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Chapitre 212 – Moi aussi 4/8

 

— Kuu, Kuhaaaaaaah !

Liera fit face au maître du donjon en lui lançant au visage un mélange de cri et de grognement. Durant sa vie, les archives qu’il avait accumulées n’étaient pas moindres, et les consciences qui le composaient étaient légion. Mais Liera était entraînée pour bien, bien plus longtemps que ça ! Il n’était que naturel de voir sa lance réprimer son adversaire.

— Meurs !

— Je ne te laisserai pas tuer… Ilhan !!

L’ennemi avait déjà un nombre important de trous dans l’abdomen et le torse. Une ombre fluide, du genre à se questionner sur la possibilité de blesser un tel corps, était percée par un mana de haute densité qui créait des plaies impossibles à soigner !

Non seulement ça, mais même à ce moment, un nombre incalculable de nouvelles blessures apparaissaient sur son corps volatile. Liera ne permettait à aucun coup de la toucher en retour, et il était clair qu’elle possédait un lourd avantage.

— Créature… stupide ! grogna le maître du donjon.

— Stupide ? Ne te fous pas de moi !

Cependant, Liera avait un problème. Ce pour quoi elle bougeait, ce pour quoi elle avait fait un choix évident mais catastrophique, empoisonnait son existence même.

Tandis que ses plumes se faisaient arracher par une main invisible, le sang d’existence supérieure qui coulait en elle se mit à se déverser dans l’autre sens, ses os craquèrent, sa chair se flétrit et commença à se décomposer, et sa peau s’assécha. Sa beauté brillante fondait à vue d’œil, lui donnant une apparence pitoyable.

— Pourquoi… demanda le monstre. Pourquoi ? Il n’existe personne d’autre que lui de si égoïste.

— Voilà pourquoi vous autres monstres ne valez rien ! Ce que tu imites n’est que l’apparence extérieure de mon Ilhan, et tu ne sais finalement rien de lui ! Voilà pourquoi tu es si… FAIBLE !

Sa lance finit par envoyer voler celle de l’ombre. Bien sûr, il ne s’agissait que d’une portion du corps de l’ennemi, et cette partie se régénèrerait rapidement. Mais ce qui visait Liera, c’était précisément ce moment qui verrait cette lance se régénérer !

— Hugaaaaaaaaaaaahp !

Elle retira sa lance aussitôt et la balança pour envoyer un coup d’estoc vers l’avant. Elle essayait de terminer le combat avant de perdre tous ses pouvoirs.

[Coup critique.]

[Coup critique.]

[Coup critique.]

La pointe de sa lance explosa à l’intérieur du corps de son ennemi. Tandis que des blessures fatales, irréparables, irréversibles se dessinaient sur son corps, l’ombre réalisa.

— Tu n’essayes pas de me tuer. Tu… !

— Hhhhhp !

Et ce moment de réalisation permit à Liera de retrouver un avantage certain, qui lui permit une autre attaque se terminant en de colossaux dégâts. Malgré ça, et malgré sa confusion, le maître du donjon parvint à finir sa phrase.

— …Tu essayes de le laisser me tuer… ?

— Et ça changera quoi, si je te tue moi-même ?!

Je vais bientôt perdre mes pouvoirs et mourir – elle ravala ces mots. Yu Ilhan se fâcherait s’il les entendait.

Mais vraiment, elle n’avait aucun intérêt à le tuer, à gagner les archives et l’expérience d’un monstre de sixième classe, plus maintenant. Elle prévoyait de le réprimer grâce à ses pouvoirs, et laisser Yu Ilhan décider de son sort final, une fois qu’il en aurait terminé avec sa compétence.

C’était sacrificiel, mais c’était le cadeau final qu’elle désirait et qu’elle pouvait lui laisser. Cela permettrait à son âme de grandir, de le rendre plus fort. De survivre dans un environnement cruel qu’il aurait bientôt à affronter !

— Humains… Je ne peux pas les comprendre.

— Je ne me suis jamais attendu à ta compréhension !

L’ombre agita la lance déjà recréée. Il était extrêmement difficile pour Liera d’éviter ses attaques désormais. Elle ne chercha plus à esquiver la lance, et choisit d’infliger des blessures toujours plus profondes à la place, les échangeant contre d’autres plaies sur son propre corps.

[Coup critique.]

— Kuuuuuuuugh !!

La lance d’ombre brisa le casque qu’avait forgé Yu Ilhan comme s’il avait été en carton, et déchira la peau du visage de Liera. Cela dit, elle ne s’arrêta pas, et lui offrir encore un trou béant de plus, au niveau de l’épaule.

— Je dois ! Tuer ! Cet humain !

