MoL : Chapitre 12
MoL : chapitre 14

Chapitre 13 – À n’importe quel moment, désormais

 

Zorian ouvrit les yeux d’un seul coup, une douleur aiguë dans l’estomac. Son corps tout entier se convulsa en réaction à l’objet qui venait de lui tomber dessus ; ce fut ce qui l’éveilla brusquement, la moindre trace de somnolence parfaitement dissipée.

— Bonjour, mon frère ! Résonna une voix désespérément joyeuse quelque part au-dessus de lui. Bonjour, bonjour, bonjour !

Zorian grogna en poussant brutalement Kirielle. La cinquième fois ! C’était le cinquième retour inopiné, la cinquième boucle terminée après seulement quelques jours ! Combien de fois Zach devait-il crever avant de réaliser qu’il devait fuir pour un temps et recommencer plus tard ?! Honnêtement, Zorian aurait déjà revu son approche depuis un sacré bout de temps…

Il attrapa ses lunettes, posées sur sa table de chevet avant de piétiner son chemin vers la salle de bains avant que Kirielle ne reprenne ses esprits. Les boucles courtes et irrégulières ruinaient chacun des plans qu’il persistait à suivre, sans même dire qu’ils perturbaient sa concentration. Il ne pouvait vraiment rien entreprendre de substantiel tant que ça durait, mis à part parcourir la bibliothèque à la recherche de textes utiles en espérant que Zach n’allait pas continuer à mourir ainsi encore longtemps. Mais merde, quoi ! Qu’essayait-il de faire, de toute façon ?

Il n’aurait pas dû tant s’en préoccuper, cela dit. Après tout, combien de fois est-ce que ça allait encore pouvoir durer ? 10, 15 boucles ?

Ouais. Ouais, ça avait l’air plausible.

 

___

 

— Salut, cafard !

Zorian lui fit signe d’entrer sans dire un mot avant de refermer la porte lentement. Il pouvait sentir son impatience au travers de son allure mais n’y prêta aucune attention. Il prenait délibérément son temps pour tenter de décider ce qu’il devait faire.

Il prévoyait d’avoir une vraie discussion avec les supposées araignées télépathiques qui habitaient les égouts mais il aurait été lunatique d’y aller à ce moment. Il n’y avait aucune garantie de les voir se montrer aussi amicales qu’elles ne l’avaient été la fois précédente et leur magie mentale les rendait dangereuses même au sein d’une boucle temporelle. Il lui fallait un moyen de protéger son esprit avant de s’aventurer dans le monde souterrain de Cyoria et pour l’instant, il n’avait découvert qu’une barrière permettant de protéger l’esprit du lanceur dans les archives académiques. Malheureusement, ce sort particulier bloquait tout ce qui était en rapport avec l’esprit, les sorts de communication inclus. Il lui fallait quelque chose de plus sélectif que ça.

Cependant, juste parce il ne désirait pas descendre dans le donjon ne signifiait pas qu’il était ravi de laisser Taiven y mourir. Il n’était pas très sûr de la raison pour laquelle ça lui importait – pragmatiquement parlant, il n’aurait pas dû se montrer si concerné puisque tout serait réinitialisé quelques jours plus tard. Pourtant, ça l’ennuyait et puisqu’il était forcé d’avoir cette conversation tous les dix jours maximum ces derniers temps, il pouvait aussi tenter de trouver un moyen de la dissuader d’y aller.

Il ne s’imaginait pas une seule seconde que ça allait être facile. Taiven était probablement encore plus butée que Zach.

— Alors, Taiven, comme ça va dans ta vie ? commença-t-il.

— Eh, ça va, ça va, soupira-t-elle. J’essaye de m’assurer un apprentissage mais ce n’est pas facile. Tu sais comment ça marche. J’ai réussi à convaincre Nirthak de me prendre comme assistante dans sa classe, c’est déjà ça. Tu n’aurais pas pris le combat non-magique comme option, par hasard ?

— Nope, lâcha Zorian sur un ton joyeux.

— …m’en doutais, fit-elle en levant les yeux au ciel. Tu devrais vraiment, tu sais ? Les filles –

— …aime les types musclés, ouais, ouais, acquiesça Zorian sagement. Pourquoi es-tu là, Taiven ? tu m’as traqué jusqu’ici alors que personne ne sait où se trouve ma chambre. Je n’y suis que depuis hier. Je suppose que tu as utilisé un sort de divination ?

— Euh… Ouais, avoua Taiven. Plutôt facile, d’ailleurs.

— Ces chambres ne sont-elles pas supposées être à l’épreuve des sorts ? s’enquit Zorian.

— Je suis presque certaine que ce ne sont que des protections basiques contre les incendies et des zones de détection afin de prévenir le personnel des rixes ou des tentatives d’invocations de démons ou que sais-je, répondit Taiven en haussant les épaules. Bref. Je suis là pour te demander de me rejoindre, moi et deux autres, pour un job, demain.

Zoiran ne répondit pas et écouta patiemment ce qu’elle avait à raconter. C’était lundi, en réalité, et non le lendemain – la définition de Taiven de « demain » était largement différente de ce qui se faisait habituellement – mais à part ça, elle fut relativement honnête en expliquant la situation. Elle mentionna même la petite chance de rencontrer quelque chose de très vilain en bas mais insista sur le fait qu’elle et ses amis étaient capables d’affronter tout ce sur quoi ils tomberaient.

