Fuyao – Livre 1 Chapitre 6
Fuyao – Livre 1 Chapitre 8

Messieurs-dames, bonjour ! Comment vous portez-vous ? Bien, j’espère ! Voici le chapitre hebdomadaire contant les aventures de notre chère Fuyao. Découvrez enfin ce qu’il en est de son sort !

Livre 1 – Le vent se lève à Taiyuan
Chapitre 7 – Je suis frigorifié

L’obscurité régnait et la longue nuit noire semblait sans fin.

Le silence prédominait toujours la falaise dont Fuyao venait de chuter, seulement perturbé par les quelques pierres qui tombaient accidentellement, occasionnant des échos bien longtemps après leur impact au sol. Le précipice était à l’évidence très profond.

Soudainement, un buisson sauvage à flanc de falaise bougea. Une figure couleur terre d’ombre émergea lentement de l’obscurité impénétrable qui baignait la falaise et sembla défier complètement les lois de la gravité. Comme si une force invisible et mystérieuse la tirait, elle réalisa indolemment un demi-arc de cercle en l’air et atterrit d’un pas assuré au sommet de la falaise. Puis la figure svelte releva la tête et la lune éclaira ses yeux froids et paisibles.

Meng Fuyao.

Un sourire sans joie aux lèvres, Fuyao mut son poignet et un trait noir presque indiscernable à l’œil nu vola dans l’air pour s’enfouir dans sa manche.

— Tu veux me blesser ? Ce ne sera pas aussi facile.

Fuyao caressa légèrement le fouet fin enroulé autour de son poignet : il lui servait  généralement de ceinture souple. Dès que Pei Yuan avait dévoilé une expression singulière, Fuyao avait saisi la lanière du fouet. Par ailleurs, Pei Yuan avait lacéré sa manche d’une étrange façon, la mettant encore plus sur ses gardes. Ainsi, lorsque Pei Yuan l’avait couverte de sa cape rouge pour cacher ses propres mouvements, cela avait également dissimulé les gestes de Fuyao : elle put attacher son fouet à une roche discrète à l’insu de Pei Yuan.

Heureusement que Fuyao s’était exercée à « fendre les neuf cieux » en manœuvrant ce qui lui restait de qi véritable avant la venue de Pei Yuan. De ce fait, lorsque Pei Yuan avait fermé ses points de pression, Fuyao avait pu protéger la partie corporelle attaquée. De plus, Pei Yuan avait agi sous la cape : ses coups avaient manqué de précision et de pouvoir. Enfin, la force de chute lui permit de se défaire complètement de la paralysie légère qui demeurait et le fouet avait arrêté sa descente. Puis elle avait attendu, immobile, que le duo s’éloigne avant de gravir le précipice.

Le visage blême et le dos bien droit, Fuyao se tenait donc au sommet de la falaise. Des vents forts battaient l’affleurement montagneux et tout n’était qu’obscurité devant elle. Il Iui semblait apercevoir au loin le village majestueux qui l’avait jadis abritée et le jeune noble qui lui avait offert sa si précieuse affection. Autrefois, songer à cette tendre enfance la faisait sourire, mais aujourd’hui, son visage resta dénué d’expression. Ces jours d’affection confuse et momentanée n’étaient qu’une aventure parmi d’autres, un détour sur sa route. Elle avait mépris ce bonheur chaleureux touché du doigt au cœur de la forêt pour ce jardin d’Éden longtemps recherché, mais le rêve avait rapidement volé en éclats.

Ce n’était pas grave. En ce monde, souffrir de pertes était inévitable, tout comme rembourser ses dettes.

Fuyao secoua son fouet fileté d’or ; ce dernier produisit un craquement qui résonna dans la vallée tel un coup de clairon clair et mélodieux. Tout sourire, elle récupéra de son corsage quelques brins d’herbe vert foncé à la pointe blanche, comme si du givre matinal s’y était déposé et les observa avec satisfaction. Sa bonne fortune ne l’avait pas entièrement quittée, en fin de compte : sa chute l’avait menée contre toute attente à ce « givre hérissé » qui poussait sur la falaise. Il s’agissait d’une herbe médicinale très efficace pour guérir les blessures internes. Elle pouvait même renforcer le corps et encourager la pratique des arts martiaux. Vraiment, la situation illustrait parfaitement l’adage « un mal pour un bien ».

