SSN Chapitre 179
SSN Chapitre 181

Chapitre 180 : Défense 4/4

 

La marche de l’armée démoniaque résonnait dans toute la vallée. On y comptait des minotaures, des éléphants de guerre et des monstres s’apparentant à des rhinocéros. L’un d’eux, particulièrement imposant, était doté d’une selle abritant une plate-forme toute de bois, sur laquelle se tenait un homme d’une beauté exceptionnelle. Celui-ci, l’air paisible, jouait avec les mouvements de la structure comme s’il dansait sur les vagues, laissant ses longs cheveux noirs dessiner un tourbillon hypnotique. Son nom était Unon, le maître de la trente-sixième marche.

Il interrompit soudain sa transe en remarquant au sein du ciel bleuté une silhouette s’avancer vers lui. Ses longues ailes noires et sa gueule en pointe ne laissaient aucun doute : il s’agissait de la Reine harpie, Shirao.

« Que faites-vous ici, Shirao ? » lui lança-t-il après qu’elle se soit posée.

« Le moment est mal choisi pour buller, Unon. Ces rats tentent encore de nous barrer la route. » répondit-elle d’une voix stridente.

« Qu’est-ce que ça peut nous faire ? Ils essaient juste de nous ralentir, mais leur fin est inéluctable. »

« L’Immortel se rapproche à chaque minute qui passe ! »

D’un geste lent, Unon passa une main sur une planche de bois avant de la porter à ses narines. L’odeur du bois frais définitivement sa préférée.

« Nous aurons à le combattre, tôt ou tard. » fit-il observer à la harpie.

« Je crains qu’il ne retourne sur Terre avant ça. » expliqua-t-elle.

« Il en est incapable. S’il avait eu les clés d’Alphène, il serait d’ores et déjà là. »

Même sans la possibilité de se téléporter, si l’Immortel avait déjà récupéré l’intégralité de l’ensemble d’équipements de Gehen, tous ses assaillants seraient déjà morts, car telle était leur puissance. Le simple fait qu’il tarde à arriver constituait une preuve de son incapacité à les stopper.

« Malgré tout, Unon… N’êtes-vous pas inquiet ? »

« Si, bien sûr. Croyez-moi, si j’avais su qu’il était terrien, j’aurais organisé cette campagne bien plus tôt. » confia-t-il l’air grave.

De nombreux nécromanciens dédiaient leur vie à trouver l’armure de Gehen, et tous les seigneurs dimensionnels qui avaient eu l’occasion de rencontrer l’Immortel se doutaient qu’il en faisait partie. D’ordinaire, on s’en moquait, comme on s’était moqué de lui 20 ans durant. En revanche, le simple fait qu’il soit terrien changeait totalement la donne. Cette seule donnée, en apparence insignifiante, lui ouvrait la voie de l’Exécuteur.

« Vous avez vu passer quantités de lunes, se prit soudain à dire Shirao. Avez-vous assisté à l’enfermement de Gehen ? »

« Loin de là. Je suis bien trop jeune. » admit Unon.

« Je suppose que cela remonte à des temps immémoriaux… Prions pour qu’il reste scellé à tout jamais. » dit-elle en s’appuyant sur un côté de la plate-forme.

« Vous n’y retournez pas ? » s’étonna-t-il.

« Non, vous parler m’a fait du bien. Vous avez raison. Il faut simplement l’empêcher de retourner sur Terre. »

« Parfait. » répondit-il dans un sourire.

Maintenant qu’il était seigneur dimensionnel, il jouissait lui aussi de l’immortalité. Ce n’était pas grave en soi, du moment qu’ils parvenaient à l’empêcher d’atteindre son objectif à même de détruire les fondements même de la voie qu’ils avaient choisi. Alphène devait devenir sa prison.

« Comptez-vous aller sur Terre, Unon ? »

« Certainement pas ! Il n’y a qu’un seul code suprême, là-bas. »

« Vous resteriez donc sur Alphène ? »

« Pourquoi pas ? On n’est pas si mal, ici. »

Car un seul seigneur dimensionnel avait réussi à sécuriser l’un des codes suprêmes. Les 4 autres restaient entièrement disponibles pour les 71 autres prétendants aux Marches.

« Peut-être devrais-je rester avec vous… » dit-elle d’une voix douce, quoique légèrement éraillée de par sa nature.

« Pas la peine. » rétorqua Unon, d’un ton si désintéressé qu’il passa pour de la froideur.

« Hmpf… Que suis-je donc supposée faire seule, sur Terre ? La planète n’est même pas encore synchronisée ! Même son code ne me serait d’aucune utilité. »

« Bah, vous avez qu’à rester là. »

« Hmpf… Changeons de sujet, j’aimerais vous demander quelque chose. Pensez-vous qu’il puisse obtenir l’Exécuteur de Gehen ? »

« Non. Ce n’est même pas envisageable. »

La lascivité que trahissait le regard de la harpie pour cet homme s’effondra tout à coup. Pourquoi travaillaient-ils alors si dur pour le tuer ? Pourquoi gaspiller autant de points à servir une cause qui, de toute évidence, ne les concernait pas ?

