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Chapitre 70 – Les Devoirs d’un Paladin (8)

 

Pouvais-je seulement refuser d’entrer et de saluer sa femme ? J’en imaginai la possibilité et je m’apprêtai à refuser poliment quand ce poids sur ma conscience se rappela à mon bon souvenir. Je n’avais pas fait que voler sa connerie d’épée, j’avais aussi frappé sa femme. Et ça, c’était à elle que je devais le rendre.

J’aurais pu mettre son futur bébé en danger, et ça, ça n’avait pas de prix. Je ne pouvais pas m’excuser et partir, mon cœur ne me le permettait pas.

— …Avec plaisir… finis-je par concéder à contrecœur.

J’espérais tant qu’elle n’allait pas tirer une tête bizarre en me voyant. Elle était clairement capable de me reconnaître et si elle s’écriait en m’apercevant, alors j’allais être très mal ; j’allais devenir une criminelle sur Albion, même pas dix-huit heures après être arrivée.

Mais il entra chez lui, et jeta un coup d’œil derrière lui pour s’assurer que je le suivais. Lorsque je passai la porte, il s’écarta en me faisant signe de le dépasser pour entrer dans la pièce principale – que je connaissais déjà, naturellement… La plaque d’exposition vide qui n’attendait que cette magnifique épée sans valeur retrouva bien vite son occupante sous les yeux larmoyants du forgeron, qui me remercia une fois de plus :

— Merci encore… Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi. J’aurais dû me tuer à la tâche et je n’étais même pas sûr de pouvoir accomplir une deuxième fois le travail nécessaire à la réalisation d’un tel trésor. Lyrne ? Lyrne ! Viens ! On a une invitée !

Je sentis un frisson courir de ma nuque jusqu’à mes fesses. Je l’entendis descendre des escaliers en bois menant sans doute à l’étage et à leur chambre. C’était le moment de vérité ; elle allait me reconnaître et selon la façon dont elle allait réagir, j’allais être dans de sacré beaux draps quelques secondes plus tard.

Elle apparut, toujours aussi belle que dans mon souvenir, un énorme bleu de la tempe jusqu’au milieu de la joue.

En m’apercevant, elle ne sourcilla pas le moins du monde.

Quel sang-froid !

Je n’en avais pas autant et elle pouvait certainement sentir l’effroi sur mon visage. Elle prit la parole timidement, me faisant pencher la tête de confusion :

— B… Bonjour ? Bienvenue chez nous…

Le forgeron coupa rapidement ces présentations malaisées et expliqua la situation en quelques mots :

— Lyrne, voici une exploratrice. Elle a retrouvé notre trésor. Traite-la comme notre bienfaitrice ! Elle fait partie de la famille, désormais !

Lyrne hocha la tête, ne comprenant pas tout à fait ce qu’il disait, ou peut-être cherchant à trop en comprendre, justement.

— Ma femme Lyrne a été agressée, comme tu le sais sans doute…

Je hochai la tête d’un air grave, peu sûre d’où il voulait en venir. Heureusement, il n’attendit pas de réponse et continua :

— Je pensais au début qu’elle était tombée. Elle est maladroite, vois-tu. Et j’ai eu si peur pour le bébé… Mais en voyant que l’épée avait disparue, j’ai immédiatement fait le rapprochement. Elle n’est pas tombée, elle s’est faite frapper ! Seul un véritable monstre pourrait lever la main sur une femme, surtout en voyant son gros ventre !

Il rugissait et rougissait. Parler de ça le mettait hors de lui et j’avais peur que sa colère finisse par s’abattre sur ma tête. Que voulait-il dire exactement ?

Il se calma légèrement et reprit son monologue :

— Le choc a été trop violent et elle perdu la mémoire. Elle ne se souvient plus de ce qu’il s’est passé au cours des dernières 24 h. Et elle ne peut donc pas accuser son agresseur.

Je compris immédiatement ce qu’il se passait. Et je le coupai pour lui expliquer les choses comme je les avais présentées au type des paladins avant qu’il ne s’imagine des choses :

— J’ai capturé un monstre, un voleur qui s’était introduit dans le village. Il avait ton épée. On… On peut se tutoyer, n’est-ce pas ?

Il me confirma notre relation d’un hochement rapide de la tête tout en réfléchissant en fronçant les sourcils.

