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Chapitre 33

Les choses tournent très mal

 

« Qui est là ? » L’ancien Xiao Jie venait d’être appelé en personne par un mortel aux portes de la secte. Ce coursier devait livrer un document scellé à un ancien de la secte, et à un ancien en personne. Il avait besoin de lui remettre la facture du vendeur de spiritueux qui avait cédé un alambic à un disciple.

Et les ordres étaient clairs : en main propre. Pour une facture de cette envergure et de cette importance, le marchand ne souhaitait pas voir le document perdu tandis qu’il passerait entre les mains d’un nombre inconnu de disciples.

« Ancien Xiao Jie. » Le disciple de garde à la porte de la secte le vit arriver et le salua respectueusement. Il désigna ensuite ce mortel, qui attendait son arrivée avec impatience. Celui-ci se présenta comme étant un coursier venu de la part d’un vendeur de la ville.

Il lui tendit le document, une facture scellée dans une enveloppe de papier spirituel, le genre d’enveloppe que les mortels payaient cher et n’utilisaient que lorsqu’ils voulaient s’assurer de l’absolue livraison du courrier. Dès lors que l’ancien la prit en main, son énergie spirituelle activa le papier, qui envoya un signal dans un endroit inconnu, signalant que la livraison était effectuée.

À peine la lettre entre les mains de l’ancien, le coursier s’inclina légèrement et fit demi-tour sans un mot de plus pour disparaître rapidement vers d’autres aventures dans la ville.

« Une facture ? » L’ancien Xiao Jie était perplexe. Il pouvait comprendre qu’il fût celui qui avait été appelé puisqu’il gérait les recrutements et les affaires liées à la ville. Mais qu’on lui demande de venir en personne ? Normalement, tout document de ce genre lui était livré dans sa pagode par un disciple de garde. Et ce papier spirituel utilisé pour les grandes occasions ? Sans parler du fait qu’il n’attendait aucune facture. Il n’avait pas été prévenu de l’existence d’une dépense externe récente, quelle qu’elle fût.

D’un seul coup, Xiao Jie eut un mauvais pressentiment.

Il se hâta de retourner au dernier étage de sa pagode pour s’isoler, avant de sortir le document de sa robe. Il fit un geste rapide de la main et le papier se déchira, laissant apparaître la facture en elle-même. Il s’en empara et la déplia pour découvrir au plus vite de quoi il retournait réellement.

Ses yeux parcoururent frénétiquement les quelques lignes manuscrites avant de découvrir la somme due.

 

**

 

« De l’alcool ? Bien sûr ! Je distille de l’alcool spirituel, c’est pour le bien de ma cultivation, Patriarche. » Shi Kun décida d’être parfaitement honnête avec le patriarche. Après tout, il était l’autorité suprême de la secte et semblait apprécier Shi Kun même s’il le lui montrait d’une étrange façon. Et puis, il aurait fini par le découvrir, de toute façon.

« Distiller de l’alcool spirituel pour la cultivation ? Quelle histoire me racontes-tu là… ? » Le patriarche commençait à être habitué à la façon de parler de Shi Kun et à sa tendance à tourner les mots à son avantage. Il l’observa encore un peu avant de froncer les sourcils.

« Pour le bien de ta cultivation ? Je vois qu’en deux semaines, tu n’as pas progressé du tout. Alors dis-moi, quel bien cela apporte-t-il à ta cultivation ? » Le patriarche n’avalait pas cette excuse. Il désirait certes plus que tout pérenniser la cultivation de Shi Kun afin d’en faire un futur joyau de la secte et il était conscient de la signification de son Dao mais il ne pouvait pas permettre qu’un disciple passe son temps à distiller de l’alcool au lieu de faire des progrès dans sa cultivation.

Si cela venait à se savoir, et la pratique à se répandre parce qu’il n’avait pas réagi à temps, quel avenir pourraient avoir les disciples de la secte ?

