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Chapitre 193 : Dragon de sang 2/2

 

Le dragon écarlate volait haut dans les cieux, à une vitesse à peine croyable vers le corbeau qui volait en cercle. Le cœur du golem était devenu le sien. Sa mémoire lui revenait. Il était un dragon ancien, le plus ancien de tous.

– Quel est mon nom ? lui demanda-t-il.

– Tu es bien étrange… observa Ibrit.

Sa réponse déplut tant à Ryong qu’il le chopa une nouvelle fois à la gorge. Sa mobilité, son adresse et sa force étaient incomparables à ce qu’elles avaient été quelques instants plus tôt, aussi même en ayant vu le coup venir, Ibrit ne put l’éviter. Ses crocs transpercèrent enfin ses plumes et son cuir, mais l’oiseau continuait de se débattre en maintenant de l’altitude. Alors le dragon profita de sa hardiesse et pesa de tout son poids sur lui, plantant ses pattes arrière dans son corps, tandis que les deux avant se mirent à tirer comme deux gigantesques pieds de biche sur une aile. Les os et les tendons ne firent que semblant de résister avant qu’elle ne retombe lourdement au sol. À cet instant, Ryong lâcha partiellement le monstre de sorte à pouvoir assurer le vol.

– Espèce de… brute ! cria tant bien que mal sa proie.

– Quoi ? J’ai juste un peu faim…

La mâchoire énorme se referma cette fois sur sa tête et une odeur affreuse fit chavirer l’esprit d’Ibrit. C’était celle du sang. Un sang mêlé, composé de toutes les plus infâmes saloperies que les dieux, dans leur folie, avaient pu enfanter. Son corps commença à prendre feu, aussi le corbeau fit-il de son mieux pour résister… Tout ce qu’il avait à faire, c’était de tenir le temps que les flammes pareilles au souffle draconique ne daignent s’éteindre. Malheureusement, l’esprit lui fit défaut lorsque Ryong lui arracha la tête. Le dragon de sang se présenta alors de toute sa longueur face à l’Immortel.

– J’ai réalisé votre souhait, annonça-t-il.

Les monstres, jusqu’alors saisis par une frénésie folle furieuse, s’arrêtèrent sur place comme si les jambes leur avaient été sciées. Seule la peur faisait cet effet… L’armée des morts les faucha comme de vulgaires mauvaises herbes, sans qu’un seul n’ose lever son arme. Leur dieu les avait abandonnés. Ryong se posa soudainement aux côtés de Kang Woojin, ce dans un tel fracas que des vagues se formèrent à nouveau à la surface de l’eau, rapprochant les milliers de corps en îlots morbides.

– Que souhaitez-vous à présent ? ajouta Ryong.

– J’aimerais qu’on chevauche ensemble, lui répondit Woojin avant de venir s’installer au niveau de son cou.

Il décolla comme un chasseur de combat. Woo Soonghoon et les employés d’Alandal restés à Séoul ne purent suivre les événements que grâce à un poste radio installé au sein d’un abri, mais ils n’en ratèrent pas une seule pièce.

¤Le Premier ministre d’Alandal avait dit vrai : toute la puissance de la cité-État dépend de son Roi. La formidable démonstration de force de Kang Woojin en est la preuve-même ! C’est lui qui a une nouvelle fois sauvé Séoul alors qu’elle courait à sa perte ! Les journalistes, et moi-même, nous sommes tous trompés. Merci au héros, qui restera à jamais coréen dans le cœur de toute notre nation.

– Ils ont pas tardé à retourner leur veste… les jugea assez sévèrement l’un des employés.

– Comme d’habitude, le corrigea Woo Soonghoon. Bon, putain, pourquoi est-il si long à revenir ?

– Mon bébé… Mon Dongmin… parti… pleura une femme.

Au milieu des hurlements de rage et de peine, il y avait malgré tout quelques cris de joie. Ils étaient trop rares au vu du miracle accompli par le Roi d’Alandal, mais Séoul était dans un tel état qu’on eût pu croire qu’une bombe atomique venait d’y être larguée. Le groupe dirigé par Woo Soonghoon sortit alors selon son ordre et apporta son soutien aux secours.

– Il est quand même incroyable, notre Roi ! ne put s’empêcher de beugler l’un d’eux.

