TheDAB : Chapitre 64
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Chapitre 65

Le doyen était désormais assez fort et rétabli pour lancer à nouveau sa technique de déformation de l’espace. Cependant, elle lui demandait des efforts considérables et il avait déjà puisé dans sa force vitale ; il ne désirait pas l’utiliser à moins d’y être parfaitement forcé et Shi Kun le comprit bien.

« Ce n’est pas important, votre splendeur. Nous ne sommes qu’à une journée de marche de cette ville dans laquelle vous désirez vous rentre, la capitale de la préfecture mineure de Jiaoju. » Le doyen rassura Shi Kun en lui garantissant qu’ils ne voyageraient plus qu’en voyant le soleil se lever une seule et unique fois.

« Bien. Je suppose qu’on ne peut rien y faire. » Shi Kun finit par hausser les épaules. Il avait initialement marché et plus que de raison, avant de se faire attraper par ces étranges cultivateurs dont le doyen était toujours le meneur. Utiliser ses jambes un jour de plus était somme toute acceptable.

Tous deux se mirent en marche et Shi Kun profita de leur avancée silencieuse pour faire tourner sa base de cultivation le plus assidûment possible. Celle-ci était toujours agitée et un maelstrom rageait dans son dantian. Il lui faudrait sans doute plusieurs semaines afin de s’adapter et avoir l’occasion de percer à nouveau en toute sécurité.

Les deux compères de fortune marchèrent pendant le reste de la journée et toute la nuit.

Finalement, lorsque le soleil se levait à l’horizon, ses rayons les laissèrent distinguer une immense enceinte surplombée de toits pointus à perte de vue.

« Cette aura… Cette sensation… C’est ma ville ! Je ne pourrais la confondre avec rien au monde ! » Shi Kun était extatique. Il était si heureux de revoir les murs au sein desquels il avait grandi et tant mendié qu’il ne put s’empêcher de presser le pas pour finir par courir, le sourire aux lèvres.

« Au diable la flemme ! Je suis chez moi ! » Shi Kun n’attendit même pas le doyen, qui du sommet de son âge décida qu’il le suivrait de loin et le rattraperait le moment venu. D’ailleurs, pourquoi ce jeune prodige voulait-il tant voir cette ville en particulier, dans un coin perdu et encore plus pauvre en Qi que l’endroit dans lequel le doyen avait vécu ?

Ce dernier secoua la tête. Il avait tendance à oublier que Shi Kun était supposé mener un voyage initiatique afin de découvrir le monde. Peut-être s’était-il simplement arrêté là, dans ces lieux qui donnaient au doyen la folle envie de rebrousser chemin pour retrouver sa campagne, quelque peu plus riche en Qi.

Suivant la course de Shi Kun au loin, le doyen pressa malgré tout le pas afin de ne pas risquer de le perdre de vue. Le gamin était déjà arrivé devant la grande porte de la ville, gardée par plusieurs cultivateurs en poste.

L’un d’eux adressa la parole à Shi Kun mais le doyen était trop loin pour saisir le moindre mot de ce qui se disait. Il vit simplement que Shi Kun expliquait quelque chose à son interlocuteur qui semblait entendre ce qu’il avait à dire avec la plus grande attention. Rapidement, un autre garde approcha et ouvrit de grands yeux. Un troisième laissa choir sa mâchoire et resta bouché bée.

Le doyen se demandait bien ce que Shi Kun pouvait bien avoir à dire à ces gardiens de la porte de la ville pour qu’ils soient ébahis à ce point.

« Mais bien sûr ! Il est en train de leur avouer qui il est afin de pouvoir entrer en ville et sans doute avoir droit à un traitement de faveur. » Le doyen se surprit à sourire en coin. Même si cette ville était située dans l’un des endroits les plus pauvres en Qi qu’il connaissait, près de la mer et loin de la Montagne Impériale, s’il suivait ce jeune héritier… alors il serait certain d’être traité avec les égards d’un roi !

Arrivé aux côtés de Shi Kun, ce dernier se tourna vers lui et lui adressa un sourire.

« Ah ! Merci de m’avoir accompagné jusqu’ici. Je suis enfin de retour chez moi et j’ai fait demander le patriarche de ma secte de la Porte Azure ! Il ne devrait plus tarder, maintenant. » Shi Kun hocha la tête de contentement. Il se montrait bienveillant à l’égard de celui qui l’avait kidnappé mais qui finalement s’était démené pour lui rendre service au prix de sa longévité. Pour Shi Kun, le doyen avait fait amende honorable et avait tout fait pour expier son crime avec succès.

« Votre secte…? » Le doyen par contre ne comprit pas de quoi il retournait. Une secte ? Un patriarche ? Pourquoi Shi Kun désignait-il cette secte de bas étage comme sa secte ? En avait-il obtenu la propriété ? À bien y réfléchir, il s’agissait d’une possibilité tout à fait logique ! Qui refuserait quoi que ce soit à un jeune fils de patriarche de la Montagne Impériale ?