— N’importe quelle menace ? demanda Zorian sur un ton suspicieux. Tu sais, j’ai lu des textes sur des croisements d’araignées magiques et elles peuvent être bien plus puissantes que toi ou moi. Un simple Chasseur Gris aurait apparemment massacré un groupe entier de mages humains et ces bêtes ne sont pas plus grosse qu’un homme. Les araignées phasiques peuvent littéralement apparaître de n’importe où pour te sauter dessus, tout ça dans le but de te paralyser et de te traîner dans leur nid afin de se servir de ta chair encore vivante pour nourrir leur progéniture dans leur propre dimension privée. On ne retrouverait jamais trace de toi. Certaines espèces sont même sensibles et maîtrisent la magie mentale.

La dernière était une blague un peu poussée. L’écologie du donjon était un mystère gigantesque même pour les mages spécialisées dans le domaine. Les informations à propos des monstres qui y faisaient leur nid étaient très éparses et il était grosso modo impossible de trouver quoi que ce fut sur des araignées télépathiques dans les archives ou à la bibliothèque même s’il devait embaucher Ibery et Kirithishli pour ça.

Était-ce juste lui ou la bibliothèque se montrait-elle bien moins utile que ce qu’il s’imaginait au début ? Chaque fois, il essayait de trouver des informations et finissait déçu. Mais encore une fois, tout ce qui l’intéressait était très probablement sous scellé dans des zones auxquelles il n’avait pas accès.

— Oh, s’il te plait, renifla Taiven dédaigneusement. Ne sois pas si paranoïaque. Comme si quelque chose comme ça pouvait vivre juste sous nos pieds. Nous n’allons pas non plus nous aventurer dans les profondeurs du donjon, tu sais.

— Je ne pense pas que tu devrais y aller, tout court, insista Zorian. J’ai un sacrément mauvais pressentiment pour ce coup.

Taiven leva les yeux aux ciel, un soupçon d’ennui dans la voix.

— Marrant. Je ne savais pas que tu étais superstitieux.

— Les temps changent les gens, clama Zorian sur un ton solennel en riant intérieurement à sa propre blague avant de fixer un air grave sur son visage. Mais je suis sérieux. J’ai un putain de mauvais pressentiment. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de te faire tuer pour ça ?

Apparemment, c’était une mauvaise approche : Taiven s’embrasa immédiatement. Zorian jugea qu’elle devait avoir perçu son commentaire comme une insulte à son talent en tant que mage. Avant qu’il ne puisse s’excuser et reformuler son argument, elle lui gueulait déjà dessus.

— Je ne vais pas mourir ! hurla-t-elle sur le ton le plus irrité qui soit. Nom de dieu, tu parles comme mon père ! Je ne suis pas une petite fille et je n’ai pas besoin qu’on me protège ! Tu ne veux pas venir ? Parfait !! Tu aurais dû le dire tout de suite au lieu de me faire une putain de morale !!

Tout en finissant de cracher une fumée noire métaphorique, elle quitta les lieux d’un pas qui aurait tout aussi bien pu défoncer le plancher, en marmonnant tout bas des choses au sujet de gamins arrogants et de temps perdu.

Zorian grimaça en voyant la porte claquer derrière elle. Il n’était pas sûr de la raison qui l’avait poussée à réagir ainsi, si durement, à ses mots mais apparemment, mettre le doigt sur le danger du job n’était pas le moyen le plus efficace de l’empêcher d’y aller.

Bah… Il ne s’attendait pas à réussir du premier coup, de toute façon.

 

___

 

— Salut, cafard !

— C’est une bonne chose que tu sois venue, Taiven, la coupa Zorian, l’expression grave. Entre, nous avons des choses à discuter.

Taiven leva un sourcil face à ce comportement improbable avant de hausser les épaules et d’entrer. Zorian tenta de projeter une présence sinistre et porteuse de mauvais augure mais elle sembla s’en amuser encore plus.

— Alors… J’en déduis que tu voulais me voir ? demanda-t-elle. Tu as de la chance que je sois passée, dans ce cas, n’est-ce pas ?

— Pas vraiment, lâcha Zorian. Je savais que tu viendrais aujourd’hui, tout comme je sais que tu es là pour me demander de venir avec toi, Grogneur et Grommeleur dans les égouts.

— Ce n’est pas un – quoi ? Taiven s’interrompit avant d’avoir pu aborder la raison de sa présence.

— Dans les égouts, répéta Zorian. Pour retrouver une montre perdue gardée par de très dangereuses araignées, dans les étages supérieurs du donjon, sous la ville.

— Qui t’a raconté ça ? commença Taivan après plusieurs secondes d’une pause perplexe. Comment est-il possible que tu saches ? Je n’ai dit à personne où j’allais ni ce que je comptais te demander.

— Personne ne me l’a dit, expliqua Zorian. J’ai eu une vision concernant notre rencontre… et ce qui va se passer si tu descends dans les égouts.

Bon, d’un côté, c’était vrai… Il l’avait vu

— Une vision ? commenta Taiven, l’air parfaitement incrédule.

Zorian acquiesça d’un air sombre.

— Je ne te l’ai jamais dit auparavant mais je possède des pouvoirs prophétiques. Je reçois des visions du futur de temps à autre et j’y aperçois des fragments d’évènements importants à venir qui m’affectent personnellement.

