MoL : Chapitre 39
MoL : Chapitre 41

Chapitre 40 – Changer de piste.

 

Zorian s’éveilla très tôt le lendemain matin, tiré de son sommeil par le léger et incohérent bafouillage de Kirielle près de lui. Pendant un moment, il se demanda ce qu’elle faisait dans son lit au lieu de se trouver dans sa propre chambre, mais il reprit rapidement ses esprits en sortant de ce demi-rêve à moitié éveillé et ce qui s’était passé la veille le frappa de plein fouet.

Rea et son mari étaient morts, leur fille avait disparu. Un évènement qui avait complètement aveuglé Zorian, qui n’avait jamais entendu parler de quoi que ce fût de ce genre dans les boucles précédentes. Était-ce une chose qui arrivait constamment et dont il ne venait que d’apprendre l’existence, ou les nombreux changements du sillage de la disparition des Aranea avaient-ils provoqué ça récemment ? Le fait que Rea et Sauh eussent été tués par un monstre errant semblait le suggérer mais l’instinct de Zorian lui criait que cette attaque de monstre était tout sauf aléatoire. Les rats-crânes avaient surveillé la maison pour une raison, après tout, et les envahisseurs étaient si enclins à réduire les monstres du donjon en esclavage pour s’en servir de chien d’attaque…

Kirielle, bien entendu, ne se doutait pas des interrogations de Zorian et ne s’en préoccupait pas plus. Contrairement à lui, qui n’avait pas été terriblement proche de la famille Sashal et pour qui leurs morts ne seraient pas permanentes, Kirielle s’était attachée à Nochka et se trouvait dévastée par la nouvelle. Même préciser qu’elle pouvait toujours être en vie ne parvenait pas à calmer ses larmes. Après tout, la police avait dit que ses parents avaient été tués par un monstre du donjon et ces derniers n’étaient pas vraiment connus pour kidnapper les enfants et les garder vivants.

Au bout du compte, Kirielle s’était calmée et était allée se coucher uniquement après qu’Imaya lui eût donné du thé calmant fait maison qui l’avait assommée étonnamment rapidement. Probablement un opioïde dilué. Il aurait dû en demander une tasse lui aussi – il était déjà épuisé mentalement par l’histoire des cultistes et n’était pas vraiment équipé pour faire face à une situation aussi inattendue, cette toute nouvelle crise.

Se déplaçant lentement, Zoiran parvint à s’extraire du lit et à quitter la pièce en tentant de ne pas réveiller Kirielle. Il était plutôt sûr d’avoir échoué en constatant que la signature mentale de sa sœur s’était activée d’un seul coup alors qu’il n’était qu’à moitié sorti de la pièce mais comme elle n’avait rien dit et qu’elle avait gardé les yeux clos, il en avait déduit qu’elle ne voulait simplement pas lui parler. Ou peut-être qu’elle voulait simplement se rendormir. Il était tôt.

Il trouva tout le monde déjà debout et assis autour de la table lorsqu’il arriva à la cuisine – Imaya, Kael, même Kana.

— Tu n’arrives plus non plus à dormir, hein ? demanda Kael sur un ton rhétorique.

— Kirielle s’est glissée dans mon lit au milieu de la nuit, expliqua Zorian dans un soupir. Elle est déjà difficile à côtoyer dans un lit en temps normal, alors en considérant les évènements récents…

— Pauvre petite, dit Imaya. C’est elle qui a été le plus durement frappé par tout ça, je pense. C’est une honte qu’une chose pareille puisse arriver au milieu de la ville, et encore, quand on savait déjà que les activités des monstres étaient en augmentation !

Imaya passa dix minutes à accuser la ville d’une mauvaise gestion de la crise des monstres – un sujet pour lequel elle n’avait pasmontré grand intérêt jusqu’alors. Il ne fallait pas être empathe pour comprendre que Kirielle n’était pas la seule personne affectée par ces morts. Elle s’était probablement liée d’amitié avec Rea durant les nombreuses fois où elle avait amené Nochka…

Kael et Kana, d’un autre côté, semblaient moins perturbés. Kael n’avait virtuellement eu aucune interaction avec Rea et Nochka et n’avait jamais rencontré Sauh, alors c’était compréhensible. Kana avait parfois rejoint Nochka et Kirielle mais ne s’était jamais autant rapprochée de la fillette au vélo que ne l’avait fait Kirielle. Elle était bien plus jeune et ne comprenait également pas très bien ce qui se passait.

