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Chapitre 98 – Le pire donjon du monde ? (8)

 

Il ne lui fallut que moins d’une heure pour arriver. Un torrent de feu s’abattit depuis les nuages, comme si un immense chaudron ardent s’était soudain renversé sur le camp des géants. Le feu, ou plutôt ce qui semblait en être, ne brûla personne : il se condensa et devint un géant, presque identique à ceux que je connaissais à ceci près que ses vêtements le plaçaient dans une culture du sud de l’Europe plutôt que du nord.

J’avais l’habitude maintenant de voir des géants aux noms nordiques et habillés comme de fiers fils d’Odin. Celui qui venait de faire son entrée ressemblait fortement à un géant tout droit venu de Grèce, du Panthéon de Zeus.

Et Grorg me le confirma aussitôt. Sans lui laisser le temps de réaliser qu’il y avait des architectes dans le camp des géants vignerons, il s’avança vers lui.

— Arkileos, mon frère.

Il lui plaça une main sur l’épaule et le nouveau venu hocha la tête pour lui répondre.

— Grorg. Longtemps fut mon absence en ces lieux. Longue est la séparation qui nous a touchée.

Ce type se prenait pour un poète ? J’espérais qu’il n’allait pas insister avec ça, il commençait déjà à m’énerver. Mais vu son niveau, je gardai la bouche fermement close.

Ce géant est de niveau 131★★★★. Je ferais mieux de ne pas faire de vagues. Il ne sait probablement rien de moi et de ma toute-puissance.

Comme pour me donner raison, le dénommé Arkileos baissa les yeux et son regard dépassa les géants pour se poser sur moi. Je me sentis tout à coup étrangement ridicule, comme si un prédateur ultime venait de décider que j’étais son repas du jour.

— Grorg ? Que signifie ? La présence d’une Architecte ici ? Serais-tu en train de la préparer à… ? Ha ha ha… Petite Architecte, le long bonheur auquel tu vas goûter dans les cépages ne sera qu’une ode à la ferveur de mon frère !

Grorg se mit à transpirer, je vis clairement cette énorme goutte de sueur naître dans sa nuque. Il se mit à bégayer ; je savais qu’il cherchait à déjà apaiser ma future colère. De mon côté, je ne sus comment réagir. Il ne m’en laissa pas le temps, fort heureusement.

— Arkileos ! Surveille tes paroles, mon frère ! Tu as toujours été le bienvenue dans notre camp, mais aussi respecté que tu sois parmi nous, je t’avise de ne pas proférer de tels mots à l’encontre de notre Grande déesse venue d’au-delà des cieux !

Le géant grec fronça les sourcils en me dévisageant. La seule mention des mots « Grande déesse » le faisait hésiter, je le remarquais bien. Mais quelque part, il était aussi intelligent que mes sous-fifres et flairait peut-être l’arnaque. J’allais jouer le tout pour le tout, persuadée que mes géants me protègeraient et consciente que de toute façon, je ne pouvais pas montrer ma faiblesse, mais Hohol ne m’en laissa pas l’occasion.

Il venait de sortir d’une hutte, toujours complètement brûlé. Ils ne lui avaient pas encore concocté de potion miracle ?

— Arkileos, mon frère ! Je sais à quoi tu penses… Ne te méprends surtout pas, lâcha-t-il directement.

Arkileos se tourna vers lui et ouvrit de grands yeux.

— Ho… Hohol ? Mais quel est le malheur qui s’est abattu sur mon bon et fier frère chevaucheur de l’éclair, pourfendeur des nuages et de la brume ?! Comment le feu a-t-il pu avoir raison de ce corps si puissant, de cette peau à l’épreuve du temps et de ces muscles saillants ?

Putain, il va vraiment parler comme ça jusqu’au bout ? Et ma parole, il le drague, ou quoi ?

Hohol secoua la tête et le regarda de son œil valide, un peu triste. Je sentais qu’il cherchait à me protéger, quitte à mentir à son lointain frère géant.

