Fuyao – Livre 1 Chapitre 7
Fuyao – Livre 1 Chapitre 9

Salutations ! C’est l’heure de retrouver Fuyao, le mystérieux dragueur et… quelqu’un d’autre. Ou quelque chose. À voir. Enfin, à lire. Bonne lecture !

Ah, petite note avant de commencer : 元宝  « yuanbao » est également un autre nom pour le sycee, un lingot d’argent dont la valeur était déterminée par son poids en taels. D’usage jusqu’à la fin de la dynastie Qing, il est de forme variable, mais sa forme la plus connue aujourd’hui est celle du bateau. De nos jours, le lingot d’or représente la richesse et la prospérité durant le Nouvel An lunaire.

La légende de Fuyao - Chap 8 - Yuanbao

Livre 1 – Le vent se lève à Taiyuan
Chapitre 8 – Maître Yuanbao

Fuyao recracha presque les herbes qu’elle n’avait pas encore avalées.

Tu es frigorifié… ?

L’automne commençait à peine : il faisait bon dans ces montagnes sud. Bien que le vent soufflât fort, il était loin d’être glacial. Sans parler de l’immense feu de bois qui les réchauffait ! Seul un idiot le croirait vraiment glacé jusqu’aux os.

Accroupi sur sa branche et le menton reposant dans sa main, l’homme balaya son corps du regard, de haut en bas et de bas en haut. Avait-il l’intention d’entreprendre un « réchauffement de la plus primitive des méthodes » avec elle ? Fuyao recula plus loin encore du feu. Il paraissait honorable, raffiné et bien différent des violeurs avides et miséreux. Toutefois, en ce monde, une belle apparence pouvait cacher un cœur perfide. Un peu comme… Pei Yuan.

Fuyao observa l’homme avec vigilance de ses yeux noirs de jais qui reflétaient les flammes ardentes du brasier. Lorsqu’elle clignait des yeux, ses cils épais créaient de légères ombres sur son visage pâle. Elle ressemblait alors à une petite créature nerveuse qui se préparait au combat. L’homme lui faisant face l’observait avec intérêt.

— Jeune fille, tu as froid ?

Très bien, tout se déroulait vraiment comme dans un script préétabli. Fuyao était peu disposée à y donner suite.

— J’ai chaud, se rebella-t-elle en continuant de reculer.

— Enlève tes vêtements, alors, répondit l’homme avec désinvolture, son apparence digne et séduisante renforcée par son sourire.

*****

Fuyao, qui avait déjà reculé de trois mètres, bondit soudainement tel un loup en fuite. D’un saut, elle projetait de se carapater sur une falaise à proximité.

L’homme observa sa pirouette, immobile et imperturbable, se contentant de lisser les plis de sa robe en souriant. Ce geste eut pour effet d’ouvrir légèrement le col avant1 de la robe et un fruit rouge feu s’en échappa.

Les yeux de la jeune fille toujours en plein saut périlleux s’éclairèrent immédiatement. Ce… cette…. cette couleur vive, cette odeur fraîche et revigorante… était-ce là le fruit sacré et curatif dénommé le « qilin2 rouge » ?

Le fruit tomba et roula à terre jusqu’à Fuyao qui ne le quittait pas du regard. Ainsi, elle détermina avec certitude qu’il s’agissait du qilin rouge. D’après les rumeurs, ce fruit ne poussait que dans les vallées profondes des montagnes enneigées de la région Di. Le commun des mortels était bien incapable de se le procurer.

Fuyao renonça donc à son saut périlleux à moitié entamé et s’aplatit au sol tête la première. Sans perdre un instant, elle se releva avec précipitation et posa fermement son pied sur le fruit. Puis elle observa son interlocuteur du coin de l’œil : il semblait ne pas s’y opposer, aussi s’empressa-t-elle de tendre la main pour saisir la denrée.

Soudainement, une toute petite boule blanche rapide comme l’éclair fonça sur Fuyao et cogna directement sa main. D’un cri peiné, celle-ci desserra quelque peu son poing. La boule blanche s’envola alors, se retourna en plein vol, réalisa un grand écart et s’écrasa férocement sur le nez de Fuyao. S’ensuivit un autre saut périlleux élégamment exécuté toutes griffes dehors. Les quatre pattes en l’air accueillirent ainsi le fruit qui venait d’échapper aux mains de Fuyao. Avec un bruit sec, le fruit fut complètement enveloppé dans une étreinte hermétique.

