MoL : Chapitre 105

MoL : Chapitre 104
MoL : Chapitre 106

Chapitre 105— Je gagne (II)

 

Il était Jornak Dokochin, un humble avocat de Cyoria, le vrai héritier de la Maison Denen, et le dernier survivant des voyageurs temporels…

…et il avait gagné.

La route avait été longue et difficile. Il se souvenait encore de ce jour fatidique, lorsqu’il avait réalisé que Zach était un voyageur temporel. Ce dernier avait créé scène après scène partout dans Cyoria, offrant des absurdes déclarations aux médias locaux et à tous ceux qui voulaient bien l’écouter, ne dévoilant jamais qui il était, mais offrant de beaux indices à ce propos. Très peu de gens l’avaient pris au sérieux. Jornak non plus, pour être honnête – pas avant que le gamin ne vînt le voir un jour, pour lui demander de l’aider à comprendre quelques documents légaux qu’il avait trouvés dans le grenier.

Les documents fascinèrent Jornak. Pas parce que le contenu était choquant, mais pour ce qu’ils impliquaient. Les gens que ces papiers accusaient de crimes étaient si haut placés et si influents, et les preuves si accablantes… Jornak savait simplement que Zach devait les avoir volés aux personnes dont ils parlaient.

Et il savait exactement à quel point c’était difficile. Après que les tribunaux corrompus d’Eldemar lui eurent retiré l’héritage de la Maison Denen, il pouvait comprendre la vérité : la loi était totalement faible face à l’argent, aux relations et au statut social. Il était devenu membre du culte et massait les épaules d’un bon nombre de personnes importantes. Il avait appris à découvrir les courants hors-la-loi des dessous d’Eldemar, et savait ce qu’il fallait pour acquérir ce genre de documents.

Aucune somme ne pourrait les acheter, alors comment Zach avait-il fait pour se les procurer ? Jornak se déchirait l’esprit sur cette question, disséquant chaque phrase de Zach, si mineur ou absurde fût-il. Finalement, il lui vint une idée folle. L’idée la plus folle, vraiment. Il confronta Zach et… le gamin se contenta de rire et de l’admettre facilement.

Oui, il était un voyageur temporel. En fait, il avait déjà vécu ce mois de nombreuses fois, de très nombreuses fois, et ils avaient déjà parlé à de nombreuses reprises auparavant.

Jornak le crut. Il voulait le croire. Sa vie avait été vide et frustrée depuis plusieurs années déjà. Sa carrière n’avançait pas, malgré ses tentatives pour établir des connexions et d’améliorer son statut social. Il n’avait pas de succès en amour non plus. Sa famille était morte depuis des lustres. L’héritage de la Maison Deren, sa meilleure chance d’arriver à des fins acceptables, lui avait été retiré. Sa jeunesse était passée, et il sentait fortement que sa vie était à l’arrêt. Cette histoire de boucle temporelle pourrait être totalement démente, mais Jornak désirait ardemment lui donner une chance.

Tous deux devinrent rapidement de bons amis. Zach lui expliqua qu’il l’avait originellement trouvé parce qu’il s’était lié d’amitié avec Veyers lors de l’une des itérations, et ce dernier le lui avait présenté. L’histoire de Zach à propos de son tuteur vendant les biens Noveda pour se faire de l’argent personnel fascina Jornak presque autant que le voyage temporel lui-même.

Il n’était pas le seul à réaliser la vérité sur Zach. Celui-ci avait fait beaucoup de bruit pendant ce mois en particulier, offrant des indices en pagailles aux nombreuses personnes qu’il appréciait, et nombre d’entre eux avaient atteint la même conclusion que Jornak. Zach sortait également avec deux filles en même temps – chacune d’elle consciente de l’existence de l’autre et parfaitement à l’aise – et li leur avait dit la vérité de façon directe bien avant sa rencontre avec Jornak. C’était… un groupe fascinant. Il s’était vraiment fait beaucoup d’amis durant cette période.

Mais il existait une ombre, qui planait sur tout ça, et qui grandissait chaque jour qui passait. Zach Noveda n’avait pas inventé le voyage temporel, mais n’était qu’une feuille prise dans la tempête de quelque chose qui le dépassait. Les mécaniques de la boucle temporelle étaient sans impitoyables, et ils allaient frapper bientôt.

Comme la fin du mois approchait, quelques personnes du groupe s’inquiétèrent de plus en plus, Jornak en particulier. Un soir, lorsqu’ils étaient seuls, un Zach un peu trop ivre admit à Jornak qu’il allait cesser d’interagir avec eux tous. C’était arrivé à de nombreuses reprises par le passé : Zach faisait la connaissance de quelqu’un, fréquentait cette personne, encore et encore, s’y attachait, et décidait qu’il serait trop douloureux de les revoir, ignorants de tout ce qu’il s’était passé.

