Chapitre 75 : Un danger peut en cacher un autre 6/7
Il ne fallut que deux jours pour que les armées s’organisent et prétendent battre en retraite face aux soldats d’Istel. En vérité, c’étaient plus de 10 000 unités qui se déplaçaient vers le point de stockage découvert par l’agence de renseignements établie par Chris et Roan. En outre, un bataillon de 2000 soldats était parti vers la localisation découverte par Oren, afin que surtout leurs ennemis ne se doutent de rien. Le Comte Io Lancephil avait pris la peine d’envoyer un message à Benjamin Doyle afin de le prévenir de la manœuvre, même s’il savait ceci inutile.
Ainsi profondément enfoncées en territoire ennemi, les troupes de Rins mit plus de dix jours à atteindre son objectif, au nombre de 9000, quelques escouades ayant été repérées et annihilées. Ils étaient dos à eux, et attendaient patiemment le coucher du soleil. Roan fit une dernière fois les vérifications nécessaires.
Ils ne sont qu’une trentaine de chevaliers… Nous en avons 50, sans compter les mages. Cependant… Je ne peux pas tout voir, d’ici.
L’armée de Rins avait beau ne pas se lancer bêtement vers un piège tendu, ayant eu le temps de scruter les environs et d’étudier toutes les issues possibles, il restait encore la possibilité d’un autre traquenard.
Pas question de faire la même erreur deux fois.
Alors il inspecta chaque recoin avec une attention plus grande encore, jusqu’à ce qu’un détail, qui ne l’avait pas spécialement perturbé jusqu’alors, le fasse sursauter.
La concentration du mana a quelque chose d’étrange…
Au dessus de la barricade se trouvait en effet une espèce de tourbillon de mana très concentré.
C’est un sort. Aucun doute.
Roan remarqua soudain qu’un homme dénommé Tairo Bess était venu tout comme lui inspecter cet étrange phénomène. Pour cause, il était à la tête des mages, et alla en tant que tel immédiatement prévenir un autre adepte de la magie, le chef des chevaliers Kali Owells.
« Commandant Owells ! En inspectant les flux énergétiques, j’ai détecté un dispositif magique. » lui dit-il.
« Comment est-ce… Hmpf. Ça ressemble à quoi ? » se renfrogna Kali Owells.
« Un écran de protection. » répondit Tairo Bess, ce sans la moindre hésitation.
Roan se retint de hoqueter. Il avait déjà entendu parler de ce sort, si formidable qu’une académie tout entière s’était dédiée à sa maîtrise. Si son utilité en combat singulier était très limitée, il pouvait dans un contexte de guerre changer totalement l’issue d’un combat.
« Ils sont mieux préparés que ce que je pensais. » observa Kali, l’air légèrement blasé, quoiqu’il s’efforçait de maintenir l’étiquette.
S’ils ne parvenaient pas à briser ce sort, tout leur projet était voué à un échec cuisant. Il n’y avait pas 36 solutions… Il fallait soit l’attaquer de front, comme on l’aurait fait pour abattre une porte, soit en trouver le cœur et le détruire. En l’absence d’armes de siège, la première option semblait exclue.
« Il faut qu’on attaque le cœur. Vous l’avez trouvé ? » ajouta le chef des chevaliers, après une pause.
« Non. Il m’est impossible de savoir où il se trouve à une aussi grande distance. » répondit sans ambages Tairo.
« Oui, évidemment. Il va falloir nous en approcher prudemment. »
Mais sûrement. Il n’y avait pas la moindre seconde à perdre, car dès l’instant où les soldats d’Istel réaliseraient que leur piège avait échoué, tout changerait. Il fallait absolument trouver ce cœur magique.
Quelle bande de nazes… Si seulement nous avions de meilleurs mages !
De face, Kali Owells traitait son interlocuteur avec le plus grand respect, mais il le maudissait secrètement. S’il avait été plus doué, il aurait simplement pu dissiper ce sort sans avoir à bouger le plus petit doigt. Hélas, les mages du Comte Lancephil étaient encore somme toute assez novices. Il en allait d’ailleurs ainsi pour tous les membres de cet ordre.
Depuis que les dragons ont disparu, ils se reposent sur leurs lauriers… Et qui en paie le prix ?
Qu’ils soient mages de combat ou guérisseurs, les magiciens étaient toujours plus nombreux à sortir des écoles, sans pour autant qu’aucun ne dévoile de talent particulier. Leur magie restait dangereuse pour les soldats, mais elle posait régulièrement bien plus de problèmes qu’elle en solutionnait.
