DMS : Chapitre 89 Bonus
DMS : Chapitre 91

Chapitre 90 – Départ pour Camelot (6)

 

— Alors montre-moi tout de suite ce que tu as à vendre, s’il te plaît.

Je ne pouvais pas attendre de voir ce que Joc pouvait me proposer. D’après lui, je ne pourrais pas lui faire des achats sans arrêt, et ce qu’il me vendrait épuiserait ses réserves de mana d’une façon spéciale et il lui faudrait alors de plusieurs heures à plusieurs semaines pour récupérer.

Alors autant commencer immédiatement, n’est-ce pas ?

Les yeux de Joc devinrent blancs, comme s’il était possédé par une autre âme, comme s’il n’était plus que le spectre de lui-même.

— Bienvenue, Qian Wuying. Que puis-je faire pour toi ?

— Joc ?

Il était devenu froid et distant, presque formaté. On aurait dit un ordinateur à qui on venait d’apprendre à parler. Me tournant vers Pythagore, je lui demandai aussitôt :

— Il a un problème ? Quelque chose qui n’a pas fonctionné correctement ?

L’ivrogne secoua la tête, les yeux brillants mais l’esprit assez clair pour me répondre.

— Non. Nous avons créé une personnalité « marchande » basique et il l’utilise en consommant son mana. Hâte-toi, ça ne durera que quelques minutes au maximum. Après quoi il devra utiliser encore plus de mana pour créer ce que tu lui achèteras.

— Oh ? Alors je pourrai lui acheter ce que je veux ?! m’écriai-je, je veux un dragon !!

Pythagore me surprit à imiter une vieille habitude en posant sa main sur ses yeux et son front.

— Tu… !

— Tu ne peux pas décider ce qui va être vendu, Wuying. La personnalité « marchande » va décider ça aléatoirement, de la même façon que les marchands du système…

Déçue, mes bras, que je venais de lever au ciel en signe de victoire, retombèrent d’un coup. L’air las, je me tournai vers Joc.

— Je veux voir ce que tu as à vendre, jusqu’au niveau 18, déclarai-je sans plus perdre de temps.

Il m’adressa un sourire froid et automatique. Son ton était toujours aussi plat.

— Bien entendu ! Voici ce que j’ai pour vous.

Il balaya l’air de son bras et comme s’il existait des étagères derrière lui, tout un tas d’articles apparurent et restèrent figés en l’air.

— D’abord, regardons les types de donjon… murmurai-je.

J’avais remarqué que par la simple force de ma volonté, ce qui était affiché chez les vendeurs pouvait être déplacé et trié, un peu comme sur un fichier informatique. De fait, tous les types de donjon qu’il me proposait apparurent devant moi.

[Donjon : Caverne de Cendres] [8 000 crédits]
[Donjon : Pic Céleste] [8 000 crédits]
[Donjon : Cimetière] [8 000 crédits]
[Donjon : Océan de Cristal] [8 000 crédits]
[Donjon : Océan Abyssal] [8 000 crédits]

Voilà tout ce que Joc me proposait en terme de donjons. Dans l’ordre, je ne savais que penser de la caverne de cendres, le pic céleste me tentait parce que son nom était quand même sacrément classe, le cimetière ? Je possédais déjà une forêt hantée… Mais les deux types de donjon qui piquèrent particulièrement mon attention étaient les deux derniers.

— Des océans ? fis-je avec les yeux brillants.

Je venais d’obtenir le schéma de tout un tas de créatures sous-marines, était-ce le destin ? Un système automatisé qui se fiait à ce que je possédais ? Quoi qu’il en fut et sans plus attendre, je choisis immédiatement l’océan de cristal.

— Après tout… Dans les abysses, je n’y verrai pas grand-chose, me justifiai-je.

Balayant les articles, j’affichai alors les monstres disponibles.

[Cafards – Créature : Insecte] [1 100 crédits]
[Écureuil – Créature : Mammifère] [2 100 crédits]
[Yéti – Créature : Mammifère] [3 200 crédits]
[Plante Carnivore – Créature : Plante] [3 000 crédits]
[Grenouille – Créature : Amphibien] [2 700 crédits]
[Minotaure – Créature : Mammifère] [5 000 crédits]
[Orc – Créature : Mammifère] [ 4 500 crédits]

— Ouah… m’exclamai-je tout bas.