Cette déclaration secoua Jornak, profondément. Il n’était pas sûr de la raison, et il ne s’en souviendrait bientôt plus de toute façon, alors pourquoi cela avait-il une si grande importance que Zach le remplaçât par quelqu’un d’autre dans une autre vie ? Ce devait ne pas être important, et pourtant… Il était de plus en plus désespéré, questionnant sans cesse Zach à la recherche d’idées sur la façon de pouvoir rester lui-même une fois le mois terminé. Il recruta les autres membres du groupe dans son effort, et ils finirent par découvrir quelque chose, en le forçant à avouer.

Il y avait un moyen. Un artefact divin, détenu par une liche, qui pouvait conférer le statut de marqués temporaires à des personnes. Ce ne serait que pour six mois, et Zach expliqua encore et encore pourquoi il ne voulait pas le faire, pourquoi c’était une mauvaise idée, et ainsi de suite. Et pour Jornak, ça n’avait aucune importance. Pour les autres non plus. Six mois, c’était mieux que rien.

Ce furent sans doute ses deux compagnes qui firent le plus gros du travail, qui parvinrent à convaincre Zach de jouer le jeu. Jornak en était certain. Pourtant, il était celui qui avait organisé tout ça et en était très fier. Les six mois qui s’ensuivirent furent les plus heureux de sa vie, un moment exceptionnel. Il ne comptait pas trahir Zach, pas du tout – il était son meilleur ami, et Jornak avait toutes les intentions de l’aider par n’importe quel moyen.

Mais cette amitié commença à graduellement se détériorer lorsque le temps arriva à son terme. Jornak était bien plus intéressé par la politique et par ce qu’il se passait derrière les portes closes des bureaux corrompus de l’élite de la nation. Il en avait appris beaucoup, et il était devenu de plus en plus dégoûté par ces gens-là qu’il ne l’avait jamais été. Il en parla souvent à Zach, mais celui-ci n’était qu’un adolescent dans son cœur, et sa perspective était étroite, naïve et limitée. Il voulait simplement s’en prendre à son tuteur, reconstruire sa maison, et s’amuser. Il n’appréciait pas les connaissances que Jornak avait rassemblé avec mal, et trouvait ses méthodes dérangeantes et immorales. Comme le terme de son statut de marqué temporaire était au coin de la rue, ils se disputèrent de plus en plus souvent, et Jornak fit l’erreur de dire à Zach ce qu’il ferait exactement s’il était à sa place. Le regard de Zach à ce moment… Jornak s’en souviendrait à jamais.

Zach finit par appeler à une réunion de groupe. Il jura encore et encore qu’il ne dissimulait pas de méthode secrète pour prolonger leur marqueur, et qu’il ne pouvait rien y faire. Il leur promit qu’il referait d’eux des marqués aussitôt que possible.

Il promit également en privé à Jornak qu’il fournirait à sa future incarnation tout le matériel qu’il avait rassemblé pendant ces six mois, et Jornak n’en crut pas un mot. Le gamin n’avait même pas lu le dernier rapport qu’il lui avait fait, encore moins mémorisé. Même s’il voulait transférer les fruits de son travail, comment le ferait-il ? Sans parler du fait qu’il ne comptait probablement même pas le faire. Il doutait que Zach refît de lui un voyageur temporel tout court, à l’avenir. Il se souvint de la fois où Zach avait déclaré qu’il finissait par abandonner les gens après les avoir fréquentés pendant quelques mois. Il se souvint du regard que Zach lui avait accordé pas si longtemps auparavant. Et il décida qu’il devait faire quelque chose.

Il n’avait jamais prévu de trahir Zach. Il avait toujours voulu travailler avec lui. L’aider. Quand on y pensait vraiment, c’était Zach qui l’avait trahi, en n’acceptant pas de partager son point de vue.

Jornak lui-même n’était pas quelqu’un de puissant. Son aptitude magique était totalement banale, et même la boucle temporelle n’avait pu changer ça en six mois. Mais certaines des personnes du groupe étaient formidables, et leurs compétences n’avaient fait que s’améliorer grâce à Zach. Les pousser à prendre son parti était risqué, mais pas si difficile. Le désespoir faisait faire aux gens des choses qu’ils pensaient impossibles. Contacter Quatach-Ichl et organiser un rendez-vous avec lui sans se faire immédiatement tuer s’était avéré compliqué, mais pas autant qu’il l’avait imaginé. À partir de ce moment, toutes les pièces se mirent en place.

À la fin, cette route le mena où il se trouvait : enfermé dans un combat à mort contre son ancien meilleur ami et ancien camarade temporel – Zach.

Il devait l’admettre, il s’était inquiété, pendant un temps. La capacité qu’il avait reçue de Panaxeth n’était pas si efficace qu’il se l’était imaginé. Les Primordiaux n’étaient-ils pas supposés avoir le niveau d’un dieu ? Il attendait plus de la magie primordiale, pour être honnête. Cette prison aurait dû nécessiter une magie experte ou très spécialisée pour en sortir, mais Zach possédait déjà un sort tout à fait approprié et facile à lancer dans son arsenal.

