MoL : Chapitre 10
MoL : Chapitre 12

Chapitre 11 – Limiteurs

 

— Pourquoi ton test est-il plus gros que le mien ? chuchota Benisek. Ai-je perdu une page, ou quoi ?

— Non, lui glissa Zorian à son tour. Nora me teste simplement parce que… eh bien, ça n’a pas d’importance. Je t’en parlerai plus tard.

Zorian soupira et continua à plancher sur les questions de formulation avancée qu’il avait sous les yeux. Comme si le test original de 60 questions n’était pas suffisant ! Pire, Nora avait pris une page de livre d’Ilsa et avait décidé de le mettre au-devant de connaissances qu’il n’était même pas supposé avoir ! Les questions additionnelles n’avaient strictement rien d’un cursus de deuxième année. Heureusement, il avait déjà lu les 12 livres qu’elle lui avait recommandés au cours des boucles précédentes et il n’était pas totalement perdu en lisant le morceau de papier qu’il devait remplir.

Pourtant, les questions supplémentaires étaient encourageantes car elles suggéraient que Nora le prenait bien plus au sérieux qu’elle ne le faisait quand on lui demandait une instruction plus avancée. Dans la poignée de recommencements qu’il avait traversés, les résultats avaient toujours été sous-productifs – bien qu’enthousiasmée par son sujet, Nora Boole n’avait jamais eu l’air de le croire quand il disait être en avance sur le niveau normal. Tous ses professeurs étaient ainsi pour autant que ses essais initiaux pouvaient le lui confirmer, avec pour seule exception Kyron. Quoi que maintenant qu’il y pensait, c’était sans doute plus en rapport avec la facilité dont il faisait preuve en lançant les sorts demandés plutôt que l’inclinaison de Kyron à le croire sur parole. Dans tous les cas, la vitesse à laquelle les choses s’enchaînaient lui donnaient espoir – il n’avait été voir Ilsa que la veille dans son bureau et Nora le mettait déjà à l’épreuve. C’était absurdement rapide en songeant que les professeurs aimaient prendre leur temps pour ce genre de choses. Zorian avait estimé que le processus allait prendre une bonne semaine, au moins. Apparemment, il avait fait une vraiment grosse impression à Ilsa, encore plus qu’il ne l’avait cru.

Bien. C’était bon d’avoir la confirmation qu’il allait quelque part et qu’il ne perdait pas son temps.

Quelques minutes plus tard, sa paix fut une fois de plus brisée par Benisek. Il serra les dents tandis que son voisin le harcelait pour obtenir des réponses. Zorian avait toujours trouvé Benisek plutôt ennuyeux même en tant que meilleur ami – ou ce qui s’en rapprochait le plus – mais il perdait également patience avec lui, boucle après boucle. Ce n’était pas vraiment juste pour Benisek – le garçon grassouillet n’agissait pas d’une pire façon qu’il ne l’avait fait – mais le temps qui se répétait rendait ses jacasseries de plus en plus répétitives. Zorian coucha rapidement des réponses sur un bout de papier et le lui tendit. Benisek eut l’air de vouloir dire quelque chose trop bruyamment pour ne pas se faire repérer mais Zorian le réduisit au silence d’un simple regard.

Aussi chiant qu’il put être, Zorian ne pouvait pas juste le laisser tomber comme ça. Que cette résolution durerait pour toutes les boucles à venir était sujet à discussion, cela dit.

— Très bien, temps écoulé. Posez les crayons, tout le monde, clama Nora, ce qui lui valut une vague de protestations de la part de la classe entière. À l’exception de monsieur Kazinski. Il peut continuer à travailler sur le deuxième test spécial que je lui ai donné.

Zorian jura intérieurement lorsque tous les yeux se rivèrent sur lui. Bien sûr, elle était obligée de dire tout ça devant tout le monde, hein ? Il nota dans un coin de sa tête qu’il fallait qu’il fasse attention à ce qu’il disait en face de Nora, la discrétion n’étant visiblement pas son point fort.

Akoja se hâta de récupérer tous les contrôles, ne traînant que près de Zorian pour avoir un aperçu de ce qu’était son test spécial. Après quoi le cours reprit comme à l’accoutumée. C’était l’exacte même chose qu’il avait déjà entendue autant de fois auparavant et il fit de son mieux pour l’ignorer afin de continuer son test. Même avec son avantage injustement gigantesque, il était plutôt compliqué : la formulation de sorts en général impliquait beaucoup de mathématiques et de géométrie comme le nom de la discipline le laisse supposer et ce simple fait rendait le tout extrêmement compliqué pour beaucoup de gens… Zorian compris.

Le cours finit par arriver à son terme et Nora lui demanda de rester alors que tout le monde évacuait la salle. Elle se mit immédiatement à parcourir son test quand le dernier de ses camarades eut quitté les lieux et Zorian la fixa, attendant une réaction avec impatience.

Contrairement à Xvim ou même Ilsa, Nora Boole était une femme très expressive. Le temps qu’elle eut atteint la fin du premier test, il pouvait voir qu’elle était déjà agréablement surprise. Elle pouvait, merde, considérant que c’était 100% correct. Quand elle se mit à inspecter le deuxième, par contre, son visage se mit à exprimer le choc et elle se retint tout juste de crier de joie. Bien évidemment, elle aimait ce qu’elle voyait. Finalement, elle poussa le test sur le côté et leva les yeux vers Zorian pour lui offrir ce genre de regard pénétrant qui le fit frémir légèrement. Elle lui rappelait Zach et Kirithishli, il émanait d’elle le même genre de… vibrations, par manque d’un meilleur terme. C’était toujours un peu inconfortable de se trouver dans la ligne de mire de ce genre de personnage, spécialement quand ils étaient spécifiquement concentrés sur vos yeux.

