Fuyao – Livre 1 Chapitre 8
Fuyao – Livre 1 Chapitre 10

Bonjour, terminons ce mois de septembre avec Fuyao et un monsieur des plus mystérieux !

Livre 1 – Le vent se lève à Taiyuan
Chapitre 9 – Je te laisse me guider

Fuyao en resta sidérée tandis que l’homme secouait toujours la tête. Une bourrasque souffla et l’homme se laissa tomber de l’arbre avec autant de légèreté qu’un nuage. Puis il arriva devant elle avant même qu’elle eût le temps de le voir bouger.

— Jeune fille, vu tes frissons, je suppose que tu es toi aussi frigorifiée, présuma-t-il en riant. Et si nous… nous réchauffions ensemble…

Quel sans-gêne ! pensa Fuyao en l’incendiant du regard. Je tremble clairement parce que tu m’as fait peur !

Maintenant qu’il était devant elle, elle découvrit son physique précédemment caché par l’obscurité. Son apparence radieuse brillait telle la lune se levant lentement à l’horizon d’une mer de jade et illuminant le vaste ciel bleu. En cet instant de découverte, Fuyao entra dans un état second avant de se réveiller promptement. Elle se réprimanda elle-même des milliers de fois d’être devenue une idiote si facilement charmée par un beau physique.

Continuant de reculer, elle afficha une expression paniquée sur son visage tandis qu’elle tendait furtivement le doigt pour attraper son fouet. Cependant, elle ne put même pas en toucher la lanière : son doigt trembla subitement, de toute évidence arrêté par une force invisible. En face d’elle, l’homme tout sourire rétracta son propre doigt en secouant la tête.

— Jeune fille, faire semblant ne marchera pas à tous les coups.

Sous le clair de lune, la longue tunique de l’homme flottait librement au vent, ce qui amplifiait son air joyeux et insouciant. Avec cette apparence à la fois oisive et sauvage, l’homme semblait même flotter vers l’avant, sa robe ample et ses manches se laissant porter par le vent comme des nuages. Cela rappelait les luans1 qui s’envolaient au-delà du neuvième ciel, le plus haut de tous.

Il existait un type de contenance considéré comme pur et saint et un type d’allure considéré comme séduisant et charmant. Ceux qui fusionnaient avec succès une telle pureté et un pareil charme étaient rares, mais créaient ainsi une aura unique. En effet, celle-ci combinait l’insouciance de la noblesse et la profondeur cachée par les manières chaleureuses.

Le gravier au sol craquait doucement et un parfum léger et singulier flottait dans l’air. L’homme possédait des manières gracieuses, mais il s’assit par terre sans retenue, à proximité de Fuyao. À la lueur du feu, il pencha un peu la tête.

Fuyao en eut quelque peu le souffle coupé.

Ses longs sourcils atteignaient ses tempes et leur courbure conférait une réserve détendue et gracieuse à leur propriétaire. L’aura dégagée évoquait les saules de mars qui bordaient les sources azur, entretenant la radiance vernale du paysage. L’homme présentait un profil exquis, presque divin, et ses yeux semblaient contenir toute la radiance du monde. Les beautés hors du commun dérobaient les gens de leur capacité à parler et en cet instant même, Fuyao était incapable de la moindre parole.

L’homme se contenta de sourire, brossant tranquillement le sable qui l’entourait. Constatant que le sol n’en serait pas plus propre pour autant, il ne s’en préoccupa plus. À la place, il tendit soudainement le bras pour attraper l’épaule de Fuyao et l’attirer au sol. La jeune fille tomba immédiatement à la renverse sur le sol humide.

— Tu… Tu fais quoi, là ? cria-t-elle.

Allongé avec le bras en guise de coussin, l’homme ne se leva pas et l’examina du coin de l’œil. Un sourire aussi rare que l’udumbara2 naquit sur ses lèvres.

— Ce que je fais ? Il fait très froid, cette nuit, et je suis frigorifié. Si je dors seul, j’aurai encore plus froid, donc j’ai décidé d’être avec toi.

— Euh… Je ne peux pas profiter de ta faiblesse…, rougit Fuyao.

— Et moi, j’aime profiter des faiblesses. Maintenant, chut. Sois sage.

L’homme souleva ses manches et les longs tissus enveloppèrent la taille de Fuyao, la tirant impertinemment vers lui. De plus, Fuyao se noya dans l’odeur légère et singulière qu’il émettait. Aussi parfumée que du vin, la senteur hypnotisante s’était répandue dans l’air et avait enflammé les facultés logiques de la jeune fille. Elle se figea : la peur l’empêcha de bouger et de répondre à la crise imminente. Un gloussement résonna dans son oreille et la respiration de l’homme chatouilla son lobe. Fuyao sentit les battements de son cœur s’accélérer et son visage rougit tant qu’elle semblait proie à une fièvre.

Son corps, qui n’avait jamais connu d’hommes auparavant, se détendit instinctivement. Toutefois, son esprit lui rappela continûment de garder la tête froide. Fuyao tendit les mains pour s’appuyer désespérément contre la poitrine du jeune homme, et alors qu’elle allait employer la force pour se libérer, ses paumes se réchauffèrent soudainement.

Telle une rivière triomphant de sa digue, un courant chaud traversa les points physiques connectant les deux individus, puis parcourut les quatre membres légèrement immobilisés, la centaine d’os et les huit méridiens curieux3 de Fuyao. Cette nouvelle énergie était douce et chaleureuse, vigoureuse et durable, comme un soleil printanier ou une source hydrothermale.

