MoL : Chapitre 104

Chapitre 104 — Je gagne (I)

Il était Zach Noveda, le dernier membre survivant de la Maison Noble Noveda, l’élu des Anges…

…et il avait gagné.

Il n’avait honnêtement jamais imaginé pouvoir gagner. Il voulait gagner, bien sûr. Il voulait savoir quelles merveilles pouvaient l’attendre après la fin de ce mois. Il voulait reconstruire sa maison, faire payer son tuteur pour ce qu’il lui avait fait. Il voulait avoir des amis, une petite amie, une femme, des gens qui ne l’oublieraient jamais. Mais ce souhait… était un doux rêve, scintillant dans le fond de son esprit et refusant de mourir définitivement. Il ne l’avait jamais vraiment considéré réaliste, et pas uniquement à cause de ce stupide contrat et ses conditions impossibles. En vérité, il avait déjà abandonné longtemps auparavant.

Il avait tenté de combattre l’invasion à de nombreuses reprises, essai après essai, idée après idée, jusqu’à un jour se convaincre que tel était son destin. De rester là à tout jamais, dans un monde qui tournait en rond à l’infini. Toute cette puissance, toutes ces connaissances, toutes les révélations à propos de sa vie passée, tout… La boucle temporelle lui faisait tout passer au-dessus de la tête, parce que tout était inutile, puisqu’il ne pouvait pas en sortir.

Empêcher l’invasion de Cyoria était la clé. Il le savait. Quelque part, profondément dans son esprit, il le savait. Mais il ne pouvait le faire, peu importait le nombre de fois qu’on lui permettait d’essayer. C’était acceptable tant qu’il apprenait, qu’il devenait meilleur, un meilleur mage, un meilleur homme, et que son esprit grouillait d’idées… mais lentement, il avait commencé à ralentir. Il avait appris tout ce qu’il pouvait à propos des envahisseurs eux-mêmes. S’améliorer en magie était devenu extrêmement difficile, chaque nouveau sort ou nouvelle méthode devenant autant de progrès si ridicule dans le grand tout. Son inspiration s’était tarie.

Pourtant, il ne pouvait toujours pas sortir. Il était aussi doué qu’il pouvait réalistement l’être, et ce n’était toujours pas suffisant pour atteindre son but. Son meilleur n’était pas suffisant. Ce fut le moment où il réalisa qu’il n’allait jamais sortir.

Il n’allait jamais sortir.

Et puis, il rencontra Zorian. Son ami était… cool. Il lui faisait parfois peur, et il aurait souhaité qu’il fût plus facile de lui parler, et plus agréable à fréquenter pour s’amuser, mais bon. On ne peut pas tout avoir, hein ? Plus important, il était motivé. Il possédait cette étincelle qui le faisait aller de l’avant, celle qui était éteinte chez Zach, et possédait des méthodes totalement exotiques aux yeux de Zach. C’était nouveau, c’était rafraichissant, et l’avait fait brûler d’un espoir ravivé, qui cette fois, allait refuser de mourir.

Longtemps auparavant, lorsque Zach n’avait encore été qu’un débutant dans la boucle temporelle et que ses compétences ne faisaient que grandir, sa fierté aurait fêlé à l’idée de laisser son nouvel ami prendre les devants sur la façon dont ils allaient devoir faire pour quitter la boucle temporelle, ou améliorer leurs compétences. Hélas, ce temps était depuis lors révolu. Lorsque Zach rencontra Zorian, la boucle temporelle l’avait déjà amadoué, et il était parfaitement ravi d’agir en simple support. Il laissa le champ libre à Zorian, et le laissa décider de tout, buts à court et long terme, lui faisant entièrement confiance, écoutant ses promesses de les sortir de ce cauchemar, tous les deux.

