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Chapitre 185 : Dernière relique 1/2

 

Hérès naquit sur Alphène en des temps immémoriaux… Non, d’ailleurs, du fait du temps, contrairement à ce que sous-tendait l’idée même de son existence. Il avait en vérité très peu de fidèles, qui œuvraient toujours en secret, n’offrant jamais les clés de celui-ci qu’à leurs successeurs. Aussi, même parmi les alphéniens, seuls les plus anciens et les plus érudits connaissaient ce dieu. On racontait que son ordre avait élu domicile sur des terres de glace, mais c’était à peu près tout ce que la rumeur en savait. C’était pourtant précisément sur ces terres que galopait le destrier spectral.

« Tu es certaine qu’on est sur la bonne route ? » voulut une nouvelle fois s’assurer Kang Woojin.

« Oui, aucun doute. » confirma Latasha, admirant du même temps la fumée glaciale que produisit son souffle.

« Je vois vraiment rien pourtant, et ça fait un moment qu’on chevauche. »

« Il est dit que le temple d’Hérès se trouve au cœur des glaces, en leur point le plus froid. »

« Ça pourrait être en leur point le plus chaud que ça ne me ferait ni chaud ni froid. C’est où ? »

« Dans la direction où nous allons… Tenez, on voit déjà se dessiner ses contours. » lui fit-elle observer.

Malgré le blizzard, il porta toute son attention vers le point indiqué par l’elfe et vit en effet une structure trop imposante pour constituer un temple, mais trop raffinée pour n’être qu’une montagne. À mesure qu’ils continuèrent à s’approcher, il se décida enfin.

« C’est un château de glace ? »

« Tout juste… »

Le climat était beaucoup trop hostile pour que quiconque puisse même songer à habiter en pareil endroit. Le château était pourtant aussi grand que la montagne Sauros… Les rares informations à son sujet ayant été transmises par tradition orale, c’était pour Dame Latasha autant que pour l’Immortel leur première visite, aussi prirent-ils un moment pour admirer l’impressionnante vue.

« Bon, on devrait y aller. » décida soudain Woojin.

Toujours installés sur Shingshi, ils prirent la décision de faire le tour du château mais trouvèrent rapidement une porte, quoique sa taille réduite l’aurait contraint à se courber pour entrer. Il descendit de cheval et essaya de l’ouvrir.

« Hmpf, pas de poignée… » pesta-t-il.

« Je crois que l’entrée est bloquée. » lui fit-elle remarquer.

« Recule-toi un peu. »

Fallait-il vraiment prendre le risque de se le mettre à dos, perdus qu’ils étaient au beau milieu de nulle part ? Elle s’exécuta, mais en ressentant une vibration dans l’air, signe caractéristique d’un sort à venir, l’inquiétude la gagna.

« Vous n’allez quand même pas… ? »

Woojin tourna la tête vers elle du même temps qu’il frappa du poing la porte qui explosa en milliers de fragments de glace.

« C’est ouvert. » lui répondit-il.

« Pourquoi êtes-vous donc toujours aussi brutal ? » lui demanda l’elfe d’une voix agacée.

« Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Frapper dans l’attente qu’on daigne nous ouvrir ou qu’une ancienne malédiction veuille bien nous achever pendant qu’on se gelait les miches ? » la tança Woojin.

Le langage sembla à Dame Latasha un outil bien surfait, en tous les cas avec pareil interlocuteur… Tant pis, elle irait enseigner les bonnes manières à d’autres. Ils entreprirent ensuite de gravir les marches ô combien glissantes d’un escalier.

« C’est étrange qu’il fasse aussi sombre… » remarqua Woojin.

« J’ai ce qu’il faut pour solutionner ça. » répondit Latasha en invoquant une petite fée.

« Coucou ! » les salua-t-elle avec un large sourire avant de voler en avant de leur position, éclairant largement leur progression.

« C’est un esprit de la lumière. » expliqua l’elfe.