Sélectionnant avec précaution un brin de givre, elle s’apprêta à le mettre en bouche, avant  de s’immobiliser subitement. Fuyao écarquilla lentement les yeux.

Y a un truc qui cloche…

À l’instant, elle avait compté les brins de givre, qui s’élevaient clairement au nombre de six. Pourquoi n’y en avait-il plus que cinq ? Elle les tenait fermement dans sa main et les lieux étaient déserts. Comment un brin avait-il disparu ? Par téléportation ? Par distorsion de l’espace ? À cause de fantômes ?

La dernière hypothèse fit frissonner Fuyao. Tous les films d’horreur visionnés dans sa vie passée lui revinrent immédiatement en mémoire de façon indésirable. Les images de synthèse terrifiantes, les bruitages effrayants et les effets spéciaux jouaient et rejouaient dans sa tête et son esprit fut envahi de pleurs et de hurlements fantomatiques.

Fuyao vivait dans ce monde depuis de nombreuses années maintenant. Tant d’expériences extraordinaires avaient endurci Fuyao et sa volonté pouvait être considérée comme exceptionnelle. Cependant, elle se trouvait actuellement au sommet d’une falaise, dans des montagnes désertes et entourée d’une forêt dense et de vents hurlants. Les arbres et la verdure environnante balançaient au gré du vent telles des silhouettes spectrales qui dansaient. Le tout exsudait une aura sombre et menaçante. Et maintenant, un brin d’herbe venait de disparaître de son poing sans laisser de traces. Fuyao eut beau y réfléchir de manière rationnelle, la disparition restait inexplicable et Fuyao en eut des sueurs froides. Tant et si bien qu’elle eut envie de crier « Y a un fantôme ! ».

Puis elle se souvint des paroles du vieil homme : au commencement, il n’y avait pas de fantômes, mais lorsque les gens commencèrent à en avoir peur, les fantômes naquirent. Avec cette pensée en tête, Fuyao rassembla son courage.

— Qui est là ! cria-t-elle en faisant claquer son fouet.

Elle n’obtint aucune réponse mis à part le sifflement du vent, bien qu’elle eût attendu un long moment sans bouger. En fin de compte, elle rangea furibonde son long fouet. Puis elle pensa remettre ses brins d’herbe dans son corsage, mais lorsqu’elle baissa les yeux sur son poing, elle se mit à trembler de la tête aux pieds et la stupéfaction la gagna de nouveau : un autre givre hérissé avait disparu !

Elle fixa stupidement du regard les quatre brins restants dans sa main. Fuyao ne put s’empêcher d’attribuer ces étranges disparitions comme quelque être surnaturel. Cela dit, pourquoi ce fantôme restait-il invisible et ne la blessait-il pas ? À quel dessein volait-il ses herbes médicinales ?

En grinçant des dents, Fuyao dévoila un tempérament vindicatif et fourra rapidement les quatre brins restants dans sa bouche.

— Essaie donc de les voler, maintenant ! Viens, réessaie ! hurla-t-elle tout en mastiquant furieusement ses plantes.

Un petit rire sembla accompagner la bourrasque de vent. Ce son joyeux dissipa la peur qui habitait Fuyao. Qu’il s’agît d’un être humain ou d’un fantôme, il ne semblait lui vouloir aucun mal. Fuyao se détendit donc un peu et s’assit. Elle ferma les yeux et régula sa respiration.

— Toi là. Tu sembles désœuvré. Si tu n’as vraiment rien d’autre à faire, protège-moi pendant que je m’entraîne, déclara-t-elle en faisant signe de la main.