— Bon… commença-t-elle. Je ne m’attendais pas à ça, je l’avoue. Savez-vous pourquoi je vous ai donné ce second test ?

— Euh, non, avoua Zoria, pris au dépourvu. Pour me faire peur ?

— Exactement ! s’exclama Nora. Et perspicace, en plus ! Exactement !

Zorian cligna des yeux. Quoi ? Il était incapable de croire qu’elle lui disait ça en face.

— La formulation de sorts demande de la bravoure ! De la passion ! continua Nora à grands renforts de gestes ; étrangement, tous les autres êtres humains du monde disaient qu’elle demandait de la patience et un travail méticuleux. Elle demande de la détermination ! Tous ceux qui sont apeurés par ce petit test trop difficile que voilà abandonneront assurément en plongeant dans la vraie difficulté de la discipline ! Je devais m’assurer que vous n’alliez pas vous dégonfler en cours de route.

Zorian commençait à sentir l’énervement se faire son chemin. Était-il en train de signer pour un tutorat en formulation de sorts ou pour un culte quelconque ?

— Bien sûr, je ne m’attendais pas à ce que vous résolviez la moindre question, reprit Nora. Je voulais simplement voir si vous le laisseriez entièrement blanc. Non que je m’en plaigne, loin de là ! Voyons voir…

Elle retourna à son bureau et sortit une pile de papiers d’un tiroir. Tout en les parcourant, elle fronça les sourcils, apparemment peu satisfaite de leur contenu, avant de finalement les repousser dans un soupir. Après une minute complète de silence, elle retourna son attention sur Zorian en secouant la tête, comme si elle se rappelait d’un seul coup la raison de sa présence.

— Dites-moi, qu’est-ce que la formulation de sorts ? lui demanda-t-elle. Et je ne veux pas entendre de définition académique. Je veux entendre ce que vous en pensez.

Zorian ouvrit la bouche avant de la refermer sèchement comme s’il se demandait que répondre.

— Allez, l’encouragea Nora. De la bravoure, vous souvenez-vous ? D’ailleurs, je veux juste votre opinion. Il n’y a pas de bonne réponse.

Hah. Il n’y avait peut-être pas de bonne réponse mais Zoian savait par expérience qu’il y avait toujours des mauvaises réponses. Toujours. Mais il supposa que dans ce cas particulier, le silence était la pire de toutes.

— Il s’agit de l’usage de formations géométriques et divers sceaux afin de modifier les sorts, généralement dans le but de renforcer des barrières ou d’amplifier des effets, annonça Zorian.

— Vraiment ? Comment est-ce possible ? demanda Nora sur un ton exprimant autant la curiosité que la moquerie.

— Euh… Ils limitent la circulation du mana le long de routes prédéterminées ? tenta Zorian honnêtement.

— Oui ! s’écria la professeure. Ils limitent, c’est exactement ce qu’ils font ! Je ne peux pas vous dire combien de mages s’imaginent être des espèces d’amplificateurs ou je ne sais quoi. Ils me rendent folle, ça oui. Bien sûr, la plupart des artisans modernes utilisent un matériel spécial qui sont déjà des amplificateurs inhérents, mais c’est totalement différent. Quoi qu’il en soit, vous savez quel est le point important derrière une construction de sort structuré, n’est-ce pas ?

— Plus étroit et précis est l’effet du sort, plus on a besoin de mana pour le lancer. La magie structurée crée une formation afin de réduire l’espace effectif en quelque chose de gérable par l’esprit humain.

— Et la formulation de sorts, c’est exactement la même chose, avec cependant plus de bénéfices et de retours négatifs, ajouta Nora. Comme les mages peuvent prendre leur temps en gravant la formule d’un sort sur un objet, ils limitent le flux de mana de façon bien plus efficace que lors d’une invocation manuelle. Ça signifie de plus gros bénéfices potentiels mais rend le sort également bien moins inflexible. Et évidemment, les formations plus strictes signifient qu’il y a une marge d’erreur réduite alors créer une formule effective est bien plus compliquée que créer une invocation. Vous me suivez ?

Zorian attendit patiemment qu’elle eut fini, peu sûr de la raison pour laquelle elle lui racontait tout ça – c’était de la théorie de base qu’il avait déjà entendue et lue un millier de fois – mais peu désireux de l’interrompre. Malheureusement, il allait devoir attendre pour entendre à quoi rimait son petit interrogatoire parce que Nora regarda soudainement à l’horloge qui pendait au-dessus de la porte et pâlit en réalisant le temps qui venait de s’écouler.

— Désolée, monsieur Kazinski, je suppose que je me suis laissée emporter. Vous devriez vous rendre à votre prochain cours avant que je vous mette dans l’embarras, s’excusa Nora.

Zorian haussa les épaules – il avait prévu de faire sauter le cours suivant d’une manière ou d’une autre mais ça ne l’impressionnerait sans doute pas des masses s’il le lui avouait de la sorte.

— J’ai besoin de quelques jours pour mettre un emploi du temps au point, aussi vous en donnerai-je les détails via Ilsa. Nous allons travailler ensemble, je peux vous le garantir.

Il était sur le point de partir quand elle se remit à parler d’un seul coup.

