Chapitre 127 – Invasion 3/
Amérique du sud, sur l’océan atlantique, Yu Ilhan grommelait.
— Si je trouve un traître cette fois-ci, donne-moi un véhicule volant super costaud et incroyable.
— Nous ne fabriquons rien de tel, puisque tous les Anges peuvent voler, rétorqua Liera.
— Ugh ! Tu ne m’aides vraiment pas ! pesta-t-il.
Les pays qu’il avait besoin de visiter étaient principalement insulaires, en Amérique du sud. Ils étaient si petits que leur survie n’était même pas une source d’inquiétude après le Grand Cataclysme. Les gouvernements s’en fichaient simplement.
Il aurait été heureux pour eux qu’on eût la moindre information sur leur chute, et il y avait réellement de nombreuses nations de ce genre qui étaient tombées sans un bruit, sans une vague. Yu Ilhan ne l’aurait jamais su, lui non plus, si Kang Mirae ne le lui avait pas dit.
Au début, il avait prévu de se camoufler et prendre l’avion, mais il avait abandonné après avoir découvert qu’il fallait plus de 25 heures de vol pour rejoindre le Venezuela, même s’il sautait à bord du moyen de locomotion public le plus rapide.
Il avait dû tirer un trait sur sa rencontre avec les beautés Vénézuéliennes, également. Lui qui avait si hâte, lui qui n’attendait que ça après les avoir vu dans des magazines. Merde !
— Tant mieux pour toi ! ironisa Liera.
— Est-ce que tous les Anges ont des pouvoirs télépathiques ? Arrête de lire dans mes pensées !
Ainsi, la méthode que Yu Ilhan avait choisie était, comme vu précédemment, la mer. Et par mer, on n’entendait pas un bateau, encore plus lent que les avions.
Etonnamment, Yu Ilhan courait actuellement à la surface de l’eau, à la manière des experts cultivateurs des livres qu’il avait lus. Comment ? C’était une simple combinaison de la Force Surhumaine et de sa compétence de Bond, entrelacée par l’invocation à distance de marchepieds depuis son inventaire. Enfin, de boucliers.
Le processus était plutôt simple : d’abord, il avait effectué un saut de titan depuis le sol, avançant le plus loin possible grâce au nombre de Bonds successifs qu’il pouvait enchaîner. Accélérer de la sorte était plutôt facile, avec un peu d’entraînement.
Puis, lorsqu’il ralentissait, il transférait le poids de son inventaire sur lui-même afin de retomber vers la mer avant d’invoquer n’importe quel bouclier qui traînait dans son inventaire une fois proche de la surface de la mer. Il s’en servait de support pour effectuer un nouveau bond, et ainsi de suite.
Il pouvait alors courir virtuellement dans les airs sans jamais toucher la surface de l’océan, à une vitesse qui aurait laissé Sonic pleurer dans les jupons de Speedy Gonzales.
La partie la plus importante était de récupérer le bouclier une fois utilisé. Bien que le tout eût l’air un peu mal maîtrisé, il fallait admettre que Yu Ilhan avançait à plus de 6.000 km/h, et ce, sans problèmes.
— Mais n’ai-je pas l’air un peu trop stupide ? Regarde.
— Tu pourrais juste élever Mir, et le chevaucher, proposa Liera.
— Plutôt que d’attendre la quatrième classe de Mir, il serait plus rapide pour les humains d’inventer des hors-bords se servant de la magie pour avancer…
Comme il répondait, un éclair de génie traversa son esprit.
— Non ! Je peux simplement le faire moi-même ! réalisa-t-il.
— Mais pourquoi j’ai dit ça… se plaignit Liera.
— Comment ai-je pu ne pas y penser ?! Merde, si je me fie au schéma de la dernière fois, je peux clairement faire un véhicule !
Cependant, il était trop tard pour créer quoi que ce fût du genre. En premier lieu, il était au milieu de l’océan, et ce n’était pas l’endroit idéal pour commencer à taper sur une enclume.
Ensuite, il serait plus sage de créer quelque chose après avoir d’abord rassemblé les idées dans sa tête. Même en courant sur l’eau – strictement parlant, légèrement au-dessus – à plusieurs milliers de kilomètres à l’heure, il sortit un morceau de papier de son inventaire.
Bon, c’était plus proche d’un bout de tissu, et il s’agissait d’une partie d’un ensemble destiné à être porté sous l’armure de cuir et qu’il avait échoué à terminer correctement. Il ne perdait rien en capacités, et il n’avait personne avec qui comparer de toute façon.
Ce qu’il y nota d’abord fut sa première idée : l’hoverboard. Le véhicule qui permettait à une personne de flotter dans les airs tout en avançant.
Mais à bien y repenser, il n’y avait aucun intérêt à en faire un véhicule. Non seulement était-ce peu pratique, mais inefficace.
— Les véhicules ont trop de désavantages, décida-t-il. J’ai déjà la compétence de Bond, et pour la maximiser, je devrais…
— Alors tu devrais faire quelque chose ressemblant à un parapente, proposa Liera.