Arriva le moment où Imaya arriva à court de vapeur et un silence étrange tomba sur la cuisine, bien que Zorian pût toujours sentir beaucoup de frustration émaner d’elle. L’atmosphère n’était vraiment pas joyeuse.

— Oh, oui, se souvint soudain Imaya, j’ai complètement oublié de te le dire hier, la police veut discuter avec toi… au sujet de Rea et de sa famille.

— Avec moi ? s’étonna Zorian. Que pourrais-je avoir à leur dire ?

— Tu as parlé avec Rea et Sauh récemment, fit remarquer Kael. Ils veulent probablement savoir si tu sais quelque chose d’important. Je pense qu’ils cherchent également à parler à tous ceux qui connaissaient les victimes.

— Je vois, comprit Zorian, tapotant nonchalamment ses doigts sur la table. Vont-ils venir ou dois-je m’y rendre ?

— Le détective Ikzeteri a dit qu’il allait se rendre à la résidence Sashal à l’aube aujourd’hui même et que tu devrais l’y rencontrer si possible.

Zorian fronça les sourcils. Ikzrteri ? Un nom familier, où avait-il… Oh, le professeur de divination avait ce nom, n’est-ce pas ? Et il était détective, lui aussi…

— Ce détective, Ikzeteri… Il ne s’appellerait pas Haslush, par hasard ? demanda Zorian.

— Je pense qu’il s’agit de son nom, oui, fit Imaya en fronçant les sourcils. Je dois dire que je ne me souviens plus vraiment des présentations. J’étais trop choquée pour vraiment y prêter attention. Pourquoi ? Une connaissance ?

— J’ai entendu parler de lui, dit Zorian. Ce n’est pas très important, j’étais juste curieux. Je vais lui rendre visite, un peu plus tard.

Kirielle fit irruption dans la cuisine, ayant apparemment décidé de ne pas se rendormir, après tout. Tous décidèrent sans un mot de clore le sujet de la famille Sashal.

 

___

 

Leur maison n’avait pas du tout l’air d’une scène de crime. Ce fut la première chose que remarqua Zorian en approchant du domicile. Il s’était attendu à voir quelques dégâts – des vitres brisées, la porte arrachée de ses gonds, peut-être un morceau de mur endommagé – mais elle était parfaitement intacte. Si ce n’était pour les deux policiers stationnés à l’entrée et le regardant d’un air sévère, il n’aurait jamais deviné que ses occupants avaient été massacrés.

Tout ça n’avait pas vraiment l’air d’une attaque de monstre. La probabilité qu’il s’agisse d’un évènement aléatoire était de plus en plus mince.

— Je suis là pour parler au détective Ikzeteri, dit-il au grand policier moustachu et sévère qui semblait être le chef des deux. Il m’a dit que je devais venir le voir ici. Est-il là ?

— Il est à l’intérieur, acquiesça l’homme. Mais j’ai peur de ne pas pouvoir vous laisser entrer. Si vous voulez bien attendre un moment, je vais lui faire savoir que vous êtes là.

— Ça me va, dit Zorian, bien qu’intérieurement il ne fût pas satisfait : il voulait pouvoir jeter un œil dans la maison pour voir s’il pouvait y trouver le moindre indice.

Il doutait que la police serait encline à lui signifier les détails des meurtres, après tout.

Embêtant. Il aurait simplement pu attendre et s’introduire dans les lieux quand la police aurait et fini son enquête mais ça aurait pu prendre plusieurs jours – la plupart des indices auraient déjà refroidi depuis, en imaginant qu’ils n’auraient pas tout bonnement été confisqués comme preuves. D’ailleurs, il ne restait pas énormément de temps avant la fin de la boucle et la fenêtre dont il disposait pour mener l’enquête était déjà suffisamment étroite comme ça.

Merde, il n’avait tellement pas besoin de ça maintenant…

— Dans ce cas, veuillez attendre ici, lui répondit le moustachu. Quel est votre nom, jeune homme ?

Zorian se présenta et l’homme disparut rapidement par la porte d’entrée afin d’aller informer Halsush. Cinq minutes plus tard, après avoir patienté dans un silence inconfortable avec l’autre policier qui le regardait comme un criminel, il put dire qu’il allait lui falloir bien plus longtemps que ça pour sortir.