Il y avait de quoi faire. Plusieurs créatures m’intéressaient alors au plus haut point, mais je savais qu’il ne me restait plus que 14 000 crédits, plus ou moins. Je ne pouvais pas acheter n’importe quoi. Ceci dit, une fois cette session de vente terminée, je ne pourrais peut-être plus rien me procurer avant un long moment ; des mois si j’étais malchanceuse. Et comme d’habitude, j’étais certaine de l’être.

Je me mis à réfléchir profondément. J’avais déjà décidé de créer un donjon aquatique. C’était un fait assuré. Et même si je disposais de deux donjons différents, je ne voulais pas les utiliser n’importe comment et je préférais toujours en garder un en réserve au cas où il devait se passer quelque chose et que je doive en créer un dans l’urgence.

Que pouvais-je utiliser afin d’améliorer mon donjon aquatique ? Mis à part les créatures que je possédais déjà dans ma collection, je ne voyais pas dans cette liste un quelconque ajout de choix, assez pertinent pour me faire dépenser mes crédits.

— Je veux quand même acheter tout ce que je peux, décidai-je, parce que je ne sais pas quand je pourrai à nouveau le faire.

Hochant la tête et ayant choisi l’Orc et le Minotaure, je dépensais ainsi 9 500 crédits d’un seul coup. Si mes calculs étaient exacts, il me restait alors aux alentours de 5 300 crédits, désormais.

— Bon. Je les garde au chaud. Ils me serviront un jour, j’en suis certaine. Vu leur prix, ils ne peuvent pas être nuls.

Je jetai rapidement un œil au reste de ce que Joc avait à vendre, mais mis à part un piège électrique, il ne restait rien.

— Est-ce qu’au niveau 20, je vais avoir droit à un troisième donjon ? me demandai-je alors.

Cette fois, Pythagore répondit directement.

— Non.

Au moins, c’était dit.

— Le bonus de donjon +1 sont disponibles au niveau 10, puis au niveau 30, 50, 100 et à la première étoile. Après quoi, chaque étoile permet de créer un donjon supplémentaire. Un architecte au sommet de sa puissance peut créer et gérer huit donjons en tout et pour tout.

— Oh… murmurai-je, je vois.

C’était un grand nombre, vu d’ici. Peut-être qu’une fois à ce niveau, je n’aurais alors plus la même impression mais pour l’instant, ça m’importait assez peu.

J’hésitais encore à acheter un monstre de plus lorsque Joc cligna des yeux. Ils reprirent leur couleur normal et il s’effondra sans prévenir. Je parvins à le rattraper in extrémis avant qu’il ne se cogne la tête par terre et le portai dans la hutte afin de l’allonger sur sa couche.

— Il avait raison, me dis-je en l’observant, il a épuisé tous ses PM et maintenant, il doit se reposer.

J’étais un peu déçue de ne pas avoir pu continuer mes achats mais j’avais déjà obtenu quelque chose d’exceptionnel qui allait me permettre de créer mon donjon suivant. Avec de la chance et de la technique, il pourrait rapidement devenir le cauchemar de tout explorateur imprudent.

D’autant que j’avais récemment compris quelque chose… Une chose qui me faisait déjà sourire intérieurement.

Ce qui m’avait le plus déçue, c’était l’absence de compétence buguée. Joc ne faisait qu’imiter le système et j’avais bien compris alors qu’il ne serait pas capable de m’en proposer.

 

**

 

Il était maintenant temps de retourner sur Albion. Je n’avais pas oublié que mon sort de transformation ne m’appartenait plus et je me rendis chez Pythagore pour lui demander ce qu’il en était.

— Ah, répondit-il toujours un peu ivre, je n’ai pas terminé mais je crois que je comprends. En réalité, vois-tu, il semble que pour une raison que j’ignore, lorsque le sort se termine, il ne peut pas être relancé immédiatement.