Au bout du compte, ce chemin l’avait conduit là : enfermé dans ce combat à mort avec son autre collègue temporel – Robe Rouge. Ou Jornak. Peu importait. Il serait toujours Robe Rouge pour Zach, en toute honnêteté. Même maintenant, il portait cette stupide robe.

Il avait enfermé Zach dans une espèce de labyrinthe dimensionnel, au début – une image miroir de la ville, couverte d’un brouillard épais qui limitait sa vision et permettait à Robe Rouge de se déplacer d’une étrange manière, que Zach ne comprenait pas. Robe Rouge le voyait clairement comme une espèce de brute stupide qui ne pourrait pas gérer cet environnement, mais Zach n’avait pas passé toutes ces années dans la boucle temporelle pour rien, et ses connaissances en magie dimensionnelle étaient incroyablement élevées, grâce à tout le temps qu’il avait passé avec Zorian et les autres, à tenter de créer une route viable pour fuir vers le monde réel.

Robe Rouge se vantait beaucoup de ce labyrinthe brumeux dans lequel ils combattaient. Pour le démoraliser, sans aucun doute… peut-être ? Peut-être ne pouvait-il pas non plus y voir clair, et voulait que Zach répondît verbalement pour lui permettre de le localiser ? Dans tous les cas, Robe Rouge disait que ce monde blanc était une magie primordiale que lui avait octroyé Panaxeth. Un endroit isolé du monde réel, dont il était impossible de s’échapper.

Un endroit largement isolé du monde réel ? Impossible de s’en échapper ? Hah. N’était-ce pas exactement la description de la boucle temporelle ? Zach n’avait-il pas aidé Zorian à y percer un trou ?

Robe Rouge pensait que Zach était tout en muscles et rien en cerveau, mais Zach avait déjà compris l’astuce. Un peu comme la boucle était centrée autour de Panaxeth, ce monde était centré autour de Robe Rouge. Il n’y avait aucun intérêt à chercher une sortie, il était la sortie.

Le combat dura un certain temps, et Zach parvint finalement à faire bouger les choses dans la bonne direction. Il avait été forcé de laisser un des sorts cinétiques de Robe Rouge le frapper à la jambe, le laissant boitant et transpirant de douleur, mais ça n’avait pas d’importance. C’était une blessure légère, et il avait bu une potion de régénération avant l’affrontement. Sa jambe irait mieux bien assez tôt. Ce qui importait, c’était qu’il avait frappé Robe Rouge d’un sort dimensionnel fait spécialement pour percer des trous à travers ce genre de prisons. C’était un sort unique, produit de leur intenses recherches à la fin de la boucle temporelle, et Robe Rouge n’avait clairement aucune idée de ce qu’il faisait ou de la façon dont il devait le gérer.

Zach s’était attendu à directement créer une vraie ouverture à travers le brouillard, mais il s’avéra que la petite création de Robe Rouge était incomparable avec la prison de Panaxeth, même s’ils avaient la même origine. Au moment où la prison fut percée, la brume commença à se dissiper, jusqu’à ce que le monde entier finît par disparaître, les renvoyant tous deux dans le monde réel.

Juste à temps pour voir Zorian abattre Quatach-Ichl. Voir Zorian surpasser son éternel pire ennemi si facilement l’emplit d’émotions complexes. Il savait que Zorian avait travaillé sur un nombre conséquent de préparatifs pour y arriver, mais… ça le rendait toujours un peu jaloux. Juste un peu.

Robe Rouge, d’un autre côté, était juste fou. Il attaqua Zach avec une férocité accrue pour faire passer sa frustration, et Zach y répondait sans hésiter. Des épées noires faites de force dimensionnelle attaquèrent Jornak, creusant de profonds sillons dans le sol alors qu’il les esquivait. De petits soleils incandescents volaient entre eux avec l’agilité et la vitesse d’un oiseau, le sol explosait en lances de pierre qui explosaient à leur tour en milliers de gravats, des rayons électriques naissaient et mouraient en évitant les obstacles comme autant de serpents immatériels, et l’air lui-même fut condensé en plusieurs tornades centrées sur Zach. Il avait peut-être échoué dans bien des domaines au cours de sa vie, mais il y avait bien une chose en laquelle Zach Noveda avait confiance, et c’était son talent au combat. Il savait se battre, et il adorait se battre. Combattre encore et encore lui rafraichissait l’esprit, le faisait se sentir vivant.