Un autre gloussement retentit, doux et plaisant. Les sonorités calmes et élégantes produisaient une euphonie singulière. Ce rire évoquait des scènes incroyables : les cimes enneigées des montagnes à perte de vue qui peuplaient la région Di du nord, où le vent soufflait sur d’immenses arbres de jade, générant un son clair de carillon. La tranquillité enveloppa les environs et la forêt transpirait une forte fragrance automnale en cette nuit noire. De ce parfum émanait un léger arôme particulier, différent de celui dégagé par la végétation alentour : il était plus pur, plus raffiné.

Malgré tout cela, Fuyao agit comme si elle n’avait ni entendu ni senti d’insolites choses. Elle se contenta de fermer les yeux et de se concentrer sur sa pratique.

Le troisième gloussement retentit, cette fois-ci juste à côté de son oreille. Au même moment, un éclair s’enflamma au sol juste devant Fuyao, accompagné d’un grondement. Le flamboiement orange éclaira d’un rouge chaleureux les paupières de Fuyao qui épiait subrepticement la scène à travers ses cils mi-clos.

Sur la cime d’un pin solitaire de l’autre côté du feu se tenait un homme vêtu d’une tunique aux manches larges. Le tissu avant de couleur pâle pendait ; y étaient brodés des motifs obscurs argentés. Les symboles restaient indéchiffrables dans l’obscurité, mais ils scintillaient légèrement lorsque l’homme se mouvait. Ce dernier s’allongea sur l’extrémité fine et fragile d’une branche. Indéniablement grand, il donnait pourtant l’impression d’être aussi léger qu’un nuage. Malgré son oisiveté manifeste, il semblait tout dominer, telle l’immense montagne de Jade1.

La branche d’arbre se balançait tranquillement tandis que l’homme jetait des brindilles dans le feu avec nonchalance et précision. La quantité de branchettes augmentant, le feu prit progressivement la forme d’une arche de bois à brûler et flamboya encore plus vigoureusement.

En bougeant sa main, l’homme révéla une petite marque au milieu de sa paume droite, d’une couleur un peu plus foncée que celle de sa peau. Cependant, la distance empêcha Fuyao d’en distinguer la forme.

La jeune fille balaya la scène du regard plusieurs fois, avant de le poser sur la belle structure de feu. Elle se releva en s’appuyant sur ses mains, puis recula prudemment d’un pas. Même l’humain le plus stupide aurait deviné qu’il s’agissait là du « fantôme » de tantôt. Il maîtrisait parfaitement le qinggong2 et possédait une précision impressionnante à en juger par son jeté de brindilles. Rien qu’à cela, Fuyao sut que si les intentions de cet homme devenaient malfaisantes, ses deux petites jambes ne lui suffiraient pas pour s’enfuir. Cependant, avant même qu’elle n’eut le temps de bouger ses fesses, l’homme avait ouvert la bouche.

— Jeune fille, il gèle. Je suis frigorifié.3

Notes

1 玉山 porte les noms « Yu Shan », le « mont Yu » ou encore la « montagne de Jade ». C’est une montagne du centre de Taïwan ; son pic principal qui s’élève à 3 952 mètres d’altitude est le point culminant de l’île.

2  Le qinggong (轻功) est un art martial qui permet le pratiquant d’être aussi léger qu’une plume et de défier la gravité (en l’occurrence, l’homme est allongé sur une fine branche qui ne devrait normalement pas supporter son poids). Une grande vélocité caractérise également les mouvements du pratiquant.

3 Une partie de la phrase « Je suis frigorifié, fais-moi un câlin » parfois utilisée par les garçons pour draguer les filles.

Note de la traductrice

C’est fou, il y a toujours quelqu’un pour surprendre notre héroïne ! Bonne ou mauvaise rencontre ? Telle est la question~ Je vous laisse cogiter tandis que je m’en vais profiter des journées du patrimoine. À la semaine prochaine !

Littleangele
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7 thoughts on “Fuyao – Livre 1 Chapitre 7

  1. Merci pour ce chapitre

    Il lui sort une technique de drague à la première phrase qu’il lui dit. Ça s’annonce bien.

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