— …

Je dus me retenir pour ne pas le frapper derrière la tête. À la fois parce qu’il faisait de son mieux mais aussi parce que je savais que j’aurais été celle qui aurais souffert. Ceci dit, je ne pus m’empêcher de juger qu’il le méritait. Il avait eu besoin de tout ce temps pour conclure une chose que je savais déjà et qu’il devait corriger…

— Merci bien… hésitai-je.

— Je pense comprendre, oui, continua-t-il, et…

Il déplaça ses mains à droite, à gauche et dans les deux directions à la fois, cherchant à trier toutes ces pelures de sort sur son espace de travail. Il les observait, les déchirait en morceaux encore plus petits, les rassemblait parfois…

…jusqu’à ce moment. Il cria.

— Euréka !

Il s’affola et en moins de trente secondes, la boule magique fut entière à nouveau, non sans qu’il y ait effectué quelques corrections.

— Maintenant, ça devrait fonctionner ! Haha… Tu sais, fabriquer un sort, c’est comme un puzzle. On peut placer les pièces dans de nombreuses positions différentes, mais il y a toujours un équilibre entre les effets principaux et secondaires… Il faut être vraiment exceptionnellement doué pour chambouler cet équilibre !

— Pas la peine de t’étendre sur le sujet, je n’y comprends rien, avouai-je, est-ce qu’il va fonctionner ?

Il hocha la tête.

— Tu ne seras plus limitée par le lancement du sort en boucle, en effet.

Son regard était bien moins vitreux, désormais, plus grave.

— Quel est le piège ? finis-je par soupirer en me rendant compte qu’il n’attendait que ça.

Il éclata de rire, fier de lui.

— Il n’y en a pas ! Ha ha ha ! Ou un si léger… finit-il dans un souffle.

Un léger était mieux qu’une interdiction de lancer le sort.

— Il se peut simplement que le sort prenne fin à un moment hasardeux… Mais lorsqu’il prendra fin, tu le sentiras à l’avance. Il faudra que tu te hâtes de le relancer dès qu’il se termine si tu veux rester sur Albion en sécurité.

— Sans blague…

Il avait transformé un sort à usage étrangement unique – ou à rechargement – en une bombe à retardement à compte-à-rebours inconnu. Je ne savais pas si j’étais vraiment gagnante au change mais c’était toujours mieux que de ne plus pouvoir le lancer du tout.

— Ok… conclus-je en claquant des mains après avoir absorbé le sort à nouveau.

Souriant légèrement en direction de Friderik et lui lançant un regard équivoque, je me tournai vers le miroir artisanal des géants.

— On y va ?

Friderik me rendit mon sourire, enfin sollicité pour repartir sur Albion. Il ne voulait pas l’avouer mais être un boss de donjon lui manquait déjà, je le savais.

Il me sauta dans les bras et sans même prendre le temps de me tâter au corps, se retourna pour faire face au portail en même temps que moi.

Ainsi vint le moment de vérité. Allais-je réussir à faire exactement ce que je voulais ? Stressée mais concentrée, je posai la main sur le miroir tout en cherchant ce que je désirais.

Je veux arriver à proximité de Camelot. Je veux arriver à moins d’une heure de marche de la capitale. Je veux arriver… Le plus près possible… Je veux… Un lac. Oui, un lac sera parfait.

Je souris ; l’histoire Arthurienne me revint en mémoire tandis que je me laissais aspirer par le miroir et entrais dans le monde tourbillonnant.

Je posai rapidement le pied sur une berge, calme, paisible et sous les mêmes cieux bleus que je voyais au-dessus de ma tête à Roram. J’étais arrivée à destination : quelques kilomètres plus loin, devant moi et au-dessus de la cime d’une forêt verdoyante se dessinaient les tours d’un château médiéval.

— Camelot !

J’avais devant moi, au loin, le château et la ville de Camelot ! Qui pouvait en prétendre autant ? Personne sur Terre ! D’un seul coup, mon cœur s’emplit d’une fierté extrême et levant les yeux au ciel, je me fis l’impression d’être la première à découvrir un monde nouveau, d’entrer dans un conte de fées, de… d’être capable d’écrire ma propre histoire.

Mais laissant rapidement toutes ces émotions inutiles de côté, je déposai Friderik au sol le temps de me tourner vers ce lac, juste à mes côtés.

— Je sens que… Ce que je vais faire, ça va être une sale blague.