— Oh ! J’ai failli oublier ! Allez voir Ilsa dès que possible – elle désire vous parler de quelque chose. Quelque chose à propos d’une faveur que vous lui devez pour avoir rendu ce service…

Et maintenant, la situation n’avait-elle pas l’air inquiétante ?

 

___

 

 

La gare principale de Cyoria était toujours pleine de monde. Il y avait dans l’endroit une espèce de sentiment global d’empressement constant que Zorian trouvait tantôt suffocant, tantôt revigorant selon son humeur. Quand il descendait d’un train, elle lui servait de seau d’eau glacée métaphorique et l’éveillait de sa somnolence et il l’accueillait à bras ouverts. Quand il se tenait simplement sur la plate-forme 6 en attente de son train, elle devenait oppressante et insupportable et il souhaitait désespérément savoir comment faire pour qu’elle disparaisse. En particulier parce que cette saloperie de train avait 2 heures de retard !

Afin de s’amuser et passer le temps, il avait entrepris d’ennuyer les pigeons et les moineaux qui voletaient autour du quai. Pas physiquement bien sûr – ç’aurait été non seulement puéril mais aurait attiré tous les regards à lui – mais poussait son mana dans leur direction en tentant de les contrôler mentalement. Bien sûr, se contenter de presser son mana de la sorte tout en souhaitant que ça fonctionne n’était pas suffisant pour créer de la magie mais les oiseaux s’agitaient drôlement. Typiquement, n’importe quel volatile sur lequel il se concentrait s’agitait à un point tel qu’il fuyait à tire d’ailes dans la minute.

Finalement, finalement, le sifflet se fit entendre et le tira de sa concentration en épargnant à la vie aviaire locale plus d’indignation. Zorian scanna la foule des gens débarquant du train à la recherche de sa cible. Il était techniquement supposé tenir une pancarte et attendre mais il était confiant : il pourrait reconnaître cette personne sans problème. Ce n’était pas comme s’il existait de nombreux adolescents aux cheveux blancs sur le quai, après tout.

La faveur qu’Ilsa lui avait imposée n’était pas si exécrable qu’il s’y était attendu en premier lieu. Bien sûr, aider un étudiant transféré à porter ses bagages et lui faire visiter la ville allait lui faire perdre un jour complet mais d’un autre côté, il était dispensé de cours du matin au soir ! D’ailleurs, il aurait une excuse légitime pour approcher Kael, l’adolescent en question – le gamin Morlock était un peu difficile à approcher même le meilleur des jours – et Zorian prévoyait de s’en faire un ami. Il désirait vraiment se trouver d’autres amis que Benisek et Kael avait l’air de quelqu’un avec qui il pourrait s’entendre. Si jamais ce n’était pas le cas… eh bien, ce n’était pas comme si le Morlock allait se souvenir de tout ça la prochaine fois, n’est-ce pas ?

Finalement, il le vit au moment où celui-ci posa le pied sur le quai et se précipita vers lui pour l’aider avec ses bagages. Ce n’était pas uniquement un geste de bonne volonté de la part de Zorian – Kael avait visiblement des problèmes avec ses affaires, probablement parce qu’il ne pouvait utiliser qu’un bras pour manipuler les lourdes charges. L’autre main était prise en même temps que le bras par une fille qui s’y accrochait comme à un garde-corps en observant tout ce qui se trouvait autour d’elle avec un œil enfantin.

Kael fut momentanément surpris quand Zorian s’approcha sans piper mot pour l’aider mais fit composa rapidement avec. La petite fille regardait désormais Zorian avec une curiosité non dissimulée et il se demandait qui elle pouvait bien être. Sa petite sœur ? Ses yeux d’un bleu vif lui rappelaient certainement ceux de Kael qui possédait exactement le même coloris mais ses cheveux étaient d’un noir de jais ; elle n’avait pas l’air d’un Morlock comme Kael. Dans tous les cas, Kael n’aurait pas amené une gamine si jeune avec lui ? Zorian continuait à s’attendre à voir sa mère débarquer du train et l’arracher du bras de Kael. Ce qui n’arriva évidemment pas.

Finalement, le dernier sac fut posé hors du train et Kael se tourna vers Zorian.

— Merci, fit-il simplement – derrière son apparence froide et distance, Kael n’était jamais malpoli. Je m’appelle Kael Tverinov. Je ne suis normalement pas si inapte mais c’est un peu difficile de porter tous ces bagages à une main. Kana a été très collante aujourd’hui et je n’ai pas eu le cœur de le lui refuser. Le déménagement a été trop stressant pour elle, j’en ai peur.

— Ce n’est pas un problème, répliqua Zorian. Je suis ici pour aider, après tout. C’est pour cela qu’Ilsa m’a envoyé. Je m’appelle Zorian Kazinski, un de tes camarades de classe. Ilsa Zileti m’a dépêché pour t’aider avec tes bagages et te faire visiter la ville.

Kael regarda Zorian d’un air ébahi, serrant la fillette accrochée contre sa hanche comme si Zorian s’apprêtait à la lui enlever de force.

— Quoi ? s’interrogea Zorian, surpris par l’alerte dans la posture du jeune Morlock. Qu’ai-je dit ? Je ne voulais pas t’offenser.

Kael le regarda encore pendant un long moment, suspicieux, avant de finalement prendre une décision, en quelques sortes.

— Tu n’as rien fait, et c’est moi qui devrais m’excuser, dit-il enfin. Permets-moi de me présenter à nouveau : je m’appelle Kael Tverinov et voici ma fille, Kana.