« Je t’ai demandé quelque chose ? » lui balança Woojin comme il lui aurait mis une baigne.

« Ok… »

Alors qu’elle secouait la tête d’énervement, il l’invita d’un geste aussi tendre que la pointe d’une lame à prendre la tête de la marche. Ils continuèrent si longtemps à gravir les marches que l’ennui commençait à sincèrement les frapper, lorsqu’une porte apparut dans leur champ de vision.

« Vous allez encore la faire exploser, celle-là ? »

« Bien évidemment. » répondit-il avec un sourire narquois.

Malgré la présence d’une poignée, il posa la main contre elle et recommença à agréger son énergie magique. Toutefois, la porte s’ouvrit soudainement.

« Que devrions-nous faire ? Il me semble plus sage de retourner en arrière et de… » commença Latasha.

« On entre. » l’interrompit-il.

Or donc, à peine furent-ils entrés que la porte se referma en claquant derrière eux, non sans les surprendre.

« Que se passe-t-il ? Je n’entends plus le vent… » lâcha l’elfe, le ton de la voix légèrement troublé par la peur.

« C’est normal. On partira dès qu’on aura la relique. » lui dit-il pour la ramener à elle.

« Mais… »

Finalement, elle préféra une nouvelle fois se taire, comprenant qu’il avait déjà vécu la situation.

Étrange… Ça ne ressemble pas à un vaisseau, mais les lampes sont les mêmes… observa secrètement Woojin.

À l’évidence, les temples de Skia, Lécia et Khors devaient eux aussi abriter quelque similitude. Ce qui l’interrogeait surtout était de savoir comment ces cinq êtres s’y étaient pris pour acquérir les codes suprêmes d’Alphène. Après avoir traversé un long couloir, les deux arrivèrent à une intersection composée de 4 points qui donnaient sur autant de nouveaux couloirs. Ils virent quelques portes, mais même lorsque Woojin tenta d’en briser une à la seule force de ses poings, il n’obtint rien d’autre qu’une légère douleur à la main.

« Doit-on vraiment continuer, Immortel ? Nous sommes venus sans son accord, je ne voudrais pas provoquer la furie d’Hérès… » tenta à nouveau Latasha, dont la peur n’avait de cesse de gagner du terrain.

« Écoute, je ne sais pas ce qui se passe. Mais une chose est certaine, je ne repartirai pas avant d’avoir obtenu ce que je désire. » la rappela-t-il à l’ordre.

Il devait forcément y avoir un haut prêtre en ces lieux. Mal à l’aise, l’elfe continua de discuter avec l’Immortel tandis qu’ils continuèrent leur partie de cache-cache. Si seulement il avait eu Gaebo à ses côtés… Après quelques minutes et en s’efforçant de dessiner un plan mental dans sa tête, il vit une porte dont la poignée singulière attira son attention.

« Peut-être… Oui ! » se satisfit-il.

La porte s’ouvrit effectivement, lui révélant une scène familière, tout au contraire de Latasha…

« Un billard et un frigo… » lâcha Woojin.

Il ne manquait plus qu’une télévision pour qu’il se sente parfaitement chez lui. En ouvrant le réfrigérateur, il tomba sur quelques canettes de soda et en ouvrit immédiatement une, qu’il entreprit de boire.

« Ne… ne craignez-vous pas que ce soit empoisonné ? » bégaya l’elfe.

« Essaie. » lui répondit-il en lui lançant une autre canette.

Malgré sa surprise, elle parvint sans la moindre difficulté à s’en saisir et la regarda sous toutes les coutures, comme l’aurait fait un enfant face à un nouveau mécanisme. Elle chercha ainsi un moment comment l’ouvrir, chose dont Woojin ne put s’empêcher de rire. Jusqu’à ce qu’il remarque qu’il y avait effectivement une télévision… Quelque chose d’étrange se tramait, la Terre étant à sa connaissance la seule à posséder pareille technologie. Derrière l’écran, il vit plusieurs casiers, similaires à ceux qu’il avait connu au lycée, et sur lesquels étaient renseignés des noms parfaitement lisibles.