Ce n’était pas totalement improbable : des gens comme ça existaient de par le monde, bien que leurs pouvoirs fussent plus limités que ce que Zorian avait à disposition grâce à la boucle temporelle. D’après ce qu’il en comprenait, leurs visions étaient plus un schéma général d’évènements à venir qu’un enregistrement détaillé du futur. L’avenir était en constant changement, incertain et tenter d’en avoir une image claire était aussi difficile que de se saisir du sable qui coulait au milieu d’un sablier – plus vous essayiez, plus il vous glissait entre les doigts.

Malheureusement, même si cette histoire de visions n’était pas impossible, Taiven ne l’acheta pas.

— Oh, vraiment ? lui demanda-t-elle sur un ton provocateur en croisant les bras devant elle. Et que t’a appris cette vision à propos du job ?

— Que tu vas mourir, lâcha Zorian sans tact. Et moi aussi si je devais choisir de t’accompagner. S’il te plaît, Taiven, je sais que ça a l’air ridicule mais je suis sérieux. Les visions ne sont pas souvent aussi claires que celle-ci ne l’était. Je ne descendrai pas et tu ne devrais pas, toi non plus.

Les secondes s’égrenèrent en silence et Zorian commençait à se dire qu’il avait réussi à lui faire entendre raison… peut-être ? Cette impression fut détruite quand elle se mit à rire aux éclats.

— Oh, cafard ! Tu as failli m’avoir, là ! haleta-t-elle entre deux quintes de rire. Des visions du futur… Cafard, tu sais faire des blagues ! Tu sais, ce sens de l’humour personnel me manquait ! Souviens… Souviens-toi, cette fois où tu m’as demandé de devenir ta petite amie !

Comment Zorian fit pour s’empêcher de réagir physiquement à ça devrait rester un mystère à tout jamais. Elle était obligée de parler de ça, hein ? Elle était juste obligée. Il repoussa au loin, de force, les souvenirs de ce détestable moment, déterminé à ne pas continuer dans cette voie.

— Ouais, dit-il d’une voix masquant tout émotion. Quel rigolo je suis.

Pourquoi essayait-il de la sauver, encore ?

— Alors… reprit-elle en parvenant à maîtriser son rire. Comment savais-tu que j’allais venir ?

 

___

 

— Salut, caf – commença Taiven pour s’arrêter en voyant l’expression vide et absente de Zorian. Ouah, cafard ! Merde, qu’est-ce qui t’arrive ?!

Zorian continua à fixer quelque chose d’absent quelque part au loin avant de finalement secouer la tête comme pour s’éclaircir les idées.

— Désolé, lâcha-t-il d’une voix tremblante en lui faisant signe d’entrer. Je viens de m’éveiller d’un cauchemar trop réaliste. Je crois que je n’ai pas très bien dormi.

— Oh ? fit Taiven en s’effondrant sur le lit comme à son habitude. Et il parlait de quoi ?

Zorian la regarda longuement, d’un air concerné.

— En fait… de toi.

Taiven cessa de gesticuler nonchalamment et lui offrit un regard choqué.

— Moi ?! Bordel, je fous quoi dans tes cauchemars ? Une belle fille comme moi est censée automatiquement transformer ça en joli rêve ! Maintenant, il faut que je sache de quoi il s’agit.

— Je marchais dans les égouts en ta compagnie… et avec deux autres types que je ne connais pas. Tu les appelais… Gro… Ah, j’ai oublié, commença Zorian sur un ton spectral. D’un coup, nous nous sommes fait assaillir par un essaim d’araignées géantes. Il… Il y en avait tellement… Elles nous ont submergés et… et ont commencé à mordre et…

Il prit une série de profondes inspirations, prétendant être au bord de l’hyperventilation avant de finalement faire mine de se calmer.

— Je suis désolé. C’est juste… c’était si réel, tu sais ? chuchota-t-il pour donner à Taiven le regard le plus vide qu’il pouvait lui offrir.

Après quelques instants, il baissa les yeux sur ses mains tremblantes et serra les poings dans un geste des plus visibles.

— Désolé, c’était si réel… Trop… La sensation de ces crocs me lacérant la chair, déversant un poison si doulou… douloureux. Il me courait dans les veines comme un feu inextinguible ! Et elles ne nous ont même pas tués, tu saisis ?! Elles nous ont laissé souffrir, nous ont emballé dans des cocons de soie et nous ont traînés jusqu’à leur nid pour nous dévorer plus tard ! Une horrible vision, un cauchemar si réel… Je ne regarderai plus jamais une araignée avec le même œil.

Taiven se contorsionna légèrement à l’endroit où elle était assise, montrant une nervosité croissante et un sentiment très inconfortable qu’elle ne parvenait pas à gérer.

— Mais c’était juste un cauchemar, continua Zorian avec un sourire forcé. Mais toi, que me vaut ta visite ? Tu voulais me parler de quelque chose ?

— N-Non ! cracha Taiven avant de rire nerveusement. Je… J’ai juste décidé de m’arrêter pour voir comment allait l’un de mes vieux amis, c’est tout ! Comment vas-tu en ce moment ? Enfin, à part ce… truc… cauchemardesque…

Elle trouva rapidement une excuse pour filer en moins de quelques minutes. Zorian découvrit plus tard qu’elle était descendue dans les égouts malgré tout et qu’elle n’en était jamais revenue.

 

___

 

— Des araignées ? demanda Zorian en faisant de son mieux pour paraître le plus calme possible. Taiven, tu n’écoutes pas les rumeurs de temps à autre ?