Zorian fixa le Morlock pendant un instant avant de baisser les yeux vers sa… fille. Kana fit un timide geste de la main mais resta silencieuse. Elle était en effet très jeune, peut-être trois ans mais Kael n’était pourtant pas plus vieux que Zorian. Ce qui signifiait qu’il avait eu sa fille à environ 13 ans. Huh. Tu parles d’un gamin précoce.

— Je vois, finit par répondre Zorian.

Et il voyait, pour de bon. Kael recevait probablement suffisamment de haine et de moqueries de la part des gens pour être un Morlock. Ce n’était pas la peine de rajouter encore ce genre d’huile sur le feu. Si Zorian avait été à sa place, il aurait fait tout qu’il fallait pour garder ceci secret de ses camarades, lui aussi.

— Si tu as peur que j’aille raconter dans la classe que tu as une fille, ne t’en fais pas – je comprends le besoin de discrétion dans ce genre de cas.

— Merci, soupira Kael, soulagé.

— Pas de quoi.

Zorian balaya les remerciements de la main comme s’ils étaient inutile en premier lieu. Considérant que la mère de la petite n’était pas là, il devait exister une histoire plutôt stressante quelque part en chemin. Il aurait été un enfoiré doublé d’un sadique s’il avait lancé une rumeur au sein de l’académie à propos de ce pauvre garçon. Il était un peu curieux de la façon dont il comptait s’occuper d’elle, cela dit ; mais il supposa rapidement que le Morlock avait sans doute déjà arrangé l’arrivé d’une nounou.

— Je vais lancer un sort pour transporter tous ces bagages et nous pourrons y aller.

Zorian lança rapidement un sort du disque flottant et une plate-forme circulaire spectrale scintilla devant eux. C’était un sort sacrément utile qu’ils étaient censés apprendre quelque part vers le milieu de l’année avec Ilsa mais Zorian avait été assez entreprenant pour l’acquérir durant l’une des boucles précédentes. C’était similaire au bouclier dans sa mécanique mais cette construction particulière était mobile et optimisée pour supporter du poids plutôt qu’encaisser des chocs. Le disque flotta paresseusement derrière eux tandis qu’ils quittaient la gare.

— Intéressant, jugea Kael. Je dois amettre que quand Ilsa m’a annoncé que mon éducation est lacunaire dans certains domaines, je pensais qu’elle exagérait. Est-ce que qu’un étudiant de troisième année peut faire ?

— En fait… non, avoua Zorian. Je suis en réalité bien au-delà de ce qu’un troisième année devrait être. Même si mes compétences sont plutôt uniques…

Kael soupira pensivement.

— Pourquoi ton éducation serait-elle déficiente, de toute façon ? rajouta Zorian.

Kael resta silencieux pendant quelques secondes et Zorian était sur le point d’en conclure que le Morlock ne désirait pas répondre lorsqu’il décida tout de même d’ouvrir la bouche.

— Mon éducation… n’est pas conventionnelle, expliqua-t-il. J’étais une sorte d’apprenti officieux d’un mage de village. Elle ne faisait pas partie de la guilde. Les compétences de ma maîtresse étaient plutôt spécialisées, à un tel point que mon talent pour la magie provient presque uniquement de mes efforts personnels. Autrement dit, je suis presque autodidacte.

Le respect de Zorian pour son camarade fit un bond de plusieurs étages après avoir entendu ça. La magie était suffisamment difficile à apprendre sous une instruction correcte. Qu’un jeune garçon y parvienne seul et sans l’aide d’un professeur, qu’il parvienne à rejoindre une classe de troisième année à l’académie… Mais s’il était un tel génie…

— J’espère que je ne me montre pas trop indiscret, mais –

— Mais pourquoi suis-je à Cyoria, maintenant ? devina Kael. J’ai reçu une offre plutôt acceptable de la part de l’académie et ce n’était pas comme si quiconque allait m’empêcher de partir. Mes parents sont morts quand j’étais jeune et ma professeure… elle est tombée malade pendant le Nettoyage. Tout comme ma femme. Kana est la seule famille qu’il me reste.

— Oh, grands dieux, je ne voulais pas… trembla Zorian.

Kael secoua la tête.

— Ne t’en fais pas, Zorian. Si je devais déprimer à chaque fois que quelqu’un aborde le sujet, j’aurais dû devenir un ermite et esquiver les gens purement et simplement. C’est naturel de se montrer curieux à propos de choses qui sortent de l’ordinaire.

Zorian se sentait pourtant mal. Il avait plus ou moins jugé que Kael avait engrossé une fille quelconque et avait dû endosser la responsabilité pour l’enfant. Mais non, il avait été marié et tout le tralala. Un peu choquant de se marier et avoir un enfant si jeune mais pas forcément une première. Il étudia son camarade aux cheveux blancs du coin de l’œil dans le silence qui suivit. Il avait une apparence très délicate, un physique pale et fin, des lignes douces jusque dans son visage. Couplé à ses cheveux albâtres qui lui tombaient sur les épaules, il avait une apparence quelque peu… féminine. Pourtant, il ne manquait clairement pas de force intérieure s’il pouvait encore aller de l’avant après avoir perdu tous ces êtres chers. À Cirin, une femme avait perdu son mari et leurs deux fils face à la fièvre des larmes sanglantes et n’avait jamais réussi à s’en remettre. Elle avait même blâmé la famille Kazinski entière pour la tragédie, prétendant qu’ils avaient utilisé leurs pouvoirs magiques pour maudire ceux qu’elle aimait à cause d’un petit désaccord. Zorian était le premier à reconnaitre que sa famille n’était pas composée d’anges mais c’était juste absurde. Absurde et triste.