Ainsi, il attendait le patriarche d’une secte locale qui allait être sienne ?

« C’est pour cette raison qu’il a absolument voulu revenir ici ! Je comprends tout, maintenant ! » Le doyen se frottait les mains intérieurement. S’il pouvait rester dans l’entourage de Shi Kun, peut-être même en se prétendant encore être son servant comme il en avait été question sur la Montagne Impériale, alors il aurait la possibilité de mettre la main sur une secte entière.

Que ne serait-il pas possible de faire avec le nombre incroyable de cultivateurs d’une secte entière ? Tant de sacrifices nécessaires au retour du Grand Ancien qu’il vénérait avec tant d’ardeur.

« Oui. C’est décidé. Je vais le suivre à la trace encore un moment, jusqu’à pouvoir m’assurer une position de prestige dans la secte qu’il vient d’acquérir ! » Totalement convaincu par son propre raisonnement, le doyen se rapprocha légèrement de Shi Kun, comme pour lui certifier qu’il n’avait pas encore prévu de l’abandonner.

Shi Kun le remarqua et hocha la tête.

« Je comprends. Tu ne veux pas rentrer chez toi parce que tu veux une récompense, n’est-ce pas ? » Après tout, le doyen avait littéralement puisé dans son espérance de vie pour aider Shi Kun à rentrer au plus vite. C’était malgré tout un sacrifice important qu’il avait choisi de faire envers et contre tout. Pour Shi Kun, le doyen avait largement dépassé ce qu’il était nécessaire de faire pour expier son crime, lorsqu’il avait tenté de le convertir de force. Donner des années de sa vie était réellement respectable.

« Bien entendu. Une récompense. Tu la mérites, oui. Je vais faire ce que je peux pour que tu puisses demander quelque chose au patriarche de ma secte de la Porte Azure. » Shi Kun hocha la tête tel un grand seigneur. De son côté, le doyen sentit son cœur défaillir, l’espace d’un souffle.

« Il m’accorde un souhait ! Le fils d’une puissance colossale m’accorde un souhait ! Il va faire en sorte qu’un patriarche de secte obéisse à mes ordres ! Je… Je suis béni ! Je vais lui demander dix mille cultivateurs ! Non, cinquante mille ! » Dans son esprit, le doyen ne parvenait plus à tenir un compte exact ce qu’il était acceptable de réclamer. Tout ce qu’il voyait, c’était le Grand Ancien revenir dans ce monde et faire de lui un roi parmi les rois.

Les gardes s’écartèrent et Shi Kun tourna la tête. Au loin, il vit ce qu’il ne pourrait jamais oublier : la silhouette du patriarche Destinée qui arrivait depuis les cieux, telle un météore prêt à tous les écraser.

Cependant, il ralentit rapidement et posa le pied au sol aussi légèrement que s’il devait le faire sur des œufs. Il tapota légèrement son épaule pour en faire voler un brin de poussière et s’approcha de Shi Kun.

« Shi Kun ! Tu es de retour ! » Dans ses yeux brillaient une étincelle de reconnaissance, dans son cœur brûlait tous les remerciements qu’il pouvait adresser à la terre et aux cieux. « Je commençait à penser que jamais je ne te reverrai ! »

« Ce disciple salue le Patriarche. » Shi Kun rassembla ses mains devant lui dans un claquement sec tout en s’inclinant légèrement. Il était parti si longtemps et il craignait que le patriarche ne lui en veuille pour toutes ces semaines qu’il avait perdues à traîner au lieu de rentrer. Aussi se montra-t-il le plus respectueux possible, respectant l’étiquette à la lettre et faisant en sorte de montrer un comportement irréprochable.

Le patriarche Destinée haussa les sourcils, surpris.

« Oh… Shi Kun a-t-il mûri depuis son départ ? Finalement, cet exil forcé était-il une bonne chose pour lui ? Qui sait, peut-être a-t-il décidé de cultiver avec plus d’acharnement et de conviction ? »

Il sonda rapidement la base de cultivation de Shi Kun et s’en trouva une nouvelle fois étonné.

« Le troisième niveau de la maîtrise du Qi. J’ai peut-être vu juste : il a profité de ce voyage de retour pour chercher une bonne fortune et travailler sur sa cultivation. Je suis fier de lui, oui. » Le Patriarche Destinée adressa un large sourire satisfait à Shi Kun avant de remarquer la présence du doyen.

« Il est avec toi ? »

« Eh ? Oui. Oui, il m’a permis de rentrer plus rapidement que si j’avais dû m’y prendre seul ; il est le doyen d’une… d’un… d’une espèce de secte ? Des cultivateurs retranchés sous terre qui vénèrent un démon, j’ai un peu oublié de quoi il s’agissait, à vrai dire. »

« Une secte ? Une secte comme notre secte de la Porte Azure » ? Le patriarche ne comprenait pas. Une secte souterraine ? Quelle était cette histoire ?

