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Chapitre 30 : Une récompense bien méritée 4/6
« Euh… »
Le pauvre Harrison en vint même à se demander si on ne se moquait pas de lui.
« Pourquoi est-ce qu’il me raconte ça, pensa-t-il, avant de lui dire : Qui êtes-vous, au juste ? »
L’homme qui lui faisait face était un soldat aussi jeune que lui, qui sinon pour son grade visible sur son armure, pourrait bien sembler n’en être encore qu’à la phase entraînement.
« Normal qu’il ne comprenne pas… » pensa Roan.
Il se présenta enfin.
« Je suis un Aspirant-Major du bataillon de la Rose. »
« Monsieur. Je suis Harrison, lancier de la quinzième escouade du bataillon de l’Épine. Mais… Qu’avez-vous entendu dire sur moi, au juste ? »
« On raconte que parmi les lanciers du bataillon de l’Épine se trouve un soldat très agile, avec une vue particulièrement développée. »
« Et ce serait moi ? » s’étonna-t-il à nouveau.
Roan l’invita à aller marcher quelque peu, ce qu’il fit en sa compagnie. Il le regardait d’un air un peu absent, se demandant bien qui avait bien pu parler de lui. C’est alors qu’il réalisa qui exactement le guidait hors du campement.
« Roan… J’ai peine à croire qu’il est déjà Aspirant-Major. Il est si jeune… Eh mais, où est-ce qu’on est là ? »
Il fronça des sourcils en s’arrêtant à son tour face à la tente de l’une des escouades d’archers.
« Tirer à l’arc hein… Il a vraiment l’air sûr de son coup… »
Tandis qu’il se perdait dans sa réflexion, Roan lui apporta alors un arc et quelques flèches, auxquels il réagit en agitant les mains.
« C’est que, Aspirant-Major Roan, je n’ai encore jamais tiré à l’arc ! » dit-il dans la précipitation.
Le doute n’était plus permis, c’était bien Harrison. Il avait eu rigoureusement la même réaction quand un Major lui avait ordonné de tirer à l’arc, en plein combat.
« C’est à cet instant que tout changea… » pensa Roan.
Fronçant encore des sourcils, Harrison le suivit toutefois par delà les murs, jusqu’à un arbre désigné par Roan, qui lui remit d’ailleurs l’arc et les flèches. Pour réponse, il commença par secouer la tête en riant de manière gênée.
« Aspirant-Major Roan, je suis désolé, mais je crois que vous vous méprenez. Je suis lancier, pas archer. »
« Je sais, mais mes yeux ne me trompent pas. Vous êtes un archer dans l’âme, ça se voit tout de suite. »
« Là, comme ça, de prime abord ? J’ai peine à… » s’interrompit-il en sentant la main de ce gradé lui toucher l’épaule en souriant.
« Harrison. Vous avez une bonne vue, le visage assez fin et la nuque longue… Vous êtes d’Owell, je me trompe ? »
« Comment… ? »
« Montrez-moi vos mains. La corne qui s’y est développée est assez spécifique. Vous avez commencé à l’épée, hein ? Vous ne devez pas être passé à la lance depuis plus de six mois, je dirais. »
Harrison écarquilla les yeux en l’entendant ainsi déclamer ce qui était effectivement son histoire. Sans doute avait-il dû lire son dossier ? C’est tout du moins ce qu’il pensa.
« Sans compter que… Vous vous êtes blessé, à la main. Si je ne m’abuse, votre auriculaire ne plie plus. »
Cette fois, sa surprise lui fit lâcher l’arc à même le sol tandis qu’il poussa un cri.
« Comment savez-vous ça ?! »
Lors d’un entraînement, il avait reçu un coup d’épée sur la main de l’un de ses camarades, qui lui avait brisé l’os du petit doigt. C’était cependant un point qu’il avait scrupuleusement tenté de cacher, par crainte d’être congédié de l’armée. Jusqu’alors avec succès, d’ailleurs, personne n’y ayant jamais fait référence auparavant.
« C’est donc vrai… Il voit tout. C’est pour ça qu’on l’appelle le spectre. » pensa Harrison, le regard profondément admiratif.
« Ce doit être assez difficile de manier une lance en de telles circonstances ? » lui demanda Roan, sans prendre la peine de répondre à son interrogation.
« Eh bien… Oui. »
Roan eut un sourire. Ah, si seulement ce jeune soldat avait sû que c’était lui-même qui lui avait tout appris…
« Bien, vous me faites confiance, maintenant ? »
« Difficile de faire autrement. Oui. »
Harrison ramassa alors l’arc et laissa s’échapper un juron.
« Trois flèches. Si vous ne parvenez à atteindre l’arbre avec aucune d’entre elles, je vous laisserai tranquille. »
« Seulement trois ? Mais je ne sais même pas comment tirer ! »
Roan hocha de la tête.
« Je sais, ça a l’air difficile. Mais je fais confiance à votre talent. Vous allez toucher l’arbre. »
Il ne laissait aucune place au doute.
« Dans cette vie précédente, il avait atteint sa cible au bout de la troisième flèche… Qui était bien plus éloignée que cet arbre. Il va y arriver. » pensa Roan.
« Ce regard… Bon, plus trop le choix mon vieux. Faut y aller. » pensa à son tour Harrison.
Il commença par imiter le geste que faisaient les archers pour bander leur arc. Il était, cependant, affreusement crispé.