« Ce n’est pas lui que je cherche à gêner, se justifia rapidement Unon en remarquant sa réaction. C’est Gehen lui-même. Il ne faut pas, sous aucun prétexte, que le dieu de la destruction s’éveille à nouveau. »

C’était donc pour ça que le maître de 36 codes suprêmes avait mis ce projet sur pied. Afin d’étouffer la terreur contée par tant de légendes.

 


 

« Visez les yeux ! » hurla le chef des nains à ses soldats.

Les armes de siège avaient rapidement perdu toute leur utilité, en dépit des montagnes de cadavres qui s’amoncelaient le long des remparts. Les monstres en étaient même venus à s’en servir, et la première ligne de défense avait déjà perdu de trop nombreux guerriers.

« Ça ne tiendra jamais, Tauric. » ajouta Raul.

« Alors il faut battre en retraite. Rejoignons la deuxième ligne. » trancha l’intéressé.

« Non. Si on se réfugie dans le château, on ne tiendra au mieux qu’une heure avant qu’ils ne le détruisent. On a encore du temps devant nous, profitons-en. Il faut charger à travers leur formation et décamper de là ! » fulmina-t-il.

Tauric s’éloigna afin de le laisser s’apaiser un moment. Les opinions sur la conduite à tenir venant à nouveau à diverger, il se mit à la recherche de Do Jaemin, qui était la seule personne capable de contacter le responsable direct de cette colonie. En le trouvant, il lui fit immédiatement part de ses doutes.

« Je vous ai déjà expliqué qu’il sera bientôt là ! » finit par s’agacer le vampire.

« Vous savez ce que vous pouvez en foutre, de vos promesses ? Ça fait déjà deux jours qu’il devrait être revenu ! » grogna Kruger, à portée de voix.

« Pour une fois, je suis d’accord avec l’orc. On ne peut plus lui faire confiance. » acquiesça Graham.

Les héros, en dépit de tous ses déboires passés, lui avaient accordé une totale confiance. Or, de nombreuses personnes trouvaient une nouvelle fois la mort de son fait, aussi n’était-ce pas seulement une faute que venait de commettre l’Immortel. C’était à leurs yeux une trahison.

« Je vous assure qu’il sera bientôt là… » tenta d’insister Jaemin.

Fort heureusement, ils n’en étaient pas encore à lui tourner le dos. Car si lui restait aux abonnés absents, l’un de ses plus proches serviteurs avait réussi à retarder leur progression de près d’un jour. Grâce à lui, l’attaque n’avait débuté que 5 heures plus tôt.

L’ennui était que malgré tous ses efforts, le roi des esprits de feu, tels que les alphéniens surnommaient Sunggoo, n’avait pu les empêcher de détruire la plupart des remparts et ce sans même que les seigneurs dimensionnels ne se soient encore joints à la bataille.

« Réveille-toi, moine de Skia ! Si on ne se tire pas maintenant, on va y rester ! » lança Graham, que l’inaction fit exploser de rage.

Tauric resta pourtant les yeux baissés, la mine attristée. Quelle que soit sa décision, des milliers de personnes allaient mourir. La culpabilité prenait chez lui des airs de tourment.

Une explosion le sortit soudain de sa torpeur. Du cœur de la montagne, où était localisé le centre des recherches arcanes, une flamme aussi grosse qu’un volcan s’éleva avant de se fractionner en une multitude, en une centaine, en milliers même, de flèches de feu. Cette pluie de flammes vint s’abattre sur les monstres en contrebas, et Hong Sunggoo ôta ainsi la vie à autant de ces horreurs qu’il y avait de projectiles. Décidément, il méritait l’admiration qu’on lui vouait.

« Il ne nous servira à rien de fuir, se reprit Tauric d’une voix décidée. L’Immortel nous a donné la seule chance de sauver Alphène et nos gens alors que nous nous tenions au bord d’un précipice. C’est vers ça, que vous voulez courir ?! »

Graham lui-même en vint à perdre tout le ressentiment qu’il exprimait encore une seconde plus tôt. Il invita finalement Tauric, d’un geste de la tête, à poursuivre.

« Abandonnons les remparts, enfin ce qu’il en reste. Rentrons dans les murs du château, et réorganisons nos défenses. »

Raul, le Roi des nains, grommela un moment, avant de finalement hocher la tête. Il invita lui aussi Tauric à dévoiler son plan.

« Graham, lève une barrière magique de sorte à ce qu’on puisse battre en retraite ! » cria alors le champion moine.

« Je m’en charge. » répondit Graham.

L’entrain lui manquait, mais il n’avait plus aucune raison valable de s’opposer à rester. Il était d’ailleurs impératif qu’il en soit ainsi, car sa magie était au moins aussi nécessaire que celle de Sunggoo.