Puis, lorsqu’ils furent de retour à Cyoria, Zorian était en train de bannit Quatach-Ichl vers son phylactère avec l’aide d’une… fleur ? Il la reconnut de loin. Quelle créature magique obscure. Dans tous les cas, il était déchiré à ce propos. D’un côté, il avait besoin de l’ancienne liche pour gagner. D’un autre côté, il était satisfaisant de voir cet enfoiré au cœur noir se faire rabaisser d’un ou deux échelons, finalement. D’ailleurs, le Dragon était touj —

Non, en fait, Oganj quitta les lieux, lui aussi. Il accepta la couronne et l’orbe, et se contenta de se barrer ! Inconcevable.  Jornak lui avait tant offert pour son aide, comme paiement d’avance – des matériaux, des cartes, des archives d’anciennes magies draconiques que les humains avaient dérobé à d’autres Dragons mages, tout – mais Oganj choisit malgré tout aussi facilement que ça de changer de camp pour deux putains de saletés d’artefacts divins.

Une amertume familière suinta dans son esprit. Tout le monde le trahissait toujours. Il était tellement à bout. Il en avait tellement marre de tout ça.

Il ne considérait toujours pas la situation désespérée, cela dit. Il avait démarré l’invasion un jour avant la date prévue, et il lui restait du temps pour un nouvel essai. Il activerait toutes ses dispositions secondaires et plongerait le pays dans le chaos. Il activerait toutes les bombes restantes des autres villes – il refusait de croire que ses ennemis avaient pu avoir suffisamment de contremesures pour toutes les contrer, ou même de retrouver chacune d’entre elles. Il assassinerait des gens, contrôlerait l’esprit d’autres personnes cruciales et démarreraient des hostilités dans chaque pays voisin. Il balancerait la police et les militaires sur ses ennemis, leur famille, leurs alliés. Il descendrait directement dans le Gouffre et attirer les monstres qui rôdait dans les niveaux les plus profonds jusqu’à la surface pour créer un chaos supplémentaire, jusqu’à la ruine de la ville…

C’était sous-efficace. Il voulait diriger le pays, et le rendre meilleur, pas le mettre à genoux. Cependant, pour améliorer les choses, il devait être vivant, et ses adversaires lui forçaient la main. S’il s’agissait du dernier recours qu’il lui restait, de la dernière voie possible, alors il l’emprunterait sans hésiter. Il était —

Soudain, cet autre voyageur, Zorian Kazinski, se téléporta à côté d’eux.

Zorian… Jornak nourrissait tant de regrets à son sujet. Il n’aurait pas dû paniquer et quitter la boucle temporelle lorsqu’il avait réalisé qu’il y avait d’autres marqués, bien qu’il ne pût critiquer sa logique de l’époque. L’information qu’il avait reçue des Aranea disait qu’il y en avait une légion, ce qui… était tout à fait possible. Si Zach le désirait et possédait la couronne, il pourrait parfaitement faire entrer Cyoria toute entière dans la boucle temporelle pendant six mois. Et si Panaxeth avait décidé que certains d’entre eux feraient de meilleurs champions que lui ? Et si Zach avait créé tant de marqués, il savait probablement à propos du Portail et comment quitte la boucle. Il ne pouvait pas prendre ces risques à ce moment, et il lui fallait quitter aussi vite que possible.

Et il s’avéra qu’il n’existait en réalité qu’un seul autre voyageur, et qu’il ne l’était pas devenu grâce à Zach. Il s’était produit une erreur étrange dans le système. Jornak ne pouvait commencer à décrire le début de la jalousie qu’il ressentait pour le garçon. Lui avait dû passer par tant d’efforts et de difficultés pour y parvenir, et voilà qu’un jeune blanc-bec y entrait sans le vouloir, par pure chance ? Le monde était décidément injuste avec lui.

Mais ça n’importait plus. C’était parfait. Il ne savait pas ce qui avait possédé Zorian pour se rapprocher d’eux à ce point, mais il n’allait pas laisser passer une chance en or pareille. Il sortit la dague impériale de sa ceinture dans un mouvement rapide et souple, son poids et sa forme familière entre ses doigts. La dague avait, pendant longtemps, été sa plus fidèle amie, et s’il le pouvait, il la récupérait à chaque fois dans le trésor royal, où elle ne faisait que prendre la poussière. Il avait passé des années à l’utiliser et avait appris d’elle tout ce qu’il avait à savoir.

La dague s’illumina d’une lumière pourpre, tandis qu’il la brandissait vers Zorian. Elle était principalement connue pour sa capacité à blesser les entités spirituelles, mais elle possédait d’autres fonctions alternatives, et il en utilisait une à ce moment. Zorian refusa, de manière arrogante, de se défendre ou d’esquiver le coup, et se contenta de se fier à son artefact personnel de défense pour encaisser le coup. Jornak était le premier à admettre que celui-ci représentait un sommet grandiose de l’ingénierie humaine qui le laissait pantois face au génie de son créateur, mais ce n’était ultimement qu’un objet du monde des mortels. La dague perça le bouclier dans toutes ses épaisseurs, et pénétra le métal renforcé comme du papier.