— Un monstre… Hmm… Et tu dis qu’il possédait l’épée ? Mais pourquoi… Pourquoi voudrait-il voler cette épée ? Parce qu’elle brille ?

— Oh, avec les gobelins, tout est possible, plaisantai-je pour apaiser la tension qui pesait dans la pièce.

— Un gobelin ?! Une créature ridicule comme ça aurait malmené ma femme à ce point ? Il a réussi à la frapper au visage et à lui faire perdre la mémoire ?!

Oups.

En voulant trop en faire, j’en avais évidemment trop dit. Il avait raison, un gobelin était tout petit et devait mesurer un mètre de haut à tout casser ; il l’aurait plutôt frappée dans le ventre, surtout que son ventre était le point faible de Lyrne.

Je me hâtai de tenter de changer de sujet :

— Bon, euh… Je te suis reconnaissante de m’avoir présentée ta femme mais… tu sais, il m’attend, je dois lui dire que je t’ai bien rendu l’épée, tout ça…

Je reculai déjà de quelques pas en m’inclinant, faisant mine de partir. Il m’attrapa par le bras avant que je puisse quitter sa maison. Je sentis des gouttes de sueur froide naître dans le creux de mon dos.

— Attends !

— …Hein ? m’écriai-je.

Il m’avait surprise. Pourquoi devais-je attendre ? Que me voulait-il ? Est-ce que… M’avait-il confondue ? Il était intelligent et il avait compris que je lui mentais ? En avait-il déduit que c’était moi, la coupable et que j’essayais juste de me couvrir en inventant une excuse bidon ?

J’étais sur le point de forcer pour me libérer et prendre la poudre d’escampette lorsque son regard devint plus doux et qu’il me demanda :

— Je dois vraiment travailler dur pour terminer les commandes que l’on m’a faites. Et je ne veux pas laisser Lyrne sortir seule. Tu sais, elle a pris un sacré coup sur la tête, je voudrais qu’elle reste à la maison pour pouvoir régulièrement voir comment elle va.

Oh, putain, non… Pas encore ?

Il allait me demander un truc et même s’il ne faisait pas partie du système, ça ressemblait fortement à une nouvelle quête. Non ! Je ne voulais pas ! Je voulais rendre la quête de l’autre abruti une bonne fois pour toutes !

— Pourrais-tu te rendre chez l’herboriste et récupérer ce qu’il y a sur cette liste ? Voici un peu d’or pour la course, tu pourras garder la monnaie.

Il me fourra dans la main un morceau de papier et quatre pièces d’or avant de hocher la tête de satisfaction.

— Reviens vite ! C’est pour Lyrne ! Son visage ira vite mieux si on s’en occupe bien. Il serait vraiment triste qu’elle garde une trace de cette agression.

Je soupirai. Après tout, rien ne m’obligeait à le faire. Je quittai la maison du forgeron et il ne fallut pas longtemps pour entendre ses coups de marteau résonner à nouveau. Je ne me rendis non pas chez l’herboriste comme il me l’avait demandé, mais directement chez l’instructeur des paladins en espérant toujours y rencontrer Wayne.

Et ma surprise fut grande quand je l’aperçus effectivement en train de lui parler. Je me précipitai vers lui pour mener à bien ma tâche initiale :

— Wayne ! Wayne ! Attends !

Il se retourna vers moi, l’air surpris.

— Ah ! Wuying ! Comment vas-tu, aujourd’hui ?

— Je, euh… Je vais bien. Mais avant tout, pourrais-tu me prêter une arme ?!

J’avais crié d’un seul coup, avant qu’il ne change de sujet ou qu’il ne m’invite à nouveau dans un raid inopiné. Il me fallait une arme pour aller chasser des monstres et gagner un peu d’argent. Sans ça, je serais incapable de payer une chambre pour dormir sur Albion si j’y revenais. Et je comptais bien y revenir, ça me changeait les idées.

— Une arme ? Mais je… Non, je n’en ai pas sur moi, je n’ai pas d’arme dont je pourrais me séparer.

— Oh… fis-je, déçue, alors je ne pourrai pas chasser…

— Tu as perdu la tienne ? s’étonna-t-il.

— La mienne ?

— Tu as bien chassé et tué depuis le niveau 1, n’est-ce pas ?

