EER : Chapitre 204
EER : Chapitre 206

Chapitre 205 – Si tu me vois 6/9

 

La pensée récemment enregistrée dans la collection de Yu Ilhan était vraiment du genre bruyant.

— Comment peux-tu me tuer sans même chercher à savoir si je suis une alliée ou une ennemie ? Huh ?!

— Entretenais-tu la moindre pensée amicale envers qui que ce fût ? répliqua Yu Ilhan.

— J’allais buter tout le monde.

Eh bien, évidemment. Il était impossible que l’existence supérieure née sur Terre de façon naturelle, où tout naissait avec un ressentiment profond envers lui, pût être amicale. Yu Ilhan confronta la pauvre pensée qui ne pouvait mentir, et soupira.

— Différentiation terminée, tu es une ennemie.

— Comment peux-tu ne faire ça qu’après m’avoir tuée ?! hurla la pensée.

— On commence toujours par tuer, dans une guerre, avant toute chose. Et ma vie est une guerre permanente.

— Ilhan est tellement cool, lança Liera au milieu de leur conversation.

— Cool ? répéta la voix. COOL ?!

Elle avait l’air vraiment enragée. Bon, rien de bien surprenant, puisqu’elle était morte avant même de pouvoir profiter de la vie. Un malheur pour une existence supérieure.

Cependant, Yu Ilhan ne regrettait pas son geste, pas le moins du monde. Pour être exact, il était sûr que sa volonté n’aurait pas flanché, quelque fût le développement de la situation.

Elle était une ennemie. La raison pour laquelle il avait le luxe de lui parler ? Uniquement parce qu’il l’avait subjuguée à l’aide du Collecteur. Si elle avait été vivante à ce moment précis, toute conversation aurait été totalement exclue. Impossible.

— Lâche, lança la voix. Comment peux-tu te sentir si bien après m’avoir tuée à l’aide d’une attaque si sournoise ?

— Hahaha, quand un chien perd un combat, il ne peut qu’aboyer.

Yu Ilhan possédait également ce trait particulier, qui faisait de lui une personne asociale, arrogante une fois qu’il était certain de sa supériorité complète.

— Eeek, retire ça ! Je ne suis pas un chien ! Je n’ai même pas eu la chance de me battre !

— Je te l’ai dit, la vie est une guerre, reprit-il calmement. Pourquoi n’étais-tu pas prête ? Bon, tu n’aurais pas pu me voir à travers mon Camouflage, dans tous les cas…

— Eeeeeeek !!!

— Ilhan, tu commences à devenir effrayant, lui chuchota Liera.

Pendant qu’il songeait à des façons d’extorquer des informations de cette pipelette, celle-ci continua à déblatérer.

— Mais la lâcheté, c’est toujours de la lâcheté ! Alors que j’étais sur le point de reprendre mon souffle après ma naissance, un rayon étrange a massacré mon corps, et après avoir difficilement enduré cette misère, un château géant m’est tombé dessus ! Si ce monde essaye de te tuer, il y a une bonne raison !

— Maîtriser le Collecteur est vraiment ennuyeux, soupira-t-il. Je récupère des pensées étranges, qui se montrent effrontées sans ma permission.

Yu Ilhan fit léviter la forteresse en silence et grogna tout bas. Bien entendu, c’était ce qu’il disait, mais ce n’était pas comme si cette nouvelle pensée était inutile. Non seulement possédait-il désormais une pensée de cinquième classe, et intelligente par-dessus le marché, mais s’il l’utilisait correctement, puisqu’elle était née des Archives de la Terre, il lui serait possible d’obtenir des informations sur des choses avec lesquelles il n’était jamais entré en contact.

— Khhhhhh, c’est tellement frustrant ! hurla Orochi.

— Tout va bien, Orochi. Tu fais de ton mieux.

Si ç’avait été n’importe quelle pensée ordinaire, Yu Ilhan aurait demandé à Orochi de l’interroger, mais elle possédait sa cinquième classe – ce n’était pas une pensée qu’Orochi pouvait actuellement gérer. Ce qui leur restait, c’était une négociation paisible. Le problème ? Cette pensée ne serait peut-être pas très coopérative.