— J’ai dit que… je ne te laisserai pas !

La puissance de Liera fanait. Une puissance uniquement acquise par son talent et ses efforts. L’océan sans fin de vagues se rassembla, s’amplifia, et explosa à l’intérieur de l’ombre. Le corps physique d’un lointain monstre de sixième classe s’effondra à ce moment.

Liera était considérée très puissante, même parmi les individus de sixième classe. Encore plus que celle qui l’avait entraînée, Spiera, et bien plus que quiconque dans l’Armée des Cieux, dans l’Armée du Démon de la Destruction, ou ailleurs !

— Kergh.

Mais elle était à sa limite. Liera dut poser un genou à terre, manquant de peu la possibilité de totalement réprimer son adversaire. En réalité, elle avait déjà dépassé le point critique, et ne tenait plus que grâce à la bénédiction de la déesse depuis un moment.

— Femme… stupide !

Son visage était déjà au-delà de toute possibilité de reconnaissance faciale, mis à part deux yeux rouges qui brillaient. Le reste ne pouvait plus être différencié. La bénédiction tentait de la maintenir en vie, mais ne lui permit plus le moindre mouvement, ce faisant.

Si elle avançait d’un pas, son cœur s’arrêterait. Ses jambes resteraient sur place, ses bras se feraient trancher, et son cerveau exploserait. Et malgré ça, elle voulait plus que tout franchir ce pas. Elle le désirait ardemment, mais la bénédiction avait jugé. Elle avait jugé qu’elle devait se raccrocher à la vie afin d’honorer cet amour. Et Liera ne fut pas autoriser à bouger.

— Tu as échoué, lui lança l’ombre.

Elle était dans un état singulièrement moche elle aussi, non loin d’elle, et se mit à rire de ce choix d’avoir brûlé tout ce qu’elle était.

— Je survivrai, continua le maître du donjon. Et je le tuerai. Ta petite volonté a perdu face à celle de la Terre.

— La… FERME… !!

Son corps disparaissait. Combien de trous le perçaient ? Et ses organes – s’il en avait – détruits ? Il avait également un mal fou à bouger. Il mourrait en tentant de tuer Yu Ilhan.

Alors, il n’oserait pas, et se retirerait. Il avait encore beaucoup de temps. Se soigner tout en attendant que Liera soufflât son dernier mot, et tendre une nouvelle embuscade à l’humain.

Il ne pouvait pas le surpasser. L’humain ne pourrait pas surpasser l’exécution d’une rage justifiée, qui serait définitivement appliquée. Cette volonté monstrueuse, polie depuis un nombre incalculable d’années, lui permit de faire le bon choix et de battre en retraite.

— Hé.

Oups.

Non, il ne fut pas autorisé à battre en retraite.

— Qui t’as autorisé à te barrer, la queue entre les jambes ?

Une voix, ni puissante, ni ténue, résonna. Le monstre, concentré sur sa bataille contre Liera, parvint finalement à lever la tête et regarder dans la direction d’où venait la voix. Enfin, il remarqua le changement dans son environnement.

— C’est… ?

Le feu craquait tout autour de lui. Un feu à moitié blanc, à moitié transparent, qui n’aurait pas dû exister. Ces flammes, qui enveloppaient tout l’espace disponible, brûlaient et crépitaient en relâchant un violent poison et une malédiction tout aussi létale, afin d’empêcher quiconque de s’échapper.

— Comment… ?

— Ton camouflage est vraiment nul.

Yu Ilhan se mit à rire, les yeux ouverts et l’air vicieux. Dans ses orbites brûlait désormais une couleur plus rouge que dans ceux de Liera. Les traces de la bénédiction de la déesse du feu, une preuve qu’il avait fait un pas en avant en tant qu’individu.

— Tu t’imaginais vraiment pouvoir te camoufler à nouveau, …face à moi ?

Yu Ilhan. Son corps entier, recouvert du Corps du Dragon Infernal, tremblait et vibrait, ses muscles tendus et sa tension proche de l’AVC. Il était sur le point d’exploser. Un phénomène temporaire issu de l’évolution par fusion de la Puissance Surhumaine avec une autre compétence.

— Toi ! hurla l’ombre.

— Ne penses-tu pas que cette évolution de compétence a pris un peu trop de temps ?

— Quand bien même, en si peu de temps… !

— Oui. J’ai gagné ma quatrième classe. Merci pour la réaction chaleureuse. Comment peux-tu imaginer pouvoir battre en retraite ? Même les Anges Déchus font mieux que toi.

Le rire de Yu Ilhan était gras, puissant et sombre. C’était un rire du vainqueur paresseux, qui pouvait abattre son ennemi sans effort. Et en même temps, celui d’une personne dont la rage ne connaissait plus de limites.