— Tu n’as pas besoin d’avoir pitié de moi, reprit Kael, sortant Zorian de ses pensées.

— Oh, je n’ai pas pitié, assura ce dernier. Je pense que tu es une source d’inspiration, en réalité. Tu es un parent solitaire qui a su trouver le temps d’apprendre la magie seul à un niveau tel qu’une institution comme celle-ci, de renommée mondiale, a reconnu ton potentiel. Ils t’offrent une bourse, n’est-ce pas ?

— Je ne pourrais pas être là, dans le cas contraire, acquiesçât Kael.

— Il en donnent très rarement, tu le sais ? précisa Zorian. Peut-être 5 ou 6 chaque année. Tu dois être sacrément impressionnant pour avoir attiré leur attention de la sorte.

— C’est essentiellement dû à mon expertise médicale, soupira Kael. J’ai fait un serment, après… Enfin, tu sais. Je me suis juré que je deviendrais le meilleur soigneur de mon temps et que je m’assurerais qu’une tragédie comme le Nettoyage n’arriverait plus jamais.

Uh… ouah. Zorian ne savait pas que répondre à une telle déclaration.

— J’ai réalisé pas mal de progrès dans ce domaine, si tu me permets de manquer un peu de modestie, continua-t-il. Mais… c’est compliqué. Nous pourrons en parler plus tard si tu es toujours intéressé. Kana et moi sommes épuisés du voyage et j’aimerais me retirer pour la journée. Kana encore plus que moi.

Zorian remarqua soudain que la fillette piquait du nez sur l’épaule de son père. Elle avait été si discrète pendant toute la conversation qu’il avait presque oublié sa présence. Si seulement Kirielle pouvait être si docile.

— Oui, désolé, s’excusa Zorian. Je me suis laissé emporter, j’imagine. Je te ferai visiter la ville une autre fois, dans ce cas.

Le reste du chemin vers l’académie se déroula dans le silence le plus confortable.

 

___

 

— Tu étais absent hier.

Zorian regarda Akoja d’un œil ennuyé. Elle n’allait quand même pas le lui reprocher, hein ?

— J’y étais autorisé, lui fit-il remarquer.

— Je sais, répondit-elle sèchement. Je me demandais juste où tu étais.

Zorian était sur le point de lui dire que ce qu’il faisait de son temps libre n’était pas ses affaires mais il se ravisa. Il sentait d’étranges vibrations émanant d’elle, comme si elle était… inquiète pour lui. Très étrange. Normalement, il l’aurait classé comme une chose bizarre de plus qu’Akoja faisait de temps en temps – la fille semblait faire preuve d’une logique personnelle, du genre que même son obsession des règles ne pouvait pas justifier mais sa conversation avec Kael l’arrêta. Était-il trop dédaigneux envers les autres ? Jusqu’à la veille, Kael n’avait été que le Lorlock transféré aux yeux de Zorian… Et lui revinrent en mémoire des fragments de sa discussion avec Zach, qui lui faisait remarquer son comportement abject lors des précédentes boucles, avant qu’il ne prenne conscience de tout ça.

— Je rendais un service à Ilsa, avoua-t-il. Je suis allé chercher le nouvel étudiant à la gare.

— Oh, répondit simplement Akoja en jetant un œil vers Kael l’espace d’une seconde.

Kael était assis plusieurs rangées derrière Zorian, silencieux et imperturbable comme à son habitude. Il ne montrait absolument pas qu’il connaissait Zorian mais celui-ci pouvait sentir le regard du Morlock se poser sur lui de temps en temps.

— Qui est-il, de toute façon ?

— Kael Tverinov, répondit Zorian.

— Je ne veux pas son nom, renifla Akoja avant de réaliser après quelques secondes que Zorian n’en dirait pas plus.

— Je ne vois pas ce que je pourrais te dire d’autre, rajouta-t-il néanmoins en haussant les épaules. Il m’a l’air d’être quelqu’un de bien.

— Il a l’air plutôt arrogant, remarqua Akoja. Et efféminé.

— Eh bien, on se met à juger les gens qu’on ne connait pas ? nota Zorian dans un froncement de sourcils. Tu es devenue plutôt arrogante toi-même, tu sais ?

Eh bien, autant de vérité pour Akoja ! Elle s’en alla d’un pas lourd après ça en lui offrant un dernier regard vicieux.

Se résoudre à être plus compréhensif envers les gens était décidément compliqué.

 

___

 

Il ne fallut à Nora Boole que 2 jours pour organiser son premier cours particulier et au moment où Zorian entra dans la salle qu’elle leur avait réservée, il réalisa qu’elle prenait ça très au sérieux. C’était un atelier à l’allure très professionnelle, du genre auquel les étudiants n’ont pas accès sans une autorisation particulière des professeurs. Nora lui fit signe d’approcher, radiant un enthousiasme et une positivité à toute épreuve. Soudain, il se souvint pourquoi il avait été songeur au sujet de cours dispensés par Nora Boole. La quantité de travail personnel et de lectures annexes qu’elle leur assignait permettait déjà à Zorian de craindre ce qu’elle considèrerait comme un travail approprié pour un étudiant talentueux.

— Ah, vous êtes trop silencieux ! se plaignit-elle. Courage, Zorian, courage !

