TheDAB : Chapitre 20 Bonus
TheDAB : Chapitre 22

Encore un coup d’Antoine, on me dit.

Chapitre 21

Les règles changent

 

« Une petite pièce ? Pour manger ? Une pierre spirituelle, peut-être ? À votre bon cœur ! » Les complaintes habituelles des mendiants côtoyaient leurs petites pancartes réclamant à manger pour survivre. Lorsque de temps en temps, un passant s’arrêtait et concédaient une petite pièce à ces pauvres hères en loques, ces derniers s’inclinaient bien bas en remerciant leurs bienfaiteurs de tout leur cœur.

« Merci, merci, mon bon seigneur. Merci ! Les cieux vous le rendront ! » De telles paroles n’atteignaient cependant pas bien souvent ces donateurs qui s’éloignaient bien trop rapidement en ayant déjà oublié l’existence même de ces mendiants pour s’en retourner à leurs vies généralement banales à souhait.

« Aujourd’hui, j’ai déjà récolté assez pour acheter de quoi manger ce soir et demain matin. » Un mendiant, les cheveux grisonnants et la bouche édentée, tourna la tête en souriant vers son comparse, quelques mètres plus loin.

Ce dernier lui fit un signe de la main pour lui signifier qu’il était lui aussi dans le même cas, et tous deux se mirent à rire de bon cœur.

« En ce moment, les gens sont généreux, tu ne trouves pas ? »

« Oui, oui. » Le premier acquiesça avec conviction. « On arrive à mendier plus du double, par rapport à d’habitude. »

Ils continuèrent à rire ensemble en discutant et en recevant quelques pièces et pierres spirituelles bas de gamme jusqu’à ce que la conversation les mène vers un sujet en particulier.

« D’ailleurs, ça fait quelques jours que nous n’avons pas vu Kun’er. Je me demande s’il a changé de quartier. »

« Sans nous le dire avant ? J’en doute. Et puis, tu le connais… Déjà qu’il ne sort dans les rues principales uniquement lorsqu’il y est forcé… Lui, s’en aller ? Pourquoi donc ? Il prétend être heureux de sa vie actuelle. » Le deuxième mendiant hocha la tête, sûr de ce qu’il avançait.

L’autre haussa les épaules.

« On en entendra sans doute parler à nouveau un jour ou l’autre. Qui sait ? Peut-être est-il tombé sur une bonne fortune qui lui a permis de stocker de la nourriture. Tu le connais comme moi. S’il peut éviter d’aller mendier, il ne le fera pas. »

« Ha ha, tu as sans doute raison. Je l’imagine très bien, en ce moment même, allongé quelque part, le nez dans les nuages et le sourire aux lèvres. C’est tellement lui ! »

Tous deux continuèrent à discuter encore un temps en récoltant quelques piécettes bienvenues. Dans cette rue, les gens qui passaient étaient principalement des mortels de bonne famille, ou de famille de taille modeste dans le pire des cas. Ils avaient bien choisi leur lieu pour mendier et les affaires allaient bon train.

Peu de disciples passaient par là. La rue était proche du centre de la ville, loin des quatre sectes de la ville, qui se trouvaient en périphérie, collées aux quatre murs externes. La secte de la Porte Azure, par exemple, était en charge tacite de la garde de la porte est de la ville, qu’on appelait tout naturellement la porte azure. Des trois autres côtés, on trouvait la porte jaune, la porte cramoisie et la porte verte.

Près du centre de la ville, où vivaient les familles mortelles les plus aisées et connues, deux mendiants gagnaient leur pain en riant et le temps passait tranquillement.

« Eh ? » Le plus vieux des deux, celui à qui il manquait des dents, vit arriver au loin une silhouette peu commune. « Regarde ! C’est un disciple ? C’est le deuxième qui passe par là de toute la journée ! »

Un jeune homme vêtu d’une robe typique, blanche et azure, arrivait dans leur direction.

« C’est le moment ! C’est un disciple de cette secte de l’est ! Celle qui garde la porte azure. S’il nous donne des pierres spirituelles, nous pourrons les échanger contre de l’argent ! » Le plus jeune des deux donna du coude dans les côtes du plus vieux pur qu’il comprenne bien. Ce dernier hocha la tête.

« Oui. Peu importe à qui il les donnera, nous partagerons ! »

Tous deux s’avancèrent en riant en direction de ce disciple qui approchait nonchalamment.

« …Sa façon de marcher… Je la trouve quand même sacrément familière. Non ? »

« Je me disais la même chose. » Perplexe, ils ne pouvaient pas s’imaginer avoir déjà vu ce disciple avant ça. Après tout, ils mendiaient dans cette rue la plupart du temps et les disciples n’y passaient qu’exceptionnellement. C’était le milieu d’un quartier de mortels, après tout, loin des quatre sectes de la ville.

