IATM Chapitre 72
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Chapitre 73 : Un danger peut en cacher un autre 4/7

 

Les soldats d’Istel partirent toujours plus nombreux à la poursuite des fuyards, qui se trouvaient sur leur territoire. Le septième régiment n’avait eu d’autre choix que de percer la ligne de défense et de s’y enfoncer, afin de partir vers l’ouest. Ses hommes étaient épuisés et on ne compta plus, sur les 4000 de départ, que 2000 armures ensanglantées.

« Continuez à avancer ! » cria Aaron Tate.

Lui aussi était à bout de forces, mais, serrant les dents, il prit place au front et après seulement quelques pas, manqua de s’effondrer en réponse au son d’un cor de guerre. Ses soldats devinrent pâles comme la mort.

« Hmpf. Nous allons y rester… » eut-il pour propos, d’une voix à moitié étouffée.

Cependant, Roan, qui se trouvait à ses côtés, avait l’air plutôt calme.

« Non, on va s’en sortir. » répondit-il alors, l’air fatigué mais encore motivé, tout comme l’étaient ses camarades du bataillon de la Rose. Forts d’un entraînement révolutionnaire, tout droit sorti des souvenirs de Roan, ils étaient devenus bien plus endurants que leurs collègues issus des autres bataillons.

« Nous sommes bientôt sortis de leurs frontières, il faut tenir. » ajouta Roan, l’air décidé.

Un nouveau cor de guerre se fit entendre. Mais cette fois, il venait justement de la position qu’il espérait atteindre, une colline plus à l’ouest. Du même temps, le bruit des sabots vint marteler la terre. Il fut pris d’un frisson. Grâce à la Larme de Kallian, il vit les fanaux des troupes qui s’y mobilisaient. Il connaissait ce drapeau…

« Ce… Ce ne sont pas des soldats d’Istel ! Ce sont nos alliés ! » hurla-t-il, autant à l’intention de ses amis que de leurs assaillants.

Les visages se détendirent enfin, avant de se contracter d’une rage nouvelle. La balle venait de changer de camp.

« C’est le Comte Lancephil ! » observa à son tour le Colonel Tate.

 


 

Le destin leur avait enfin été favorable. L’armée du Comte Lancephil était justement en patrouille sur cette colline, à l’extrémité des terres de l’est, quand elle était tombée sur le septième régiment.

« Baron Tate, je me dois de vous féliciter ! » s’exclama Io Lancephil.

« Et moi de vous remercier. Nous vous devons la vie, mon très cher Comte. » répondit avec la plus grande sincérité Aaron Tate avant de s’incliner.

Io Lancephil lui adressa un sourire. Il comprenait enfin pourquoi les mouvements des troupes d’Istel étaient devenus si hésitants. Le septième régiment de Rins avait tout simplement coupé ses approvisionnements. Un tel exploit était digne de légendes.

Sacré Roan…

Le fait qu’un Commandant en Second puisse se tenir ainsi aux côtés des plus gradés était un fait rare, mais dans le cas présent, il n’étonna personne.

J’ai quand même peine à comprendre comment il a réussi tout ça…

Bien sûr, personne n’aurait pensé à révéler son secret. Aaron Tate, comme ses soldats, avaient découvert par hasard qu’il savait se servir du mana, mais même la torture n’aurait pu leur faire avouer. C’était à Roan seul qu’appartenait la décision de le révéler.

« Vous devriez vous reposer un peu, maintenant. » eut pour propos Io Lancephil, plein de considération envers eux.

« Si fait. Merci, Comte Lancephil. » répondit Tate, s’inclinant alors tout comme Roan.

Ils eurent un soupir de soulagement. Certes, ils avaient perdu la moitié de leurs forces, mais ils avaient aussi réussi à en sauver la moitié contre toute attente. L’idée d’être tombés dans un piège leur était à tous deux désagréable, mais après tout, ça faisait partie des aléas du combat. Les victoires ne pouvaient être systématiques. L’important, comme le pensa Roan, était d’apprendre de ses erreurs et d’en ressortir plus fort que jamais. À trop compter sur ses seuls souvenirs, Roan finirait immanquablement par commettre d’autres fautes.