« Je vais vous décevoir, monsieur… » dit-il.
Il tira alors sur la corde le plus fort possible, pliant l’arc sous sa force. Il décocha soudain, en poussant un petit râle face à la corde qui revint lui cingler les doigts.
La flèche partit tout droit et alors qu’ils la suivaient du regard, ils s’aperçurent rapidement qu’elle avait raté la cible d’une sacrée distance. Il s’y était bien attendu…
« Vous voyez bien, ce n’est pas pour… » commença-t-il.
« Il reste deux flèches. » répondit Roan, sans lui laisser le temps de terminer son propos.
« Bon, bon… Compris. »
Il soupira et se saisit d’une nouvelle flèche.
« Eh merde, tiens. Bon, j’aimerais au moins que ça s’en rapproche un peu, même si je pense pas le toucher, ce foutu arbre… » pensa-t-il.
Il en allait essentiellement de sa fierté, il n’était pas question de perdre la face devant quelqu’un de son âge, hormis son grade. Son regard sembla se teinter d’une détermination nouvelle.
« Bon, comment ils faisaient déjà… »
Il commença alors à se détendre un peu et modifia aussi bien sa posture que la manière dont il tenait l’arc. La méthode lui vint naturellement, sans l’intervention de Roan, qui se mit d’ailleurs à sourire.
« La voilà, la pose si particulière du génie de l’archerie, Harrison… » se dit-il.
Nouveau sifflement. La seconde flèche qui venait juste d’être décochée vint ripper l’écorce de l’arbre.
« Oh ! »
« Allez, il reste une flèche. »
Harrison hocha de la tête et l’air plus sérieux, prit une grande inspiration.
« La précédente était un peu trop à droite… » se fit-il en lui-même en adaptant une nouvelle fois sa posture.
La flèche partit tout droit alors qu’il suppliait le ciel de toucher sa cible. Il déglutit, et le ciel entendit sa requête.
« Ha ha ! J’ai réussi ! » cria-t-il en se tordant sur lui-même, le poing levé.
Son cœur se mit à battre plus vite et c’est tout son visage qui se revêtit de joie. Jamais il n’avait ressenti une telle chose en tant que lancier.
« Alors ? Ça t’a plu ? » lui demanda Roan en se rapprochant de lui, laissant de côté l’étiquette.
L’intéressé eut un petit toussotement, gêné par son emportement. Il en devint d’ailleurs tout rouge.
« Harrison, j’aimerais que tu rejoignes mon unité. »
Il eut l’impression qu’un coup venait de lui cingler les épaules et l’âme. Certes, ils venaient tout juste de se rencontrer, mais c’est comme si un nouveau monde s’offrait à lui, qui avait tant craint le champ de bataille à cause de sa blessure.
Il savait bien, en vérité, qu’il était un piètre lancier face à ses camarades d’escouade. Jusqu’à présent, Harrison avait plutôt bien enduré, mais c’est toute cette pression qui s’était échappée en même temps que sa dernière flèche.
« Je vais peut-être enfin apprécier de me battre, maintenant… »
Il se porta la main à l’épaule.
« Chef ! »
Après quelques discussions, Roan fut toutefois contraint de retourner seul au sein du campement de la Rose. Il aurait bien voulu le recruter de suite, mais c’eût été difficile puisqu’ils ne venaient pas des mêmes bataillons.
« De toute manière, ce n’est pas vraiment le moment idéal. Je dois d’abord rejoindre la région de Potter. »
Il s’y produirait un événement important que Roan attendait avec impatience. L’un des plus grands scandales du royaume de Rins.
« Il ne reste que deux mois… »
Cependant, avant cela, il devait commencer par rejoindre la montagne Maiel, sur les terres du Vicomte Potter.
« Il va falloir que je demande une permission de congé après la remise des récompenses… »
Il en aurait au minimum pour un mois, et trois dans le pire des cas.
« Ceci fait, je pourrai retourner dans mon escouade. »
C’est seulement à partir de ce moment que pourrait commencer sa nouvelle vie.
« En attendant, il faut que je continue à entraîner mes hommes. Sans oublier Harrison… J’aurai mon propre bataillon, avec eux au centre. »
Pas à pas, il parviendrait à ses objectifs. Il deviendrait Commandant, Général, et même Roi. Son ambition brûlait en tous cas de ce feu héroïque.
Le lendemain, les soldats commencèrent à démonter les tentes et ce fut toute l’armée d’Aaron Tate qui se mit bientôt en marche, fermée par le septième bataillon, celui de la Rose.
« Il s’en est passé des choses, en seulement dix jours… »
Par delà ces dix jours, il était sidérant de voir la progression effectuée par l’Aspirant-Major Roan, jeune recrue de 18 ans, en si peu de temps.
« Cette vie semble couronnée de succès. »
Il en avait même gagné de puissants alliés.
« Que va-t-il se passer, maintenant… »
Il ne pouvait pas tout prévoir. Les choses changeaient, ce qui pouvait tourner au drame sans ses vingt années d’expérience. Il aurait cependant besoin de rester très réfléchi pour gérer même les situations les plus complexes.
« Je ne pensais pas que la vie pouvait être si drôle… Ha ha. »
Le monde entier lui sembla plus beau que les jours d’avant.
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merci pour le chapitre ^^
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Merci
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