Zorian se tortilla sur place, mal à l’aise, ce qui le rendait probablement encore plus suspect aux yeux des deux policiers qui gardaient la porte d’entrée en analysant ses moindres mouvements. Il savait qu’il n’était pas rationnel, mais se trouver directement sous le regard scrutateur de deux agents des forces de l’ordre le rendait profondément nerveux. Logiquement, ils n’avaient aucune raison de lui vouloir quoi que ce fût et cette discussion ne serait qu’une formalité. Mais il avait déjà eu de mauvaises expériences avec la police à Cirin et il allait avoir affaire à Haslush – son ancien professeur pouvait se montrer sacrément perspicace s’il le voulait. Zorian ne s’étonnerait pas si l’inspecteur lui trouvait quelque chose qui cloche et décidait de l’emmener en direction d’un interrogatoire plus poussé, ce qui serait au mieux une gigantesque perte de temps et au pire… il avait toujours ses dispositifs de suicide pour mettre fin à la boucle.

Il préférait avoir à éviter cette solution, cela dit, et à tout prix. Kirielle était déjà dévastée par la perte de Nochka et apprendre que son frère eût décidé de se faire exploser dans le poste de police serait abominable. Certes, Zorian ne serait pas là pour être témoin de la catastrophe et la boucle allait redémarrer quelques jours plus tard… mais juste imaginer cette possibilité le rendait malade.

Peut-être ferait-il bien de lire les pensées de l’inspecteur ? Haslush était probablement entraîné à détecter toute intrusion mentale pour y résister, en tant que mage et membre de la police mais Zorian pratiquait une branche de la magie très éloignée des standards. Il n’utilisait aucun geste, ne prononçait pas le moindre mot et savait être discret. Alors peut-être pouvait-il y arriver. Cela lui permettrait probablement de répondre à de nombreuses questions et lui permettrait de commettre d’énormes erreurs en lui répondant…

…mais non, le risque était trop grand. D’ailleurs, il y avait là une bien meilleure cible, debout devant lui – il doutait que ces policiers normaux étaient entraînés pour affronter la magie mentale, peut-être avaient-ils à peine reçu quelques conseils. Un secret est aussi bien gardé qu’il l’est à son point le plus vulnérable.

Il se mit à creuser un chemin dans les pensées des deux policiers qui l’observaient en silence. Il y découvrit qu’ils n’étaient pas si intéressés par sa personne qu’il ne le pensait, et ils ne se préoccupaient pas plus de la famille Sashel – l’un d’eux était affamé et anticipait le dîner qui allait l’attendre à la maison le soir venu et l’autre fantasmait sur une secrétaire quelconque travaillant au poste de police. Eh bien, c’était parfait – il pouvait donc entamer la conversation et les conduire dans la direction de son choix.

— Alors, je ne voudrais pas vous causer le moindre souci, messieurs les agents, mais s’il y a quoi que ce soit que vous puissiez me dire au sujet ce qui s’est passé ici… Sauh et Rea étaient de bons amis et j’ai été choqué d’apprendre ce qui leur est arrivé… Pouvez-vous m’en dire plus, peut-être ?

Zorian ne s’attendait bien évidemment pas à entendre quoi que ce soit de concret – il pensait bien qu’ils allaient lui offrir le même mutisme jusqu’à ce qu’Haslush se déciderait à sortir. Seulement, le simple fait de mentionner un sujet était habituellement suffisant pour qu’une personne se mette à y penser. Néanmoins, il ne s’attendait pas non plus à être frappé par une véritable vague de dédain de de méfiance.

[Et il avait l’air d’un gosse tellement normal,] pensa l’un des deux policiers. [Je n’aurais jamais deviné qu’il était proche d’une bande de voleurs ailuranthropes. Ça montre qu’on ne peut vraiment pas faire confiance aux apparences pour ces conneries magiques…]

Rea était une ailuranthrope ? Une femme-chat ? Huh. Une métamorphe, merde ! Ça avait au moins le mérite d’expliquer certaines choses, en réalité. Ce qu’il ne comprenait pas, c’était la raison pour laquelle le policier semblait penser que ça faisait de Rea et sa famille de mauvaises personnes – et que Zorian était mauvais lui aussi rien que parce qu’il les connaissait.