La guerre reste la guerre, mais il faut que je reste prudent. Je ne suis pas stratège. Juste un soldat… Enfin, ces bâtards d’Istel paieront bientôt au prix fort leur audace. Ce sont des larmes de sang qu’ils pleureront…

La loi du Talion était la seule voie possible. Sur ces pensées, il serra légèrement le point et quitta la tente de commandement pour se diriger vers le campement du septième régiment, aux côtés d’Aaron Tate, qui s’arrêta tout à coup.

« Hmm… »

« Qu’est-ce qu’il… Ah. » balbutia Roan, avant de comprendre.

Face à eux se tenait le Commandant Richard, du bataillon spécial, aux côtés de ses soldats. Tous se mirent à genoux, l’air coupable.

« Richard, je peux savoir ce que vous faites ? » lança Aaron Tate, l’air surpris.

L’intéressé, le front au sol, répondit d’une voix grave : « Par ma faute, plus de 2000 soldats ont péri. J’en assume la responsabilité et suis prêt à en payer le prix. Décapitez-moi. Mais je vous en prie, laissez la vie sauve à mes soldats. Ils n’ont agi que selon mes ordres. »

« Hmpf… »

Aaron Tate sembla s’enfoncer en pleine sinistrose. Si on récompensait les exploits, les fautes devaient quant à elles être punies. Il le savait mieux que quiconque : il devait en faire un exemple. Alors que l’hésitation le cinglait, Roan vint s’installer aux côtés du Commandant Richard, et se mit à son tour à genoux.

« En qualité de Commandant en Second du bataillon de la Rose, j’ai proposé d’attaquer leurs points de ravitaillement. C’est par ma seule et unique faute que nous en sommes arrivés là. Épargnez le Commandant Richard. J’accepte mon sort. » lança Roan.

Par delà la peine causée, c’était un coup très dur pour les forces même du septième régiment. Se séparer à cet instant de son meilleur Commandant serait une grave erreur, sans compter que Richard avait nombre de missions couronnées de succès à son actif. Lui ôter la vie pour une seule erreur au cours de sa carrière eut été injuste.

« On ne castre pas un chat sans en couper les deux couilles. Je suis moi aussi responsable. » se rendit compte le Commandant Gale, l’air blasé mais néanmoins décidé, tandis qu’il vint à son tour se mettre à genoux, juste à côté de Roan.

Ses Majors en firent autant, suivis bientôt par l’intégralité des soldats de la Rose, puis du septième régiment. Tous partageaient l’affreuse culpabilité de n’avoir pu sauver leurs camarades. Seul resta debout Aaron Tate. Pour un court moment toutefois…

« Soldats. Rappelez-vous qui est votre chef. J’ai manqué de discernement, tout est de ma faute. Et moi aussi, je dois être puni. » fit-il.

« Co… Colonel ? » s’étonna le Commandant Richard.

Relevant la tête, Aaron Tate lança d’une voix puissante : « Nous avons tous fauté ! À cause de ça, beaucoup trop de nos amis ont péri. Nous combattrons désormais en souvenir de ceux partis trop tôt ! Soldats, levez-vous ! »

Il dégaina son arme et la pointa vers le ciel, avant d’ajouter : « Ceci n’est pas une tombe digne de soldats ! Levez-vous ! Si nous devons mourir, ce sera sur le champ de bataille ! Expiez votre faute en combattant avec plus de ferveur que jamais, et illustrez-vous par vos exploits ! »

Les soldats commencèrent à se relever.

« Leur sang paiera celui qu’ils ont versé ! »

Le dernier à se relever fut Roan. Amputé de la moitié de ses forces, le septième régiment n’oublierait jamais cette cicatrice. Mais il était encore bien vivant.

 


 

Il arrivait que des prêtres soient de passage sur les terres du Comte Lancephil. D’aucuns purent ainsi panser les multiples blessures des survivants, et tous les bataillons du septième régiment vinrent aussitôt le rejoindre en apprenant la funeste nouvelle. 6000 soldats étaient ainsi amassés, plus remontés que jamais. Aaron Tate en profita pour les réorganiser, et même s’il le ferait de façon plus formelle plus tard, Roan était d’ores et déjà considéré comme un Commandant. Un deuxième bataillon de la Rose fut ainsi créé, lui à sa tête. Par ailleurs, le Commandant Gale étant passé Major en Chef pour le Colonel Tate, c’était Roan qui assumait presque totalement le commandement des deux.