Il regarda son adversaire, sa longue robe rouge déchirée depuis longtemps, et croisa son regard, tentant de se souvenir. Se remémorer le temps où ils avaient été amis, après s’être rencontrés. Hélas, il n’y avait rien. Rien ne lui revenait. Les souvenirs n’existaient pas, il n’avait pas même un petit sentiment de déjà-vu. L’homme était un étranger le plus total à ses yeux.

Robe Rouge. Jornak. L’homme qui l’avait apparemment trahi, et avait manipulé son esprit, le laissant encore plus perdu dans la boucle temporelle qu’il l’avait été jadis. Zach était en colère contre lui pour ce qu’il avait fait… mais s’il devait être honnête avec lui-même, pas si énervé que ça. Il ne se souvenait pas de cette trahison, et il avait toujours été un type qui laissait couler facilement. Mais quand même, le traquer et lui faire payer ce qu’il avait fait était ce qui le faisait carburer depuis un moment maintenant. Il ne pensait pas qu’il se fût agi d’un quelconque effet magique, ou d’une compulsion… Il détestait simplement ce type, et il trouvait ça pratique. Revigorant. Se concentrer sur Robe Rouge et sur la manière dont il avait violé son esprit donnait à Zach un but dans la vie, chose dont il avait manqué pendant si longtemps. Alors comment aurait-il pu laisser passer cette occasion ?

En plus, il était clairement un dégénéré total. Zach n’était pas empathe comme Zorian, mais il n’avait pas besoin de ça pour comprendre ce taré. Même plus que Zach lui-même, Jornak était mort, à l’intérieur. Et la prochaine série de guerres continentales allait être assez sauvage pour qu’un type pareil ne fût pas laissé en liberté à mettre de l’huile sur le feu. Il devait mourir.

Puis, Zorian fit partir Oganj. Il le fit d’une manière si hilarante et ridicule, en plus ! Sauf pour la partie où il avait offert l’orbe impérial pour rendre ce haut fait possible, celle-là était vraiment horrible. N’avaient-ils pas dit que l’orbe reviendrait à Zach, une fois le mois passé, puisque Zorian avait eu le contrôle de Princesse ? Ce trou de balle n’avait pas le droit de le donner ! Merde, il n’avait même pas tenté de négocier avec ce stupide lézard…

Oh, bah. Pour dire vrai, l’idée qu’il allait pouvoir profiter de l’orbe, ou de quoi que ce fût d’autre en réalité, était… un doux rêve. Le contrat de l’Ange était son épée de Damoclès, prête à frapper. Ses clauses étaient impossibles à remplir. Peu importait ce qui allait arriver, Zach n’avait plus beaucoup de temps devant lui.

En tout cas, c’était ce qu’il pensait.

Sans prévenir, Zorian se téléporta près d’eux. Zach se souvint sentir un flash de colère en réponse, même s’il resta silencieux. Il était logique pour Zorian de l’aider à abattre Jornak, bien sûr, mais c’était le dernier round de la dernière bataille entre ces deux-là, et Zach en profitait pleinement. C’était la toute dernière chose marrant qu’il allait pouvoir faire dans sa vie, est-ce que Zorian devait vraiment la lui enlever ?

Ce qui arriva ensuite le choqua, par contre. Sans rien dire, Zorian plongea sur Robe Rouge et arriva rapidement près de lui tout en chargeant un sort que Zach ne reconnaissait pas.