Apparemment, il avait réagi à cette révélation de manière physique parce que l’autre policier le remarqua et prit la parole pour balayer tout malaise à venir. Il ne sembla pas voir la réaction de Zorian pour ce qu’elle était – de la lecture dans les pensées – mais considéra que celui-ci était simplement capable de comprendre des choses en se basant sur le langage corporel de son collègue.

— Nous sommes là uniquement pour avoir l’air menaçants et décourager les voisins curieux, gamin, dit-il. Nous ne savons pas plus que toi ce qui s’est passé là-dedans, à mon avis – une espèce de créature du Donjon est remontée jusque dans la maison et a massacré le couple. Pour plus d’informations, tu devras attendre que l’officier Kalan revienne avec le détective.

Le premier policier secoua légèrement la tête avant de se reprendre.

[Une créature ? Hah. Elle est bien bonne, mon gars. C’est ce qu’on nous a dit mais… une créature les a tués après être simplement rentrée par une porte déverrouillée au lieu de la détruire et n’a attaqué absolument personne d’autre dans tout le voisinage ? Si c’était une vraie incursion de monstre, je bouffe mes bottes,] pensa-t-il. [Ces chatons ont probablement fourré leurs nez de voleurs dans une affaire louche, comme d’habitude, et se sont fait dégommer après avoir offensé la mauvaise personne. Dieu sait qu’ils posent leurs pattes sur tout ce qui les intéresse, de nos jours…]

— Et Nochka ? continua Zorian en fronçant les sourcils. Leur fille ? On m’a dit que le corps n’avait pas été retrouvé et qu’elle pourrait toujours être en vie. ?

Les deux agents émirent tout à coup une vague de malaise. Même le premier, qui n’aimait visiblement pas les ailuranthropes dans leur ensemble, se sentit désolé pour la gamine qui lui rappelait sa propre fille. Aucun d’eux n’imaginer qu’il existât la moindre chance de la retrouver – en vie ou non, d’ailleurs – mais ils furent étonnamment réticents à l’avouer à Zorian et tentèrent au lieu de ça de changer de sujet du mieux qu’ils purent.

Ils lâchèrent tous deux un soupir de soulagement au moment où leur échange fut interrompu par l’arrivée de leur ami moustachu, qui sortait de la maison avec Haslush. Ce dernier, de son côté, décida d’emmener Zorian promener loin de la maison, ruinant ses plans : il avait prévu de continuer à lire les pensées de ces deux messieurs à l’entrée tout en menant la conversation là où il le désirait.

C’était peut-être mieux, cela dit – prêter attention à deux flots de pensées différents en même temps était compliqué. Tenter de converser avec l’inspecteur en plus de ça aurait été presque impossible.

— Alors, Zorian… Je peux t’appeler Zorian ? demanda Haslush, ce à quoi Zorian acquiesça en silence, conscient que l’homme avait une sainte horreur des formalités. Génial. Je suppose que Miss Kuroshka t’a raconté ce qui s’est passé, mais soyons clairs : Rea et Sauh Sashal ont été trouvés morts à leur domicile hier matin, accompagnés des cadavres de deux mille-pattes géants. Leur fille est introuvable et personne n’a entendu parler d’elle depuis. Je t’apprends des choses ?

— Miss Kuroshka m’a déjà raconté tout ça, à l’exception de la partie sur les mille-pattes.

— Oui, bon, ta petite sœur a réagi si émotionnellement à cette nouvelle que j’ai volontairement censuré les détails de ce genre. J’en ai fait une attaque de monstre sans plus en expliquer les faits, fit Haslush en haussant les épaules. Je suis désolé de l’avoir mise dans cet état. On me dit souvent que je peux être un peu insensible parfois, mais c’est un trait difficile à perdre. Mon travail a tendance à rendre un homme plus qu’un peu morbide sans qu’il s’en rende vraiment compte… et j’oublie parfois que la plupart des gens ne sont pas exposés à la mort comme je le suis.

Zorian faillit lui expliquer qu’il ne lui en voulait pas pour le rassurer mais finit par se raviser. L’inspecteur serait bien plus enclin à répondre à ses questions en se sentant coupable, et il garda le silence. Au bout de quelques secondes, il relança le sujet des meurtres.

— Alors ils ont été tués par des mille-pattes géants… Je n’ai vu aucun dégât sur la maison. Comment sont-ils entrés ?

— Par la porte. Apparemment, la famille ne l’avait pas verrouillée.

Zorian regarda Haslush avec un air totalement incrédule.