— Arkileos… Elle est arrivée parmi nous en forçant notre frère Vedbarg à se donner la mort de sa propre main. De ce fait, elle nous a prouvé sa toute-puissance divine. Puis… Me vois-tu ?

Il s’arrêta quelques secondes et m’adressa un regard empli de reconnaissance de son œil valide.

— …Je suis dans cet état à la suite d’une mésaventure. Nous nous sommes retrouvés, elle et moi, dans une situation désespérée. Nous… Nous avons affronté un Phoenix Impérial. Tu le sais, toi qui suis la voie du feu, tu le connais, n’est-ce pas ?

— Un Phoenix Impérial ?! Où ?! Comment la mort a-t-elle fait pour ne pas se saisir de vos nuques de son souffle glacial ? s’exclama-t-il.

Avant de secouer la tête.

— Non, attends, avant ça, Vedbarg est… ?

À ce moment, je me dis que ç’avait été la meilleure idée du monde que d’avoir discuté avec Hohol lorsque nous chevauchions les nuages en rentrant de cet océan à sec. J’avais pu lui raconter que j’avais « emprunté » le pouvoir d’incinération du Phoenix afin de raser cet océan qui avait essayé de me tuer. À ce moment, je m’étais dit que raconter les choses de cette façon me faisait passer pour une vraie déesse dominatrice à qui il ne fallait pas chercher de noises.

Il s’en était souvenu.

— Là n’est pas la question, mon frère, répondit-il en secouant la tête, le fait est que notre Grande déesse m’a sauvé la vie en achevant le Phoenix. Elle l’a tué en un coup, simplement en le regardant.

Bordel de merde, ce mensonge ne passera jamais ! Tu en fais trop ! Ta gueule, Hohol ! Merde ! Tuer une créature légendaire en la regardant, mais t’es taré…

Je m’attendais déjà à ce que cet Arkileos se mette à rire comme on le ferait en entendant une bonne blague. Ensuite, il chercherait évidemment à m’agresser. Son niveau était sensiblement plus élevé que tous ceux de mes géants, et peut-être n’aurait-il pas peur d’agir, même seul.

— Huh ? Tu… Tu es sérieux ? Un regard ? Un seul regard a suffi à tuer un Phoenix Impérial ? balbutia-t-il contre toute attente.

Décidément, à quoi leur servait leur statistique d’intelligence super élevée s’ils gobaient tout et n’importe quoi aussi facilement ?

Ce fut ce que je me demandai d’instinct. Mais à bien y réfléchir, c’était logique. Ils avaient justement une statistique d’intelligence si élevée, ils pouvaient clairement faire la part des choses sans le moindre souci. La seule chose qu’ils étaient incapables de prendre en compte, c’étaient les bugs.

Si j’avais pu tuer un géant, alors j’étais forcément, assurément, obligatoirement une déesse. Il ne pouvait exister aucun autre cas de figure qui aurait expliqué ma capacité à les tuer avec mon niveau et mon apparence actuels. Pire, même. À les convaincre de se donner la mort pour mes beaux yeux.

Les géants vignerons avaient été convaincus de la sorte. Pour eux, c’était un état de fait impossible à expliquer autrement, donc ils l’avaient accepté facilement.

Pour le nouveau venu… Eh bien, si mes géants à moi l’affirmaient, alors ils disaient la vérité et l’avaient déjà réfléchie. S’ils avançaient que j’étais une déesse, c’est qu’il n’existait aucune possibilité que je ne le sois pas. En réalité, il faisait confiance en l’intelligence de mes géants.

C’est parfait, si c’est ainsi. Peut-être pourrai-je me faire d’autres alliés ?

Après la foudre, le feu. Celui qui était arrivé était, d’après les dires des géants, un serviteur du feu et il était arrivé dans le camp de façon assez éloquente. Existait-il des géants dotés d’autres attributs ? Je me surpris à m’imaginer tous les contrôler. Ne serais-je pas alors la créature la plus puissante de l’univers ?