Toute l’action n’avait duré qu’une fraction de seconde. Fuyao n’avait senti qu’un coup de vent, une douleur au nez et une odeur légèrement fruitée tandis que le fruit curatif lui échappait des mains. Abasourdie, elle se frotta le bout du nez et y trouva un poil blanc long comme le doigt. Que diable était-ce ?

Ses yeux éteints balayèrent lentement le sol et y découvrirent une boule blanche poudreuse. La créature se tenait sur la pointe des griffes arrière, le fruit rouge entre ses pattes avant tendues révérencieusement vers l’homme mystérieux : la boule blanche rendait fièrement le fruit à son propriétaire. Avec une patte arrière tendue vers l’arrière, la créature recréait inopinément une position de ballet.

Fuyao observa attentivement la petite chose aux yeux noirs brillants et rusés, pas plus grande que la paume d’une main. Un lapin ? Non, elle était plus petite qu’un lapin. Un écureuil peut-être ? Non plus. Son beau et long pelage était plus blanc, pratiquement blanc comme neige. Un cochon d’Inde alors ? Non plus. La créature était plus dodue. Si dodue qu’on discernait peu ou prou ses différents membres. On aurait dit un Hamtaro qui avait pris vie. Dans sa vie précédente, une créature aussi mignonne aurait assurément suscité des couinements aigus chez les amoureux des animaux. Cependant, la boule de poil ne dérobait-elle pas à autrui de façon trop farouche et vicieuse ?

Sentant le regard de Fuyao sur lui, le cochon d’Inde tourna instantanément la tête et montra les dents blanches. À la lumière du feu de bois, ses larges incisives brillèrent comme des épées. Clouée sur place par le regard menaçant de la créature, Fuyao ne put s’empêcher d’éprouver un soupçon d’indignation. Récemment, elle semblait être victime d’énormément de malchance. Elle avait été trahie, torturée, poussée d’une falaise, et maintenant, un gros rongeur la regardait de haut. En arriver là était vraiment déprimant. Ce fut donc d’humeur irritée que Fuyao retroussa les lèvres pour montrer les dents elle aussi.

Si on compare les tailles, mes dents sont plus larges que les tiennes !

Ainsi, devant le feu de camp se confrontaient une humaine et un rongeur. Tous deux avaient sorti les crocs et se lançaient des regards noirs, tels des tigres qui dévisageaient leurs proies.

Quant à l’homme qui faisait face à Fuyao, il les avait observés tout du long avec humour et ne put au bout du compte retenir son rire. Il observa Fuyao avec considération, puis tendit la main vers l’animal.

— Yuanbao, appela-t-il.

Le rongeur potelé se contenta de remuer son arrière-train et l’ignora.

— Maître Yuanbao !

Ledit maître bondit immédiatement, le fruit entre ses pattes, et se carapata diligemment vers l’homme. Flagorneur, le rongeur leva le fruit de ses deux pattes avant et le lui offrit. Toutefois, l’homme ne fit que secouer la tête et pointa Fuyao du doigt.

— Zhi zhi ! protesta l’animal.

— Hm ?

Maître Yuanbao leva très lentement la tête et traîna longtemps des pattes. À contrecœur, il se tourna petit à petit pour offrir le fruit dans une autre direction. Il le contemplait tristement, les yeux emplis d’une peine infinie qu’on associait généralement aux adieux définitifs.

Plus il était mélancolique, plus Fuyao était heureuse. Triomphante, elle tendit la main et reprit possession du fruit d’un seul geste. Ce faisant, elle arracha même un poil de l’arrière-train du rongeur. Voilà sa vengeance pour le coup de pied dans le nez tantôt.

— Zhi zhi !

Indigné, Maître Yuanbao bondit furieusement et réalisa une rotation à 360° dans les airs. Puis il amorça ce qui semblait être un autre « salto avant avec rotation de 180° » de son cru. Fuyao n’allait certainement pas laisser ce rat la frapper une seconde fois. En un rien de temps, elle esquiva le coup prochain d’un pas sur le côté.