— Bien, souffla Zorian presque à contrecœur.

— Nous allons faire de vous un vrai artisan, vous aller voir ! renifla Nora. Mais d’abord, laissez-moi résumer notre conversation de dernière fois. C’était un peu tiré en longueur mais ce que j’essayais de vous faire comprendre, c’est que ces formules sont… une magie de support. Une magie qui affecte une autre magie. En soi, même la formule la plus élégante n’est rien de plus qu’un vulgaire exercice théorique. On doit lancer les sorts et les ancrer à la formule avant toute chose, avant qu’elle ne devienne utile. Je vous demande de le noter parce qu’Ilsa semble penser que vos compétences en invocation ne vous apporteront rien de bon en formulation, ce qui m’ennuie parce que ça révèle un profond malentendu à propos de la nature de la discipline. Ce qui, de sa part, s’avère très décevant en vertu de sa… Elle est… Enfin, vous voyez, quoi.

— Elle est professeur, termina Zorian.

— Ouais, confirma Nora en soupirant, un peu gênée.

Les professeurs ne disaient jamais du mal les uns des autres, pour autant que Zorian s’en souvenait et il n’était pas étonnant qu’elle était mal à l’aise en critiquant ainsi Ilsa devant un étudiant. Ils devaient travailler ensemble régulièrement, après tout, et saper l’autorité d’un autre professeur comme ça pouvait rapidement devenir incontrôlable. Heureusement, Zorian était le seul présent et il ne prévoyait pas de lui créer le moindre problème. Elle avait l’air de le réaliser également car après un moment, elle arbora un large sourire et continua comme si rien n’était arrivé.

— Quoi qu’il en soit, je pense que nous devrions vous faire commencer sur le cube du débutant.

Il s’avéra que ce cube était un bloc de pierre grise parfaitement cubique, comme son nom l’indiquait, chaque face mesurant une dizaine de centimètres de long. Celui qui Nora donna à Zorian était parfaitement blanc et lisse mais Nora lui en montra quelques-uns déjà terminés afin de lui montrer où il devait aller ; ces cubes faisaient autant de choses qu’émettre de la lumière, chauffer et flotter une fois activés ou quand certaines conditions étaient remplies. De base, chaque cube terminé était un objet magique qui utilisait quelques sorts simples et une flopée de formules destinées à en faire un joli petit jouet. Ils étaient des outils d’entraînement standards, selon Nora.

Zorian en voulut un au moment où il posa ses yeux dessus. Donner un jouet magique aussi parfait à Kirielle la tiendrait occupée pour des heures. Ce serait son arme secrète contre elle ! D’ailleurs, un petit cube flottant représenterait une cible bien plus intéressante pour ses missiles magiques que les pierres et souches d’arbres sur lesquelles ils s’entraînait habituellement. Surtout s’il pouvait s’arranger pour lui offrir une compétence d’esquive…

Il n’allait pas devoir attendre bien longtemps pour en acquérir un, cela dit – le fabriquer était le point de la leçon du jour. Et pas n’importe quel cube de débutant, non. Zorian s’attendait à voir Nora lui donner quelque chose de facile pour démarrer mais visiblement, elle avait une idée plus… ambitieuse dans la tête.

— Ceux-là sont trop faciles pour vous, conclut-elle. Non, je pense qu’on va travailler sur quelque chose de bien plus fun. Voilà.

Elle lui tendit un autre cube et celui-ci était totalement parsemé de formules. Zorian nota avec une terreur croissante qu’il n’en comprenait ni le début ni la fin. Merde, certaines de sections avaient juste l’air de bouche-trous plutôt que de formules, n’étant qu’à peine plus que des pictogrammes stylés. Mais attends voir…

— Comme vous l’avez peut-être remarqué, j’ai un peu compressé ces formules, expliqua Nora. En partie parce qu’il n’y avait pas assez de place sur le cube pour l’inscrire sous sa forme brute et aussi pour simplement vous empêcher de le copier de façon bête et méchante, ligne par ligne, sur un cube vierge.

— N’est-ce pas le but principal ? s’étonna Zorian. Que je puisse travailler sur un exemple concret pour étudier la façon dont il est fait ?

— Absolument. Mais j’ai peur que copier aveuglément une formule d’un cube à l’autre ne vous enseignera pas ce que je veux que vous appreniez. Si je pensais que vous aviez besoin de travailler mémoire et précision, je vous ferais copier une dizaine de cube basiques mais je suis sûr que vous êtes déjà au-delà de ça à ce niveau. Personne ne passe autant de temps en formulation que ça sans s’être entraîné sur des exemples concrets.

— Eh… Je n’ai jamais rien rencontré qui ressemble à ces cubes dans les textes que j’ai lus, dit Zorian. Mais oui, j’ai pratiqué la formulation de temps en temps. Principalement pour établit un périmètre d’alarme autour de mon lit durant ma seconde année – j’étais affublé d’un colocataire très curieux – et pour me faire quelques lampes gratuites, et autres chauffe-plats.

Les invocations ne duraient pas. Même si un mage infusait plus de mana dans un sort que l’absolu nécessaire – et on ne pouvait surcharger un sort qu’en quantité limitée avant qu’il ne s’autodétruise – il se dégradait inévitablement en quelques heures, au maximum. La formation du sort se dissolvait avec le temps et finissait par disparaître, que le sort ait encore du mana ou non. En conséquence de quoi, si Zorian voulait que son alarme dure la nuit entière ou que ses lampes ne s’éteignent pas toutes les heures, il devait stabiliser la formation d’une manière ou d’une autre. Les formules étaient le moyen le plus simple et efficace de le faire aussi longtemps que quelqu’un avait déjà créé une formule pour ça et l’avait rendue publique.