À son honneur, ce ne fut pas suffisant pour abattre son ennemi. Zorian réagit rapidement, déplaçant son corps hors de portée du coup de dague tout en jetant le cube vers les cieux. Ayant souffert des dégâts catastrophiques, le cube explosa au-dessus de leurs têtes une seconde plus tard, les arrosant de fragments de métal et d’énergies magiques exotiques.

Jornak fixa Zorian droit dans les yeux, peu surpris par sa rapidité d’esprit. Bien qu’il se tînt là partiellement par chance, Zorian Kazinski était une personne qui avait montré, de manière répétée, à quel point il était intelligent et décisif. Lorsque Jornak avait été sûr le point de le capturer pour l’interroger, au sein de la boucle temporelle, il s’était suicidé sans hésiter pour lui refuser toute information utile. De plus, son geste était clairement prémédité, ayant eu la présence d’esprit de s’assurer que Jornak ne pût retrouver un corps à exploiter. Il ne s’était pas attendu à le voir accepter la mort si facilement.

Pourtant, avec son plus fidèle outil de protection désormais détruit, momentanément en perte d’équilibre, il n’en fallut pas plus à Jornak pour décider que ce serait maintenant ou jamais. C’était un choix extrêmement dangereux et pourrait être le dernier de sa vie, mais ce serait la première fois qu’il allait risquer sa vie pour avoir une chance de vivre, et ce ne serait probablement pas le dernier. Il attrapa une petite bouteille noire qui pendait à son cou et la serra, l’éclata avec facilité grâce à sa force surnaturelle.

Des centaines de formes noires s’exfiltrèrent d’entre ses doigts, gagnant en taille en emplissant les cieux au-dessus de lui. Vaguement humanoïdes, les entités avaient l’air d’humains incorporels avec une trainée ectoplasmique à la place des jambes, enveloppée dans des capes d’un noir profond.

Des banshees. La zone entière commença soudain à être incroyablement froide, par leur simple présence. Les trois combattants commencèrent à sentir leur force vitale se faire drainer, et des complaintes d’outre-tombe résonnaient dans les airs alors que les spectres se mettaient à exprimer leurs babillements habituels qui n’avaient de sens que pour eux.

Les banshees étaient des créatures mystérieuses, dont l’origine était peu claire et dont un nombre très limité de méthodes venait à bout. Sous bien des aspects, ils ressemblaient à des esprits classiques, mais étaient essentiellement classées dans la catégorie des morts-vivants pour leur capacité à convertir les âmes humaines en copies d’elles-mêmes. Elles étaient difficiles à contrôler, c’était un fait. Jornak ne possédait pas de moyen de diriger la horde de spectres directement, et il ne doutait pas une seule seconde qu’ils ne le voyaient que comme une proie parmi d’autres. Cependant, Jornak pariait sur le fait qu’il avait un avantage certain, parce qu’il possédait une chose qu’il ne pensait pas que les deux autres eussent : une magie de l’âme maîtrisée et avancée.

La magie de l’âme était une obscure et sinistre discipline magique, qui demandait de cruelles et déplaisantes expériences, ainsi que la volonté de traiter avec des personnes très peu fréquentables. Jornak avait accepté cette réalité depuis longtemps, et il ne la laissait plus le déranger. Il avait torturé des villages entiers, encore et encore, pour voir comment différents sorts de l’âme affectaient les mêmes cibles encore et encore. Il avait vendu des bébés arrachés à leurs parents, et autant d’orphelins, à des sorcières sans scrupules, disposées à lui enseigner leur savoir contre du matériel utilisable. Il avait parlé avec des invocateurs de démons, participé à leurs dégoûtants rituels afin de leur prouver sa sincérité. Ses talents en magie étaient moyens, mais il était confiant. Peu de gens pouvaient prétendre posséder un niveau similaire au sien lorsqu’on parlait de magie de l’âme. Zach n’en était certainement pas, et la sorcière était sûre et certaine que Zorian non plus.

Ses adversaires le savaient, eux aussi. Lorsqu’ils virent les spectres inonder la zone, tous deux tentèrent de battre en retraite pour se regrouper plus loin, mais comment Jornak aurait-il pu le permettre ? Il les arrêta, bien sûr. Il fit capoter leur téléportation, il les traîna de force d’où ils venaient, près de lui, les entrava lorsqu’ils essayèrent de fuir en volant, et quand, finalement, ils se mirent en tête de l’attaquer de concert, il dut choisir entre se laisser blesser ou les laisser fuir. Alors il choisit la première option ; sa régénération n’était certes pas aussi importante que celle de la sorcière, mais son corps était bien plus résistant que celui d’une personne lambda, et guérissait rapidement. Tant qu’il ne perdait pas connaissance et ne se trouvait pas dans l’impossibilité de lancer des sorts, tout allait bien. Il ferait avec. Il leur survivrait, survivrait à tout le monde, et gagnerait.