– Eh ouais mon pote ! C’est ça, Alandal ! abonda en son sens un autre.

Eux, en revanche, étaient mus d’un enthousiasme presque dérangeant en de telles circonstances. Woo Soonghoon prit toutefois le parti de ne pas leur en tenir rigueur, puisqu’ils avaient eu la décence d’attendre d’être sortis du refuge pour l’exprimer. Du reste, il les comprenait. Lui aussi se sentait soulagé que soit enfin libéré le poids monstrueux qui pesait sur leur guilde en l’absence de leur maître… Sans parler du fait que leurs propres frères, les coréens, avaient été particulièrement critiques à leur égard. Tout ce drame était en même temps un drôle de soulagement. Ils les avaient détestés, ils avaient maintenant envie de les embrasser.

– Chef, je crois que… ?

– Qu’est-ce que c’est que ce truc ?! se sidéra l’intéressé.

Un monstre gigantesque, de la taille d’une autoroute, se posa d’un seul coup au sol, comme s’il s’était laissé tomber. Le choc fut tel que deux immeubles s’effondrèrent, et même les camions furent chassés de son passage comme des insectes. Arrivant à quelques mètres d’eux, le dragon abaissa la tête, révélant ainsi son cavalier.

– Mon Roi ! le salua aussitôt Woo Soonghoon.

– Pas le temps, montez, leur ordonna à tous Kang Woojin lui-même.

– Comment ? Où doit-on aller ? s’étonna son secrétaire particulier.

– C’est quoi que tu as pas compris dans « on a pas le temps » ?

La moindre des griffes de Ryong étant plus grande qu’un adulte moyen, Woojin lança un sort de stase qui enveloppa tous ses employés, et vint délicatement les poser derrière lui. Enfin, aussi délicatement qu’on pouvait être posé sur un être aussi terrifiant et dont l’odeur suffisait à tourner de l’œil. D’aucuns ne purent d’ailleurs se retenir de vomir.

– On n’a même pas encore décollé, et vous avez déjà le mal de l’air ? s’amusa Woojin.

– Il faut croire… lui répondit, parmi eux, Woo Soonghoon.

Mieux valait-il alors prendre certaines précautions, ce que le cavalier en chef fit céans. Il invoqua une membrane magique tout autour d’eux, surtout pas afin d’éviter qu’ils tombent, mais pour les protéger des effets dévastateurs du vent sur leur digestion. Il n’allait pas tout faire non plus… Enfin, le dragon s’envola, laissant pour seul témoin, temporairement du moins, une équipe de journalistes au sein d’un hélicoptère.

¤Le Roi d’Alandal vient de quitter Séoul sans accorder la moindre entrevue. C’est aux armées et aux guildes qu’il appartient maintenant de finir de sauver notre ville, mais…

Le téléobjectif se concentra alors sur un point bien spécifique de la scène de chaos, où des humanoïdes marchaient aux côtés des monstres tels que le commun des mortels pouvait les concevoir. Ce n’était ni des elfes, ni des nains, mais des humains, issus d’autres dimensions. L’arbre de vie épineux leur avait ouvert la voie.

¤Sommes-nous en pleine invasion extra-terrestre, ou bien des démons ont-ils envahi la planète ? Chers téléspectateurs, je vous en conjure : quittez Séoul. Faites-le pour votre famille.

Il y avait trop de donjons, trop de monstres, trop de menaces qui sans arrêt guettaient la quiétude d’une vie bien rangée. Il aurait fallu qu’un être d’exception s’immisce en ces lieux et y fasse un grand ménage. Un être capable de régner sur tous.

Et cet être, c’est moi… pensa Isaz.

Tout autour de lui, les eaux se figèrent. Face à lui, une longue coulée de glace s’étendit jusqu’à atteindre l’arbre de vie épineux. Un véritable pic s’en éleva alors.

C’est trop silencieux… s’inquiéta Lee Sahngho, marchant à ses côtés.

Où était donc le si féroce combat promis ? Ses sens se mirent en alerte. Pourquoi y avait-il tant de morts ? Où étaient les explosions ? Son téléphone le sortit soudainement de sa torpeur.

#Kang Woojin est intervenu. Je vous conseille de déguerpir, et fissa ! l’enjoignit le message de l’employé.