Bien qu’en colère, épuisé et concentré sur Zach, Robe Rouge réagit rapidement. Il pivota instantanément sur le côté pour faire face à ce nouvel ennemi, et sortit une dague de sa ceinture, dans un mouvement rapide et entraîné.

C’était la dague impériale, Zach la reconnaissait. Robe Rouge devait l’avoir dérobée furtivement à un certain moment. Ce n’était pas surprenant – il avait dû beaucoup s’entraîner dans la boucle temporelle – mais en quoi la dague était-elle utile ici ?

L’expression de Robe Rouge convainquit qu’elle devait l’être. Une extase et une colère intenses se dessinèrent sur le visage de Jornak, comme s’il avait attendu que ce moment arrivât depuis longtemps, et ne pouvait pas croire que Zorian était assez stupide pour lui donner cette opportunité.

Zach lança rapidement un sort vers eux, tentant de les séparer l’un de l’autre, mais ne fut pas assez rapide. La dague brilla d’une sinistre lumière pourpre alors qu’elle fila vers le visage de Zorian, qui ne fit rien pour l’esquiver ou se défendre. Le cube s’interposa comme à son habitude, placidement.

La foi de Zorian en sa création était cette fois très mal placée, cela dit. Aussi grands étaient ses talents d’artificier, la dague était un artefact divin originel. Elle glissa à travers la protection du cube comme si elle était faite de papier, et empala Zorian dans le cou.

Simultanément, la main luisante de Zorian s’abattit en plein sur le torse de Robe Rouge, creusant un trou massif de part en part et provoquant l’apparition et la résonnance de légères lignes bleutées sur tout son corps.

Et le cube endommagé détonna, en une explosion massive qui non seulement éjecta Robe Rouge et Zorian loin l’un de l’autre comme deux poupées de chiffon, mais envoya également Zach s’encastrer dans le bâtiment le plus proche.

Zach n’était pas vraiment blessé. Ce n’était pas la première fois qu’il se prenait un mur de plein fouet, et il savait comment amortir l’impact à l’aide de la magie, avant de retomber sur ses pieds. Il analysa rapidement la zone pour trouver Zorian, couché sur le dos, plus loin.

Il se précipita vers lui pour lui fournir aide, assistance, soin, tout ce qui pourrait bien lui passer par la tête, mais s’arrêta lorsqu’il put le voir de près.

Zorian ne bougeait pas. Ses yeux, blancs et vitreux, étaient ouverts. Son torse ne bougeait plus. Et la dague impériale était toujours plantée jusqu’à la garde dans le côté de son cou. De tout son corps sortaient les shrapnels issus de l’explosion du cube, qui l’avaient mitraillé de haut en bas et s’étaient incrustés profondément dans sa chair.

Il fixa son ami pendant quelques secondes, submergé par l’incrédulité, avant d’avancer. Il lança un rapide sort de diagnostic, et, lentement, en hésitant, plaça ses mains sur ce corps meurtri. Il n’était pas très doué avec la magie médicale, mais c’était l’un des sorts les plus simple de la discipline, et il le maîtrisait vraiment bien. Le sort lui annonça ce qu’il savait déjà, et qu’il ne voulait pas accepter.

Zorian était parti.

— Non… murmura-t-il, ne sachant que dire, que penser, que ressentir. Non ! Zorian, espèce d’imbécile, idiot, idiot — Pourquoi ?! Pourquoi as-tu fait un truc aussi —

L’idiot, c’est toi, réalisa-t-il alors. C’est quoi que tu ne comprends pas ? il a choisi de mourir pour que tu puisses vivre.

La pensée bouillonna dans son esprit, déplaisante et malvenue. Elle le frappa plus durement que tous les coups qu’il avait pris dans sa vie.

— Il… Il ne ferait pas… bégaya-t-il pour lui-même. Il est trop égoïste. Il l’a dit lui-même ! Il a des amis, une famille, une petite sœur qui a besoin de lui, un paquet de filles qui veulent lui ouvrir le pantalon ! Je…

Il prit une profonde inspiration et se força à se calmer. Il… devait vérifier quelque chose d’important.