— Il n’est pas très surprenant que vous n’ayez jamais croisé les cubes de débutant durant vos lectures, expliqua Nora. Ils sont principalement utilisés pour des exercices théoriques. Pas très utile dans un livre. La plupart des mages se fichent pas mal de la façon dont les formules fonctionnent et ne s’inquiètent que du fait qu’elles fonctionnent. Ils mémorisent les formules les mieux documentées et les quelques méthodes rapides pour les modifier et n’ont plus qu’à savoir quand appliquer l’une ou l’autre. Ensuite, ils chouinent en disant que la formulation est vide et ennuyeuse. Hah ! Si seulement ils savaient ce qui se cache derrière les vrais mystères de l’art, la beauté cachée dans les nombres et la géométrie…

Zorian l’écouta stoïquement marmonner tout seule à propos de canailles sans imagination qui dormaient dans le lit qu’ils ont eux-mêmes aéré pendant un moment. Après quoi, elle prit une profonde inspiration et placarda un sourire plaisant entre ses deux oreilles en se tournant vers Zorian.

Il semblait bien qu’il n’y avait décidément pas de professeur sain d’esprit dans cette école. Zorian se demanda si ces effets étaient provoqués par le stress de l’enseignement lui-même ou s’il fallait tout bonnement être taré pour être accepté dans l’équipe pédagogique de l’académie.

— Mais je digresse, finit par dire Nora joyeusement. Je suppose que je devrais simplement arrêter de nous faire perdre notre temps et vous dire ce que j’attends de vous. Laissez-moi vous faire une démonstration…

 

___

 

Le cube que Nora voulait que Zorian recrée était plutôt compliqué. Techniquement, il s’agissait d’une lampe améliorée qui utilisait un simple sort de torche comme base. Elle pouvait être activée et désactivée oralement en prononçant l’un des différents mots de commandement et devait être capable de comprendre quand quelqu’un s’adressait à elle personnellement et n’utilisait pas ces mots dans un autre contexte. Elle possédait trois niveaux d’intensité lumineuse et conservait son mana en évitant de projeter de la lumière par les faces couvertes par quelque chose – la face posée au sol ne brillait pas, par exemple, et la recouvrir d’une couverture la forçait à s’éteindre totalement. Chaque face pouvait être allumée ou éteinte en tapant deux fois dessus en succession rapide. Pour finir, cette lampe pouvait être liée à une personne spécifique pour ne recevoir des ordres de personne d’autre.

Nora lui avait dit de ne pas s’inquiéter s’il ne pouvait pas la reproduire à la perfection – elle voulait simplement observer où il pourrait aller seul d’ici leur rencontre suivante. C’était bien parce que ce travail était bien plus complexe que n’importe quelle formulation sur laquelle il avait travaillée jusque-là. Leur prochain cours privé avait lieu le lundi et il avait un week-end entier devant lui pour travailler. Cependant, il doutait d’être à la hauteur du challenge.

Il entretenait des sentiments mitigés à propos des méthodes de Nora. D’un côté, elle le prenait très au sérieux et c’était bien. D’un autre côté, elle avait l’air d’imaginer que balancer une personne par-dessus bord était un moyen valide pour lui apprendre à nager.

— Entrez.

Zorian soupira avant de s’introduire dans le bureau de Xvim. Quelle merveilleuse façon de terminer une semaine. Malgré tout, il préférait largement les méthodes de Nora…

— Zorian Kazinski ? Assied-toi, s’il te plaît, ordonna Xvim, ne se préoccupant pas d’attendre une réponse. Zorian attrapa le crayon que lui envoyait l’homme sans même regarder et ce dernier ne percuta même pas la paume de sa main, se mettant immédiatement à flotter en tournant paisiblement et sans heurt. Oups… Il s’en voulut pour ce réflexe irréfléchi. Oh, bon. Ce qui était fait était fait. Qu’allait dire Xvim ?

— Fais-le briller, aboya le professeur sans manquer une seconde, totalement imperturbable face au talent de Zorian.

Ce dernier n’était même plus surpris. Le crayon se reposa rapidement dans sa main et il se mit aussitôt à émaner de lui un gentil halo spectral. Il passa par plusieurs couleurs sans provoquer la moindre réaction chez Xvim, changea occasionnellement d’intensité juste pour prouver que Zorian en était capable.

Xvim leva légèrement les sourcils.

— Je n’ai pas dit que tu pouvais cesser de le faire léviter.

Les lèvres de Zorian se courbèrent étrangement en un sourire avorté. Si Xvim s’imaginait qu’il allait le déphaser avec ça, il se fourrait le doigt dans l’œil – combiner deux différents exercices de mise en forme était une chose évidente à faire et Zorian l’avait déjà fait. Un instant plus tard, le crayon tournoyait en l’air sans avoir cessé de briller.

Xvim tapota son bureau du doigt, en pleine réflexion. Était-ce possible ? Avait-il réellement provoqué une pause dans le comportement de Xvim Cheolo, le tuteur de l’enfer ? Le monde touchait à sa fin ! Zorian l’observa avec anticipation, se demandant ce que ce fou allait inventer ensuite.

