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Chapitre 215 – Moi aussi 7/8

 

Pour les enfants, le combat contre les démons était dur et cruel. Sans l’aide de Yumir, ils auraient été éradiqués lors de leur première rencontre. Ils étaient certes talentueux, une nouvelle génération capable de gagner plus de cent niveaux en moins de cinq ans, mais la différence entre eux et les démons était un mur insurmontable.

Malgré ça, ils sortirent victorieux du premier combat. Yumir avait assuré, à l’arrière.

Aaaaarh… Aaaaaaarh… haletaient-ils tous à l’unisson.

— Maître, le monstre est-il mort ?

— Ouais, il est mort. Vous avez reçu de l’expérience, non ?

— Ouais, mais…

— C’est la preuve formelle et définitive. Papa me l’a dit.

Il observait le démon qui ne bougeait plus. Puis, il se tourna vers son armée, qui n’avait souffert aucune perte, et les écouta.

— Fuuuu, fuuu…

— J’ai l’impression de mourir… Mes jambes me font si mal.

— Hing, j’ai trop mal à l’estomac.

Tous étaient au sol et haletaient. Leurs visages n’étaient que fatigue et douleur.

Cependant, Yumir considéra leur victoire un véritable succès. Bien que les dégâts auraient été massifs dans ses rangs s’il n’était pas intervenu à temps, tous les soldats de son armée avaient survécu. Tout le monde était en vie et chacun partageait expérience et archives de la bête vaincue.

— Avez-vous tous gagné des niveaux ? demanda-t-il.

— Ouais.

— Ce n’est pas autant que le héros, mais… nous sommes devenus un peu plus forts.

Ce n’était pas la première fois que Yumir n’infligeait pas le coup de grâce à un monstre. Il s’était alors agi d’un affrontement difficile et dangereux, mais on pouvait lire la satisfaction sur le visage des enfants. Gagner des niveaux grâce à un combat était incomparable, et donnait un sens de plénitude, d’accomplissement, contrairement aux niveaux gagnés en mangeant.

— Mais il faut faire encore mieux.

Alors que les enfants étaient ivres de leur victoire, sa voix froide résonna et les ramena à la raison.

— Vous devez survivre. Et pour survivre sans moi, vous n’êtes pas encore assez puissants.

— Le héros s’en va ?

— Il faut que je retrouve mon père. Il va finir par me chercher, et me trouver. En attendant, je vous rendrai le plus fort possible.

— Nous voulons te suivre !

Les enfants, encore endoloris et gémissant de douleur au sol, se redressèrent comme un seul homme en entendant cette déclaration. Mais Yumir secoua la tête.

Il s’était dit que n’importe qui pouvait devenir aussi fort que les Elfes qui étaient sous la responsabilité de son père après un entraînement de deux ans, mais il avait placé la barre trop haut. Bie que le taux de croissance de ces petits mutants qui le suivaient était étonnant, s’il en était le seul juge, c’était encore beaucoup trop lent.

Il était bon de les voir progresser rapidement, de les observer capables de manier des compétences plus puissantes. Cela dit, leur volonté de combattre n’était pas à la même hauteur, et il était clair que leur talent dans l’usage de leurs compétences était faible comparé à leur niveau. Ce désavantage n’existait pas chez les Elfes, qui s’étaient déjà entraînés longtemps avant de rencontrer Yu Ilhan.

— Eeeeeek.

Les mots exempts de pitié de Yumir eurent l’air de les blesser. De leur point de vue, ils avaient travaillé à s’arracher les cheveux et se broyer les os, et ils se faisaient malgré ça écraser par un jugement froid de la part de leur idole. L’évaluation de Yumir n’était pas délicate, et quiconque de leur âge entendant ces mots ne pouvait clairement pas l’accepter.

Mais…

— Nous pouvons devenir plus forts !

— Je deviendrai le plus fort et suivrai le héros !

— Tu ne peux pas me laisser là !

Ce nouveau type d’humains était différent. Leurs standards étaient devenus les mêmes que ceux de Yumir après avoir vécu dans le donjon pendant deux ans, aux côtés de leur héros. Bien sûr, l’effet de Commandement était puissant également, mais l’influence mentale que la personnalité de Yumir et l’environnement avaient sur eux était encore plus forte !

— …Vous voulez devenir plus forts ? hésita-t-il.

— Ouais !

— Plus forts !