— Ils sont arrivés et ont gentiment posé la patte sur la poignée pour voir si c’était ouvert ?

— Je te raconte juste ce que vous avons découvert, se défendit Haslush. Je sais que ce cas est étrange et c’est pour ça que nous n’avons pas simplement fermé le dossier par une attaque de monstres en règle avant de ne plus en parler. Et à ce sujet, s’il y a quoi que ce soit que tu puisses me dire au sujet de la famille Sashal et qui pourrait expliquer ce qui leur est arrivé… ?

Bien sûr qu’il pouvait – mais rien qui ne lui causerait pas d’ennuis. Il raconta à l’inspecteur tout ce qu’il avait découvert sur la famille via ses interactions avec elle, mais il s’agissait là d’informations grossières et en se basant sur l’expression mécontente d’Haslush, rien n’était neuf à ses oreilles. Peu surprenant – Imaya lui avait probablement déjà tout raconté.

— Ce n’était pas vraiment une attaque de monstre, n’est-ce pas ? demanda tout à coup Zorian calmement.

Haslush lui offrit un regard perçant, que Zorian rencontra sans flancher. Après quelques secondes, l’inspecteur tourna la tête, sortit une flasque de son imperméable et en but une longue rasade avant de la refaire disparaître dans une poche.

— Non. Probablement pas, admit-il.

— Pourquoi auraient-ils été ciblés, et par qui ? …Si je puis poser la question, demanda Zorian en tentant sa chance – eh, qui sait ? Peut-être même qu’il allait répondre.

— Eh bien, ça… Si je le savais, nous ne serions pas en train de parler, n’est-ce pas ? fit remarquer Haslush.

— Aucune piste, alors, conclut Zorian.

— J’ai beaucoup trop de pistes, corrigea Haslush. Les Sashal… Eh bien, que sais-tu vraiment d’eux ?

— Je suppose que vous parlez du fait que ce sont des métamorphes ? Des chats ?

— Ah, alors tu sais bel et bien. Je me le demandais – les habitants de ton logement ne semblaient pas en avoir conscience mais Imaya a dit que tu étais déraisonnablement suspicieux envers Rea depuis le départ. Eh bien, si tu sais ce qu’ils étaient, alors tu sais sûrement pourquoi il y a un certain nombre de choses…

— Je ne le sais pas, en réalité, coupa Zorian en secouant la tête. J’étais suspicieux envers Rea parce qu’elle était suspecte et que je suis une personne paranoïaque. Qu’ils fussent des ailuranthropes n’a jamais pesé dans la balance et pour être franc, je ne sais presque rien d’eux. Quel est le problème avec les ailuranthropes, de toute façon ?

— Grossièrement, la plupart sont lourdement impliqués dans le monde du crime, expliqua Haslush. Vol, cambriolage et espionnage, généralement, mais parfois même l’assassinat. Leur forme alternative est naturellement faite pour ce genre d’activités, après tout. Les chats sont minuscules, furtifs et ce sont des animaux dont la présence n’est jamais notable en elle-même. Combien de nouveaux chats, que tu n’as jamais vu avant, croises-tu dans la semaine ?

— Un paquet.

— Exact. Dans une grande ville comme celle-là, les chats inconnus sont légion. Peu des choses les menace à part les humains et la plupart des humains ne cherchent pas à les blesser sans raison. En plus de ça, les métamorphes possèdent certains traits de leur forme alternative même lorsqu’ils sont sous forme humaine, et les ailuranthropes sont concernés par la vision nocturne, un odorat particulièrement développé, une agilité et un équilibre un peu trop parfaits et pas mal d’autres bénéfices.

— Je suis toujours un peu surpris qu’on les laisse être si actif dans le monde du crime, s’étonna Zorian. On pourrait penser que la flexibilité pure des mages employés par les force de police leur permettraient de faire taire pour de bon quelques métamorphes du genre, peu importe leurs compétences.