Le patriarche Destinée secoua la tête et ne laissa pas répondre Shi Kun.

« Montre-moi ce que tu as distillé. Je confisque le tout. Et que je ne te reprenne pas à passer ton temps à distiller de l’alcool au lieu de cultiver ! Te rends-tu compte de ce que tu fais ? Certains disciples de notre secte de la Porte Azure n’ont pas plus de dix ou onze ans ! Désires-tu les faire vivre dans un environnement dans lequel d’autres disciples distillent librement leur alcool ? »

Honnêtement, Shi Kun comprenait où le patriarche voulait en venir. Mais la vérité était qu’il s’en fichait pas mal, des autres disciples. Tout ce qu’il voulait, c’était désormais atteindre lui-même un niveau de cultivation acceptable pour lui permettre de paresser pour le reste de sa vie.

Tous deux entrèrent dans le cabanon de Shi Kun et le patriarche vit les quatorze bouteilles d’alcool spirituel posées à même le sol, dans un coin. Il fit un geste de la main et l’une d’entre elle vola vers lui. Il en ouvrit le bouchon et huma l’arôme puissant qui s’en dégageait.

« Hmm… Un alcool de pêche spirituelle, comme je le pensais. Et… Quoi, 80% ? 90% d’impuretés ? Je ne saurais le dire sans y goûter, l’alcool n’est pas ma spécialité, après tout. »

Shi Kun leva les yeux aux ciel.

« Celle-ci possède 97% d’impuretés, patriarche. En vérité, toutes ces bouteilles contiennent entre 94% et 98% d’impuretés. Je ne compte ni les boire ni les vendre. Mais j’ai réellement besoin de pratiquer la distillation d’alcool spirituel afin d’en apprendre toutes les techniques et tous les secrets, et ceci afin de pouvoir cultiver. » Shi Kun tenta d’expliquer la situation au patriarche sans entrer dans les détails, mais ce dernier bloqua sur un point particulier.

« Tu ne comptes ni les boire, ni les vendre ? Mais alors que vas-tu en faire ? »

Shi Kun se gratta la tête, cherchant comment expliquer la chose sans parler de Fu Tao.

« Je… Je me suis rendu compte que ces bouteilles sont des armes d’exception, capable d’immobiliser un adversaire facilement. Puisque des disciples m’ont déjà poursuivi une fois, je me disais que ça pourrait arriver encore et un moyen de me défendre est toujours le bienvenu. »

Le patriarche fronça les sourcils. Comment de simples bouteilles d’alcool spirituel pouvaient-elles être considérées comme des armes ? Ce n’étaient même pas des objets magiques. Il secoua la tête, se disant qu’il comprenait de moins en moins Shi Kun et sa façon d’agir.

« Bien. Si tu comptes les garder pour toi, alors tu peux les garder. Je vais te faire ce plaisir. » Après tout, il désirait toujours rester en bons termes avec ce disciple au Dao légendaire. Réprimander un comportement qui pouvait mettre la secte en péril – même rien qu’un peu – et lui montrer de la bonne volonté en même temps était plutôt compliqué.

« Oh ? Je peux vraiment ? Merci, patriarche ! » Shi Kun s’inclina en saluant le patriarche pour lui montrer sa reconnaissance.

« N’en parlons plus. Veille simplement à ce que cet alcool spirituel n’arrive surtout pas entre les mains d’autres disciples. Mais dis-moi plutôt, pourquoi cet alcool est-il essentiel à ta cultivation ? »

Shi Kun ne put finalement plus cacher la vérité au patriarche. S’il lui avait menti, celui-ci aurait fini par le découvrir un jour ou l’autre et à ce moment-là, qu’arriverait-il ? Shi Kun se rendait compte qu’il avait en quelque sorte la confiance du patriarche et savait que c’était une chose dont il pouvait se vanter et profiter, dans une certaine mesure. Il ne souhaitait pas tout perdre pour un mensonge qui ne durerait qu’un temps.