Lorsqu’ils furent suffisamment près pour distinguer son visage, ils ne purent s’empêcher d’ouvrir grand la bouche comme s’ils voulaient dire quelque chose mais aucun son n’en sortit. Finalement, sans tourner la tête, le plus vieux leva la main et donna un énorme claque au plus jeune.

« Aaah ! » Évidemment, comme il ne s’y attendait pas, il fut envoyé au sol, et se tint immédiatement la joue, déjà un peu enflée. « Mais ça va pas ?! Pourquoi as-tu fait ça ?! »

« Tu vois ce que je vois ? »

« Quoi ?! De quoi parles-tu, enfin ? » Le jeune, par terre, avait déjà totalement oublié celui qu’ils venaient de voir arriver vers eux.

« Lui. Le disciple. »

« Oh… Oh ! Shi Kun ?! » Le jeune mendiant s’écria en reprenant soudain ses esprits. Le plus vieux l’imita rapidement.

« Alors tu n’as pas rêvé ! Ce qui veut dire que moi non plus ! C’est… C’est bien lui… »

« C’est… C’est pour ça que tu m’as frappé ?! » Le mendiant au sol, le visage tuméfié, était indigné. « Casseur de mendiant ! Faux ami ! Lâche ! »

« Oh, ça va, la ferme, ce n’était qu’une petite claque. » Ignorant celui qui ne s’était toujours pas relevé, le vieux mendiant s’approcha de Shi Kun, qui arrivait presque à leur hauteur.

« Shi Kun ? C’est bien toi ? » Il l’attrapa par les épaules et l’observa attentivement, comme s’il voulait graver dans sa mémoire un visage qu’il n’allait pas revoir pendant des années. « C’est vraiment toi… »

Shi Kun leva le menton, mis les mains dans son dos et répondit fièrement.

« Oui, Gu Leifei, mon vieux. C’est bien moi, comme tu vois. »

Le mendiant se mit à rire aux éclats, attirant l’attention des passants que même la claque sauvage précédente n’avait pas réussi à soulever.

« Ha ha ha ha ! Incroyable ! Et nous qui nous demandions justement ce que tu devenais, alors c’était ça que tu manigançais ! Je ne sais pas par quel mystère tu as réussi à te procurer cette robe, mais avec elle, tu vas définitivement pouvoir faire de grandes choses ! Avec un peu d’ingéniosité, plus rien ne t’arrêtera dans la rue ! »

Shi Kun perdit légèrement son air grandiose en entendant à quel point son vieil ami était persuadé qu’il avait trempé dans une magouille pour obtenir cette robe. Le voyait-il vraiment ainsi ? Il se gratta l’arrière de la tête.

« Oh… Ça… Tu vois, je suis réellement devenu un disciple de la secte de la Porte Azure… Alors ne prétends plus que j’ai volé cette robe. Tu parles désormais à un grand cultivateur, mon vieux Gu Leifei. »

« Un culti… Pouhahaha ! Tu joues ton rôle à la perfection, Shi Kun, mon ami ! À la perfection ! Oui, n’attendons pas, viens par ici, viens donc. Nous allons commencer à imaginer la façon dont nous allons pouvoir profiter de tout ça ! Qui pourrait donc avoir envie de donner une fortune à un disciple ? Laisse-moi réfléchir… Et si nous allions lever une quête dans la rue, en disant que c’est pour la secte ? Nous autres mortels respectons ça, ha ha ! Nous gagnerons définitivement un petit pactole ! »

Shi Kun ne s’attendait réellement pas à ce que Gu Leifei réagisse de la sorte. Il savait qu’il était un vieux renard depuis longtemps, mais à ce point… À peine avait-il vu Shi Kun porter la robe de la secte qu’il s’était déjà mis à travailler un plan pour extorquer de l’argent aux pauvres mortels ?

« Non, non, maintenant que je suis un cultivateur, il faut que je fasse attention. Je ne peux pas faire ça aux mortels. La loi l’interdit. » Shi Kun se rappela immédiatement qu’il ne possédait plus le même statut dans la société et secoua la tête d’un air ferme. »

« Non, mon vieil ami. Je ne peux pas faire ça. »

« Quoi ? Mais pourquoi ? Je sais que ça demande un peu d’efforts, mais pour ce résultat… » Gu Leifei était sincèrement perplexe face au refus ferme de Shi Kun.