— Hmm… J’ai été plutôt occupée récemment, gloussa-t-elle d’un air étrange. Pourquoi ? Que disent les rumeurs ?

— Qu’il existe dans les égouts de la ville des araignées capables d’utiliser la magie mentale, affirma Zorian. On dit que la ville tente de les en déloger mais les créatures parviennent à s’enfuir à chaque fois. Ils ont tenté d’empêcher l’information de se répandre, parce que ça les aurait montrés tels qu’ils sont : incompétents.

— Ouah, c’est une bonne chose que je sois venue te parler, alors, lâcha Taiven. Je n’aurais jamais imaginé devoir préparer un sort de barrière mentale avant de descendre.

— Tu comptes y aller quand même ?! demanda Zorian, choqué. Mais qu’est-ce qui te fait croire que cette barrière mentale va suffire ?

— La magie mentale est une chose subtile, expliqua Taiven. Elle utilise de petites quantités de mana de manière sophistiquée, ce qui la rend simple à contrer avec la force brute. Aussi longtemps que tu sais par avance que tu vas faire face à un mage de l’esprit, tu peux t’immuniser de façon efficace. Fais-moi confiance, maintenant que je sais à quoi m’attendre de ces rampants, je ne tomberai pas dans le panneau.

Zorian ouvrit la bouche et voulu protester mais reconsidéra la situation. Est-ce que Taiven avait raison ? Peut-être qu’il était celui qui voyait les choses d’une mauvaise perspective. Il essayait de pousser Taiven à survivre, ce qui ne nécessitait pas forcément de l’empêcher de se rendre dans les égouts.

— Je suppose, concéda-t-i finalement. Mais je ne viens pas avec toi.

— Oh, allez ! protesta-t-elle. Je peux garantir ta sécurité !

— Nope, trancha Zorian. Ça n’arrivera pas. Trouve quelqu’un d’autre.

— Et si –

— Pas de discussion, l’interrompit Zorian. Tu n’arriveras pas à me convaincre, quoi que tu dises. Par contre, raconte-moi comment tout ça se sera passé, après coup. Je veux savoir si tu as survécu.

Elle lui rendit visite quelques jours plus tard, lui annonçant que la descente dans les égouts avait été un échec et que la montre n’avait jamais été retrouvée. Et rien ne les avait attaqués.

Huh. Peut-être que Benisek avait mis le doigt sur quelque chose quand il parlait avec haute estime du pouvoir des rumeurs.

 

___

 

Zorian ouvrit les yeux d’un seul coup, une douleur aiguë dans l’estomac. Son corps tout entier se convulsa en réaction à l’objet qui venait de lui tomber dessus ; ce fut ce qui l’éveilla brusquement, la moindre trace de somnolence parfaitement dissipée.

— Bonjour, mon frère ! Résonna une voix désespérément joyeuse quelque part au-dessus de lui. Bonjour, bonjour, bonjour !

— Bonjour, Kiri ! jappa Zorian en retour, phagocytant une Kirielle choquée en un câlin fraternel. Oh, quel merveilleux, merveilleuse journée ! Merci de m’avoir réveillé, Kiri, j’apprécie vraiment ! Je ne sais pas ce que je ferais sans ma fantastique petite sœur.

Kiri se tortilla d’une manière malaisée dans son étreinte, peu habituée à une telle réponse de la part de son frère en un tel moment et incapable de réagir.

— Qui es-tu et qu’as-tu fait de mon frère ? demanda-t-elle finalement ?

Zorian se contenta de la serrer juste un peu plus fort.

 

___

 

— Je peux faire quelque chose pour toi, fiston ? demanda Kyron. Le cours est terminé, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué.

— Oui, j’ai remarqué, confirma Zorian. Je voulais simplement votre avis et un conseil à un propos particulier, si vous avez le temps.

Kyron, impatient, lui fit signe d’en venir au fait.

— Je me demandais si vous connaissiez un moyen de contrer la magie mentale, dit Zorian.

— Eh bien, il y a ton sort basique de bouclier spirituel, expliqua Kyron prudemment. La plupart des mages sont d’accord sur le fait que c’est tout ce dont on a besoin en matière de protection contre ma magie mentale.

— Oui mais ce sort est quelque peu… brut, tenta Zorian. Je cherche quelque chose de plus flexible.

— Brut, oui, confirma Kyron, d’un seul coup bien plus intéressé par la conversation. Souvent inutile, même. Un simple désenchantement est suffisant pour peler la protection de la cible et un mage mental confirmé s’assurera de coincer ton esprit avant que tu ne réalises que tu as été ciblé.

— Alors pourquoi la plupart des mages estiment-ils que c’est suffisant ? s’étonna Zorian.

— Tu sais pourquoi la plupart des sorts liés à l’esprit sont interdits ou restreints ? demanda Kyron.

Une question rhétorique, apparemment parce qu’il se lança immédiatement dans l’explication adéquate.

— C’est parce que ce type de magie est communément utilisé pour cibler des civils ou d’autres victimes sans défense. La plupart des mages mentaux – ou mages spirituels, comme tu veux les appeler, sont des criminels sournois qui utilisent leurs pouvoirs sur ceux à la volonté faible et ne peuvent être appelés maîtres en quoi que ce soit. Il est rare pour des mages de rencontrer des mages mentaux qui savent comment utiliser leurs sorts à la perfection. Pourtant, même un mage mental avec un minimum de talent peut facilement ruiner ta vie, sans même parler des créatures magiques possédant des pouvoirs mentaux. Il y a des méthodes pour gérer ce genre de magie sans avoir recours aux protections mais la plupart trouvent plus facile de s’entraîner à améliorer leur bouclier mental jusqu’au point où il devient un réflexe total et qu’ils puissent le lancer sans même y penser. Ou se contentent de porter un objet gravé d’une formule à tout moment.