— Je suppose qu’il n’y a pas d’intérêt à tester ta capacité à brûler des choses. Ça a toujours été l’exercice le plus facile des trois, réfléchit Xvim à voix haute.

En tout état de cause, Zorian était quelque peu lacunaire quant à l’exercice de carbonisation… comparé aux deux autres en tout cas. Non pas qu’il allait le lui avouer, évidemment.

— Tes bases sont… acceptables. Presque décentes, mais pas tout à fait. Ton attitude pourrait être travaillée mais je suppose que Tu as au moins plus de tact que tous ces malheureux qui hantent ces couloirs. Et puis, Miss Zileti m’a demandé de ne pas être un tel bourreau avec toi. Aussi, bien que j’aimerais faire trembler les fondations instables de tes connaissances, je vais à contrecœur aborder quelque chose de légèrement plus avancé.

À la confusion extrême de Zorian, Xvim lui tendit un morceau de tissu. Qu’était-il censé faire avec ça ?

— Euh…

— C’est pour tes yeux, expliqua son tuteur. Tu le mets sur tes yeux pour ne rien voir.

— Et… Pourquoi ai-je besoin de ne rien y voir, rappelez-moi… ? demanda Zorian.

— Nous allons entraîner ta capacité à sentir le mana, lâcha Xvim. Tu vas mettre ce tissu sur tes yeux et je vais lancer ces billes chargées de mana dans ta direction.

Zorian regarda l’homme d’un œil incrédule. Avait-il bien entendu ?

— Je vais les lancer soit au-dessus de ton épaule gauche, soit au-dessus de la droite… ou directement vers ta tête. Si tu te fais toucher, tu perds un point. Si tu bouges alors que tu n’en avais pas besoin, tu perds un point. Dans les autres cas, tu gagnes un point. Nous arrêterons quand tu auras gagné 10 points ou quand le temps sera écoulé.

Oui, il l’avait vraiment entendu correctement. Merci beaucoup pour votre aide, Ilsa, merci !

 

___

 

Les deux semaines suivantes furent chargées mais routinières. Zorian concentra ses efforts sur la maîtrise de la formulation, largement parce que Nora était très enthousiasmée par l’idée de lui faire plaisir – plus il faisait d’efforts, plus elle était extatique lors de leur enseignement. Elle suggéra même une rencontre les dimanches pour des cours supplémentaires, n’ayant apparemment rien de mieux à faire en privé. Il apprit énormément mais Nora avait adopté une allure cruelle et il était heureux que le recommencement approchât à grand pas. Qu’il puisse subir un mois supplémentaire sous l’égide de Nora Boole était plus que questionnable.

Plus intéressant, il semblait avoir attiré l’attention des professeurs comme des élèves dans cette boucle en particulier. Peut-être était-il vraiment aussi impressionnant qu’Ilsa lui avait laissé entendre ou peut-être que c’était dû à la façon tranquille qu’il avait de traverser la quantité de travail abrutissante que lui donnait Nora. Peut-être même que Xvim avait dit quelque chose à son propos aux autres professeurs. Dans tous les cas, ses efforts étaient la source de beaucoup d’attention, ce qui était plutôt curieux. La plupart du temps, peu importait à quel point il s’acharnait en classe, personne ne s’en montrait plus intéressé que ça. Il imagina tenter de rediriger toute cette attention vers quelque chose de plus utile mais il était trop épuisé par ses études pour planifier correctement. Dans une autre boucle, peut-être.

Et toute cette attention eut un malencontreux effet indésirable : il ne fut pas capable de se rapprocher de Kael. S’associer à Zorian aurait sans doute apporté assurance et sécurité au Morlock, une chose qu’il semblait avoir à cœur à cause de sa fille, aussi Zorian était-il surpris que Kael lui-même n’eût jamais tenté de faire le premier pas. Franchement, il n’était même pas sûr de pouvoir se lier d’amitié avec le Morlock en temps normal – une fille que l’attendait à la maison le pousserait sans doute à ne pas trop chercher à se sociabiliser en cours et à se faire d’amis.

Akoja était plus que satisfaite par Zorian, par contre. Celui-ci ne pouvait pas vraiment comprendre pourquoi mais ainsi était-il.

Et puis ça arriva. Soudain, sans prévenir, une sensation de torsion étrange et tout devint noir. Zorian s’éveilla, Kirielle assise sur lui en ricanant.

Il y avait deux possibilités concrètes auxquelles Zoriant pu penser. La première… Quelque chose ou quelqu’un l’avait tué si rapidement qu’il en était mort avant même de réaliser. Il restait sceptique : il n’avait rien fait pour attirer les foudres d’un quelconque assassin et ne pouvait penser à aucune force capable de le tuer si rapidement et efficacement. Il n’avait même pas senti la moindre douleur avant de se réinitialiser.

La deuxième possibilité était plus terrifiante bien que plus probable. Tandis qu’il s’occupait de ses affaires et qu’il aiguisait ses capacités personnelles à Cyoria, Zach était quelque part dans le monde, sans doute en train de faire des trucs incroyablement dangereux. Zach était mort. Et quand il était mort, son âme avait été ramenée dans le passé, traînant celle de Zorian avec lui.

Ce qui voudrait dire qu’il était lié à l’âme de Zach.

Putain.

Raka
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9 thoughts on “MoL : Chapitre 11

  1. Merci beauoup pour ce chapitre.

    Par contre j ai une petite interrogation, c ‘est peut être moi qui ai lut trop vite sur les chapitres passé, mais a on eu l’explication sur ce qu’est un Morlock ?

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