« Ahhh… Je te l’ai dit, je fais maintenant partie de la secte de la Porte Azure. Je suis un cultivateur. »

Gu Leifei se mit à sourire en coin et fit un clin d’œil. L’autre mendiant les regardait, incapable de suivre la sournoiserie de son aîné.

« Ahaa… Je vois, je vois. Tu es dans ton rôle jusqu’au bout, n’est-ce pas ? C’est une bonne chose ! Ainsi, les mortels ne se douteront jamais que tu essayes de les arnaquer ! Un cultivateur ne ferait jamais ça ! »

Shi Kun écarta les bras, un peu désespéré.

« Mais écoute-moi donc ! Regarde-moi ! Je porte une robe de ma secte de la Porte Azure ! J’ai percé au 1er niveau de la maîtrise du qi ! Je suis devenu un cultivateur ! Je ne peux pas faire ce que tu demandes ! …Et dire que j’étais simplement venu vous rendre visite, et tu essayes de profiter de ma grande secte et de ma gentillesse… Je suis déçu, mon vieux Gu Leifei, oui, déçu… »

Gu Leifei ne savait vraiment plus comment répondre. À plusieurs reprises désormais, Shi Kun avait insisté : il était un cultivateur et faisait partie de cette secte. Si c’était vraiment le cas, alors il avait raison… Il ne pourrait pas arnaquer les mortels au risque de se retrouver hors-la-loi. Et la loi de l’empereur était inviolable, les contrevenants étaient toujours pourchassés sans pitié.

Mais imaginer que Shi Kun fût en train de dire la vérité ? C’était bien trop extravagant. N’importe quel autre mortel aurait pu réussir à convaincre Gu Leifei mais pas le seul qu’il connaissait et qui possédait un dantian définitivement incapable de cultiver !

« Arrête de plaisanter, maintenant… Ce n’est plus drôle… » Mal à l’aise, Gu Leifei vouait désormais que Shi Kun cesse son petit manège et lui explique pour de bon ce qu’il en était. Mais ce dernier secoua encore la tête, incapable de décrire la situation autrement.

« J’ai été accepté dans la secte, voilà tout. Je dis la vérité. Je ne suis plus incapable de cultiver. Bien que… ce ne soit effectivement pas mon but… Ha ha, tu me connais assez, n’est-ce pas ? »

Gu Leifei fronça les sourcils. Il en avait assez de ce petit jeu, désormais.

« Si tu dis vrai, ô grand cultivateur immortel, alors utilise donc l’une de ces techniques magiques que seuls les cultivateurs maîtrisent ! »

Shi Kun fut légèrement pris au dépourvu. Une technique ? Pour pouvoir lancer une technique, il fallait tout d’abord la créer. Et puisqu’il avait créé son propre Dao, alors il devrait créer chacune des techniques lui-même.

« Oh, mais… » Shi Kun se souvint tout à coup de la tortue. Ne lui avait-elle pas offert une technique ? Shi Kun fit rapidement le rapprochement cela dit. La tortue lui avait dit qu’elle était l’entité la plus proche du Dao de Shi Kun. Sans doute avait-elle assez de pouvoir pour créer les techniques à la place de Shi Kun ?

Il secoua la tête. Tout cela lui importait peu pour l’instant, en réalité. Il leva les mains et fit un geste d’incantation qui fit tournoyer sa base de cultivation et envoya de l’énergie spirituelle directement dans ses doigts.

« Incarnation de la Paresse… » En invoquant la tortue, il se souvint cependant de la première fois. Lorsqu’il avait essayé, elle l’avait simplement envoyé se faire voir. Ferait-elle de même cette fois ?

Transpirant soudainement, Shi Kun pria tous les dieux de tous les univers en un instant.

« Si ça ne marche pas, il va me prendre pour le dernier des idiots ! Et surtout, je n’arriverai pas à le convaincre, il ne me laissera pas tranquille et voudra qu’on aille détrousser des mortels ! …C’est trop. Je n’aurais aucune envie de faire ça même si j’en avais le droit. Allez, fonctionne ! »

Soudain, l’air craqua et se déchira. De l’ouverture ainsi créée sortit une tête de tortue démoniaque aux yeux jaunes et lumineux, qui regarda à droite, à gauche et finit par bâiller.

« Qu’est-ce qu’il y a, encore ? On ne peut vraiment pas faire une sieste en paix plus de quelques heures, ici ? Laisse-moi dormir encore. C’est quoi, ça ? Tu n’as vraiment pas besoin de moi, là. »

La tête recula et le trou dans la réalité se referma, comme s’il n’avait jamais existé pour commencer. Gu Leifei et son jeune ami mendiant étaient tombés par terre entre temps, totalement abasourdis.

« Ce… Ce… Un cultivateur ?! »

Raka
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