— …

Je ne sus que répondre et me contentai de hocher la tête. Ok, j’avais perdu mon arme. Il n’avait qu’à le penser, c’était bien.

— J’ai vraiment besoin d’une arme, insistai-je alors, ou au moins… un peu de liquidités pour dormir. Je suis obligée de passer mes nuits à l’auberge, je n’ai pas de maison ici, pas de fami…

Pas de famille ?

Qu’avait donc dit le forgeron à sa femme, quelques minutes pour tôt ? Que je faisais maintenant partie de la famille ? Et si je lui demandais l’autorisation de dormir chez lui ? Avait-il une chambre d’amis ?

Mais avant de me poser la question, il fallait tout de même que je rende ma quête au PNJ devant moi. Wayne venait de partir en courant sans même me saluer, pressé par une affaire inconnue ou l’envie de retourner dans le donjon. Il ne l’avait pas terminé, je le savais. Il avait pillé le coffre à l’aide du moine et ils s’étaient tous deux enfuis avec un trésor sans mourir. Dans l’autre donjon, plusieurs explorateurs s’étaient eux aussi fait avoir mais ils ne s’y aventuraient plus sans prêtre ou exorciste spécialisé.

— Bon. J’ai été rendre son épée au forgeron. Je peux avoir ma récompense, maintenant ?!

Je m’adressai à lui en m’énervant d’emblée. J’avais peur qu’il ne me trouve encore quelque chose à faire avant de me filer ma récompense de quête. Récompense dont j’ignorais d’ailleurs l’étendue. J’espérais fortement obtenir une arme ; une compétence, peut-être ? Je n’étais pas une exploratrice et le système me l’avait fait comprendre à la boutique. Alors je n’espérais pas une récompense d’explorateur. Qu’en aurais-je fait, d’ailleurs ? Alors une arme était finalement assez peu probable, mais une compétence ? Le système savait me récompenser par des compétences dysfonctionnelles, pourquoi changerait-il ses habitudes ?

— Bienvenue à nouveau, mademoiselle ! me répondit-il joyeusement, effectivement, j’ai entendu que vous lui aviez bien remis sa précieuse arme ! Félicitations !

Il me toisa de haut en bas, le sourire aux lèvres.

Attends, les PNJ ne sont pas des pervers, hein ? Ce n’est pas possible, hein ?

— Et maintenant ? lui demandai-je après quelques secondes passées comme ça.

— Maintenant ? J’ai juste encore quelques questions à vous poser, mademoiselle.

— Des questions ?

Il était en train de sérieusement m’irriter.

— Quel genre de questions ?

— Eh bien, j’aimerais savoir à quoi va votre préférence. Aimez-vous vous battre à l’aide d’une épée ? D’une hache, peut-être d’une dague ? Une lance, éventuellement ? Autre chose ?

— Hein ? C’est quoi, cette question ? m’étonnai-je.

Il était en train de me demander ce que j’aimais comme arme ? Il allait me donner une arme ?!

— Je… Euh…

Je savais que je courais après une arme, mais en même temps… mise devant le fait accompli, je me souvenais également de ce que j’avais dit auparavant. Je n’avais pas besoin d’arme. Une arme se brisait, se perdait. FeiLong m’avait appris que la meilleure arme restait mon poing ; de plus, le gobelin et le serpent que j’avais tués me l’avaient bien confirmé. Je les avais défoncés avec rien d’autre que mes mains nues.

— J’aime me battre avec mes poings… répondis-je finalement.

— Avec vos poings ? Oh ! Comme c’est marginal ! Mais… oui, j’ai bien quelque chose… Hmm… Avant ça, question suivante. Quel genre d’armure obtient généralement votre approbation ?

— D’armure ? Eh ? Peu importe… Ah ! Non !

Il voulait me donner une armure, également ?! Décidément, cette quête aura valu le coup d’être terminée ! Autant en profiter.

— Peu importe, tant que ça me protège bien sans entraver mes mouvements. Et quelque chose de sexy. Oui. Sexy.

Si je pouvais choisir, alors autant ne pas ressembler à une poubelle.