D’après ses mots, elle semblait être une enfant, semblait n’avoir aucune expérience de la vie malgré toutes ses connaissances héritées des archives. Sans doute parce qu’elle n’avait aucune expérience, de façon factuelle.

— Quoi qu’il en soit, libère-moi ! ugea-t-elle. Mon corps existe encore, et mon âme aussi !

— Je suis désolé, mais ton âme est déjà partie vers un endroit que j’ignore. Tu n’es qu’un fragment de pensée de l’originale.

— Quoi… ?!

Oh ? Ferait-elle preuve d’introspection, maintenant ? Ce qui concernait la vie, la mort et les âmes était toujours compliqué pour un être vivant. Pour l’accepter alors qu’elle n’était qu’un nouveau-né ? Il aurait fallu que ça pèse moins lourd.

— Ilhan, qu’es-tu en train de faire à un nouveau-né ? demanda Liera.

— Eh bien, c’est une ennemie.

— Oui, bon. Ce n’est pas comme si j’avais oublié, malgré la façon dont tu agis avec elle.

La forteresse avait repris son envol. Yu Ilhan vérifia l’état de la barrière en attendant une réponse, et la pensée restée silencieuse pendant un long moment reprit finalement la parole.

— A… Alors…

— Alors ?

— Alors, c’est comme si je venais de renaître grâce à toi, non ?

Il n’aurait

jamais

Imaginé qu’elle pût accepter ça de façon si optimiste et radicale.

— Tu es une personne incroyable, continua-t-elle. Lorsque je suis née, je ne pensais qu’à tuer tous les humains sur Terre. Maintenant, mon système de libre arbitre est plutôt… libre. Alors c’est pour ça ? Parce que je suis née une seconde fois ?

— Oui, je suis plutôt incroyable, confirma Yu Ilhan sans avoir écouté le reste.

— Je ne suis pas morte, continua la pensée. Je suis née, et j’ai changé d’état. Ce changement m’a permis de penser différemment.

Ce retournement de veste était étonnement rapide. Même Yu Ilhan n’aurait pas été aussi optimiste qu’elle.

Cela dit, ce n’était pas une mauvaise chose d’accepter la réalité et de toujours voir les choses sous le meilleur angle. Cela permettait toujours d’aller de l’avant.

Et comme prévu, une fois ses pensées négatives abandonnées, elle se mit à réfléchir à voix haute.

— Mais c’est toujours un inconvénient, pour moi. Je n’aime pas cette sensation, être coincée dans des ténèbres inconnues. Donne-moi un corps comme ce serpent.

— Grooooaaaaar, je ne suis pas un serpent. Je suis Yamato no Orochi.

— Hmmm.

— Le corps d’origine de mon âme est toujours intact, n’est-ce pas ? Si c’est toi, je suis sûr que tu parviendras à m’y transférer.

— Je suis navré, mais ce n’est pas si simple, la coupa Yu Ilhan d’une voix malheureuse, tout en sortant son corps.

Celui-ci était perforé suite à l’impact avec un laser augmenté au Brasier puissance deux, écrasé par la forteresse, et Yu Ilhan se demandait si on pouvait encore le considérer comme un corps.

— …

Tandis que la pensée ne savait que dire devant le carnage, face à cette réalité idiote, Liera reprit la parole, la tête penchée sur le côté, perdue dans ses observations.

— Peut-être que si un Ogre dévorait un humain et le vomissait ensuite, ça ressemblerait à ça.

— Uwaaaaaaaaaaan !!

La pensée se mit à pleurer. De vrais pleurs, pas une parodie comme elle avait tenté le coup de son vivant. Yu Ilhan se mit à hésiter.

— Mon beau corps ! Il a été réduit en pâtée ! Bien que ce ne soit pas mon corps puisque je ne suis pas l’âme d’origine, mais quand même ! Uwaaaaan !

Yu Ilhan jeta un œil vers Liera comme s’il était le plus innocent du monde alors que c’était lui qui avait mis le corps dans cet état, et reprit son calme.

