IATM Chapitre 75

Chapitre 76 : Un danger peut en cacher un autre 7/7

 

À l’inverse des autres bataillons, ceux de la Rose parvinrent à maintenir leur formation même dans ce chaos organisé. Ils se déplaçaient comme une seule unité, et chacun des mouvements des soldats la composant équivalait à un mort du côté d’Istel. Ils prirent rapidement la tête de l’offensive, comptant sur leurs alliés pour protéger leurs flancs.

« Dispersez-vous ! » tonna la voix d’Austin.

En une fraction de seconde, la formation s’effondra, faisant perdre pied aux soldats ennemis qui restèrent un instant bloqués sur place. Un instant très court, mais suffisant pour que les archers entrent en action.

« Feu !!! »

Ils payèrent leur surprise de leur vie. Austin leva alors le poing, et la formation reprit immédiatement sa forme originelle. Les lances reprirent en cadence leur danse funeste. Un jeune chevalier du camp ennemi perdit soudain patience et décida de s’enfoncer lui-même dans la mêlée. Il fonçait droit vers Austin, l’épée chargée de mana. N’importe quel soldat aurait fui la queue entre les jambes, mais pas la Rose.

« Vous osez me faire front ?! » aboya-t-il.

Alors qu’il s’apprêtait à frapper, une lance repoussa violemment son épée, et il ne dut que son salut à son entraînement qui lui fit partiellement lâcher prise sur son épée. Pas assez pour la perdre, mais de sorte à ne pas se casser le poignet, car l’attaque fut tout sauf tendre. Il fit volteface avec la grâce de l’eau et vit son opposant, un homme au visage juvénile.

« Qui… qui êtes-vous ? » balbutia le chevalier, sidéré par le fait qu’il peinait à discerner les contours de son visage, qui se confondait avec les flammes.

Le lancier commença par lui envoyer un deuxième coup tout aussi violent, et le chevalier prit quelques éclats de métal au visage en parant. Ce fut seulement à cet instant qu’il lui fournit une réponse.

« Je suis le Commandant Roan, du deuxième bataillon de la Rose, septième régiment de l’armée de Rins. »

« Un Commandant… Vous n’êtes même pas chevalier ?! »

Une rage incommensurable, celle d’un ego blessé, explosa soudainement en lui. Il envoya un coup droit face à lui, que Roan évita d’un simple mouvement de côté avant de lui attraper le poignet sur lequel il tira violemment. Le chevalier s’effondra de tout son long et poussa un hurlement de douleur tandis qu’il cherchait le souffle.

Il n’est pas normal, ce type !

Il eut beau essayer de se relever, le choc fut tel qu’il ne parvint même plus à souffrir le poids de son armure. Le désir ardent de survivre le poussa alors à se délester de son honneur.

« Attendez ! Je suis affilié à une famille de nobles à Istel, si vous me faites prisonnier, vous pourrez demander une… »

Un râle d’agonie interrompit le cours de son propre propos lorsque la lance le perça en plein dans la nuque. Il n’y avait malheureusement pas de place pour la pitié dans la guerre. Roan se retourna cette fois vers les soldats et fit tournoyer sa lance, se servant de chaque rebond avec une aisance telle qu’aucun soldat ne parvint à seulement parer. Austin, qui le regardait faire, eut soudain une impression étrange.

On dirait que les flammes le suivent… peut-être que…

« Qu’est-ce que vous regardez comme ça ? » lui demanda Keep.

« Ah ! Le Commandant, bien sûr… J’ai le sentiment qu’on assiste à la naissance de sa légende. » avoua sans ambages l’intéressé.

« Hein ? J’entends rien ! »

« Nous sommes sa légende… » reprit Austin, d’une voix plus faible encore.

Le regard chargé d’un feu passionné, Austin hurla à ses soldats de le suivre, et la formation reprit sa forme initiale, suivant le sillage de Roan qui avait déjà percé une brèche.

« Nous te suivrons au bout du monde, Commandant Roan ! » ajouta-t-il.

Le combat toucha ainsi rapidement à sa fin. Roan se tourna alors vers les deux bataillons de la Rose pour les féliciter.

« Bravo, soldats ! Et merci de votre confiance. Je ne vous laisserai jamais tomber ! Pour la gloire de Rins ! »

 


 

Les réserves furent détruites sans la moindre distinction dès la mort des soldats d’Istel. Cependant, le temps du repos n’était pas encore venu.

« On va traquer ces bâtards jusque dans les jupes de leurs mères ! » aboya Kali Owells, remonté par l’excitation du combat.