— Quelles sont ces méthodes alternatives ? osa demander Zorian après qu’il eut réalisé que Kyron n’en dirait pas plus.

Ce dernier lui accorda un sourire pervers.

— Je suis content que tu demandes, fiston. Tu vois, il n’y a pas si longtemps, le cours de magie de combat possédait un programme bien plus complet et en faisait partie ce qu’on appelle l’entraînement résistif. Pour faire simple, l’instructeur lançait plusieurs sorts affectant l’esprit et les étudiants devaient en combattre les effets. Cela permettait de façon efficace de rendre les élèves résistants de façon naturelle aux sorts induisant sommeil, paralysie ou domination. Malheureusement, il y avait aussi bon nombre de plaintes de la part d’élèves qui réagissaient particulièrement mal et après un certain nombre de scandales impliquant ces exercices comme moyen de punir les étudiants en dehors des règles, leur usage a été abandonné. Une réaction exagérée à mon avis, mais on ne me l’a pas demandé.

Zorian resta silencieux pendant un moment pour tenter de digérer l’information. Était-ce vraiment le meilleur moyen de faire face à la magie mentale ? Il comprenait l’idée derrière la pratique – elle était identique aux exercices de mise en forme et ceux de magie réflexe et cherchait à graver les procédures dans l’esprit de façon profonde. C’était juste… tellement stupide. Et douloureux, probablement.

Ce fut à ce moment qu’il remarqua que Kyron le regardait comme un prédateur.

— Qu’est-ce que t’en dis, fiston ? proposa-t-il. Tu penses que tu as ce qu’il faut pour y arriver ? J’attendais de faire renaître cette pratique depuis longtemps maintenant, pour être honnête. Je te promets que je vais y aller doucement.

Il avait menti.

Le tout premier sort qu’il lança sur Zorian fut la sinistre Vision Cauchemardesque. Quoi que les araignées avaient à dire, ça avait intérêt à sacrément valoir le coup.

 

___

 

Zorian ouvrit les yeux d’un seul coup, une douleur aiguë dans l’estomac. Son corps tout entier se convulsa en réaction à l’objet qui venait de lui tomber dessus ; ce fut ce qui l’éveilla brusquement, la moindre trace de somnolence parfaitement dissipée.

— Bonjour, mon frère ! Résonna une voix désespérément joyeuse quelque part au-dessus de lui. Bonjour, bonjour, bonjour !

Zorian prit une profonde inspiration et se concentra sur l’image de ce qu’il désirait faire naître jusqu’à ce que ce fut si réel qu’il pouvait presque le sentir. Des courant de mana fluctuants surgirent de ses mains, invisibles à l’œil nu mais pas pour lui. Un mage pouvait toujours sentir son propre mana, spécialement lorsqu’il était en train de le mettre en forme. En à peine plus d’une seconde, tout était prêt et il lâcha le tout sur la petite peste qui se pavanait sur son ventre.

Rien ne se produisit.

Zorian ouvrit les yeux et laissa échapper un long sifflement de frustration. Ce n’était pas un sort structuré qu’il cherchait à lancer mais de la magie purement non-structurée – pour être précis, il avait tenté d’utiliser le sort de lévitation pour dégager Kirielle. Il savait bien qu’un tel essai serait bien plus difficile à accomplir sur un simple crayon, mais rien ?

— Ça chatouille ! se mit à rire Kirielle. Tu essayais de faire quelque chose ?

Zorian plissa les yeux. Ok. Ça. Ça, c’était un challenge.

 

___

 

— Que puis-je faire pour vous, monsieur Kazinski ? demanda Ilsa. Normalement, je suggèrerais que vous êtes là pour vous plaindre de Xvim mais vous n’avez pas encore eu une seule session en sa compagnie.

Zorian sourit de toutes ses dents. C’était le moment le plus plaisant durant cette série de très courtes boucles – elles duraient toujours moins d’une semaine et il n’avait pas à traiter avec Xvim.

— En fait, je suis ici pour vous demander conseil au sujet d’un projet personnel, dit Zorian. Connaissez-vous une méthode d’entraînement pouvant me permettre de soulever une personne par télékinésie sans lancer de sort structuré ?

Ilsa cligna des yeux, surprise.

— Comme dans utiliser le mana pur ? Pourquoi voudriez-vous seulement faire ça ?

— Disons que je suis arrivé à court d’exercice de mise en forme du mana après avoir maîtrisé les 15 variations du livre « Bases Étendues », se vanta Zorian. Je me disais que c’était un projet intéressant.

— Tous les 15 ? répéta Ilsa, incrédule.

Au lieu de répondre, Zorian décida de lui faire une démonstration. Il ramassa un livre particulièrement épais sur le bureau de la professeure et le fit tournoyer au-dessus de sa paume. Faire pivoter un livre aussi lourd était bien plus compliqué que faire de même avec un crayon – en plus d’être lourd, il avait tendance à s’ouvrir à la moindre occasion à moins que le mage ne le force à rester fermé pendant la lévitation. Ce petit truc lui avait été appris par Ibery – elle prétendait qu’être capable de faire ça était nécessaire pour certains sorts qu’elle prévoyait de lui apprendre. Malheureusement, il fallait plusieurs semaines à Ibery pour se décider à lui enseigner quoi que ce fut sérieusement et il n’avait pas ça dans cette série de boucles courtes.