Sauria… Natamube… Gang… Isaz…

Au nombre de huit, il n’était pas certain de lire les lettres dans le bon sens, car leur alphabet n’était pas exactement le même que celui latin. Du reste, tous étaient vides. Après avoir inspecté le reste de la pièce, il se tourna vers Latasha qui parvint enfin à ouvrir la canette.

« Incroyable ! » cria-t-elle toute excitée.

Le visage animé par une curiosité impossible à masquer, elle avala alors deux gorgées avant de manquer de s’étouffer.

« Aaaargh ! Je le savais, c’est empoisonné ! » toussa-t-elle.

Le gaz carbonique attaqua sa bouche délicate avec la véhémence du plus furieux dragon, et elle se jeta au sol en se tenant le cou, comme pour essayer de bloquer la progression du poison. Une pression intense l’assaillit alors de toutes parts, et…

« Beuuuuuuuuuuurp ! »

Le rot fut si salvateur qu’elle resta allongée à même le sol, à profiter de la vue du plafond.

« Pff… Bon, t’as fini de jouer ? » lui lança Woojin.

Elle se releva tout à coup, couverte de honte de s’être ainsi ridiculisée, jusqu’à ce qu’elle fronce les sourcils en voyant un objet étrange fixé dans l’un des coins supérieurs de la pièce.

« Il y a du mouvement, juste là ! » cria-t-elle.

« Tiens, tiens… On nous observe. » remarqua Woojin.

Il approcha son visage de la caméra et lui présenta son sourire le plus carnassier.

« Puisque je suis là, autant qu’on se parle en face à face, non ? J’ai vu quelques outils, par là-bas… Ce serait dommage que j’abime quelque chose. » dit-il en lui adressant cette fois un clin d’œil.

Il se saisit alors d’un marteau et envoya le sac à Latasha. Il était terriblement lourd, mais même la perte de sa puissance magique ne pouvait effrayer la Régente des elfes. Elle fut soudain forcée de courir à la suite de l’Immortel, qui commençait déjà à essayer de défoncer les gonds d’une porte jusqu’alors bloquée. C’est alors que péniblement s’afficha au sol un symbole lumineux… en forme de flèche.

« T’aurais dû commencer par là, tocard. » lança-t-il au mystérieux hôte.

Suivant cette fois une direction claire dans ce qui s’apparentait de plus en plus à un labyrinthe, ils arrivèrent face à un couloir bien plus large que les autres, au fond duquel s’ouvrit une double porte qui révéla une toute petite pièce. Ils y entrèrent sans hésitation.

« Le… le sol tremble… » remarqua Latasha.

« Ça s’appelle un ascenseur. » répondit Woojin.

Aussi effrayée qu’honteuse, elle s’agrippa fermement à l’une des rampes afin de soulager son supplice, faisant une nouvelle fois rire Kang Woojin. Lorsque celui-ci prit fin et que la porte s’ouvrit, ils virent cette fois un hall gigantesque, régulièrement ponctué d’écrans et d’ordinateurs. Tous étaient éteints, sauf un où apparaissait le visage d’un homme chauve.

« Comment pouvons-nous l’aider ? Il semble enfermé dans cette boîte… » fit l’elfe.

« Tu veux pas aller voir là-bas si j’y suis ? » s’énerva Woojin.

« Bien, je vous laisse… » répondit-elle vexée.

Casse-couilles… pensa Woojin.

« Hérès ? » demanda-t-il.

« Oui. » répondit le visage à l’écran, dont les lèvres s’agitèrent.