Il expliqua la situation du mieux qu’il pouvait : son dantian lui avait permis de percer au 1er niveau de la maîtrise du qi en raffinant de l’alcool, et le patriarche en avait été témoin. Et tandis que son Dao légendaire ne lui permettait aucunement de cultiver, Shi Kun s’était rendu compte que si l’alcool ne fonctionnait plus, l’alcool spirituel quant à lui était efficace.

Il lui fit part de ses doutes et de ses théories : plus il allait devoir faire progresser sa base de cultivation, plus il allait devoir distiller un alcool spirituel puissant, à partir d’ingrédients plus rares et riches en énergie spirituelle en maîtrisant les techniques de distillation tel un expert.

Il en profita même pour demander au patriarche s’il n’existait réellement aucun cultivateur expert en distillation d’alcool spirituel de qui il pourrait apprendre. Le patriarche secoua la tête, impuissant.

« Non, il n’existe personne. L’alcool spirituel est quelque chose de si inutile, tu sais… Il n’y a bien que toi qui y trouves une quelconque utilité. Mais… Shi Kun, je comprends ta position. Ce n’est pas évident de devoir gérer de telles contraintes, même pour moi. Je dois également m’occuper de la secte et veiller à son bon fonctionnement. »

Shi Kun comprenait bien ce que le patriarche voulait dire. Il allait devoir tracer sa propre voie, personne ne le précédait dans l’art qu’il avait choisi de pratiquer. Le patriarche ne pouvait pas tout donner pour lui permettre de progresser ouvertement sur la voie de la distillation spirituelle, pour la simple et bonne raison que ça allait à l’encontre de certaines règles de la secte et de sa parole passée mais il pensait également à l’opinion publique. Que diraient les disciples s’ils apprenaient qu’un seul d’entre eux bénéficiait de soutien pour le développement d’un art inutile ?

Même en leur expliquant qu’il s’agissait du bien d’un Dao légendaire, le patriarche était certain que peu d’entre eux l’accepterait facilement.

« Bien. Je sais comment nous allons décider tout ça. Après tout, le destin ne m’a jamais failli. »

« Pourquoi est-ce que je savais que ça ne pouvait pas finir autrement… » Shi Kun eut un mauvais pressentiment.

Le patriarche fit un geste d’incantation des deux mains et l’illusion d’un paquet de cartes violettes apparut devant lui. Il fit un autre geste et celles-ci se mélangèrent à une vitesse qui dépassait l’acuité visuelle de Shi Kun. On aurait dit un gros chaos flou.

« Tire cinq cartes, Shi Kun. Nous connaîtrons alors le destin qui te lie à la distillation d’alcool spirituel. »

Shi Kun savait qu’il n’avait pas le choix, et soupira, s’imaginant déjà que sa vie allait à nouveau changer du tout au tout, comme à chaque fois que le patriarche Destinée lui jouait un de ses tours du destin.

Il pointa la tranche de cinq cartes du paquet. Celles-ci volèrent et se placèrent, face cachée, entre le patriarche et Shi Kun tandis que le reste du paquet disparut.

Le patriarche retourna la première carte.

« Le dragon. Oooh, je suis impressionné. La première carte définit qui tu es, sur la voie de la cultivation. Le dragon indique ta puissance ! Avec un peu de volonté, tu n’auras pas de limites ! La deuxième carte permettra de connaître ton destin concernant la secte. Pour moi, il s’agit sans doute de la carte la plus importante. »

Il retourna la deuxième carte.

« Hmm… La montagne majestueuse. Bien sûr, ça ne pouvait pas être autre chose, n’est-ce pas ? Ce serait trop facile. »

Shi Kun savait qu’il ne devait pas pour son propre bien mais ne put s’empêcher de poser la question.

« …Que signifie la montagne majestueuse ? »

Le patriarche nota son intérêt et ses yeux brillèrent.