« Je te ferai Commandant dès la fin de la guerre, Roan. » lui annonça à cet effet Aaron Tate.

Plus tard, ils apprirent enfin quelques bonnes nouvelles. D’abord, le haut commandement de Rins avait dépêché 50000 soldats d’élite pour affronter les troupes de Byron. Par ailleurs, le royaume de Daiz s’était allié à eux, portant la résistance à l’est à 40000 soldats supplémentaires. Roan accueillit particulièrement bien la nouvelle, connaissant déjà la suite des événements. La situation s’améliorait.

Pour autant, Aaron Tate et ses commandants n’étaient pas tranquilles, occupés qu’ils étaient à revoir sans cesse ce qui leur avait échappé.

« Les caravanes suivaient un itinéraire étrange, j’aurais dû me douter de quelque chose… » observa, las, le Commandant Richard.

« Par delà ce fait, nous aurions dû au moins inspecter l’endroit avant. » assentit Gale.

« Ou y envoyer des flèches de feu… » continua Roan.

Chacun y allait de son opinion, mais de toute évidence, de nombreuses erreurs furent commises. Roan était désormais traité avec la plus grande déférence, comme s’il avait toujours été Commandant. Quoi de plus normal, de tels hauts faits d’armes à son actif ?

Je ne dois pas faire la même erreur deux fois.

Sa véritable force était sa persistance. La leçon avait été douloureuse, mais il savait désormais ce qu’il fallait travailler. Soudain, l’entrebâillement de la tente s’ouvrit.

« Mon Colonel, le Comte Lancephil souhaite vous parler. Il a aussi requis la présence du Commandant en Second Roan. » annonça un soldat.

« Bien, merci Bob. » répondit Tate, qui souhaitait justement aller le trouver.

Ils avaient bien assez tergiversé sur les erreurs commises. Il était maintenant temps d’agir. Parvenus dans la tente du Comte, Roan et Aaron Tate virent Kali Owells, ainsi que le chef des mages Tairon Bess, et Perry Wilson, chef des armées de la région. D’autres personnages tout aussi importants étaient aussi présents, et tous partageaient la même excitation.

« Colonel Tate, venez donc vous asseoir. » le salua Lancephil.

Roan avait le regard fixe. Il vit à l’autre bout de la tablée un jeune homme, de trois ou quatre ans son aîné, qui lui semblait familier.

C’était qui, ce type… ?

« Je ne vous ai pas présentés. Roan, voici Oren, un proche de la famille Phillips 1)Ian Phillips, le stratège de guerre. »

Roan eut le regard légèrement écarquillé.

Ça me revient. Oren Part… Le vice-président de l’agence de renseignements.

Chris n’avait, de par le passé, pas si brillamment réussi seul. Il avait été aidé par plusieurs personnes, dont Oren Part faisait partie. Il était son bras droit.

« Bonjour. Comme l’a dit le Comte, je suis au service de Ian Phillips. Je suis à la tête de son agence de renseignements. »

« Ian Phillips est un sacré personnage ! » lança, admiratif, Io Lancephil.

« C’est à sa requête que je suis là, justement, continua Oren. J’ai pu observer les mouvements des troupes du royaume d’Istel, et j’ai enfin réussi à obtenir l’information que vous souhaitiez. »

Io Lancephil lui fit un signe de tête et déclara : « Nous possédons enfin l’emplacement de leurs réserves. »

« Ah ! » s’exclama Aaron Tate.

Roan s’en tint au silence. Les deux étaient tout aussi impressionnés, mais Roan avait peine à revenir du fait que Ian Phillips ait d’ores et déjà créé son agence de renseignements. Pire que ça, elle était déjà opérationnelle…

Et il a recruté Oren… Comment est-ce qu’il a fait pour le trouver ?

De nombreuses interrogations fusaient en son esprit, mais là, force lui était de reconnaître que Ian Phillips lui avait coupé l’herbe sous le pied. Son agence à lui était plus efficace. C’était donc véritablement un génie… Restait à savoir si tout était vrai.