« Ou devrais-je t’appeler Natamube ? Gang, peut-être ? C’était quoi, les noms de tes autres acolytes ? »

« Ces noms ne sont pas les miens. Si vous désirez savoir pourquoi il n’y a personne ici, c’est parce qu’ils n’ont jamais existé. »

« Je ne sais pas trop si ça se voit, mais j’ai vraiment autre chose à foutre que de répondre à des énigmes. Je veux juste la ceinture. » grogna Woojin.

« Ne souhaitez-vous pas d’abord que je réponde à vos questions ? »

« Vous le ferez ? » douta-t-il.

« Bien sûr. » répondit la voix.

« Soit. Quels sont les liens entre les ancêtres d’Alphène et la Terre ? »

« Je n’ai pas l’autorité suffisante pour accéder à la mémoire de… »

« Espèce de ! » explosa Woojin.

Mais finalement, son expérience avec Aria lui avait appris qu’il ne sortirait rien de bon de menacer cette chose. Du reste, les réponses lui importaient assez peu. La voie à suivre était désormais toute tracée.

« File-moi la ceinture. »

« Ce sera fait, en temps voulu. »

« C’est quoi encore, ces conneries ? »

« Je vous la remettrai quand cela s’avèrera nécessaire. »

« Quand ?! »

La lassitude le fit alors, en dépit de la logique, opter pour une approche bien moins patiente.

« Tu veux crever ? » tenta-t-il de menacer.

« Vous ne parviendrez pas à accéder à mon serveur. » répondit l’homme sur le même ton monocorde.

« Hmpf… Comment ça, ton serveur ? C’est quoi votre but à la fin, en tant que dieux ? »

« Nous assurer de la survie d’Alphène. »

Hérès était donc une espèce de pare-feu… Il existait donc bel et bien des partenaires de discussion pires qu’Aria. Tout son sang lui semblait bouillir de rage.

« Si tu ne veux pas me la donner, je la prendrai moi-même ! »

« Vous n’y parviendrez… »

Il interrompit sa réplique d’un coup de marteau, explosant l’écran dont sortait le son. Un autre écran s’alluma alors.

« Vous n’y parviend… »

« Ta gueule ! »

« Je vous donnerai la clé quand… » fit un autre écran, peu avant d’exploser à son tour.

« Je la trouverai ! »

Latasha le regarda déchainer toute sa colère sans oser intervenir. De mémoire, elle ne l’avait jamais vu dans un tel état.

 


 

« Filez de là, espèces de petits voyous ! Si je vous reprends à venir griller vos brochettes ici, ça va barder sévère ! » cria Che Haesol.

« Oulala, c’est les soldats ! Tayooooo ! » fit semblant de paniquer l’un des intéressés.

Certains sur Alphène s’étaient pris à appeler cette source de magie le dernier souffle du Roi des esprits du feu. Sans vraiment aller jusqu’à les rosser, l’idée que les enfants jouent autour de restes de Sunggoo n’était vraiment pas du goût de Che Haesol. Les enfants n’en prirent heureusement pas ombrage, et s’éloignèrent en riant.

Je me demande quand Kang Woojin reviendra… pensa-t-elle.

Même entouré de l’escouade spectrale, ses amis lui manquaient. Lui était trop occupé pour passer de temps avec qui que ce soit, Do Jaemin était retourné sur Terre et Hong Sunggoo… mieux valait ne pas y penser.

« Tiens, voilà la sainte vierge. » remarqua l’un des soldats.

Tous ayant largement profité de ses soins, ils avaient appris à l’apprécier réellement. Haesol elle-même lui adressa un sourire.

« J’ai besoin de converser avec l’arbre de vie. » expliqua simplement Melody.

« Ah ? Eh bien… Oui, allez-y. » répondit Che Haesol, un peu surprise.

« Je vous remercie. Pourriez-vous me laisser seule un moment ? »

« Si vous voulez, bien sûr. »

Le seul bruit de leur pas résonna en sa tête comme des coups de massue sur ses épaules tandis qu’elle éleva un regard lourd sur le symbole de leur salut à tous.

Nostra
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