— Ah, mais tu pars du principe qu’ils travaillent seuls, ce qui n’est pas du tout le cas. Ils sont, toutes choses affirmées, les métamorphes les plus assimilés de tous. Ils vivent dans les villes et les villages parmi les gens normaux et sont virtuellement indiscernables d’un humain normal sur une simple observation. Tout ce qu’un être humain normal est capable de faire, ils le peuvent aussi – en particulier, ça signifie qu’ils n’ont aucun souci à apprendre la magie. Merde, leurs liens avec le monde du crime leur permettent même de mettre la main sur de nombreuses choses introuvables par un mage honnête, comme des rituels d’amélioration permanente ou des sorts illégaux permettant d’échapper à la surveillance et influencer les gens…

— Possédez-vous la moindre preuve vous permettant d’affirmer que Rea et sa famille étaient des ailuranthropes ? fit Zorian en fronçant les sourcils. Peut-être suis-je trop naïf mais ils ne m’avaient pas l’air malhonnêtes. Peut-être n’étaient-ils pas des criminels ?

— Ils l’étaient, acquiesça Haslush. Et chaque ailuranthrope que tu pourrais croiser te donnerait l’impression qu’il fait partie de ce monde louche. En considérant ce qui est arrivé, je doute que cette famille fût un parfait contre-exemple.

Une demi-heure plus tard, le détective décida qu’il avait appris tout ce qu’il pouvait de la part de Zorian et le renvoya chez lui. Au lieu de rentrer, cependant, Zorian resta. Une fois qu’il eût confirmé qu’Haslush ne retournait pas sur la scène de crime, il s’y infiltra furtivement afin d’y trouver des preuves plus concrètes. Deux gardes devant la maison mais personne à l’intérieur. Parfait. Zorian n’osa pas pénétrer en personne de peur qu’une alarme dans le bâtiment ne notifiât la police des intrusions mais créer un œil ectoplasmique et l’envoyer sur la scène de crime ne provoqua rien de la sorte – aussi ferma-t-il les yeux et laissa son invocation jeter un œil à sa place.

Les corps de Rea et Sauh étaient évidemment absents mais il ne fut pas très difficile de deviner où chacun d’eux avait péri grâce aux traces de sang. De façon tragique, Rea semblait avoir été tuée devant la chambre de sa fille tandis qu’elle tentait d’empêcher les intrus d’y entrer. Elle ne tomba pas sans se battre – les corps des deux mille-pattes géants, que la police avait décidé de laisser sur place pour une raison obscure et étrange, étaient éparpillés dans le couloir entier. Démembrés. Ils avaient été démembrés, leurs corps arrachés en plusieurs endroits par quelques puissantes attaques tranchantes. Au bout du compte, ça n’avait pas suffi : la porte de la chambre de Nochka était explosée, la seule porte de la maison qui avait été traitée de façon si radicale, son lit retourné et la fillette elle-même n’était plus là.

Zorian avait nourri un quelconque espoir que, peut-être, Nochka s’était transformée en chat pour s’enfuir dans la nuit mais ça n’en avait pas l’air. Il était plus qu’évident désormais qu’elle avait été emmenée par les intrus, pour une raison qui le dépassait.

Une demi-heure plus tard et après n’avoir rien trouvé de notable, il était prêt à déclarer forfait et rentrer chez Imaya. En passant, il fouilla à nouveau l’endroit où était tombée Rea, par acquis de conscience, et remarqua quelque chose d’intéressant sur l’une des têtes tranchées des monstres – légèrement gravé dans la chitine de l’une des sections avant de la bête se trouvait un symbole plus que familier : un cercle doté d’un pictogramme ikosien archaïque représentant un cœur. Ce n’était pas le symbole officiel utilisé par l’Odre du Dragon Esotérique, mais il s’agissait là d’un des nombreux signes secrets que les cultistes de plus bas rang utilisaient pour signaler aux autres membres leur appartenance au culte.

Après avoir inspecté le reste des morceaux de monstre et échoué à découvrir quoi que ce fût d’autre, Zorian laissa l’œil se dissoudre et s’en alla. Ainsi, sa suspicion initiale était fondée – ce n’était pas un quelconque commerçant de l’ombre revenu hanter Rea et Sauh à cause d’une histoire dans laquelle ils auraient trempé, c’était lié aux envahisseurs. Zorian n’avait bien sûr aucune idée du comment, mais il savait où il pourrait le découvrir.

Le Culte du Dragon allait recevoir bien plus de visites de sa part dans les jours à venir.

 

___

 

Après ce jour, le programme quotidien de Zorian changea drastiquement. Kirielle perdit tout intérêt pour la magie et ne suivait plus les cours qu’il avait organisés pour elle et il décida de se libérer du temps en ne suivant plus le groupe de Taiven dans les souterrains et en ne se rendant plus à la majeure partie des cours de l’académie. Il passa le plus clair de son temps à planifier et exécuter des attaques sur les membres connus du Culte du Dragon du Dessous pour tenter de découvrir ce qu’ils avaient fait de Nochka. Il les attaqua sans relâche, frappant un à deux endroits par jour, et fouilla sans pitié la mémoire de tous les ennemis tombés face à lui.