Toute son excitation retomba en même temps que ses espoirs. Après une brève recherche sur internet, il découvrit avec effroi la défaite d’Ibrit, la pacification des donjons de Séoul, et l’apparition d’un dragon ensanglanté.

Bordel, nous arrivons trop tard… Ah il est beau, le grand Empire du Japon ! Incapables ! explosa-t-il en lui-même.

La guilde Daken n’avait même pas réussi à le retenir deux jours, et tout son plan venait de tomber à l’eau. Tout était terminé.

– Monsieur Isaz… commença péniblement Lee Sahngho.

– Hmm ? lui signifia simplement le seigneur dimensionnel, trop occupé à ériger la glace qui devait prendre le contrôle de l’arbre.

– L’Immortel est… Il a déjà tout détruit.

– MERDE !!!

Mais si lui était là en cet endroit maintenant, qui donc pourrait bien le percevoir comme un sauveur ? Il serait vu comme un envahisseur et chassé… Cette simple perspective désespéra tant Isaz que des blocs de glace entiers s’effritèrent de son corps, révélant un visage marqué.

 


 

La forteresse volante tangua comme si elle naviguait au milieu d’un tsunami. Les puissantes wyvernes prirent leur envol, terrorisées. La source ? Un dragon de sang. Les gens d’Alandal continuaient à vomir en descendant, tandis que les autres le firent en le voyant arriver…

– Maître ! s’écria Vivie en lui sautant au cou.

L’expression de Woojin se fit plus grave, presque gênée. Ce n’était cependant pas en raison de son accoutrement parfaitement scandaleux, mais bien à cause de ses proportions changées. Il avait retrouvé celle qui l’accompagnait sur Alphène. Ce n’était plus un petit diablotin, mais une véritable succube.

– La synchronisation est donc réellement terminée… lâcha-t-il.

– Ouais. Au moins, j’ai récupéré une voix normale et tous mes pouvoirs, répondit-elle à des lieux du ton si juvénile qui la caractérisait auparavant.

Il ne trouva pas là matière à se réjouir. Si la sorcière des illusions jouissait à nouveau de sa superbe, il en était de même pour ses ennemis.

– Ravi de vous revoir, mon Roi, le salua Jung Minchan.

– Tu es un bon garçon, ajouta sa mère.

À leurs côtés se tenaient la petite Sooah et son fidèle garde du corps, le Comte Do Jaemin. Et puis… Il y avait une autre personne.

Jiwon… réalisa-t-il.

– Bon, j’ai trop de travail, je vais devoir y retourner. Tu sais ce que tu as à faire, hein ? voulut s’assurer Lee Soogyung.

Il l’enlaça rapidement, tout aussi gêné qu’elle, avant qu’elle ne disparaisse derrière ses fourneaux.

– Mon Roi, peut-être devrions-nous… commença alors Jung Minchan.

– Qu’est-ce que foutait la guilde Daken sur Alphène ? le coupa-t-il, le ton réprobateur.

– Comment ? Eh bien… C’est qu’ils ont proposé de monter un groupe d’expédition. Pourquoi ?

– Hmm… Pour rien, on reparlera de ça plus tard. Pour le moment, j’ai besoin de savoir combien de villes ont été touchées par le même phénomène que Séoul, lui répondit Woojin pour changer de sujet, prenant conscience que Minchan n’était ni au fait de leurs agissements, ni responsable.

– Dans les pays développés, presque toutes les capitales. Certaines villes ont été désertées… admit Minchan.

En vérité, seule l’Angleterre avait réussi à tirer son épingle du jeu. Londres avait été sauvée, et sa population secourue avant que ne survienne le pire. Il avait du même temps été interdit aux civils de s’approcher des stations de métro.

– Mais, ajouta finalement Minchan après une pause, Londres a été sauvée grâce aux efforts de dame Vivienne.

– J’ai tué un seigneur dimensionnel, expliqua-t-elle.

– Super. Bon, quel est le pays le plus à risque et le moins éloigné de notre position ? en vint directement au fait l’Immortel.

– La Grèce, lui répondit le Premier ministre d’Alandal. C’est justement notre destination, mais je pense qu’il serait plus sage que vous vous entreteniez avec quelqu’un avant.

– Encore avec ça… Qui ?

– Kim Kangjul. Il est venu nous trouver de lui-même alors que nous survolions Londres.

– Intéressant…

Nostra
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