L’ayant observé depuis tout ce temps, l’ombre savait ce que ce sourire impliquait. Le maître du donjon tenta de bouger, mais n’y parvint point. Le monde ne le lui permettait pas.

— Comment… !

— Cet espace m’appartient, et n’appartient qu’à moi, actuellement.

Yu Ilhan ramassa sa lance. La flamme translucide qui formait la zone se mit à danser autour de l’arme, ravie de pouvoir s’y accrocher. Le bonus d’attaque de feu, le Brasier maîtrisé et la bénédiction de la déesse s’étaient enchevêtrés pour créer un pouvoir au-delà de toute raison.

Était-ce quelque chose qu’une existence inférieure était autorisée à manier ? Ce n’était pas nouveau. Yu Ilhan ne se considérait plus dans un tel moule.

— Je… !

— Échec et mat, enfoiré.

Une chaîne de flammes blanches surgit du sol dans un cliquetis métallique et attacha littéralement l’ombre mouvante. À pleine puissance, il aurait sans doute été capable de fuir, mais blessé comme il l’était par Liera, un tel exploit lui était impossible.

— Kugh, Kehagh ! Kuuuuuuugh !

— Il y a peut-être une entrée vers l’enfer, mais il n’y a aucune sortie.

Tandis qu’il tordait son corps informe pour tenter de s’échapper, l’humain en face de lui chargea, la lance couverte de flammes blanches. Plus il approchait, plus puissant devenait le feu. Et plus l’ombre pouvait reconnaître l’expression de pure rage qui déchirait son visage.

— Et s’il y a une sortie, c’est celle-là !!

Le maître du donjon sentit finalement la mort approcher, de façon factuelle, pour la première fois de sa vie. Une terreur qui s’enfonça profondément dans son esprit.

— Je… ! Vais… !

Yu Ilhan n’avait aucunement l’intention d’écouter ses dernières volontés. Il devait aller voir Liera après en avoir fini avec lui, rapidement. C’était la personne la plus importante du monde. De son monde. Si importante, irremplaçable.

Sa lance frappa, perça et décima l’espace même dans lequel l’ombre existait. La volonté qu’il exprimait et dont il se disait porteur avec tant d’arrogance fut incinérée en même temps que lui.

— Tu te contentes de crever.

Son ennemi ne pouvait plus répondre. Pour un être totalement éradiqué, aucune excuse n’était envisageable.

— Fuuuu….

Yu Ilhan fit disparaître sa lance. L’enfer blanc qui était descendu sur Terre fit de même, sans une trace.

[Vous avez acquis de l’expérience.]

[Archives de la Volonté du Chaos de niveau 403 reçues.]

Sur sa rétine, de nombreuses lignes de texte défilèrent, des montées en niveau notamment, mais Yu Ilhan s’en moqua éperdument. Il était certain de la mort de son ennemi.

— Liera !

— Il… Ilhan…

Il courut en hurlant le nom de l’Ange qu’il aimait. Effondrée au sol, elle tremblait, mais toujours vivante. Et lui, il remercia tous les dieux de l’univers pour ce cadeau.

— Je… réponse…

— Je vais te donner la réponse que tu attends tellement, alors patiente encore un moment.

Yu Ilhan, agenouillé aux côtés de Liera, lui sourit brillamment, comme si l’expression effrayante qu’il avait eue juste vingt secondes plus tôt n’avait été qu’une blague. Les yeux pleins de larmes, Liera l’ignorait, et tout allait bien pour elle.

— Mais… Maintenant…

— Tu as vraiment appris les mauvaises choses des séries télé. Merde, la télé ruine toujours tout.

Il se trancha le poignet, jusqu’au sang. Lorsqu’il laissa le fluide vital couler sur l’armure de Liera, celle-ci émit une lumière vive et commença à fondre. Liera le sentit, elle aussi.

— …Huh ?

Sa voix s’éclaircit quelque peu. Lui faisant face, Yu Ilhan fit claquer sa langue.

— De nos jours, tu vas juste te prendre des menaces par mail si tu retires un personnage pareil d’une série.

Le seul individu capable de créer des archives, de se dresser contre la loi du monde – il parlait d’un truc si stupide de façon si fière.

— Je vais d’abord tout te prendre, dit-il plus sérieusement. Je ne laisserai plus rien m’échapper.

— Ilhan… ?

— Prépare-toi. Prépare-toi pour le reste de tes jours.

Entendant ça, Liera ouvrit grand les yeux, abruptement. Elle pouvait voir le visage de son bien-aimé couvert de larmes, mais décida de la fermer afin de protéger sa fierté d’homme.

Et la renaissance démarra.

Raka
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