« À la base, Oren est allé prévenir Benjamin Doyle, mais il n’était pas intéressé… » expliqua le Comte Lancephil.

D’ailleurs, Oren n’avait pu le rencontrer qu’en invoquant le nom Phillips. Le jeune homme leur tendit alors un parchemin, que Roan et Aaron Tate entreprirent immédiatement d’inspecter.

« Néanmoins, avec ce que vous venez de traverser, je me dois de vous demander : souhaitez-vous vous joindre à nous ? » demanda Io Lancephil.

Kali Owells, le chef des chevaliers, eut un râle sombre. Io Lancephil se garda toutefois de le corriger.

« Vous nous y autoriseriez ? » s’interloqua Aaron Tate.

« Ha ha. Vous plaisantez, j’espère ? Qui a mis les troupes d’Istel en déroute ? Il est hors de question de vous voler la part qui vous revient. C’est au septième régiment qu’on doit cet exploit ! » fit semblant de s’offusquer Io Lancephil, un large sourire au visage.

Roan, quant à lui, avait toujours les yeux rivés sur le contenu du parchemin.

C’est un travail soigné, mais… Il s’agit peut-être d’un autre piège.

Il remarqua alors qu’Aaron Tate l’observait, comme s’il attendait quelque chose de sa part. Roan n’eut d’autre choix que de lui confier son inquiétude, par un signe de la tête de gauche à droite. Il en comprit aussitôt l’objet. Que l’information soit ou non fondée, il fallait y réfléchir à deux fois avant de s’y lancer.

« Pour le moment, nous allons vérifier si ces informations sont véridiques. » leur dit Oren, qui n’avait rien raté de leurs regards complices.

« En effet, avec ce qu’il s’est produit la dernière fois… Baron Tate, vous chargerez-vous de cette opération ? » fit Io Lancephil.

« Si vous nous en donnez l’occasion, ce sera très volontiers. » répondit celui-ci.

On lui servait sa vengeance sur un plateau d’argent. Il n’y avait plus qu’à s’en saisir.

« Bien, alors je vous laisse vous en occuper. »

« Merci, Comte Lancephil. »

Le regard de Kali Owells les fusilla, mais tous l’ignorèrent. Après de brèves salutations, Roan et Aaron sortirent et s’en retournèrent à leur campement.

« Rassemblons les Commandants, il faut qu’on leur annonce. » dit Aaron Tate.

« Bien, je vais les prévenir. » répondit Roan.

Aaron lui adressa un sourire et le laissa seul tandis qu’il se dirigeait vers sa propre tente. Au même moment, Roan vit un visage familier.

Pens ?

« Roan ! On l’a trouvé, ça y est ! » s’exclama celui-ci.

« Trouvé quoi ? » s’étonna Roan.

« Leurs réserves. Chris a vérifié lui-même. »

« Uh… »

Bon, finalement, l’agence de Chris a encore de beaux jours devant elle !

Il se saisit du papier et en inspecta le contenu, un léger sourire au visage. À sa lecture, son sourire disparut aussitôt, laissant même place à un air profondément ennuyé.

Ce n’est pas du tout au même endroit…

Nostra
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References

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1 Ian Phillips, le stratège de guerre

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13 thoughts on “IATM Chapitre 73

  1. Merci pour ce chapitre qui marque bien ton retour avec une fin qui nous laisse sur notre faim !!!! XD

  2. merci pour le chapitre
    tu comptes mettre une sorte de lexique ? ou on verrai qui est qui les grades, chef de qui etc… qui serai mis à jour au fur et à mesure car avec tous se monde faut réfléchir pas mal pour que le personnage me revienne^^ surtout les peu vu.

    1. Dans l’idéal faudrait qu’on mette en place un wiki, mais aucun des traducteurs n’a le temps de s’en occuper pour le moment :/

  3. Ça aurait été marrant, ça, tiens.

    « « En qualité de Commandant en Second du bataillon de la Rose, j’ai proposé d’attaquer leurs points de ravitaillement. C’est par ma seule et unique faute que nous en sommes arrivés là. Épargnez le Commandant Richard. J’accepte mon sort. » lança Roan.

    « Soit. » lui repondit son supérieur.

    Quelques secondes plus tard, la tête de Roan roulait au sol. 

    The end. »

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