Il fit ensuite briller le livre d’un rouge sinistre. Utiliser le mana non structuré pour faire pivoter un livre en le gardant fermé et le faire briller d’une lumière colorée était déjà impressionnant pour un troisième année et devait être une preuve solide de ses compétences.

Ilsa prit une profonde inspiration et s’enfonça un peu plus contre son dossier, clairement fascinée.

— Eh bien… lâcha-t-elle dans un souffle. Votre talent de mise en forme est certainement exceptionnel. Pourtant, faire léviter une personne sans avoir recours à un sort est… une chose qu’on ne trouve pas dans les manuels. Personne ne le fait, pour autant que je le sache. S’ils ont besoin de faire léviter quelqu’un, les mages se contentent de transporter un objet gravé d’une formule. Un anneau, généralement. Je vous recommande de vous concentrer sur quelque chose d’autre si vous voulez encore aiguiser vos talents dans la mise en forme du mana. Le nombre d’exercice existants est virtuellement infini et la bibliothèque de l’académie en a toute une collection. Les exercices appelés Fracture de la pierre et Recherche du nord sont extrêmement utiles, par exemple, mais ils ne sont pas enseignés à cause de contraintes de temps.

— Fracture de la pierre et recherche du nord ?

— La fracture de la pierre demande de placer un caillou sur ta paume avant de le désintégrer pour qu’il ne devienne plus que poussière. C’est un résultat idéal, bien sûr, et la plupart des gens se contentent de le réduire en grains, comme le sable. C’est un exercice utile pour ceux qui ont l’intention de se concentrer avec insistance sur la magie d’altération : la première étape lorsqu’on reconstruit la matière est presque toujours la destruction de l’état existant. La recherche du nord sert aux pratiquants de la magie de divination et implique l’utilisation d’une boussole factice pour localiser le nord magnétique. Ceux dont le talent est suffisant n’ont même pas besoin de boussole. Ils sentent où se trouve le nord à tout moment.

— Ils ont l’air utiles, confirma Zorian. Je vais définitivement les apprendre. Mais êtes-vous certaine de ne pas pouvoir m’aider pour mon problème de lévitation ?

— Vous n’êtes toujours pas décidé à abandonner cette facétie ? lui demanda Ilsa en le regardant d’un air ennuyé. Pourquoi tant d’élèves doués sont-ils enclins à perdre leur temps pour des blagues inutiles… ?

Zorian était sur le point d’objecter mais réalisa qu’elle avait raison. Il tentait essentiellement d’embêter Kirielle. Ilsa tendit la main et attrapa son livre qui flottait toujours dans les airs, provoquant le retour de Zorian sur terre. Il cligna des yeux en sursautant légèrement et réalisa qu’il avait gardé le contrôle sur le livre pendant leur échange tout entier. Il avait cessé de tourner et de briller mais apparemment, faire léviter un objet était devenu si instinctif pour Zorian qu’il ne s’était même pas rendu compte qu’il le faisait toujours. Huh.

Ilsa le sortit de sa réflexion en balançant le livre sur le bureau, qu’il percuta dans un bruit assourdissant. Elle sourit légèrement face à sa réaction et lui fit signe de prêter attention.

— Comme je l’ai dit, il n’existe pas de manuel pour ça, répéta-t-elle. Et je n’ai jamais tenté quelque chose d’aussi stupide. Alors gardez à l’esprit que tout ce que je vais dire n’est que pure spéculation de ma part, ok ?

Ce à quoi Zorian répondit par un hochement de tête exagéré.

— La première chose que je ferais à votre place serait de cesser de m’en remettre à mes mains pour faire léviter les objets, reprit Ilsa. Concentrer le mana à travers vos mains est naturellement bien plus facile, oui, mais seulement pour une certaine catégorie de tâches. De façon très réaliste, faire léviter un objet au-dessus de votre paume n’est pas une vraie magie non structurée. La paume offre un point de référence qui est déjà une base de la structure, permettant de limiter et guider le mana. Si vous maîtrisez la totalité du livre, vous devez être familier avec la position fixe ?

Zorian sortit un crayon d’une petite boîte pleine sur sa droite et le fit flotter au-dessus de sa paume. Après une seconde, il bougea sa main de gauche à droite et le crayon resta en place, lévitant à l’endroit exact où il avait commencé à le faire, refusant obstinément de suivre la main qui bougeait.

— Une démonstration sans faille, félicita Ilsa. Mais laissez-moi vous poser cette question : ne vous apparaît-il pas que la lévitation en position fixe atteint son but d’une manière compliquée et qui tourne en rond ? Pourquoi avoir besoin d’un exercice avancé pour atteindre un but qu’un sort de lévitation peut faire facilement ?

Avant qu’il ne put répondre, elle tendit les mains et lui retourna la main, paume vers le bas. Le crayon chuta instantanément.