— Une armure sexy, qui protège bien sans entraver les mouvements ? Hmm… réfléchit-il quelques minutes, oui, je pense avoir de quoi vous satisfaire, mais ce sera spécial… On ne me demande pas ce genre d’objet très souvent. Je ne possède qu’une seule option pour satisfaire votre demande. C’est quelque chose qu’on ne m’a… jamais demandé, à bien y réfléchir.

— C’est tout ? m’enquis-je.

— Oui, fit-il en hochant la tête avec assurance. Voici pour vous, mademoiselle.

Devant moi se matérialisa une paire de bracelets noirs et fins, brillants comme s’ils étaient faits de pur jais et tournant en spirale pour entourer plusieurs fois le poignet. Je m’empressai d’afficher leurs détails :

[Armilles de la Frappe]

[Accessoire : Bracelets]

[Rareté : Peu commun]

[Chaque coup de poing porté sur une cible reconnue comme ennemie augmente la puissance du coup suivant dans un délai de dix secondes. L’effet est cumulable à l’infini.]

[Les armilles offertes par l’instructeur des paladins à Roram, lorsqu’il entendit pour la première fois une jeune exploratrice lui annoncer aimer se battre à mains nues.]

— Ouaah… soupirai-je en les enfilant bien vite avant qu’il ne change d’avis.

Et l’armure ?

Alors que je me posais la question, une armure apparut devant moi. Mélange de cuir sado-maso et de plaques de métal brillantes super seyantes, elle révélait plus de chair qu’elle n’en cachait et si je comptais porter ça, j’allais devoir apprendre à exhiber mes cuisses et mon ventre… Sans parler de mes épaules et de mon dos.

— Ouf… Est-ce que je peux la porter sous la toge ? me demandai-je.

— Tout à fait, mademoiselle. Il s’agit d’une armure légère et elle peut être portée sur ou sous un équipement de tissu. Par contre, son effet sera annulé.

— Ce n’est pas grave ! m’écriai-je en l’attrapant, je me changerai un peu plus tard, à l’écart des yeux indiscrets.

[Armure de lanières en cuir de la Tentatrice]

[Armure légère : cuir]

[Rareté : Rare]

[Défense : 35]

[Bloque les effets de charme ennemis de tous niveaux.]

[Lorsqu’une cible mâle ennemie et pouvant être charmée par les humains aperçoit une personne ne portant que cette armure, il a 40% de chance de tomber dans un état de confusion et 5% de chance de se retourner contre ses alliés afin de tenter de séduire la personne qui porte cette armure.]

[L’armure qui correspond aux critères d’une jeune recrue. Personne n’avait jamais donné de telles exigences à l’instructeur des paladins avant ça.]

— Pfffft, crachai-je à moitié, mais c’est complètement trop puissant ! Je prends ! Enfin… Il faut que je la porte sans toge, c’est ça ? repris-je avec une pointe d’appréhension dans la voix.

— Eh bien, me sourit l’instructeur, avec ça, nous en avons terminé ! Je vous souhaite la bienvenue dans nos rangs, jeune Paladin !

[Vous avez acquis la classe avancée de niveau 5 Paladin.]

[Arbre de compétence débloqué : combat à mains nues.]

[Arbre de compétence débloqué : maîtrise du bouclier.]

[Arbre de compétence débloqué : Magie de l’Église d’Albion.]

[Statistiques mises à jour.]

— …HEIN ?

 

Raka
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21 thoughts on “DMS : Chapitre 70

  1. hmmm bientot elle entendra : classe du paladin noir débloqué, j’en met mon slime à couper !

    Merci pour le chapitre

      1. Hum je vois bien des gobelins moustachus avec des lunettes de soleil et en combinaison de cuir avec bien sur des succubes et des incubes. Après pour un peu d’exotisme des dryade pourrait être intéressante mais il ne faudrait pas oublier les traditionnels slime ou monstres à tentacules. Hum, je pars un peu loin là.

          1. Oh je suis plein d’idées aujourd’hui ! Ça pourrait être amusant qu’il y a des sortes d’armures animés sous la forme de lanières ou de fouet en cuir et peut-être des minautores où des orcs pour des amateurs de quelques choses de plus « hard ». Et pourquoi inventer un monstre humanoïdes qui transpire des aphrodisiaques ? Après c’est assez simple de l’imaginer et sans doute plus dur de le mettre à l’écrit donc ça reste juste des suggestions.

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