Putain… À ce rythme, on aura plus vite fait d’envoyer des flèches enflammées en espérant que l’une d’elle touche miraculeusement la source…
« Bon, on se met en mouvement. » trancha-t-il tout à coup.
Roan sortit sans un mot et fit savoir à Aaron Tate ce qui venait de se décider. Peu de temps après, les chevaliers prirent la tête du cortège en direction de la barricade. Fermé par le septième régiment, la formation comptait en outre une dizaine de mages. Kali leur fit signe de venir se placer à son niveau, et révélant de frêles bras sous leurs épaisses robes, ils entreprirent d’inspecter une nouvelle fois la zone.
Un silence de plus en plus pesant s’installa et chaque soldat s’efforça de maîtriser chaque respiration pour ne surtout pas être repéré. Après plusieurs minutes d’attente, Tairo Bess revint au niveau de Kali Owells, tout en l’évitant du regard.
« Quoi ? Vous n’avez toujours rien trouvé ? » lui demanda le chef des chevaliers.
« Je… je suis désolé. » avoua celui des mages.
À dire vrai, Kali Owells était par trop dur dans ses critiques. La zone à ratisser était énorme, et même des mages plus expérimentés n’auraient pas pu obtenir davantage de résultats en si peu de temps et en si faible effectif. En tout état de cause, c’était à lui qu’il appartenait d’agir.
On a assez perdu de temps comme ça. Place à l’action.
« Que les mages continuent de chercher. »
« Bien… » répondit Tairo Bess, que le poids de la honte empêchait toujours de se redresser.
« Archers, préparez-vous à tirer. » ordonna alors Kali Owells au chef des armées du territoire, un dénommé Perr Wilson.
Celui-ci fit immédiatement passer l’ordre, et il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que tous soient prêts.
« Tirez ! »
Des milliers de flèches partirent en sifflant en direction des tentes et des sacs en toile, dans l’espoir de pouvoir trouver le cœur. Hélas, la faveur ne semblait pas vouloir leur sourire. Toutes les flèches retombèrent à même le sol dans un bruit désagréable, avant de s’enflammer.
Foutre Dieu, Bess avait raison. Ce doit être un grand bouclier…
C’était même de malchance qu’ils jouaient. Un son suraigu retentit soudainement après l’impact.
Ha ha ha. Un sort d’alerte, il ne manquait plus que ça…
Les soldats d’Istel se rassemblèrent alors tous en plein milieu du campement, face à ceux de Rins. Leur espoir de réaliser une attaque surprise venait d’être réduit à néant, mais la situation n’était pas dramatique pour autant. Si Kali Owells avait vu juste, le sort grand bouclier avait la particularité de ne pas différencier les coups alliés et les coups ennemis : les deux camps étaient dès lors bloqués. L’urgence était surtout de parvenir à passer la zone à sac avant que ne surviennent des renforts, d’un côté comme de l’autre.
« Tirez, encore ! » se mit à aboyer Kali Owells.
De nouvelles flèches furent tirées, sans plus d’effet qu’à la première tentative hélas. Mais les soldats de Rins tournèrent tout à coup la tête, arrêtant même de tirer, en entendant un soldat arriver au pas de course derrière eux, puis les dépasser.
« Roan, qu’est-ce que vous foutez ?! » lui hurla le Colonel Aaron Tate.
Celui-ci s’était déjà trop avancé pour reculer maintenant. En lieu et place, il s’arrêta d’un seul coup en s’appuyant sur une jambe avec une telle force qu’il ne dérapa même pas, et profita de l’impulsion donnée par sa course pour propulser sa lance en avant, sur le bouclier.
« Quelle espèce de demeuré… » lâcha Kali Owells.
« Hmpf, il s’imagine pouvoir faire plus avec une lance que ce que des centaines d’archers n’ont pas pu accomplir ? » le jugea tout aussi sévèrement Tario Bess.
Roan les entendait, mais l’idée même de s’expliquer sur son action ne semblait pas lui traverser l’esprit. Sans quitter sa pose, il semblait concentré.
Encore un peu… Légèrement sur la droite… Bien, comme ça…
Son mana brûlait à grande vitesse, mais il était parvenu à dicter sa volonté à sa lance, et parvint ainsi sans difficulté à la diriger vers le cœur, quand soudain… une explosion fracassante manqua de briser les tympans de tous les soldats. Une demi-seconde plus tard, le sort apparut clairement aux yeux de tous, sous la forme de quelque chose s’apparentant à du verre brisé. Le mur s’effondra sur lui-même avant de disparaître. La sidération dans les deux camps fut telle qu’aucun ne pensa à s’attaquer.
« Vicomte Owells ! » hurla Roan pour le sortir de sa torpeur.