— …créer un parapente, ce qui a l’air bien plus malin et puissant, termina-t-il, changeant légèrement le ton de sa voix, comme s’il venait de le réaliser à l’instant.
Après que quelques morceaux de tissu fussent abandonnés à l’océan, ce qui apparut sur le schéma de Yu Ilhan fut une paire d’ailes ornées de plumes métalliques. Une magnifique paire d’ailes forgées de milliers de petites lames délicatement gravées.
Et cerise sur le gâteau, des lignes de texte que même Liera et Spiera ne pouvaient comprendre les parcouraient. Au début, elles s’étaient imaginées qu’il s’agissait du langage des Cieux, mais il s’agissait en réalité d’un mélange d’Elfique et de Draconique. Une œuvre d’art que seul Yu Ilhan pouvait créer grâce à sa compétence au niveau maximum.
Spiera s’exclama lorsqu’elle vit le dessin des ailes finalisé et les décorations exquises qui les rendaient extraordinaires.
— C’est vraiment beau ! Alors tu es un artiste également ?
— Ouais, ricana Yu Ilhan. J’aime l’art. C’était bien, quand j’étais seul. Bien que je fusse la seule personne sur Terre, j’avais l’art, seule chose qui me permettait de remplir ce canevas de solitude.
Ayant posé le pied sur une mine par mégarde, Spiera ne savait que répondre à ça. Elle voyait, du coin de l’œil, Liera qui désirait rétorquer quelque chose. Peut-être que ces ailes avaient l’air plus esthétiques que pragmatiques. Mais elle l’en empêcha d’un regard sévère, afin de ne pas provoquer de sentiment négatif chez Yu Ilhan.
Alors elle changea de cap.
— Mais comment vas-tu faire pour ton armure si tu comptes attacher ça dans ton dos ? …Huh ?
Tout en prononçant ces mots, elle vérifia l’armure de son humain favori. Et elle réalisa que les dagues écailleuses qui y étaient jadis attachées ne l’étaient plus.
— …Et pour ta tempête de lames d’éclairs ? osa-t-elle.
— En réalité, j’ai essayé, mais la puissance de la tempête était trop importante, et les dagues ne pouvaient la soutenir.
Aussi, Yu Ilhan n’avait-il eu d’autre choix que d’abandonner l’idée de sa tempête de lames d’éclairs. Et il ne l’avait même pas utilisée une seule fois en combat ! C’était ce qu’il considérait comme son plus grand échec en tant que forgeron.
— Ainsi, j’ai décidé de leur donner une nouvelle vie, continua-t-il. En ce moment, Herta devrait être en train de les livrer.
Les dagues avaient deux options. Celle de s’envoler quand elles recevaient une impulsion, et celle leur permettant de revenir à leur place d’origine. En fait, il n’y avait pas meilleur projectile à utiliser.
Yu Ilhan avait créé quelques armes portatives qui pouvaient maximiser ces deux options. Plutôt que de rester une décoration, il était préférable qu’elles soient utilisées pour exterminer du monstre.
Comme ces armes pouvaient permettre à un humain ordinaire de tuer un monstre de troisième classe, l’effet était immense. Il était curieux de voir quelle expression allaient faire ces soldats de l’Armée du Démon de la Destruction en faisant face à une telle arme.
— Et puis, si Mirae entre en jeu en plus, ça… Kékéké…
— Ilhan, tu arbores à nouveau une expression super cool ! se réjouit Liera.
— Il y a une île, là-bas, les interrompit Spiera. Mais ce n’est probablement pas l’un de ces pays qui a vu sa fin arriver.
Comme il courait en ligne droite depuis Séoul vers l’Amérique du Sud en ignorant terre et mer, il trouva une île après seulement trois heures de voyage.
Un archipel sur l’océan Atlantique, composé de plusieurs petits pays. Parmi eux, certains étaient reportés comme étant détruits ; néanmoins, les gens avaient abandonné les lieux bien avant ça, et l’endroit était désormais dénué de tout intérêt.
Tout le monde savait que les îles de petite taille deviendraient dangereuses, comme ils l’avaient appris dans d’autres mondes, et ceux qui possédaient les ressources nécessaires pour quitter ces zones de mort habitaient déjà dans les grandes villes, en sécurité.
Aussi, ceux qui restaient sur ces petites îles n’avaient ni le pouvoir ni le courage de combattre les monstres, et ils ne pouvaient pas partir par manque d’argent pour ce faire.
Ils n’avaient cure de savoir que des monstres pouvaient apparaître sur ces archipels, qu’ils pouvaient manger les autochtones restés sur place ou si un donjon pouvait apparaître à côté de leur maison.
Et les gens tout autour du globe n’avaient aucune intention de les sauver. Ils les considéraient comme des sacrifices qui devaient inévitablement être offerts pour faire avancer la Terre vers une nouvelle ère. Et Yu Ilhan lui-même ne pouvait pas vraiment leur en vouloir : il n’avait jamais pensé à eux en particulier lorsqu’il avait agi.