Peut-être que la flamme de leur volonté n’était pas encore éteinte, après tout. De nombreuses voix passionnées émergèrent de la foule, çà et là. Tout le monde le regardait avec anticipation et crainte. Ils semblaient ne plus ressentir aucune douleur, et plus les secondes s’égrenaient, plus leur regard était résolu.

Mais Yumir était perdu. Il avait pris soin d’eux afin de suivre les pas de son père qui avait fait la même chose, mais aussi pour leur permettre de survivre seuls. Aussi, il était très surpris de les voir aussi résolus à ne pas le quitter.

— …Ok.

Cependant, il ne pourrait faire face à son héritage de Dragon s’il les rejetait tous alors qu’ils désiraient si ardemment le suivre. Yumir acquiesça, comme ils le souhaitaient.

Bien sûr, il ignorait que les enfants n’étaient pas capables de réfléchir de façon rationnelle, et qu’ils ne pourraient pas se séparer si facilement à cause de leur lien de Commandement. Yumir était lui aussi un enfant, après tout.

— Alors tout va devenir encore plus difficile, leur déclara-t-il. Nous allons devoir aller encore plus vite, maintenant.

— Ok !

— Nous ferons de notre mieux, maître !

— Définitivement !

Une vague de résolution se propagea dans leurs rangs. Yumir se redressa.

— Mais ne mourrez pas, les prévint-il. Mourir est une chose triste.

— Compris !

Yumir se satisfit de ces réponses enjouées et positives. L’armée se reposa pour une trentaine de minutes supplémentaires, puis prit le départ après avoir récupéré leur pleine puissance.

Depuis ce moment, ils partirent en chasse pour de bon. Les enfants n’étaient pas autorisés à dormir ; toute leur fatigue était annulée à chaque fois qu’ils gagnaient un niveau, et personne ne mourut d’épuisement.

Bien entendu, le stress mental ne s’effaçait pas comme ça, mais les membre de son armée supportèrent ces temps difficiles avec une volonté d’acier. C’était une technique que Yu Ilhan avait utilisée à de nombreuses reprises par le passé, et quelque chose que Yumir avait lui-même expérimenté.

Comment un enfant, d’un niveau à peine supérieur à 100, pouvait-il ne pas craquer sous un tel entraînement ? Évidemment, grâce à la quantité d’expérience faramineuse donnée par les ennemis, les démons pervers. Sous la direction de Yumir, ils pouvaient facilement réussir à les abattre en un temps record.

Yumir testa leurs talents, leurs efforts, leur ténacité. Les enfants, de leur côté, suivirent tous sans piper mot, quoique pleurant souvent des larmes de sang. L’entraînement était des plus cruels, et qu’il n’y eût aucun mort fut exceptionnel.

Lorsque plusieurs mois se furent écoulés ainsi, le plus faible des enfants avait atteint le niveau 120, tandis que le plus costaud avait obtenu son niveau 144. Les démons pervers se trouvaient en réalité être un cadeau parfait pour quiconque avait la capacité de les chasser !

— Je vais clairement, définitivement partir avec le héros !

Et qui était niveau 144, exactement ? Il s’agissait de l’une des filles qui tentait toujours de rester près de Yumir. Plutôt qu’une position sociale, il s’agissait plus d’un intérêt romantique, et elle ressentait en réalité un amour à sens unique, passionné et indéfectible alors qu’elle n’avait que cinq ans !

— Ouais, il faut que vous fassiez plus d’efforts.

— Ok !

Bien sûr, Yumir, ignorant ce qu’il pouvait se passer entre un homme et une femme, se contenta de féliciter et encourager l’enfant en la jugeant talentueuse, suffisamment pour faire la différence avec assez de travail. Et en entendant ses mots, elle avait l’air prête à tuer tous les démons en vue.

Malheureusement pour elle, et heureusement pour Yumir qui ne voulait pas voir un enfant en danger, le donjon s’ouvrit sur la Terre, dehors, en exactement trente minutes.

— Hm…

Bien entendu, le premier à réaliser le changement fut Yumir lui-même. Le monde dans lequel ils se trouvaient, dans son entièreté, se mit à trembler, et le mana faisait de même.

— Que plus personne ne bouge, ordonna-t-il.

Les 9.300 enfants qui avançaient sous couvert s’arrêtèrent net. Yumir les rassembla en un point central et se changea en Dragon, juste au cas où, car il était plus puissant sous cette forme.

— Non… Attends.