« Ouais, c’est bon ! » répondit l’autre en se reprenant.
Je peux pas y croire… Il a réussi à détruire un grand bouclier ? C’est de la chance, ou il cache quelque chose…
Il aurait tout le temps de vérifier ça par la suite, aussi leva-t-il son épée haut dans les airs. Il était temps d’attaquer.
« Chargez !!! » s’époumona-t-il.
Enfin, les 10 000 soldats reçurent l’ordre qu’ils avaient tant attendu, et ils s’élancèrent avec la plus grande ferveur dans cette bataille rêvée.
« Que… Euh… » balbutia un gradé du camp ennemi.
« Gros naze, pousse-toi de là ! Soldats d’Istel ! Empêchez ces bâtards de passer ! Archers, en place ! » reprit son collègue.
Si nos stocks sont détruits, tout est fichu. Comment ont-ils fait pour briser un sort aussi puissant ?!
Ce n’était pas une mince précaution. Un puissant mage avait été à l’œuvre, dans le but de protéger et avertir les soldats d’Istel de quelconque intrusion, et pourtant, une bête lance avait réussi à l’abattre… Enfin, ils s’estimèrent heureux d’avoir au moins pu se préparer à répliquer.
« Vous allez regretter de nous avoir provoqués ! » crièrent les membres de la Rose.
Tout comme eux, les soldats de Rins serrèrent les dents pour assumer les chocs des haches, épées et lances qui tranchaient l’air avant de s’abattre qui sur une armure, qui sur un bouclier.
« Mages, boules de feu ! » cria Tairo Bess, exultant d’enfin pouvoir briller.
En voyant la scène, les gradés d’Istel prirent une mine accablée.
Nous allons payer cher l’erreur d’avoir envoyé la plupart de nos chevaliers et mages vers le piège… Les soldats de Rins s’y dirigeaient pourtant, que font-ils ici ?!
Rapidement, ils se mirent à trembler de peur. Ce n’était pas un combat, c’était une expédition punitive.
« Incendiez tout ! »
« Montrez à ces bouseux ce que vous avez dans les tripes, pour Rins ! »
Le feu fit enfin sortir le commandement d’Istel de l’hébétude.
« Éteignez les incendies ! Protégez les réserves de votre vie ! »
La tête de celui-là même qui venait de faire pleuvoir cet ordre tomba tout à coup au sol.
« Pauvres merdes ! Gloire aux chevaliers de la famille Lancephil ! Gloire à Rins ! » hurla Kali Owells, accompagné de 50 de ses frères d’armes.
En dépit de tout, l’arrogance de Kali Owells était justifiée. C’était une véritable force de la nature, qui ne trouva face à lui aucune résistance. Un temps durant, tout du moins…
« Chevaliers de l’ordre des glaces d’Istel, en position ! »
Ils n’était qu’une trentaine, mais ils se dirigèrent tout naturellement contre les chevaliers du camp ennemi. Le combat entre les deux formations fut d’une telle férocité que les simples soldats, qu’ils soient de Rins comme d’Istel, eurent le réflexe de s’éloigner un peu de la tornade en formation pour continuer leur combat un peu plus loin, comme des enfants l’auraient fait. Le feu, quant à lui, continuait de gagner du terrain.
Cette odeur… C’est elle.
Roan retrouva enfin cette sensation si désagréable et qui pourtant le rassurait. L’odeur du fer, du sang, des flammes. L’odeur du champ de bataille, des flammes qui détruisaient tout. C’était pour lui l’endroit rêvé. Il serra sa lance et commença à se gorger de l’énergie ambiante, lorsqu’une voix vint à l’interrompre.
« Commandant ! »
C’était Austin. Derrière lui se trouvaient ses camarades, légèrement effrayés. La scène, par opposition à Roan, ne les rassurait pas, et seules les flammes se reflétaient dans leur regard.
« Faites-moi confiance. Suivez-moi, et ne me lâchez pas d’une semelle. » leur dit-il avec un sourire rassurant.
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merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre. Ce Kali Owells a tout de même l’air d’être un bel abruti. A se demander si c’est bien le père de ce Walter Owells, avec qui Roan s’était bien entendu et qui paraissait particulièrement brillant =/
Disons simplement qu’il a les dents qui rayent le parquet… Trop ambitieux. 😛
Merci pour le chapitre
Merci pour ce chapitre
Merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre, toujours un plaisir de lire ce chef d’oeuvre.
Merci pour ce chapitre
merci pour le chapitre
J’ai l’impression d’avoir déjà lu ce chapitre, c’est Bizarre comme sensation