre 45
DMS : Chapitre 47, parce que.

Related Posts

16 thoughts on “DMS : Chapitre 46

  1. hmmm c’est parti pour monter un club de Pythagores anonymes ? j’ai quand même un peu peur pour Frederick.

    Merci pour le chapitre.

  2. Merci pour ce chapitre 

    Je peux pas faire autre chose que de m’imaginer les architectes comme des gollums rouge maintenant.

  3. Pré commentaire :
    vraiment être accro je clique pas dessus de la même façon que sur les autres séries même Mwlu je clique avec empressement à chaque nouveau chapitre merci pour tout raka au poulet

    1. Mmmmmmmmm pouleeeeeet…

      Sinon accessoirement, merci 😉

      J’ai repris 10 chapitres d’avance après de longs efforts, maintenant je peux souffler un peu, vous aurez votre dose.

  4. Merci pour le chapitre !!!

    Wujin va devenir la dealeuse du plan, elle va avoir le monde a ses pieds avec… du vin 😉 (enfin j’espère) !!

    Génial Raka, tes créations sont vraiment géniales et addictives!!!! Merci pour cette série !

    Imaginez une fontaine à grande cuvée dans son donjon… Les explorateurs vont devenir fou!!!!!!!!! #WujinSommelière

      1. Humm ça vaut bien un petit chapitre bonus non ? 😉 😉 J’ai cru comprendre que tu en avais dix en réserve, sa serait dommage de ne pas les laisser profiter de leur liberté tu ne penses pas ? ^_^

  5. Si elle copie la compétence permettant de produire le vin… (Parce que vu comme il est décrit ça pourrait être plus que du simple artisanat)

Répondre à Raka Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social Media Auto Publish Powered By : XYZScripts.com