— Mais… Je peux te donner un corps différent, dit-il.

— …wwaaann… Un corps différent ?

Au moment où elle entendit la proposition, sa voix flotta d’un air joyeux comme si elle n’avait jamais pleuré en premier lieu. Succès. Yu Ilhan sourit, il était sûr de ça.

— Tu dois savoir que toute chose au monde est réciproque. Donner pour recevoir. Oui ?

— Mais tu m’as tuée ! lui reprocha-t-elle. Non, bon, tu as tué une âme qui partageait ma conscience !

— Alors reste ainsi si tu ne veux pas. Je reviendrai pour un deuxième round une fois qu’Orochi sera devenu plus puissant. Je te le dis tout de suite les conditions ne seront alors plus aussi bonnes qu’aujourd’hui.

— Ugh !

Il n’avait aucun besoin de la provoquer plus avant. Son intelligence était propre, suffisante pour juger la situation, pour comprendre qu’il était bien trop désavantageux pour elle de faire durer les choses.

En plus de ça, le fait qu’elle considérait l’existence supérieure qui venait de mourir et elle-même deux entités différentes compléta son processus de réflexion.

— Je n’ai pas le choix, dit-elle. Donc ? Quelle est la condition ?

— C’est très simple. Tu dois juste devenir une de mes subordonnées et m’obéir. C’est la meilleure méthode pour que nous puissions nous faire confiance mutuellement.

— Aha, comme ce serpent… ?

— Je ne suis pas un serpent ! hurla Orochi.

Yu Ilhan ricana tout bas en ressentant les deux commencer à se battre comme des pugilistes de cour de récréation. Il était dommage qu’il n’eût pas pu acquérir une pierre magique de cinquième classe de son corps, mais il semblait bien que la situation allait se changer en un jackpot d’un autre genre.

[????????? est devenue votre subordonnée.]

— Uughh… Cette sensation est tellement déplaisante. Je peux sentir la connexion avec une autre personne…

— Ce sentiment est réciproque, urgh.

Bien qu’elle ne fût qu’une pensée, elle était malgré tout celle d’une existence supérieure. Et la forcer à la soumission était vraiment très, très désagréable.

Même s’il avait maîtrisé la compétence Commandement, ç’aurait été difficile, mais comme il était soutenu par les capacités d’un Dieu de la Mort et qu’elle se montrait coopérative, il y parvint en relative sécurité. Et naturellement, la compétence prit du poil de la bête !

[La compétence Commandement est désormais de niveau 97. Il devient plus facile d’accepter des adversaires de haut niveau comme subordonnés. La croissance de vos subordonnés s’accélère, et vous recevez une loyauté naturelle de leur part. Vous pouvez appliquer un peu de forçage dans l’activation, mais seulement contre des entités d’un rang nettement inférieur au vôtre.]

— Hmm… Cette compétence devient vraiment effrayante, admit Yu Ilhan. Cette partie qui dit que je peux forcer quelqu’un à m’obéir…

S’il pouvait faire ça, ça signifiait qu’un ennemi beaucoup plus puissant que lui pouvait faire de même sur lui. Yu Ilhan s’en inquiéta, mais Liera lui répondit comme si c’était parfaitement naturel.

— C’est une chose normale de pouvoir forcer l’obéissance même sans cette compétence, expliqua-t-elle. C’est normal lorsque les niveaux sont très différents, non ? Tu n’as pas à t’inquiéter. Ce qui importe, c’est la vitesse à laquelle ta compétence Commandement progresse.

— Hmmmmmmmmm, c’est vrai, mais en pensant à la façon dont un adversaire pourrait affecter mon esprit me laisse un peu…

— Shhhht, des détails mineurs. Peu d’individus ont monté cette compétence autant que toi, pour commencer !