— Parce qu’utiliser votre main comme point de référence limite ce que vous pouvez faire avec la mise en forme de votre mana, continua Ilsa en reculant. Même si le crayon a l’air indépendant de votre main, c’est une illusion. Une plutôt déconcertante, d’ailleurs. Pourquoi s’en encombrer ? Vous placez un limiteur sur le flot de mana – le rendant dépendant de la position de votre paume dès le départ – et tentait ensuite de pervertir cette limitation pour la contourner, dans une moindre mesure uniquement.

Le livre qu’Ilsa avait jeté sur la table pour attirer son attention prit son envol d’un seul coup. Elle n’avait pas esquissé le moindre mouvement mais ils n’étaient que deux et Zorian n’était pas responsable. C’était elle. Zorian le savait.

Et pas parce qu’elle lui souriait de long en large.

— Vous voyez ? Sans les mains, confirma-t-elle. Bien sûr, c’est la limite de ce que je peux faire sans m’aider d’une gestuelle. C’est un talent difficile à appréhender mais vous n’en aurez probablement pas besoin dans sa forme la plus pure si c’est uniquement pour votre « projet ». Vous devez uniquement réduire la dépendance de votre mana avec votre main, le rendre plus flexible. Retourner votre main n’aurait pas dû briser la mise en forme.

— Vous m’avez surpris, renifla Zorian d’un air indigné. Je ne perds pas le contrôle de mon mana si facilement, en temps normal.

 

— Je maintiens ce que j’ai dit, continua de sourire naturellement Ilsa. Vous êtes très impressionnant pour un étudiant – ou même pour un mage classique – mais vous avez encore un long chemin à parcourir si vous voulez rejoindre les rangs des meilleurs. Mais peu importe, si et quand vous réaliserez des progrès à ce niveau, vous devriez tenter de faire léviter des petits êtres vivants plutôt qu’un humain. Bien plus petits. Les insectes pour commencer, puis progressez avec quelque chose de plus gros et ainsi de suite. L’un dans l’autre, je pense que vous devriez maîtriser ça assez rapidement. Disons, en 4 ans.

Si elle pensait qu’il allait se laisser décourager par ça, elle se fourrait le doigt dans l’œil jusqu’au genou. Non seulement doutait-il de la précision de sa prévision mais il n’avait en plus rien de mieux à travailler.

— Je suppose que je ferais mieux de m’y mettre, dans ce cas, lâcha-t-il pour toute réponse.

 

___

 

Zorian ouvrit les yeux d’un seul coup, une douleur aiguë dans l’estomac. Son corps tout entier se convulsa en réaction à l’objet qui venait de lui tomber dessus ; ce fut ce qui l’éveilla brusquement, la moindre trace de somnolence parfaitement dissipée.

— Bonjour, mon frère ! Résonna une voix désespérément joyeuse quelque part au-dessus de lui. Bonjour, bonjour, bonjour !

Zorian fixa le plafond au-dessus de sa tête d’un air absent, perdu. Cette prédiction qu’elle avait faite ? Il avait perdu le compte. Combien de boucles s’étaient succédées depuis ce moment ? Bien plus de 15. Et rien n’avait changé depuis – rares étaient les boucles qui duraient plus de 3 jours et aucun d’eux ne dépassait 5. Quoi que Zach fut en train de faire, c’était mortellement difficile et il avait l’air d’être bien trop obstiné pour abandonner.

— Zorian ? Tu vas bien ? Allez, je ne t’ai pas fait si mal. Debout. Debout !

Zorian ignora Kirielle, occupée à lui pincer le flanc avec une vigueur nouvelle et se contentait de regarder le plafond avec autant de placidité qu’un mort. La douleur était négligeable comparée à une paire de sorts particulièrement pervers que Kyron lui lançait à chaque fois. Heureusement, jamais plus d’une fois par boucle. Kirielle lui mit une claque, puis une autre et quelques autres ensuite avant de faire mine de se préparer à le frapper ; un direct dans le nez. Comme il ne réagit pas à ça, elle arrêta son poing juste avant l’impact.

— Hmmm… Zorian ? tenta-t-elle, un peu plus inquiète. Sérieusement, tu vas bien ?

Lentement, mécaniquement, Zorian tourna la tête pour croiser le regard de sa sœur, l’expression toujours aussi vide que possible. Après quelques secondes d’une observation silencieuse, il ouvrit lentement la bouche… et lui hurla dessus d’un seul coup. Elle bondit en arrière, sursautant face à cet éclat soudain et laissa échapper un cri de fillette dont elle avait le secret, sa retraite chaotique la faisant tomber du lit.

Zorian la regarda devenir rouge de colère et il ne parvint plus à se retenir. Il se mit à rire.

Et il continua à rire sous la pluie de coups que les petits poings de sa sœur faisaient pleuvoir sur lui.

 

___

 

Zorian ouvrit les yeux d’un seul coup, une douleur aiguë dans l’estomac. Son corps tout entier se convulsa en réaction à l’objet qui venait de lui tomber dessus ; ce fut ce qui l’éveilla brusquement, la moindre trace de somnolence parfaitement dissipée.

— Bonj –

En poussant un cri inarticulé, Zorian attrapa Kirielle par les chevilles, la retourna sur le ventre et se mit à la chatouiller. Ses hurlements d’indignation mêlés de rires se réverbérèrent au travers de toute la maison jusqu’à ce que leur mère arrive et le fasse arrêter.

 

___

 

— Bonjour, mon frère ! Résonna une voix désespérément joyeuse quelque part au-dessus de lui. Bonjour, bonjour, bonjour !