« Non. » Shi Kun secoua la tête. « Une secte plus proche d’un culte. Ce n’est pas une organisation comme notre secte de la Porte Azure, je le certifie. Malgré tout, ils m’ont donné l’impression d’être heureux alors je ne vois pas ce que je pourrais leur reprocher. » Shi Kun tût volontairement tout ce qui avait trait à son enlèvement, par respect pour le sacrifice du doyen.

« D’ailleurs, je voudrais vous parler de lui, justement. Il tombe fort bien que vous ayez abordé le sujet le premier. Je souhaite vous signifier qu’il a puisé dans sa longévité afin de m’aider à rentrer, en lançant une technique qui l’a ensuite forcé à se reposer tel un cadavre vivant pendant plus de dix jours. »

« Oh ? » Le patriarche ne put retenir un hoquet de respect. Il fut agréablement surpris par ce qu’il venait d’apprendre de la bouche de Shi Kun : qu’un illustre inconnu sacrifie une partie des années qui lui restaient à vivre pour aider un jeune cultivateur perdu était vraiment philanthrope au possible. « Le patriarche de la secte de la Porte Azure te présente ses respects pour ce que tu as fait pour ce disciple, doyen. »

Le patriarche s’inclina très légèrement avant de continuer.

« Si tu désires quelque chose de la part de notre secte, tu es libre de prendre la parole. Tu peux également loger dans les quartiers réservés aux invités de marque le temps qu’il te plaira et repartir lorsque tu le souhaiteras. Peut-être désires-tu te voir amener des ressources de cultivation ? Je pense que ce serait un geste honorable pour quelqu’un qui a sacrifié sa longévité pour nous. »

Le doyen entendait les mots du patriarche et les buvait littéralement, dans un état presque second. Il y avait bien une chose qui ne collait pas, cela dit. Un disciple ? Pourquoi avait-il à plusieurs reprises désigné Shi Kun comme un disciple de sa secte de la Porte Azure ? Il en était évidemment le nouveau maître, un dragon parmi les hommes, autorisé à donner des ordres au patriarche en personne.

Cela dit, il se laissa malgré tout emporter par le flot des délicieuses paroles du patriarche Destinée et secoua la tête pour balayer ces drôles d’idées.

« Oui ! Merci, Patriarche de la secte de la Porte Azure ! » Il s’inclina à son tour, les mains rassemblées en un salut respectueux. Il n’en avait aucunement l’obligation face au patriarche qui n’était pas le sien et ce dernier hocha la tête avec un sourire, fier du comportement du doyen.

« Alors, dis-moi tout. Sais-tu ce que nous pourrions t’offrir pour te dédommager et te remercier ? »

Le doyen leva les yeux d’un seul coup, une flamme brûlante au fond des pupilles.

« Je souhaiterais dix mille… Non, vingt mille cultivateurs ! »

« Pardon ? » Le patriarche crût avoir mal entendu et redressa légèrement la tête comme pour tendre l’oreille.

« Au… Au nom de sa splendeur Shi Kun, je demande vingt mille cultivateurs ! »

Au moment où ses mots quittèrent sa bouche, il se rendit compte qu’il venait de laisser libre cours à son désir au lieu de s’assurer au préalable une position de choix dans la secte. Une telle demande immédiate, il était probable que le patriarche refuse, même pour Shi Kun. Aussitôt, il voulut se reperndre.

« Je… Erm… Non, je… En réalité, je voudrais vingt mille cultivateurs pour… Pour… »

Il ne savait plus quoi raconter. En réalité, il n’en eût pas le temps, le patriarche et ses sourcils froncés ne lui permirent en aucun cas de prononcer le moindre mot supplémentaire.

Le patriarche leva la main et fit un geste comme pour faire cesser tout bruit. Stop. Silence. Plus un mot. Un geste qui contenait toute la puissance du pic de la Naissance de l’Âme et contre laquelle le doyen n’arriva pas à se lever. Submergé par la terrible base de cultivation du patriarche, il tomba à genoux, se rendant compte de son erreur.

Malgré ça, il ne parvint pas à demander pardon.

Le patriarche soupira.

« Tu as sacrifié des années de ta vie afin d’aider un disciple de ma secte de la Porte Azure à rentrer chez lui. Je t’en suis reconnaissant, oui. Mais ne pousse pas ma générosité à un point tel que tu serais en droit de me demander de t’offrir des cultivateurs. Te rends-tu compte qu’un seul d’entre eux est aussi précieux que la vie qu’il porte ? Tu as sacrifié des années de vie. Je ne sacrifierai pas la vie complète d’un disciple. »

Le doyen voulut répondre, s’excuser, expliquer qu’il n’en avait pas du tout après leur vie, bien au contraire ! Il souhaitait leur donner une nouvelle raison de vivre, bien plus forte, puissante, véritable ! Mais la puissance de la Naissance de l’Âme qui l’écrasait était sans équivoque.

« Maintenant, dois-je te pardonner pour avoir osé faire une demande si impudente ? Le destin va nous le dire ! »

Raka
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