« Le septième régiment vous accompagnera. Quand le territoire du Comte Lancephil sera complètement sécurisé, nous partirons pour nos quartiers généraux. » consentit Aaron Tate, quoique plus calmement.

Il fut alors décidé que l’unité de Kali Owells, qui n’avait subi aucune perte, partirait en premier tandis que les autres bataillons en profiteraient pour soigner leurs blessés.  Lorsque les Commandants furent réunis au grand complet, Aaron Tate leur donna rapidement leurs instructions.

« Nous sommes environ 4000. Séparons nos forces en deux. »

Outre la requête formulée de manière maladroite par Kali Owells, la majeure partie des troupes d’Istel était toujours mobilisée, et il restait encore le problème des chevaliers au sein du piège à gérer. Il fallait donc rapidement traquer les petits groupes, afin d’éviter qu’ils ne rejoignent le gros des forces. Sans quoi risquaient-ils de se retrouver bloqués en territoire ennemi, et tous leurs efforts n’auraient servi à rien.

« Je vais prendre la tête de l’un des sous-régiments, se manifesta le Major en chef Gale. Nous irons au sud-ouest soutenir le Comte Lancephil. »

Plusieurs Commandants avaient péri durant les récents affrontements, aussi la prise de position de Gale ne choqua-t-elle personne. Il avait toute autorité. Il était du reste difficile en de telles circonstances de se permettre le luxe du choix des plus méritants, mais malgré tout… Il était bien un homme qui, aux yeux même de ses concurrents, méritait de prendre la tête du deuxième.

« Commandant Roan, vous vous chargerez du second. Vous irez à l’ouest. » prit alors comme décision le Colonel Tate.

« Entendu. » répondit aussitôt l’intéressé.

La nouvelle d’être temporairement placé comme l’un des bras droits du Colonel Tate aurait dû le faire sauter de joie, mais les deux hommes se contentèrent de s’adresser un sourire amical. Car il savait que c’était par nécessité qu’il occupait cette position.

 


 

Le deuxième bataillon de la Rose eut tôt fait d’annihiler jusqu’aux derniers fuyards d’Istel. Monsieur Pens et son agence de renseignements furent d’ailleurs dans cette entreprise d’une utilité essentielle. Même si leur méthode n’avait rien de très systémique, elle avait au moins pour avantage d’obtenir des résultats rapides. 13 combats plus tard, le rapport du désormais Major Austin était sans appel.

« Notre mission est une victoire totale, Commandant Roan. »

Je suppose que le Colonel Tate a déjà dû rejoindre le gros de nos forces… Il est temps de laisser la suite des opérations au Comte Lancephil. Istel va être contraint d’abandonner le combat.

Hormis les pertes colossales qu’ils avaient essuyé et qui avaient en tant que tel de quoi les faire réfléchir sur le bienfondé de ce conflit, ils n’avaient désormais même plus la possibilité de continuer à entretenir le siège, en l’impossibilité totale d’obtenir des vivres et du fer. D’autant plus qu’ils couraient un risque bien plus grand encore : la perte du Prince et Général Marc Istel. La retraite était la seule voie possible.

« Nous partons pour le sud. » trancha alors Roan.

Le contrôle des environs assurés, l’infanterie se mit immédiatement en route, encore que sa progression fut bien plus lente qu’escomptée, la fatigue commençant à sérieusement s’accumuler.

Nous allons enfin en voir le bout… pensa à juste titre Roan.

Alors il fit ordonner qu’on marche à un pas plus leste, de sorte à ce que tous soient aptes au combat dès leur arrivée au campement de Rins, plus au sud. C’est ainsi qu’ils ne parvinrent sur les lieux que deux jours plus tard. Le soulagement que Roan espérait y trouver lui sembla toutefois se dissiper dans l’air…

C’est trop calme…

L’étrange impression le fit accélérer la cadence, aussi les soldats de garde l’interrompirent-ils alors qu’il s’apprêtait à pénétrer en son sein.

« Arrêtez-vous et déclinez votre identité ! » lui ordonna l’un d’eux.

« Septième régiment. » répondit froidement Roan, en tapotant d’un doigt les marques sur sa spallière.

« Oh… Oh, Commandant Roan ! Mes excuses, vous pouvez rentrer ! »

Les portes furent immédiatement ouvertes à lui comme à ses hommes, qu’il invita immédiatement à s’installer dans une zone volontairement laissée vide en prévision de leur arrivée. Libéré de cette formalité, il partit en hâte vers les tentes de meilleure facture normalement réservées aux gradés, mais ce ne fut qu’au bout de la cinquième qu’il trouva quelqu’un à même de répondre à ses interrogations.