Commandement. Une compétence dont la difficulté de progression était extrême, faite pour les dirigeants. Cependant, non seulement avait-il obtenu ce cadeau suite à une quête, il avait également beaucoup travaillé afin de la faire grimper en flèche afin de rendre ses subordonnés plus forts et dignes de confiance. Il avait soumis des Elfes, et même un Dragon…

De plus, ses subordonnés, envoyés dans des lieux qui lui étaient inconnus, se développaient rapidement. Si l’on ajoutait une existence supérieure dans le lot, on était déjà au niveau 97.

— Ugh, c’est vraiment inconfortable, continua la pensée. Je ne peux pas haïr le maître même si j’en ai envie ?! EH ?! Je l’ai appelé maître et non maître ! Je veux dire, maître ! Pourquoi est-ce que je ne peu l’appeler que maître, même si je veux l’appeler maîtr… AAARGH !

— Je ne comprends rien à ce que tu racontes, lui envoya Yu Ilhan. Dis quelque chose que je puisse comprendre.

— C’est ce que je fais !

Il semblait que la façon de parler des subordonnés était également affectée. Yu Ilhan eut peur de sa propre compétence, l’espace d’un moment, et puis finit par se dire que tout allait bien puisqu’il allait bien.

— Bon, ça ne posera pas de problème si je deviens plus puissant plus rapidement.

— Je te trouve plutôt progressiste, lui lança Liera, quand tu viens tout juste de tuer une existence supérieure d’une seule attaque surprise.

— Maître, corps ! Où est mon corps !?

La pensée, qui venait de finir de concrétiser le contrat de Commandement, se mit à réclamer son dû. Yu Ilhan cessa de réfléchir à l’étendue de la compétence et se tourna à nouveau vers elle – métaphoriquement puisqu’elle se trouvait dans son esprit.

— Avant ça, il faut te trouver un nom. Il y a également une chose que je veux te demander.

— Bien que je veuille un corps au plus vite, je suppose que c’est bon… Donne-moi n’importe quel nom.

— Bon, que dirais-tu de « miste » ? proposa-t-il.

— Myste ? J’aime beaucoup ! Maître, tu es plutôt doué, après tout !

— Huh.

En fait, il avait tenté de la nommer ainsi parce qu’elle était une optimiste invétérée. Avec sa naïveté, tout ça. Mais elle l’avait entendu autrement, et s’imaginait déjà mystérieuse. Bon. Puisqu’elle aimait, Yu Ilhan décida de ne pas faire mention de son choix et de la source du nom.

Et comme son nom l’impliquait, Myste prit un ton positif.

— Alors ? Que veux-tu me demander ?

— L’état actuel de la Terre, lui envoya Yu Ilhan. Tu en as parlé, n’est-ce pas ? Tu as dit avoir eu envie de me tuer au moment où tu as vu le jour. Ce serait normal si ç’avait été ton instinct de monstre, mais après avoir discuté avec toi, il me semble que ce n’est pas le cas.

— Je ne suis pas un monstre !

— C’est pour ça que je te pose la question, Myste.

Il baissa la voix. Peut-être jugeait-il ce moment comme le plus important depuis le début du troisième Grand Cataclysme.

— J’ai beaucoup de choses à te demander, continua-t-il tout bas, mais laisse-moi d’abord te poser cette question. Comment… est-il possible que toi sois née en tant qu’existence supérieure ?

— C’est… hésita-t-elle, avant de reprendre. Probablement parce que je faisais partie d’une énorme quantité d’archives compressées, avant ma naissance.

— …Huh ?

Yu Ilhan ne parvint momentanément pas à comprendre ce qu’elle disait. Liera, en revanche, capta aussitôt le sens de ses mots.

— Tu n’es donc pas une occurrence naturelle ? demanda-t-elle.

— C’est ça, confirma Myste. Je suis née avec l’aide d’une autre existence supérieure, qui a partagé ses archives. Et l’ordre de te tuer.

— …

Yu Ilhan ne comprenait vraiment plus.

C’était comme si elle disait qu’il y avait une autre existence supérieure sur Terre, à ce moment précis.

Raka
Les derniers articles par Raka (tout voir)
EER : Chapitre 204
EER : Chapitre 206

Related Posts

3 thoughts on “EER : Chapitre 205

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social Media Auto Publish Powered By : XYZScripts.com