« Cette carte signifie que telle la montagne, tu restes impassible. La secte ne représente pas ton but ultime, tu existes et tu attends d’atteindre un point de ta vie qui aura enfin de l’importance ! Peut-être que ce point se situera dans notre secte, peut-être dans une autre vie… »

Shi Kun n’y comprit rien du tout, finalement. Et pour parler franchement, il n’avait vraiment pas la motivation pour essayer de comprendre. Vite, la troisième carte…

« Ah ? La troisième est la seule carte vierge du paquet. Ton destin est réellement très mystérieux. »

« Une carte totalement vierge ? »

« Oui, mon garçon. Ton avenir dans notre secte et dans le monde de la cultivation est inconnu même du destin. Il pourra être glorieux comme misérable, cela ne dépendra que des choix qui seront faits. »

Le patriarche tourna alors les deux dernières cartes dans le même mouvement.

« Ces deux cartes représentent, ensemble, la façon dont tu vas évoluer sur la voie de la cultivation. C’est ce qui m’importe le plus aujourd’hui ! Dois-je te laisser pratiquer ta cultivation marginale comme tu le souhaites ?! »

Shi Kun se mit à transpirer légèrement. Sa future belle vie dépendait de ces deux cartes ?

« … »

« P… Patriarche ? »

« … »

« Dites quelque chose. Que disent les cartes ? »

Shi Kun se surprit à s’être pris au jeu. Il ne croyait pas vraiment dans ces histoires de destin, mais le patriarche avait la capacité de l’entraîner dans ses élucubrations grâce à son entrain et sa conviction.

« L’homme pendu et le dieu des démons. Ce destin est pour le moins… lugubre, Shi Kun. L’homme pendu va te mener à tuer un nombre incalculable de cultivateurs ; le dieu des démons… indique que tu vas marcher sur une voie réellement obscure. Je… »

Shi Kun comprit ce que le patriarche voulait dire. Bien qu’il ne croyait pas en toutes ces histoires de destin, Shi Kun pouvait bien imaginer que le patriarche en fût choqué. Après tout, ce dernier avait déjà un passif lié à un cultivateur qui s’était écarté de la voie classique pour pactiser avec un démon. Avait-il peur que cela se passe de la même façon avec Shi Kun ?

« Pourquoi… faut-il que les Daos légendaires aient tous un destin tragique… » Le patriarche avait le regard terne et le visage livide. Il semblait avoir vieilli d’un seul coup. Mais ce qui intéressait Shi Kun, c’était son alcool spirituel.

« Patriarche, et mon alcool, alors ? Les cartes n’en parlent pas ? »

Le patriarche Destinée secoua la tête et reprit ses esprits.

« Tu as raison. La troisième carte est la plus importante et elle est vierge. Ton destin final peut être écrit mais tu peux le changer si tu en as la volonté ! C’est la magie de la carte vierge. Le destin t’offre cette chance, Shi Kun. »

Le patriarche n’avait pas répondu à la question, pas du tout même. Il était reparti dans un monologue dont Shi Kun n’avait pas grand-chose à faire.

« Et mon alcool spirituel ? »

« Je sais que ce sera dur, mon garçon, mais… tu y arriveras. Je le sens. »

« … »

Au moment où le patriarche réalisait que Shi Kun lui parlait d’autre chose, il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose. Mais avant de pouvoir le faire, il tourna la tête d’un seul coup.

Au loin arrivait un cultivateur qui volait le plus rapidement possible. Ce dernier atterrit devant la maisonnette de Shi Kun et s’inclina devant le patriarche.

« P… Patriarche… Il faut qu’on parle ! »

« …Ancien Xiao Jie ? »

Raka
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10 thoughts on “TheDAB : Chapitre 33

  1. Merci pour le chapitre.
    Il va passer un mauvais quart d’heure. Heureusement que le patriarche est au courant pour l’utilité de l’alambic sinon ce serait une catastrophe. Là ce ne sera qu’un désastre 😀

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