Lorsque Maître Yuanbao vit qu’il manquerait sa cible, il changea immédiatement de tactique. Il sauta sur le fruit et cracha dessus avec malveillance. Fuyao souleva promptement le corps dodu et le jeta violemment sur le côté. Le rongeur vola dans les airs en tournoyant sur lui-même. D’un coup d’épée, le bout de peau contaminé par la salive animale fut découpé nettement et d’un geste de la main, Fuyao envoya la pelure sur la tête de Maître Yuanbao. L’ensemble se fracassa sur la poitrine de l’homme mystère.

Humaine versus rongeur en trois manches : victoire pour Meng Fuyao.

Des couinements envahirent l’air tandis que la boule de poils blanche sautait de bas en haut sur le corps de l’homme. Elle empoigna son encolure en gémissant : assurément, elle se plaignait furieusement. L’homme s’adossa paresseusement contre l’arbre, pinça le petit nez de Yuanbao et conversa avec lui à voix basse.

— Qui t’a dit de brutaliser autrui…

— Zhi zhi !

— Tu n’es pas perdant non plus. Tu lui as mis un coup de pied…

— Zhi zhi ! cria Maître Yuanbao en se retournant pour montrer tragiquement son arrière-train potelé à l’homme.

— Il y a des centaines de poils sur tes fesses. Comment pourrais-je voir celui qui manque ?

— Zhi zhi.

Maître Yuanbao se tripota désespérément, creusant et creusant encore dans ses poils. Exaspéré, l’homme l’attrapa par le cou et le mit debout devant lui.

— Parle correctement. Tu ne t’es pas lavé les fesses hier !

— Zhi zhi !

— D’accord, d’accord… C’est juste ton casse-croûte, non ? Donne-le-lui cette fois-ci, je te revaudrai ça la prochaine fois…

— Zhi zhi !

— Tu as de plus en plus mauvais caractère. Elles t’ont vraiment trop gâté.

La patience éprouvée de l’homme atteignit enfin ses limites, mais nulle colère ne figurait sur son visage : seul un léger sourire ornait ses lèvres.

— Porter tous ces casse-croûtes à longueur de journée est vraiment fatigant, soupira-t-il en tapotant sa poitrine. Et si je les jetais tous, hm ? demanda-t-il en souriant.

La légende de Fuyao - Chap 8 - dessiner des cercles au sol

Maître Yuanbao jeta l’éponge et se tapit sur le côté où il dessina tristement des cercles au sol (métaphore physique pour signifier la tristesse et la réticence. L’image associée est du genre ci-contre).

L’homme lui caressa la tête et se retourna. Il s’apprêtait à s’adresser à Fuyao lorsqu’il aperçut, surpris, la mouche remplie de la jeune fille.

— Tu… as fini de manger le qilin rouge ?

Fuyao mastiquait frénétiquement et finit d’avaler le fruit en deux-trois bouchées.

— Oui, tout fini, répondit-elle franchement.

Tu crois vraiment que je n’aurais pas profité de votre querelle pour manger sans tarder cette denrée rare ? Me dis pas que j’aurais dû attendre que ton rat vienne me le revoler ?

L’homme ne contenta de l’observer un temps avec humour, puis secoua soudainement la tête.

— Il semblerait que tu ne sois pas au courant… Quand on combine le qilin rouge au givre hérissé, il faut les diluer de moitié. Sinon, il y a risque d’empoisonnement.

— Ah ?

Notes

2 衣襟 le col supérieur d’une robe chinoise qui permet d’y ranger des objets, comme une poche (et comme les manches des anciennes tuniques chinoises).

3 麒麟 : « qilin » (ou « kirin » en japonais) est un animal chimérique de la mythologie chinoise. Dans l’image ci-dessous (source) : le qilin du Palais d’Été de Pékin.

La légende de Fuyao - Chap 8 - Qilin

Note de la traductrice

Et voilà ! Qui s’attendait à ce qu’une boule de poil accompagne notre fameux dragueur ? En tout cas, le dialogue était amusant à traduire. Évidemment, je n’ai rien compris à ce que raconte l’animal. Si vous avez un décodeur… Quoi qu’il en soit, Fuyao semble encore s’être empêtrée dans je ne sais quelle situation. Après la chute fatale, le poison ? Huh.

Littleangele
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9 thoughts on “Fuyao – Livre 1 Chapitre 8

  1. Merci de me faire re-découvrir Pékin, j’ai visité le palais d’été mais il faisait tellement chaud là-bas (en + du nombre de touriste) que j’ai pas du le remarquer.

    Mrc du chap.

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