Et parce que leur environnement était tel, c’était l’endroit parfait pour se cacher à la vue du curieux et de ce qu’il se passait çà et là dans le monde. À bien y penser, même si tous les regards étaient tournés vers les Mondes Abandonnés, personne ne serait capable de faire quoi que ce fût depuis le milieu d’une grande ville.
— Fuu…
Maintenant, il était l’heure du show.
Il était temps de confirmer si oui ou non, son sentiment était avéré. S’il avait eu tort, alors il pourrait fort bien se retrouver en état de choc. Bon, seulement après avoir sauvé son fils et ses subordonnés.
Yu Ilhan releva la tête et observa droit devant lui. Ce n’était pas uniquement sa puissance musculaire qui surpassait celle d’un humain, mais sa vision également. Il pouvait examiner ce qu’il se passait sur l’île alors qu’il se trouvait encore à des dizaines de kilomètres de là.
Cependant, il n’y avait sur la côte rien de notable. Pas de gens, pas d’animaux, pas de monstres.
Elle avait l’air paisible, vue de l’extérieur. Mais du coup, elle était encore plus étrange, spécifiquement à cause de ça. Parce que des traces de civilisation humaine étaient toujours présents, et ça voulait dire que…
— Tu ne crois pas que je devrais jouer au loto ? demanda-t-il soudain.
— Je ne pensais pas qu’on les rencontrerait aussi tôt… s’exclama Liera.
…Yu Ilhan avait touché le jackpot du premier coup.
Se sentant rassuré par ses prédictions de haute volée, enragé parce que quelque chose d’ennuyeux arrivait sur Terre – encore, et inquiet parce qu’il avait laissé ses subordonnés seuls contre les Mondes Abandonnés, il sortir un bouclier et le frappa du pied, encore plus fort que précédemment.
Il raidit ses muscles grâce à sa Force Surhumaine, les renforça encore grâce au mana, et à l’aide de quatre Bonds successifs, produisit une vitesse absolue.
— Attention de ne pas glisser, accrochez-vous bien, prévint-il les Anges.
— Ouais, je m’accrocherai à toi pour toujours ! lui répondit aussitôt Liera.
— Pour toujours, c’est trop long.
Avant de s’écraser la tête sur la plage, il invoqua un bouclier et changea de direction. Comme il ne pouvait utiliser de détecteur de métaux là où il n’y avait rien, il décida de scanner l’île entière.
— Tu es tellement rapide, le félicita Liera.
— Je peux voler. Enfin, presque.
Jadis, il avait volé jusqu’à la Corée à l’aide du pouvoir de Dieu. Désormais, il volait par ses propres moyens ! Bon, ce n’était pas tout à fait un vol, mais presque !
— Trouvé, fit remarquer Spiera. C’est une présence humaine. Des dizaines de seconde classe. Ils pourraient être des gens natifs de la Terre, mais…
— Il ne devrait y avoir aucun besoin de seconde classe ici, actuellement, nota Liera. Ilhan, je les ai trouvés, moi aussi. Par ici.
Au moment où il entendit le rapport des Anges, il s’arrêta dans l’urgence et posa le pied au sol. Puis, il frappa légèrement le plancher des vaches en direction de l’endroit qu’elles désignaient. Finalement, il pouvait également sentir quelque chose.
Des gens. La présence de nombreuses personnes. Il pouvait entendre des voix, et ils ne parlaient aucun langage connu de la Terre. Ce qui ne l’empêchait pas de les comprendre.
— Pouvons-nous vraiment gagner un quelconque avantage ainsi ? demandait une voix. Je suis surtout inquiet que tout ait si bien fonctionné jusqu’à présent.
— Ces satanés Anges n’ont pas menti, en tout cas, répondit une autre. Le commandant attend, alors hâtons-nous de terminer ça rapidement.
Il y avait… exactement 29 seconde classe, des humains portant des armures, et qui faisaient… quelque chose. Yu Ilhan comprit après s’en être rapproché…
— Heh.
Et comme la scène était vraiment absurde, il finit par rire.
— Alors tous les corps de ceux qui sont morts… sont là.
— C’est du matériel rassemblé pour pratiquer l’alchimie, expliqua Liera. En d’autres termes, pour une technique de transformation spéciale qui passe outre les radars de détection magique…
Elle ferma la bouche alors qu’elle était sur le point de continuer. Ce que Yu Ilhan voulait, ce n’était pas une explication.
— Merde, encore un qu’on a foutu en l’air, reprit une des voix.
— Et je t’avais dit de monter ta compétence de Dépeçage, répondit l’autre. Je me fous si tu te fais infliger une déduction de salaire.
Ils étaient en train de dépecer les cadavres. Des humains qui retiraient la peau à d’autres humains grâce à la compétence en question.
Yu Ilhan ne pouvait comprendre, et ne le désirait pas. Et même si ç’eût été le cas, il n’aurait pas agi autrement.
Le Dieu de la Mort s’avança, les yeux lumineux.
Le trépas…
…allait s’abattre sur eux.
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