Je me mis à ricaner toute seule, complètement heureuse de la connerie que j’avais dans la tête. On aurait pu dire à ce moment que mon esprit était retombé en enfance, l’époque du poil à gratter et autres farces idiotes mais tellement amusantes.

Je m’avançai lentement et eus bientôt de l’eau jusqu’aux genoux. Elle était fraiche mais pas glaciale ; pure mais opaque, reflétant le ciel bleu sans nuages désormais. Ce qu’il y avait de stratus et autres cumulus s’était envolé avec le vent tiède et doux de cette fin de matinée. Les eaux du lac ne furent troublées que par les ondulations provoquées par mes pas lents.

J’écartai les bras et un tourbillon se forma devant moi. D’abord faible et lent, il devint rapidement turbulent et chaotique, rapide et puissant, au point que j’eus un peu peur de me faire happer moi-même. Ceci dit, je savais que je ne risquais rien ; j’étais en plein processus de création de donjon et même si ce n’était que pendant ce moment exact, l’univers m’obéissait, j’étais une dominante ultime.

Le tourbillon se solidifia rapidement en un tunnel d’eau qui resterait ainsi jusqu’à ce que je décide de supprimer le donjon ; s’enfonçant dans les eaux du lac, il n’attendait plus que moi.

Je retournai attraper Friderik et nous plongeâmes tous les deux jusqu’au fond de ce tunnel dont les parois étaient étonnamment fermes et solides, jusqu’à ce que l’eau finisse par nous engloutir totalement, tout au fond. Je pouvais voir, ou plutôt je pouvais sentir que le lac entier était devenu mon donjon et que sa surface était devenue une barrière invisible géante, empêchant quiconque de plonger ou de faire surface si ce n’était par l’entrée que j’avais créée.

Aussitôt immergée, je ne perdis pas de temps pour définir les lieux en leur accordant le type Océan de Cristal. D’un seul coup, tout devint si clair… et je me rendis compte que je pouvais respirer avec aisance.

Friderik ne semblait pas gêné – un slime n’avait sans doute pas besoin de respirer en premier lieu – et je savais, pour une raison obscure, que les explorateurs allaient avoir un mal fou à survivre ici parce qu’eux allaient être obligés de retenir leur souffle ou d’utiliser la magie.

Toujours sans perdre de temps, j’invoquai une sirène. Elle apparut et comme me l’avait expliqué Joc par le passé, je tentai de me concentrer afin d’influencer sa croissance en tant que boss.

Il m’avait affirmé que si je le désirais, j’avais le pouvoir d’en faire ce que je voulais – dans une certaine limite.

Et je fermai alors les yeux, en souriant toujours.

Peu après, lorsque je les rouvris se tenait devant moi une sirène magnifique, d’une beauté telle que je me demandai l’espace d’un instant s’il était rentable de changer de bord immédiatement ; Elle me souriait elle aussi et je pouvais voir dans ses yeux la complexité d’émotions enfouies, comme si…

…comme si elle savait parfaitement où elle se trouvait et qui elle était.

— Bienvenue à Camelot… Dame du Lac.

Raka
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13 thoughts on “DMS : Chapitre 90

  1. Merci pour ce chapitre ! Tu as pas mal enchaîné entre ça et les 2 chapitre de LV1. Tu nous gâtes là ^^ !

    Vu la gueule des monstres qu’elle a acheté dans le magasin, le prochain donjon après celui qu’elle vient de créer risque d’être assez cocasse pour les aventuriers. Je les plains franchement ^^ ».

    La Dame du Lac comme boss de donjon, rien que ça !!! Ce donjon va être une partie de plaisir pour notre héroïne ^^. Hâte de voir comment tout ceci va se dérouler :).

  2. Si c’est dans le même genre que la Dame du Lac de Kaamelott, ça annonce du très lourd hahaha

    Merci pour le chapitre !

    1. J’ai baux me forcer a prendre du retard je finis toujours pas être à jour et par être triste d’être arriver au bout…en même temps c’est trop bien DMS

  3. Merci pour le chapitre
    Ce chapitre était tellement bien ^^
    Le prochain donjon pourrait bien être un labyrinthe avec un minotore

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