« Comte, je vous laisse le soin d’informer les autres de notre décision. » demanda enfin Tauric à Jaemin.

La flopée de chauve-souris s’envola en sifflant vers ceux qui n’avaient pu assister à l’esclandre. Ce n’était pas un combat qu’ils pouvaient espérer gagner, mais peut-être cette nouvelle décision et les apports de Sunggoo, installé sur la plate-forme d’amplification magique, constitueraient-ils des éléments à même de les faire tenir, jusqu’à ce qu’enfin, l’Immortel arrive.

Dépêche-toi, hyung-nim…

 


 

Des centaines de lances spirituelles partirent dans toutes les directions, déchirant les chairs de tous ceux qui oseraient se trouver sur leurs trajectoires. Aussitôt après, les explosions corporelles en tuèrent d’autres, lança ainsi une réaction en chaine des plus morbides. Du sang, des abats, des hurlements et les étranges glapissements des squelettes étaient les seules choses qui le suivirent.

« Déesse… Aria… » balbutia Melody, sous le coup de la sidération.

Elle vit enfin, en cet instant, le terrifiant Immortel qui faisait tant douter la coalition. Ce n’était pas un humain. Il était trop cruel, tyrannique et puissant pour l’être. Melody en vint même à ressentir de l’empathie pour toutes ces créatures qu’il tuait sans même avoir à lever un bras.

La sainte vierge n’avait d’autre choix que de continuer à le suivre, mais plus elle le faisait, plus Kang Woojin, ce terrien qu’elle estimait tant, s’échappait à son souvenir. L’air était lourd, chargé de l’odeur des charognes et du poison, et elle luttait de toutes ses forces pour rester consciente lorsqu’elle fut brusquement réveillée par Shingshi qui s’arrêta tout aussi violemment. Face à eux se tenait un homme aux cheveux de la couleur du sang.

« Mais ? Mais ! Mais c’est l’Immortel ! Le Roi des morts, en personne ! » lui lança le seigneur dimensionnel en s’approchant de lui.

Woojin, étonnamment, lui adressa un franc sourire. Oui, car il n’avait plus besoin désormais de lui courir après…

« Celrak ! »

Dieu dans 27 mondes, Celrak avait de toute évidence réussi à détruire son donjon. Kiba était tombé, et ses ultimes réserves en énergie avec.

« Tu souris, mais je sais bien que tu es furieux. Je vois clair dans ton jeu, petit pervers. Mais tout est de ta faute. Tu as abandonné ton domaine, et tu en paies le prix ! » le provoqua à nouveau Celrak.

Woojin comprit soudain pourquoi les seigneurs dimensionnels ne quittaient leur domaine qu’en de très rares occasions. S’ils laissaient les résidents et les forces de leur domaine se charger de la chasse, c’était justement pour éviter la situation dramatique dans laquelle il se trouvait actuellement. C’était d’autant plus vrai lorsqu’ils ne possédaient pas le code suprême d’une planète…

« Bon, je ne vais pas t’énerver davantage, ajouta Celrak sur un ton conciliant. Il y a juste un truc que j’ai du mal à comprendre, si tu veux bien y répondre ? Pourquoi est-ce que tu te lances si désespérément à la recherche du dieu oublié ? Il y a d’autres moyens de faire, tu sais… »

Woojin, plutôt que de lui répondre, invoqua son arme de guerrier qu’il transforma aussitôt en hache. Il était pressé de retrouver le silence.

« Tu veux protéger ta planète, c’est ça ? » lança l’autre comme hypothèse.

« T’as trouvé ça tout seul, ou on t’a aidé ? » lui répondit enfin Woojin.

« Ha ha. Je suis de bonne humeur, alors je vais t’aider un peu. C’est loin d’être le seul moyen de faire. »

« Comment ça ? » lui demanda-t-il, quelque peu stupéfait.

« Lorsque ma planète a été totalement synchronisée, la première chose que j’ai fait a été de tuer mon dieu. J’en suis ainsi devenu le successeur. Oublie toutes ces conneries, laisse tomber Gehen, tu te fatigues pour rien. Deviens un dieu toi-même ! Tu sais, les gens dans mon monde ont très vite retrouvé leur quotidien. Et tout ça, c’est uniquement grâce à moi, leur dieu. »

Woojin se contenta de le regarder dans les yeux, la bouche aussi fermée qu’une porte de prison.

« Tu ne réponds rien ? Je ne te demande pas de me remercier, Immortel. Mais tu devrais m’écouter. Si je me tiens aujourd’hui ici, face à toi, ce sont pour les mêmes raisons que toi. » acheva de dire Celrak.

« Soit… » commença l’Immortel.

Nostra
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10 thoughts on “SSN Chapitre 180

  1. Merci pour le chapitre.
    PS :
    Celrak ; Au fait, j’ai le droit à une longueur d’avance pour ma fuite ?
    Woojin ; Non.

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