Je secouai la tête. Non. Non, il existait des êtres bien plus puissants, les géants me l’avaient dit. Des entités qui imposaient la peur à des créatures de niveau 120★★★★. Je ne pouvais pas rire d’elles ou les traiter avec légèreté.

Tandis que je me perdais dans mon fil de pensées, Arkileos s’approcha de moi te posa un genou à terre.

— Arkileos, de la tribu des géants forgerons, présente à la Grande déesse des respects dignes de la grandeur de son existence, telle la marée de pétales de roses sous une nuit sans étoiles…

Ouais… Il arrêtera pas, effectivement.

Il avait rapidement retourné sa veste. Mais après tout, c’était logique. Si j’étais réellement une déesse capable de les tuer d’un regard comme l’avait inventé Hohol dans son mensonge éhonté, alors il ne pouvait pas faire n’importe quoi. Peut-être espérait-il que je veille sur sa tribu également ?

Ma foi, je ne pouvais rien promettre sans savoir de quoi on parlait.

— Je reconnais ton respect, mon brave Arkileos, dis-je d’un ton légèrement hautain et satisfait, que désires-tu de moi ?

Se la jouer magnanime. C’était le bon plan. Enfin, je le supposais mais il releva la tête pour m’adresser un regard étonné.

— Je… Je ne désire rien d’autre que la grandeur de la Grande déesse, ô Reine céleste à l’allure de mille et un dragons se baignant dans la clarté de la lune de…

— Stop, stop, attends, là, stop. Tu comptes vraiment parler comme ça pour toujours ? finis-je par lâcher.

J’étais décidément incapable de me retenir devant tant de mièvrerie. Non, c’était insupportable.

— Je… Grande déesse…

Il ne savait plus quoi me répondre. Était-il sincèrement incapable de s’exprimer normalement ? Hohol, à mes côtés, me chuchota quelques mots.

— C’est une spécificité de sa tribu, Grande déesse. Tu ne pourras rien faire pour ça. Ils mourront tous mais ne cesseront de parler ainsi. Ce n’est pas un choix, c’est… dans leur nature.

— Oh, compris-je… Je vois.

J’allais devoir supporter ça. J’allais définitivement devenir folle. Encore plus que Pythagore sobre, j’en étais certaine.

— Bien. Tu peux parler de la façon dont il te sied, mon brave, lui accordai-je à contrecœur.

Arkileos soupira grandement, comme s’il état soulagé après avoir été libéré d’un poids insurmontable. Décidément, je me donnais vraiment l’impression d’avoir un pouvoir sans précédent sur leur vie, à ces monstres de puissance. Un sentiment agréable, ça oui.

— Je ne fais grâce de ma présence en ces lieux que parce que mon frère m’a demandé de voler tel le feu céleste jusqu’à lui, par-delà montagnes et vallées, rivières et abysses. Mon adoré frère Grorg m’a avancé avoir grand besoin de mes talents.

Il l’avait bel et bien appelé pour ce que je lui avais demandé. L’épée. Et je n’avais effectivement aucune raison de faire durer le plaisir.

— Tu peux te relever, Arkileos mon brave. Tu as su répondre à l’appel de ta déesse avec promptitude.

— Ma… Ooh, ô Grande déesse, me bénis-tu de ta faveur éternelle et de ta grandeur aussi immaculée que les neiges éternelles des Pics Mordants ?

Les Pics Mordants ? Encore un folklore local que je ne connaissais pas et je n’avais pas spécialement envie de tout savoir sur un monde qui pouvait bien faire des milliards de kilomètres de large pour ce que j’en savais.

D’ailleurs, d’où venaient ces géants forgerons ?

— Dis-moi, mon brave.

— Oui ? répondit-il aussitôt.

— Viens-tu de loin ? As-tu déjà eu affaire à des Architectes comme moi ? Je veux dire, le côté déesse en moins.

Il secoua la tête.