Un silence s’ensuivit, uniquement brisé par les froissements de la couverture sur laquelle Kirielle gesticulait impatiemment.

— Kiri, dit-il finalement. Je crois que je commence à te détester.

Il exagérait, bien sûr. Mais bon dieu, qu’est-ce que ça devenait ennuyeux, à force ! De façon amusante, Kirielle sembla plutôt inquiète de cette proclamation.

— Je suis désolée ! s’empressa-t-elle de geindre en se tortillant hors du lit, j’étais juste –

— Ouah, ouah, ouah, l’interrompit Zorian en la fixant d’un regard moqueur. Ma petite sœur qui s’excuse ? Ça ne peut pas arriver. Qui es-tu et qu’as-tu fait de Kirielle ?

Elle eut l’air perplexe pendant un instant mais son expression se changea rapidement en quelque chose de tempétueux lorsqu’elle réalisa ce qu’il voulait dire.

— Enflure ! renifla-t-elle, tapant puérilement du pied au sol pour bien appuyer ce qu’elle disait. Moi aussi, je m’excuse ! Quand j’ai tort !

— Quand tu es acculée dans un coin, corrigea Zorian. Tu dois vraiment vouloir que je te rende un sacré service pour être si désespérée de rester dans mes bonnes grâces. Il se passe quoi ?

Et il voulait vraiment le savoir. Elle n’avait jamais donné la moindre indication impliquant qu’elle voulait quelque chose de sa part durant toutes ces boucles et ce devait pourtant être très important pour elle si elle était capable de s’excuser ainsi. Ça n’avait pas vraiment de sens, Kirielle n’était pas une fille timide et n’avait jamais eu aucun problème à demander ce qu’elle désirait dans le passé. Pendant un instant, il fut tenté d’en conclure qu’il avait mal interprété la situation mais Kirielle détourna le regard et se mit à marmonner tout bas.

— Qu’est-ce que tu as dit ? demanda Zorian.

— Maman veut te parler, lâcha-t-elle en évitant toujours son regard.

— Ouais, ben, elle peut attendre, répondit-il. Je ne vais nulle part tant que tu ne me dis pas ce qu’il y a.

Elle fit la moue pendant quelques secondes avant de prendre une profonde inspiration.

— S’il te plaît, emmène-moi avec toi à Cyoria ! lâcha-t-elle en un souffle en collant ses mains dans une supplique désespérée. J’ai toujours voulu y aller et… et je ne veux pas aller à Koth avec elle et…

Zorian ne lui répondit pas, choqué par la révélation. Comment avait-il pu être si aveugle ? Il savait qu’il y avait quelque chose d’étrange dans la facilité qu’il avait à convaincre sa mère mais il ne s’était jamais posé de question quant à un résultat favorable et l’avait largement ignoré. Bien sûr que c’était facile… Elle ne voulait pas non plus ! C’était Kirielle qui voulait y aller ! Leur mère ne montait qu’une façade pour pouvoir dire à Kirielle qu’elle avait tenté et échoué ! Pas étonnant que Kirielle semblait toujours si déprimée lorsqu’ils se rendaient à la gare.

— Zorian ? S… S’il te plaît ?

Il secoua la tête pour s’éclaircir les idées et lui adressa un sourire chaleureux. Kirielle le regardait avait autant d’espoir dans les yeux qu’on pouvait en avoir et comment pouvait-il dire non face à ça ? Et puis, ruiner les plans de sa mère était un bonus bienvenu.

— Bien sûr que je t’emmène avec moi, répondit-il.

— Vraiment ?!

— Tant que tu te comport –

— Oui ! Oui ! Oui !! aboya Kirielle avec joie, sautant avec excitation en travers de la chambre.

Il ne parvenait toujours pas à comprendre l’énergie sans limite dont elle débordait. Lui n’avait jamais été aussi exubérant, même gamin.

— Je savais que tu dirais oui ! Maman a dit que tu refuserais !

Zorian détourna le regard, un peu embarrassé.

— Bien, conclut-il platement. Tu vois, elle ne sait pas tout. Je suppose que tu as sa permission pour tout ça ?

— Ouais, confirma Kirielle. Elle a dit qu’il n’y avait pas de problème tant que tu étais d’accord.

Oh, cette femme diabolique… Faire en sorte de refuser en faisant porter le chapeau à Zorian. À bien y regarder, le plan était presque magnifiquement exécuté – elle lui avait même offert un sermon afin de lui saper le moral avant d’aborder la question.

Avec un soupir, il enfila ses lunettes et sortit du lit.

— Je vais à la salle de bains.

Une seconde plus tard, son cerveau prit conscience de ce qu’il venait de dire et se figea. Jetant un coup d’œil prudent vers Kirielle, il fut surpris de voir qu’elle ne tentait pas de galoper à destination mais se contentait de le regarder d’un air confus.

— Quoi ? demanda-t-elle.

— Rien, répondit Zorian avant de sortir calmement de la chambre. Il comprit que la seule raison pour laquelle elle faisait ça habituellement était pour le forcer à confronter leur mère au plus vite. Un coup foireux qui l’ennuyait encore plus mais une gamine comme elle ne pouvait probablement pas réfléchir les choses jusque-là.

En tout cas, cette boucle allait être sacrément intéressante.

Raka
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8 thoughts on “MoL : Chapitre 13 !

  1. Whoah!!!!! La quête de la petite soeur est la plus surprenante de toutes les quêtes découvertes jusque là….

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