Le courant chaud ressemblait à une paire de mains tendres déployant une technique mystérieuse à l’intérieur même du corps de Fuyao. Cela guérit chirurgicalement ses méridiens lacérés un par un et élimina progressivement les toxines de son corps. Même son qi interne presque disparu recommença à s’accumuler et à se condenser petit à petit dans son dantian4 : le qi ondulait et tourbillonnait à foison et plus que jamais.

Son visage pâle retrouva progressivement des couleurs et Fuyao porte un regard incrédule sur l’homme qui souriait les yeux fermés. Ainsi donc, il utilisait cette méthode pour la soigner ? Qui était-ce ? Comment connaissait-il son état ? Pourquoi l’aidait-il ?

Fuyao ne put s’empêcher d’examiner le corps masculin qui lui faisait face. Les hommes du continent des cinq régions aimaient porter toutes sortes d’accessoires dénotant leurs statuts et dévoilant plus ou moins leurs origines. Hélas, cet homme ne suivait manifestement pas la tendance : il ne présentait rien d’autre qu’une robe d’un tissu onéreux de couleur discrète.

Son regard tomba enfin sur la main de l’homme qui ne l’enserrait plus. La petite marque au milieu de sa paume peu distinguable tantôt était maintenant un peu plus claire : elle ressemblait vaguement à un pétale de fleur. Sentant son regard sur lui, l’homme garda les yeux clos et prit la parole.

– Le qi interne que je t’ai prêté ne sera effectif que durant les trois heures à venir. Si tu veux l’utiliser, tu devrais te hâter.

Il surprit Fuyao, qui ne réagit que quelques secondes plus tard : elle bondit soudainement et le regarda avec choc.

– Qui es-tu ? Comment sais-tu… comment…

– Tu sais vraisemblablement qu’une overdose de givre hérissé nuirait à tes méridiens, mais tu en as dévoré quatre brins d’un coup. Par ailleurs, tu es pressée de méditer et de guérir. Si ce n’est pas pour te venger, à quel dessein alors ? sourit l’homme assis, les sourcils relevés à l’encontre de Fuyao. Cependant, laisse-moi t’avertir. Le pouvoir de la famille soutenant Pei Yuan n’est pas ordinaire. Tu es sûre de vouloir poursuivre ton projet ?

– Ce n’est pas comme si elle peut compter sur sa famille pour piétiner le monde entier, rit Fuyao avec malice et arrogance. Une dette doit être remboursée ! Quant aux conséquences futures, si elle ne riposte pas, c’est aussi bien, mais si elle le fait, je m’échapperai. Une fois qu’elle baissera sa garde, je me retournerai et la mordrai. Tu sais, ceux nés nobles possèdent parfois moins de liberté que les pratiquants vagabonds comme moi, déclara-t-elle en clignant des yeux.

– Bien, très bien, la félicita-t-il en riant.

Fuyao sourit élégamment.

– Plutôt malicieux de ta part.

*******

– Dommage que la secte des cieux mystérieux comporte tant de membres et que les capacités martiales de Pei Yuan ne soient pas faibles, reprit-il la parole sans voir le visage assombri de Fuyao. Dans ton état actuel, rien que gagner contre elle sera difficile. Tu veux la punir sans alarmer qui que ce soit ? C’est plus facile à dire qu’à faire.

Fuyao l’examina. Cet homme devait avoir observé les falaises montagneuses depuis un certain temps : il avait vraisemblablement été témoin des événements passés. À cette pensée, sa colère gronda.

– Ce ne sont pas tes affaires ! cria-t-elle avec haine. Tu ne m’as pas aidée plus tôt, pourquoi essayer de jouer au bon gars maintenant ?

– Tout à l’heure, je n’étais pas sur la même montagne. Je n’ai vu vos mouvements que de loin, répondit-il calmement. Alors, tu le veux ou pas ? Sinon, je le reprends.

– Je le veux ! s’écria-t-elle d’un ton bougon lorsqu’elle comprit qu’il parlait du qi interne prêté à l’instant.

À peine ce cri formulé, Fuyao se rendit compte de son double sens. Quant à l’homme, il ricana à voix basse et un éclat coloré illumina ses yeux telle une galaxie.

– Oh… Tu le veux ? demanda-t-il avec un humour non dissimulé.

Ce « oh » avait été prononcé avec douceur, comme une caresse pleine de provocation. Fuyao rougit instantanément et n’eut même pas le temps de trouver une réponse appropriée que l’homme lui avait pris la main tout sourire.

– Puisque tu le veux, je te laisse me guider…

Notes

1 Un luan est un oiseau mythique de la même famille que le phénix. Alors que ce dernier possède un plumage multicolore, celui du luan est bleu.

2 Udumbara signifie “fleur de bon augure venant du ciel” en sanskrit. D’après les sūtras bouddhiques, l’udumbara est une fleur sacrée d’un blanc immaculé : elle provient du royaume de Bouddha et ne fleurit qu’une fois tous les 3 000 ans.

3 En médecine traditionnelle orientale, les méridiens sont des canaux du corps dans lesquels circule le qi, énergie vitale du corps. Il existe douze méridiens principaux liés à un ou plusieurs organes, et huit méridiens curieux (également appelés extraordinaires) qui ne sont reliés à aucun organe en particulier. Ces derniers contrôlent l’activité des méridiens principaux.

4 Dantian : centre énergétique au nombre de trois, importants pour méditer, pratiquer le qi gong et autres arts martiaux et en médecine traditionnelle chinoise.

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