Et suite à cette transformation, ses sens se développèrent naturellement, et il fut capable d’analyser les propriétés du mana dans le détail. Et il réalisa une chose absurde.

— Ça se mélange, souffla-t-il.

— Qu’est-ce qui se mélange, maître ?

— Héros, combien de temps devons-nous rester immobiles ?

Les enfants l’appelaient héros, maître, avec respect sans faillir. Mais Yumir, confus face à un changement de situation inattendu, était heureux, et en aucun cas prêt à les écouter.

Yumir finit par annuler sa transformation, et redevint humain. Tandis que les enfants l’observaient, confus, il leva la tête vers les cieux, et remarqua que la couleur du firmament changeait.

Non, même le ciel se mélangeait. Ce ciel infernal rouge et lourd et le ciel bleu et pur de la Terre, dehors.

— Nous sommes sortis, annonça-t-il dans un soupir.

Et sa voix devint un cri, en un instant.

— Nous sommes sortis !

— Que se passe-t-il, maître ?

— C’est la Terre !

Le mana, le ciel, le paysage – tout se mélangeait ! Les frontières du donjon s’effondraient comme si elles n’avaient jamais existé.

Yumir était certain que Yu Ilhan était à l’origine de ce phénomène. Son père venait le chercher, il n’y avait aucune erreur possible !

Et sa conviction fut rapidement fondée.

— C’est quoi, ça ?

— Héros, un énorme truc vole dans le ciel.

— Ouah, tellement cool. Regardez ces miroirs !

On aurait dit un château dans le ciel. De plus, il y avait ces miroirs qui tournaient en l’enveloppant, comme pour le garder, et qui, de temps à autre, se rassemblaient pour tirer un puissant rayon d’énergie. Chaque fois que ça se produisait, Yumir pouvait sentir les démons pervers, eux aussi libérés, se volatiliser.

— C’est… J’ai peur, héros.

— Est-ce qu’ils ne vont pas nous attaquer, nous aussi ?

— H… Héros…

Les enfants se dispersèrent, en proie à la peur face à un pouvoir si écrasant. Yumir ne s’en préoccupa pas ; il savait que la personne qu’il cherchait se trouvait dans le château !

— Papa !

Ses cris emplirent le ciel. Yu Ilhan, lui aussi occupé à anéantir les démons libérés, l’entendit et leva la tête d’un geste brusque.

— Mir !

En même temps, la barrière entourant la forteresse disparut. Yumir vola droit vers la Forteresse Volante et se retrouva dans les bras de son père avant même de comprendre qu’il l’avait retrouvé.

— Papa !

— Oui, oui.

— Uwaaaaaan !

Incroyable pour un commandant d’armée peut-être, mais Yumir pleurait vraiment bruyamment.

Yu Ilhan déprima un peu de voir à quel point son fils était devenu fort pendant son absence, mais l’avoir en pleurs dans ses bras calma toutes ses mauvaises impressions. Il s’en fichait, après tout.

— C’était si dur, sans toi ! se plaignit Yumir.

— Je suis désolé, j’aurais dû venir te chercher bien plus tôt.

— Je suis devenu plus fort, par contre.

— Oui, c’est très bien joué, le félicita Yu Ilhan. Tu as même obtenu ta quatrième classe.

— Mais papa est devenu encore plus fort que moi.

— Évidemment, on parle de moi, là.

Une conversation sans but ni importance prit alors place. Cependant, ce qui comptait à ce moment n’était pas les mots échangés, mais les émotions qu’ils transportaient. C’était ce dont avaient besoin père et fils.

— C’est qui ? s’interrogea Myste. On dirait un mini-maître… …Exactement mon type.

— Du calme, trancha Orochi. Personne ne va développer de sentiments pour un bâtiment.

— Il en va de même pour armure ! râla-t-elle.

Ces deux-là se querellèrent comme à leur habitude, et personne ne fit attention à eux.

— Papa.

— Oui, je suis là.

— Hing, pourquoi n’étais-tu pas là avant ?

— Je suis vraiment désolé. Vraiment.

Yu Ilhan le garda dans ses bras jusqu’à la pleine satisfaction de son fils, et Liera se contenta d’observer la scène depuis le banc de touche. Bien sûr, habillée proprement.

— Maîîîîîître !

— Que faisons-nous ?! Le héros ne revient pas !

— Uwaaaaaan !

Il leur fallut cinq bonnes minutes pour réaliser l’existence de l’armée qui regardait le château volant d’un air absent.

Raka
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