Il se leva et courut jusqu’à l’endroit où Robe Rouge gisait également au sol, inerte. Lui aussi avait péri. Non seulement la dernière attaque de Zorian avait complètement détruit son cœur et ses poumons, mais la vague d’énergie bleue qui l’avait accompagnée avait également fait quelque chose. Arraché son âme, peut-être ? Sa magie médicale était trop rudimentaire pour le découvrir, mais il était définitivement mort.

Zach déglutit lourdement et se leva à nouveau. Il commença à chercher les autres.

Tout le monde semblait inconscient, réalisa-t-il vite. Ils étaient tous allongés çà ou là, dans les rues, dans les bâtiments publics, dans les allées, partout.

Ils n’avaient pas été abattus en se battant. Son sort de diagnostic le confirmait. Ils étaient en parfaite santé, n’ayant que de mineurs soucis qui disparaitraient bien rapidement. Des petites blessures tout à fait normales pour l’état actuel de la ville. Ils semblaient avoir juste perdu connaissance, tous, soudainement.

Il finit par trouver Alanic, Xvim, et… Daimen, le frère de Zorian. Grands dieux, comment allait-il lui annoncer ça ? Qu’il venait de laisser son petit frère mourir sous ses yeux ?

Il secoua la tête et approcha prudemment. Ils étaient eux aussi inconscients, tout comme la totalité des gens qu’il avait croisés. Après une seconde d’hésitation, il lança un sort de lecture mémorielle et plaça ses mains autour de la tête de Xvim.

Le sort ne rencontra aucune résistance. Il était sûr que Xvim avait placé un Esprit Vide sur lui durant la bataille, mais il n’y en avait trace désormais. Il plongea immédiatement dans ses souvenirs, à la recherche de toute information concernant la boucle temporelle.

Ses mains se mirent bientôt à trembler. L’homme n’avait aucune idée de tout ça. Il n’était conscient d’aucune boucle temporelle. Plus que ça, il ne possédait aucun souvenir du mois en cours. Quelqu’un avait littéralement nettoyé proprement tout ce dont il se souvenait de cette période.

Il répéta l’opération sur Alanic, puis Daimen. Les résultats furent les mêmes. Ils étaient ignorants de quoi que ce fût concernant la boucle temporelle, ou le mois passé…

Il prit plusieurs profondes inspirations.

— Zorian, espèce d’enfoiré. Tu es effrayant. Comment as-tu réussi à faire ça ? demanda-t-il à voix haute.

Attends. S’il pouvait le faire pour les autres, pouvait-il le faire sur lui également ?

Est-ce que tout ceci était réel ?

Au moment où cette pensée naquit dans son esprit, elle refusa de le quitter. Il pouvait sentir quelque chose au fond de son âme demander à vérifier. Il devait savoir. Il devait savoir, aussi douloureusement qu’il aurait eu besoin de nourriture s’il mourrait de faim, une compulsion si puissante qu’elle en devint irrésistible.

Il lança alors une pléthore de sorts de divination sur lui-même, ses environs, et sur les trois personnages inconscients à ses pieds. II effectua une multitude de petites expériences, qu’il avait apprises au fil des années, afin de détecter lorsqu’une illusion perturbait ses sens.

Et il n’y avait rien. Son Esprit Vide fonctionnait toujours. Son esprit n’avait pas été influencé, ou retravaillé. L’environnement autour de lui était aussi réel qu’il pouvait l’être, et les gens devant lui étaient aussi réels qu’ils pouvaient l’être.

Il entreprit d’errer dans la ville, lançant des sorts de lecture mémorielle sur divers badauds, tous couchés là, dans les rues. Certains avaient déjà commencé à reprendre connaissance, mais Zach les dépassa simplement, les ignorant pour en trouver d’autres.