Il devait gagner. Tous les sacrifices, toutes les choses qu’il avait faites… Ce ne pouvait avoir été vain. Il était proche, si proche du but…

Et au bout du compte, il triompha. Les défenses de son âme étaient parfaites, et il avait pourtant du mal à lutter contre tant de banshees qui l’assaillaient. Zach et Zorian ? Ils ne pouvaient même pas être comparés à lui. Peut-être que s’ils n’avaient pas gaspillé tant de leurs ressources avance de décider de l’affronter, ils auraient pu se tirer de cette situation, mais hélas pour eux… Pour toute leur puissance et toutes leurs compétences, à la fin, il ne fallut qu’une seule petite erreur de leur part pour tomber et se faire dévorer par les spectres. Jornak remercia silencieusement Zorian d’avoir décidé de rejoindre la bataille comme il l’avait fait – si Jornak n’avait pas été capable de prendre ses deux adversaires par surprise comme il l’avait fait, ça n’aurait pas pu fonctionner.

Au moment où les deux voyageurs temporels tombèrent, Jornak s’enfuit et attendit que les banshees se dispersassent avant de retourner pour vérifier leur état. Il fallait toujours aller s’assurer de la présence des corps pour s’assurer qu’ils étaient vraiment morts, et c’était spécialement vrai lorsqu’on avait affaire à des adversaires du niveau de ces deux-là.

Une minute plus tard, il soupira de soulagement. Ils étaient là, inertes, leurs âmes dévorées. C’était terminé.

Il commença à rire. Oui. Oui ! Il… Il avait toujours su qu’il pouvait le faire !

Maintenant, il n’était pas temps de se pavaner dans ce bonheur, cela dit. Ce serait pour plus tard. Pour l’instant, il se mit à fouiller la ville, à la recherche de sa partenaire, Lac d’Argent.

Il finit par la découvrir non loin de l’endroit où il avait combattu Zach et Zorian. Enfin, ce qu’il restait d’elle, en tout cas. Elle n’était plus qu’un sac de peau vide, maintenant. Après s’être agenouillé avec prudence et avoir inspecté sa peau sans vie, il découvrit deux larges blessures sur son torse, et aucun signe d’autre dégât. Quelque chose, probablement une créature magique, avait liquéfié l’intérieur de son corps pour l’aspirer comme un bon sac de nutriments, laissant l’emballage vide derrière elle.

Jornak fronça les sourcils. Elle était probablement la plus faible de leur groupe, mais elle n’aurait pas dû être si facile à tuer. En fait, bien qu’elle fût la plus faible du lot, Jornak était sûr qu’elle était la plus difficile à abattre définitivement, à la fois à cause de ses capacités de régénération accordées par le Primordial, et parce qu’elle n’était rien d’autre qu’une poule mouillée qui fuyait sans honte au moindre signe de danger. La créature qui l’avait tuée… Une espèce d’araignée, peut-être ? Dans tous les cas, elle devait être extrêmement puissante. Du niveau d’un Dragon, peut-être. Comment une telle bête avait-elle pu se retrouver là, et où était-elle maintenant ? Et pourquoi la sorcière n’avait-elle pas simplement fui après avoir rencontré un truc pareil ? Les créatures magiques possédaient en général une capacité très limitée lorsqu’ils s’agissait d’empêcher un mage de haut niveau de s’enfuir, à moins d’êtres elles-mêmes des lanceurs de sorts intelligents.

Inquiétant.

Pourtant… Peut-être était-ce mieux ainsi. Jornak n’appréciait pas tellement la sorcière. Elle lui avait apporté des connaissances très importantes, et pour ça, il lui serait éternellement reconnaissant, mais elle jouait aussi son propre jeu et en savait trop au sujet de la vraie nature de Jornak pour qu’il se sentît à l’aise. De cette façon, une personne de moins était capable de contrarier ses plans.

Avec Lac d’Argent morte, il était désormais de son devoir de remplir le contrat de Panaxeth, et de le libérer par le monde. Il se lança dans la tâche sans hésitation, ralliant les forces de l’envahisseur sous sa propre bannière, et rassemblant les cultistes survivants, éparpillés aux quatre coins de la ville après leur défaite près du Gouffre. Tandis que la plupart avaient péri, les dirigeants et les membres de haut rang étaient puissants et suffisamment doués pour survivre, et ils étaient de toute façon les plus importants pour le rituel. Jornak les fit démarrer celui-ci tandis que l’armée ibasienne les protégeait, et utilisa sa propre essence de Primordial à la pace de celle des enfants. Il avait songé aller les récupérer là où ils étaient maintenant, mais décida que ça prendrait trop de temps. Eldemar mobilisait déjà l’armée entière pour écraser l’invasion, et il n’avait pas de temps à perdre. Utiliser son essence à lui allait l’affaiblir pour un temps et lui interdire toute utilisation de la magie primordiale, mais il paierait ce prix plutôt que de prendre le risque de mourir à la fin du mois parce qu’il aurait été trop dépensier en temps.