« Colonel Hass ! » le salua-t-il.

« Eh bien ? Oh, Commandant Roan ! » lui répondit avec un franc sourire l’homme à la tête du cinquième régiment.

Ils se saluèrent alors en bonne et due forme, ne partageant pas encore la même complicité qu’avec Aaron Tate.

« J’ai lu les rapports, vous avez déjà de nombreux exploits à votre actif pour quelqu’un de si jeune ! »

« Je vous remercie, monsieur… Toutefois, je me dois de vous dire ce qui m’amène. Le campement semble étrangement vide, quelque chose est arrivé ? » lui demanda Roan, d’un ton qui laissait transpirer une pointe d’inquiétude.

« Rassurez-vous ! Ils sont partis harceler les forces d’Istel, afin de leur ôter toute idée de réplique. » lui dit aussitôt le Colonel Philippe Hass, lâchant même un rire franc.

« Leur force principale ? Ils ont déjà battu en retraite ? » s’étonna Roan.

« Étrange, n’est-ce pas ? Nous avons réalisé qu’ils opéraient leur retraite seulement hier, mais ils ont commencé leurs préparatifs bien plus tôt. »

« Hmm… Vous pouvez m’en dire davantage ? »

« Asseyez-vous, ça va prendre un moment. Hier, le Colonel Tate est arrivé ici avec la nouvelle que les soldats positionnés au sein du piège avaient rejoint l’armée d’Istel. De mon côté, j’essuyais depuis environ une semaine les attaques répétées de petites escouades. Des combats si insignifiants que votre chef et moi-même en sommes arrivés à la conclusion qu’ils cherchaient à gagner du temps avant d’opérer une ultime attaque… »

« Et puis ? » demanda Roan.

« Un peu plus tard dans la journée d’hier, tout s’est arrêté. Ils se sont mis à battre des tambours de guerre et ont totalement cessé de bouger. Alors j’ai envoyé l’un de mes bataillons d’archers tirer des flèches enflammées dans le but de les faire sortir de leur terrier, mais ils n’ont même pas réagi. C’est à cet instant que le Colonel Tate et moi-même avons décidé, quitte à essuyer des pertes, de charger pour les faire déguerpir. » se coupa volontairement Philippe Hass.

« Mais il était vide ? »

« Précisément ! Tout n’était qu’illusion, un puissant mage a lancé un sort d’écho phonique peu avant qu’ils ne partent. Conséquence de quoi, ils devaient déjà avoir battu en retraite depuis un moment lorsque nous avons découvert le pot aux roses. »

« Bien, je vous remercie… »

Roan ne partageait absolument pas l’enthousiasme du Colonel Hass, aussi se terra-t-il un moment dans le silence afin de réfléchir.

C’est beaucoup trop tôt… Je doute fort qu’ils aient seulement fait ça pour sauver Marc Istel. D’autant plus que je ne connais que très peu de personnes capables de lancer un tel sort…

Son regard vacilla légèrement. La guerre était dangereuse de par sa nature même, mais Roan avait jusqu’à présent eu l’impression d’avoir toutes les clés en main pour diriger le destin d’une main de fer. En revanche, il lui sembla tout à coup s’échapper de son influence.

Maintenant que j’y pense, le simple fait d’avoir mis en place un piège aussi formidable que celui d’un faux lieu de stockage relève d’un niveau de compétence jamais vu jusqu’à présent…

Il se releva soudain pour regarder le ciel. Philippe Hass conserva le silence, cherchant un peu à comprendre ce qu’il lui prenait, sans pour autant oser lui demander. Roan était en proie à un véritable chaos intérieur, aussi s’efforça-t-il de chercher dans tous ses souvenirs la moindre trace d’un début d’explication.

En ces temps de guerre, le royaume de Rins n’est pas le seul à avoir vu naître des talents dignes de génie… Sans eux, d’ailleurs, nombre d’entre eux seraient déjà tombés.

Dès lors, il s’interrogea longuement sur les personnes capables de tels accomplissements du côté d’Istel. Il y avait bien quelqu’un, toutefois un détail le chagrinait.

Le Comte Peid Nail n’a que vingt ans…

« Bon ! » se décida-t-il tout à coup, faisant sursauter le Colonel Hass.

« Eh bien ?! »

« Je suis désolé, Colonel Hass. J’ai une affaire urgente, je prends donc immédiatement congé. »

« Euh… D’accord. Alors, nous nous reverrons plus… »

Il n’eut même pas le temps de terminer sa phrase que Roan était déjà parti en courant.