Il ne cherchait rien de spécifique. Il lisait leurs souvenirs afin de trouver quel était leur plat favori, de quoi leur mère avait l’air, ou quelle était la dernière histoire qu’ils avaient entendue. Tout ça pour vérifier qu’ils étaient bien de vraies personnes, avec un vrai passé, de vrais souvenirs.

Un mage mental, même plus doué qu’un dieu, ne pouvait créer un esprit à partir de rien. Pas un esprit convaincant, en tout cas. Un humain factice serait un déguisement facilement percé à jour, capable de berner uniquement les mages mentaux les plus inexpérimentés. Cependant, Zach connaissait Zorian depuis longtemps, et ne pouvait rien laisser au hasard. Il pourrait totalement accepter que Zorian pût avoir produit un esprit de synthèse convaincant. Ce type était juste… aussi effrayant que ça.

Peut-être même plusieurs esprits. Peut-être des dizaines.

Il avait désormais lu les souvenirs de plus d’une centaine de victimes. Toutes étaient réelles, il en était certain. Elles avaient le goût du réel. Elles avaient la sensation du réel. Ces victimes étaient toutes des individus complexes, dont les détails de la vie auraient pu tenir Zach en haleine pendant des semaines. Il refusa de croire que quiconque, y compris Zorian, pût créer tant de vies, si profonde et compliquées, construites dans le détail, à partir de rien. Y compris Zorian. Y compris Zorian…

Il perdit toute notion du temps. Il erra encore, vérifia encore les gens. Tous ceux qui avaient été sensiblement familiers avec la boucle temporelle avaient vu leur mémoire effacée pour le mois. Sans exception. Même les Aranea sous Cyoria ne se souvenaient plus. Une colonie entière de télépathes avancés, et Zorian avait réussi à les convaincre d’abandonner leurs souvenirs de leur propre initiative.

Et le temps passa. Il finit par accepter cette vérité qu’il ne pouvait plus nier. C’était réel. Tout était réel. Jornak était mort. Lac d’Argent également – elle avait été achevée par son originale, aidée de la Chasseuse Grise, avant d’oublier, comme les autres.

Personne ne savait plus rien de la boucle temporelle, à l’exception de lui-même.

Il quitta la ville. Il ne pouvait plus la voir. Il n’y arrivait plus. Il trouva une petite colline juste à l’extérieur des murs de Cyoria, celle sur laquelle Zorian et lui avaient souvent l’habitude de s’asseoir, à discuter de leurs plans ou à simplement perdre un peu de temps, et observa les champs alentour en silence.

Il n’avait aucune idée du temps qu’il passa là. Il crut voir quelqu’un approcher, à un moment, pour lui demander s’il allait bien, mais il l’ignora. Tout ce qui le fit sortir de sa rêverie, ce fut ces feux d’artifice, dans le ciel. Il réalisa que quelqu’un était en train de tirer des feux d’artifice.

C’était la nuit du festival d’été. La ville avait peut-être souffert d’une invasion sabordée, mais ce n’était pas une raison pour mettre un terme aux célébrations. Merde, cette fête était sans doute encore plus importante maintenant, qu’elle ne devait l’être…

Il… avait gagné.

Il était Zach Noveda, le dernier membre survivant de la Maison Noble Noveda, et le dernier survivant des voyageurs temporels…

…et il avait gagné.

Il tomba à genoux et pleura. Quelque part, enfoui au fond de son âme, il put sentir le contrat de l’Ange se dissoudre en silence, finalement rempli.

Il était libre.

Il était libre, et tout ce qu’il lui en avait coûté était la vie de son meilleur ami.

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Raka

Mélange satyrique de Daria et Docteur House, élevé à grands coups de Fluide Glacial pendant un peu trop longtemps, le cynisme n'est égalé que par l'excès d'humour noir et de sarcasme quotidien dont je fais preuve.

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