Il n’osait même pas imaginer si ça devait arriver. Lui, le vainqueur ultime de cette guerre temporelle, terminerait mort parce qu’il aurait échoué à libérer Panaxeth de sa prison avant que l’armée ne roulât sur la ville en tuant tous ses alliés. Il mourrait alors en avalant des seaux entiers de honte et d’embarras ! Non, il payerait de son corps et de son sang, et ferait les choses bien. Pas de gains sans sacrifices.

Le rituel se déroula sans problème. L’espace craqua, la prison se brisa, et Panaxeth apparut au-dessus de la ville, dans toute sa splendeur, ses membres de chair et de sang sortant de sa prison et s’enfonçant dans les routes et les bâtiments. Puis, il entreprit de sortir le reste de cette dimension qui ne le retenait plus, celle qu’il avait détestée pendant tous ces millénaires…

Jornak s’enfuit immédiatement. Il était peut-être le champion de Panaxeth, mais il ne lui faisait pas confiance pour un sou. Sa part du contrat était remplie, dans tous les cas. C’était comique. Il s’était toujours dit qu’il pourrait sentir lorsque le contrat disparaitrait, mais il n’en fut rien. Le pacte de mort de Panaxeth placé sur lui se contenta de cesser d’exister. Il était là, et puis il ne l’était plus. Bon… C’était de la magie primordiale, après tout. Qui pouvait savoir comment elle fonctionnait ? Il était finalement libre, et c’était tout ce qui importait.

Les cultistes, idiots arrogants qu’ils étaient, restèrent là. Jornak savait que la plupart n’allaient pas s’en sortir. Leur grand plan visant à plier la volonté du Primordial pour qu’il leur obéisse n’était qu’un rêve de lunatiques. Ils n’étaient que des fourmis tentant de capturer un lion. Même affaibli, Panaxeth n’était pas le genre de truc qu’ils pouvaient affronter. Même un fragment de lui pourrait probablement tous les annihiler.

Le Primordial laissa échapper un profond hurlement, résonant à travers la ville, la faisant visiblement vibrer. Certains des bâtiments les plus endommagés s’écroulèrent. Et le carnage commença. Les forces ibasiennes se retiraient aussi vite que possible, mais Jornak savait que peu d’entre eux allaient survivre à tout ça.

Il regarda la ville une dernière fois et se téléporta au loin. Il voulait se trouver le plus loin possible de tout ça.

 

___

 

Jornak finit par arriver à la Maison Iasku. Les lieux étaient définitivement démolis, les barrières brisées et la plupart des âmes qui les alimentaient libérées lorsque leur prison avait cédé, mais la structure physique elle-même tint bon, même après que l’Ange eût fini de passer sa colère dessus. Probablement parce que Sudomir avait placé des défenses plus petites, mais plus puissantes autour du cœur qui abritait l’âme de sa femme, et que l’Ange ne voulait pas perdre plus de temps quand il avait des batailles plus importantes à mener.

Ce fut lorsque l’Ange avait abandonné les attaques sur la maison pour sortir de la zone que Sudomir avait entamé un rituel de téléportation à longue distance, et qu’il avait envoyé la maison directement à Ulqaan Ibasa. Une finalité arrangée depuis longtemps avec Quatach-Ichl au cas où les choses devaient mal tourner.

Assis dans l’une des quelques pièces encore intactes, Jornak se sentait plutôt fier de lui, baignant dans l’aura de son succès. Ce fut à ce moment qu’une autre personne entra dans la pièce.

Quatach-Ichl. La liche portait son déguisement humain et avait l’air détendue et confiante. Jornak voulu faire une blague cynique à propos du fait qu’il eût été battu par une fleur, mais se retint. Plus que Zach, Zorian ou qui que ce fût, il était celui qui terrorisait vraiment Jornak. Ce dernier n’imaginait pas une seconde que les autres voyageurs avaient compris les forces avec lesquelles ils jouaient lorsqu’ils cherchaient à l’affronter.

Sans Quatach-Ichl, Jornak n’aurait jamais été capable de se changer en voyageur permanent. Oh, bien sûr, Panaxeth avait été celui qui lui avait fourni la méthode pour transformer le marqueur temporaire en quelque chose de permanent, mais jamais en un million d’années Jornak n’aurait pu être capable d’employer la méthode lui-même. Non, il avait dû supplier Quatach-Ichl de lui fournir une assistance, afin de l’aider à accomplir la tâche. Et le prix qu’avait demandé la liche… Même maintenant, Jornak ne pouvait s’empêcher d’être mal à l’aise en y repensant.