Qu’est-ce qu’il lui prend ?

Dans le doute, il sortit lui aussi de la tente pour l’observer de loin. Roan courut un long moment, jusqu’à s’arrêter au loin parmi ses soldats, pour la plupart endormis.

« Monsieur Pens ! » appela-t-il.

Pens se releva alors en toute hâte et se passa une main dans les cheveux afin de s’assurer d’être, à défaut d’habillé, au moins présenté convenablement.

« … Oui ? » fit-il d’une voix encore à moitié endormie.

« J’ai besoin de vos notes au sujet du royaume d’Istel. »

« Mes notes ? Mais vous les avez déjà, non ? »

« Non, pas celles en tous cas dont j’ai besoin. Il me faut des informations sur les Majors. »

« Ah oui, vous n’avez que celles sur les Commandants et les Colonels… Mais ce n’est pas possible pour l’instant, désolé Commandant. Nous n’avons pas eu le temps de les vérifier, ni même de les organiser. » répondit un peu gêné Pens.

« Ça m’importe peu, j’ai juste besoin de vérifier quelque chose. » lui expliqua Roan, le regard sérieux.

« Hmm… Bon, soit, consentit-il alors qu’il se saisit d’une épaisse pile de documents dans son sac. Les voilà. »

« Merci. »

En d’autres circonstances, Roan eut sans doute pris la peine de fournir quelques explications, mais l’heure lui semblait bien trop grave pour la perdre en formalités. Il s’installa à même le sol, au milieu des soldats endormis, tandis qu’il commença à lire en diagonale des dizaines de feuilles. À la moitié de la pile, un sourire commença à vaguement s’esquisser sur son visage.

Peut-être m’en suis-je fait pour rien ?

Il continua à tourner les pages, comme possédé, jusqu’à ce que son doigt s’arrête sur un point particulier. Son expression était si singulière qu’il sembla à Pens que le temps venait tout juste de s’arrêter.

Marc Peid…

Il aurait troqué jusqu’à son rang de Commandant pour ne surtout pas voir ce nom apparaître dans les notes. Il était pourtant bien là.

Le renard… C’est bien lui.

Tout comme les membres les plus gradés de l’armée, Roan avait lui aussi négligé ses talents. C’était pourtant bien lui, n’en déplaise au confort des Généraux d’Istel, qui avait été à la tête de cette retraite. C’était donc bien qu’on avait dans cette vie-là pris très tôt conscience de ses aptitudes. Même Ian Phillips, stratège parmi les stratèges et fierté du royaume de Rins s’était cassé les dents à plusieurs reprises face à ses tactiques révolutionnaires.

S’il est aussi malin qu’on le raconte, il ne va certainement pas se contenter de battre en retraite. Il faut que j’intervienne de toute urgence !

« Capitaine Austin, debout ! Soldats, préparez-vous à partir ! » cria-t-il d’un coup, se levant d’un seul bond.

« Dé… déjà ? » balbutia l’intéressé.

« Oui, nous partons maintenant. » confirma Roan.

« Ça y est, on va mettre fin à la guerre ? » s’excita un soldat.

« Mort à Istel ! » hurla un autre.

L’ambiance guerrière revint à son plein. Le Commandant Roan était quant à lui bien plus mesuré.

« Non. Nous allons secourir nos alliés. »

Nostra
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20 thoughts on “IATM Chapitre 76

  1. Merci pour le chapitre et « on va mettre fin a la guerre chef ? » « Non nos alliés sont trop con pour ça »

  2. hello
    je viens de découvir le site tout comme ce novel
    et je le trouve excellent !
    bonne continuation pour la suite.
    je le suivais, qu’importe le temps qu’il faudra pour l’avoir,
    ça vaut le coup !
    je termine en disant, merci de nous en faire profité ; )

  3. Merci beaucoup pour cette traduction ! J ai adoré !
    Hâte de découvrir la suite et de continuer à suivre l’évolution de Roan !

  4. Je viens de me rendre compte des dates des précédents poste et du coup je préfère demander : pensez vous poursuivre la traduction de ce novel ? Ou avez vous décidé de l’arrêter ?

  5. Waw, super série ! Je viens de découvrir et j’ai beaucoup aimer 🙂

    La traduction est elle abandonnée ou simplement en pause ?

  6. Merci pour le début de cette traduction. Un plaisir de découvrir d’autres romans du style the World online ou encore Mediterranean Hegemon of Ancient Greece. Je continuerai à le lire en anglais cependant. Au détriment d’une superbe traduction française de la team Xaiowaz.

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