— Non, ô Grande déesse. Jamais. Je viens de très loin, et même j’ai ouï d’improbables histoires concernant ces Architectes grâce à mes frères, j’en vois aujourd’hui pour la première fois de mes yeux ébahis et avides de connaissances nouvelles.

— Hmm… Je vois.

En réalité, ça ne m’avançait à rien. Peut-être le simple fait de savoir qu’il existait d’autres groupes de géants comme celui qui était craint à mort par Imperos me mettait dans une situation avantageuse. Si Imperos avait peur d’un seul de ces camps, et le considérait comme les monstres ultimes à ne jamais affronter, que diraient-ils s’ils apprenaient qu’il en existait d’autres ? Et peut-être beaucoup… ?

— Arkileos, j’ai ici une épée de belle apparence mais de qualité ridicule. Elle ne trancherait pas un cheveu de géant, imagine-toi, ha ha ! lui crachai-je comme si j’étais l’inventrice de cette blague.

— Une épée ? De taille Architecte, oui. Je vois. Je sens d’ici que cette arme est si médiocre qu’elle ne pourrait prétendre siéger dans la collection d’un grand pourfendeur de vie ! Une arme d’apparat, créée pour vivre uniquement pour le plaisir des yeux, pour la jouissance de l’esprit.

Il en avait compris autant rien qu’en l’observant de loin ? Ce géant…

— On va faire de grandes choses, toi et moi. Je le sens. Dis-moi, es-tu capable de créer une arme identique, mais capable de détruire dieux et démons ? Une arme digne d’un roi, digne d’un empereur, digne de moi.

— Digne de… Oh, non ! Rien, aucune arme en ce monde cruel et terne ne saurait être digne de la resplendissance de la Grande déesse !

— Oui, bon ok.

Il m’avait vraiment saoulée, là.

— Es-tu capable d’en faire quelque chose ?

Il réfléchit un instant et hocha la tête.

— Je n’ai jamais travaillé d’arme si petite que le criquet des plaines dans la grande immensité désertique de…

— Oui, ou non ?

— …Essayons.

Raka
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18 thoughts on “DMS : Chapitre 98

  1. C’est officiel, on n’a pas assez de deux chapitres par semaine

    Je décrète un plan pour kidnapper Raka, et le faire bosser nuit et jours sur les chapitres !!!

    QUI EST AVEC MOI ?

          1. C’est trop tard, ça fait plus de 30 ans que j’ai la grosse tête :/
            T’es plus à ça près du coup.
            Vénérez-moi, morteeeeeeeeeels !

          2. Pourquoi pas le kidnapper et appliqué un Syndrome de Stockholm ? Complété par un syndrome de Pavlov lui donnant l’irrésistible envie de traduire au sont d’une cloche ? Comme ça il nous aimeras de le faire travailler sans relâche pour nos beaux yeux 😀 

            Bien entendu Raka tu n’as rien lut de tout cela. 😀

    1. Si on le fait bosser contre son gré, la qualité risque de baisser …. faut trouver un moyen de le faire travailler d’avantage sans qu’il ne s’en rende compte …
      Hmmmm pas facile … x)

      1. Compliqué. Je risque de me rendre compte si j’en publie plus de deux par semaine, quel que soit le moyen utilisé :,)

  2. Oh grand Dieu Raka je viens vers toi humblement, tel le poisson chat devant l’immensité de l’océan afin de te remercier de la publication de ce chapitre.

    Bien que mon âme soit meurtrie face à la longueur de celui-ci, je ne peux que m’en contenter et ait honte de vouloir plus car cela fait de moi un pêcheur par la gourmandise. 

    Aussi je sacrifierai une courgette ce midi pour rendre gloire à ta grandeur et à ta générosité de nous faire vivre cette aventure.

    Gloire à Raka !!!!

    (Si avec ça je gratte pas un chapitre de plus je peux pas faire mieux >_< )

  3. Et un géant de plus dans le groupe de l’héroïne, un !!! Si ça continue, elle va effectivement se faire une armée de géants ^^.

    Bref, merci pour ce chapitre.

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