Il avait entendu de la sorcière que ses ennemis suspectaient déjà Quatach-Ichl d’avoir été le seul levier ayant permis la transformation du marqueur, mais ne pouvaient pas comprendre pourquoi il n’avait pas lui-même voulu être de la partie. La réponse était simple : la méthode nécessitait de passer un pacte avec Panaxeth, et la liche ne passerait de pacte de mort avec un Primordial sous aucune circonstance. Il força Jornak à accepter une chose appelée graine d’âme – un petit fragment de l’âme de la liche, travaillé pour prévenir la dégradation et équipé d’une mesure de conscience et de mémoire – et avait lié ce fragment à l’âme de Jornak, avec pour instruction de retourner vers le Quatach-Ichl original une fois que Jornak aurait été de retour dans le monde réel.

Le fragment avait accompagné Jornak durant tout son séjour dans la boucle temporelle, et même lui ne savait pas trop ce qu’il avait fait pendant tout ce temps. Avait-il patienté son retour dans le monde réel, pour retrouver son maître, ne contenant que les souvenirs de ce Quatach-Ichl, celui avec lequel Jornak avait passé ce pacte ? Ou la liche était-elle effectivement présente dans son esprit, ayant transféré sa conscience totale vers le fragment avant la fin du mois ? C’était la réponse la plus probable. Et une fois de retour dans le monde réel, ce fragment d’âme était sorti pour aller directement infecter la liche originale, inconsciente de ce qui se tramait, permettant au Quatach-Ichl de la boucle temporelle d’en prendre le contrôle.

Pour preuve, Jornak n’avait pas eu besoin de convaincre l’ancienne liche qu’il était un voyageur temporel. Quatach-Ichl le savait déjà, et l’attendait lorsqu’il était venu frapper à sa porte.

Il n’avait aucune idée de ce que savait la liche à propos de ce qu’il s’était passé dans la boucle temporelle, et ça le terrifiait.

— Alors, dit Quatach-Ichl en s’asseyant sur l’une des chaises proches. Je pense que nous pouvons désormais décrire cette opération comme un succès, oui ?

— Oui, absolument, confirma Jornak. Bien que, si je puis faire une observation… Les dégâts causés par le Primordial semblent quelque peu… faibles. Cyora ne sera plus, c’est vrai, mais le pays en lui-même survivra. N’es-tu pas inquiet qu’ils veuillent lancer une attaque punitive contre ton île pour ça ? Ton implication dans tout ça sera impossible à nier.

— Oh non, je m’attends totalement à les voir répliquer de la sorte, répondit Quatach-Ichl. Ils sont les bienvenus. Nos dirigeants se sont montrés très idiots récemment, à tenter de créer des traités commerciaux avec le continent, et autres absurdités du même genre. Une bonne guerre ou deux ne seront pas de trop pour leur remettre les idées en place.

Jornak acquiesça. Ce genre de réponse ressemblait vraiment à la liche…

— Et toi ? continua Quatach-Ichl. N’es-tu pas inquiet ?

— Inquiet ? Pourquoi le serais-je ? s’étonna Jornak. J’ai gagné.

— De justesse, remarqua la liche.

— Une victoire est une victoire, insista Jornak, avant de fixer la liche intensément. D’ailleurs, ça n’aurait pas été si juste si tu n’avais pas été toi-même écrasé. Et pas une fleur, rien que ça.

Finalement, il n’avait pas pu s’en empêcher. Après tout, que risquait-il ? L’univers lui souriait.

— Les chrysanthèmes attrape-âmes sont d’étranges créatures, nota Quatach-Ichl avec légèreté, clairement pas outragé du tout par la remarque de Jornak, ou n’en donnant en tout cas aucune indication. Je devrais les étudier de plus près quand j’en aurai le temps. Hélas, je suspecte que les quelques années à venir se montrent bien pleines pour moi, en effet.

Eh bien, il avait certainement raison à ce propos. D’une part, Jornak entendait totalement exécuter son plan au moment où il quitterait les lieux. Lui et la liche avaient des buts incompatibles par nature pour le futur du monde, et tous deux étaient plus ou moins assurés de tenter de se saboter l’un l’autre très bientôt.

Vraiment, Jornak n’aurait pas été surpris si Quatach-Ichl avait tenté de le tuer dès à présent. Malheureusement pour lui, Jornak était parfaitement conscient de cette possibilité et avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’éviter. Il ne périrait pas. Il ne périrait plus jamais.

Il ne faisait que commencer.

— Qu’aurais-tu fait si le plan avait échoué ? demanda la liche soudain curieuse.

Une multitude de contrecoups flottèrent dans l’esprit de Jornak en réponse. Des pièges explosifs installés dans un grand nombre de villes et de bâtiment destinés à créer beaucoup de dégâts, des contrats d’assassinats qui seraient exécutés à moins qu’il ne les annulât, des documents démasquant Zorian et Zach, qui n’attendaient que d’être découverts par les autorités… Il possédait de nombreux moyens de faire regretter leur victoire à ses ennemis, s’il avait dû perdre. Pourtant, il n’en dit rien à Quatach-Ichl. Bien qu’il comptât tous les annuler très rapidement, il n’avait aucune raison de révéler son raisonnement et de décrire ses méthodes à une personne qui deviendrait bientôt son ennemi.

Il vérifia rapidement ses défenses mentales et découvrit que son Esprit Vide était toujours actif, et en parfaite condition. Bien. Pendant un moment, il avait craint que la liche tentât d’y trouver des réponses, directement dans ses pensées de surface.

Pourtant, il ressentait le besoin de se vanter un peu. Il se mit à bavasser à propos de l’un des contrecoups les moins importants – quelques documents impliquant Zorian et le liant aux évènements de l’invasion, délibérément placés dans l’un des cabinets de la police à Korsa. Le cabinet était rarement utilisé, mais son propriétaire était très méticuleux. Il faudrait des semaines à ces documents pour être découverts, mais ils allaient l’être. Et à ce moment, Zach et Zorian auraient sans doute cessé de se montrer vigilants au regard de ce genre de choses. Et puis, il y avait cette lettre, envoyée directement à la résidence royale. Elle devrait arriver —

Il s’arrêta soudain de parler. Pourquoi… Pourquoi racontait-il tout ça à la liche ? Ne venait-il pas tout juste de conclure qu’ils allaient devenir ennemis très rapidement, et qu’il était mieux de garder le silence ? Et l’expression sur le visage de Quatach-Ichl… Penché en avant, intéressé, il écoutait en retenant sa respiration, comme s’il s’agissait de la chose la plus intéressante au monde. Que… ?

— Qui… Qui es-tu ? lâcha soudain Jornak, bondissant de son siège, se mettant en position de combat.

Il avait passé assez de temps à proximité de la liche pour apprendre de ses mouvements, pour se familiariser avec ses réactions et ses manières de se tenir, et ça ne collait pas. En fait, quand il y pensait vraiment, son comportement, du début à la fin, était légèrement… faux.

— Tu n’es pas Quatach-Ichl ? demanda-t-il, méfiant.

— Pourquoi dis-tu cela ? demanda le supposé imposteur, une curiosité calme sur le visage.

Jornak lança un rayon rouge électrique vers lui, et il ne tenta même pas de l’esquiver.

Le rayon passa au travers de son front sans rencontrer de résistance.

Quatach-Ichl soupira.

— Alors incarner la liche est une cause perdue, se lamenta-t-il pour lui-même. Peu importe combien de fois j’essaye, je ne peux simplement pas réussir à jouer son rôle à la perfection. C’est vraiment dommage, parce qu’il est celui à qui tu pourrais le plus probablement parler de tout ça en détail. Peut-être devrais-je tenter la sorcière ?

Q-quoi ?

Attends…

Non.

Non !

— C’est impossible ! tu ne peux pas être lui ! protesta Jornak en hurlant, sa voix de plus en plus paniquée. Je t’ai tué ! Je sais que je l’ai fait ! Ton âme s’est fait dévorer par les spectres ! Je… J’ai un Esprit Vide actif, ce sort est une protection totale contre —

Il vérifia son esprit. Il le vérifia encore, et une troisième fois. Toujours le même résultat. Son Esprit Vide était intact, et intouché. Son esprit était à l’abri en-dessous.

Sauf qu’il ne l’était pas.

Rien de tout ça n’est réel… réalisa-t-il.

— Eh bien, dit l’imposteur. Essayons une fois encore, veux-tu ?

Le cœur de Jornak se glaça. Combien de fois avait-il vécu ça ? Combien de fois avait-il vécu ce jour, profité de son triomphe, établi de grands plans pour l’avenir, pour tout oublier encore et encore ? Pendant tout ce temps, une force sinistre continuait de lui parler, lui soutirant toujours plus d’informations, variant les approches afin de recevoir ce qu’elle désirait de sa part.

Son esprit ne put s’empêcher de revenir à ce moment, lorsqu’il avait découvert, dans la boucle temporelle, qu’il n’était qu’un humble avocat souhaitant obtenir plus que ça de la vie. Lorsqu’il avait réalisé que la vie n’était littéralement qu’une boucle sans fin, faite pour être exploitée. C’était juste comme ça, maintenant, mais en pire. En bien pire.

Sa vision commença à s’assombrir. Il voulait faire quelque chose, il voulait envoyer un signal à ses pièges variés en un dernier acte de dépit, mais son esprit s’effaçait, toujours un peu plus… Il oublia les mots, il oublia ce qui l’avait mené à cet endroit, il oublia tout ce qui était arrivé. Il se trouva à nouveau à Cyoria, entouré des corps de Zach et de Zorian, ne sachant plus qu’une chose :

Il était Jornak Dokochin, un humble avocat de Cyoria, le vrai héritier de la Maison Denen, et le dernier survivant des voyageurs temporels…

…et il avait gagné.

Encore une fois.

Raka
Les derniers articles par Raka (tout voir)
MoL : Chapitre 104
MoL : Chapitre 106

Related Posts

3 thoughts on “MoL : Chapitre 105

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social Media Auto Publish Powered By : XYZScripts.com