Il apprit des choses intéressantes, ce faisant. Par exemple, tandis que Sudomir Kanderi, le maire de Knyazov Dveri, était bien un membre du culte, il possédait un esprit très indépendantiste… au point que le culte le trouvait dérangeant. Ils semblaient n’avoir aucune idée qu’il tuait les mages de l’âme autour de sa ville, pas plus qu’il n’avait le moindre lien avec les Ibasiens pour ce qu’ils en savaient – l’homme promettait de fournir des hordes de becs de fer et de loups hivernaux au Culte du Dragon du Dessous, pas aux envahisseur d’Ibasa. Zorian supposa qu’il pouvait bien être en contact avec ces derniers de sa propre initiative, mais il était tout aussi possible que tuer les mages de l’âme était une affaire personnelle. Ce qu’il espérait accomplir en les faisant disparaître, Zorian ne pouvait que le deviner.

Il découvrit également des caches de ressources d’urgence que le culte avait disséminées à travers la ville, son sous-sol et les villages alentour. Elles avaient toutes l’air très… volables. Il se laissa une note – une vraie note écrite puisqu’il pouvait effectivement stocker ça dans son esprit – lui rappelant de chercher dans ces caches lors d’une future boucle pour voir s’il y avait là quoi que ce fût d’intéressant à vendre pour se faire de l’argent rapide.

Pour ce qui était de localiser Nochka, cependant, les résultats étaient largement mauvais. Il parvint à retrouver le groupe qui l’avait fait enlever mais ils n’avaient fait que suivre des ordres et l’avait depuis longtemps léguée à un autre groupe. Il retrouva ce groupe également, mais pas de Nochka et ils ne savaient pas entre les mains de qui elle était désormais. Il plongea profondément et avec agressivité dans leurs souvenirs, dépeçant leur esprit au-delà de toute réparation, tout ça en vain – l’homme à qui ils avaient donné Nochka était un parfait inconnu à leurs yeux, un membre haut placé du culte qu’ils ne connaissaient pas ; et ils n’avaient absolument aucune idée de l’endroit où elle pouvait avoir atterri.

Pour dire vrai, Zorian suspectait déjà depuis longtemps que ce kidnapping avait été le but principal de l’attaque et cette découverte ne fut pas une énorme surprise. Le fait que l’ordre vînt du sommet de la hiérarchie signifiait qu’ils considéraient Nochka d’une importance critique. Ils ont également dit aux deux groupes qu’elle devait être livrée en vie et intacte, interdisant tout abus sous peine de mort ou pire, ce qui semblait également plutôt étrange. Pourquoi ? Pourquoi voulaient-ils la fillette en vie à ce point, et pourquoi sa santé était-elle si importante ?

Il suspectait la réponse de se trouver quelque part en ligne derrière Elle est leur sacrifice pour l’invocation du Primordial. La conjuration de démons impliquait souvent des meurtres rituels et il ne serait pas surprenant si éveiller un Primordial relevait du même genre de conditions. Pourtant, pourquoi elle en particulier ? Parce qu’elle était une métamorphe ? Les cultistes se référaient au Primordial par – entre autres noms – Celui à la Chair Changeante, ce qui pouvait indiquer une capacité à changer de forme. Mais il y avait d’autres métamorphes en ville. Même des chats.

Il n’irait pas au fond des choses avant la fin de la boucle en court. S’il avait eu une semaine de plus, peut-être, mais la fin du mois approchait rapidement et le culte devenait de plus en plus paranoïaque à cause des attaques dont ils étaient la cible. Ils avaient même déjà tenté de lui tendre un piège la dernière fois qu’il avait tenté de les attaquer et seule sa capacité à lire les pensées de surface sans se faire détecter lui avait permis d’éviter de tomber dans un guet-apens où il se serait fait tuer. Il n’allait pas en apprendre davantage de leur part durant les deux jours qui restaient avant le festival.

Bien que, aussi horrible pût être l’enlèvement de Nochka, il pouvait lui servir grandement, tant qu’il se produisait de façon prévisible à chaque fois. S’il pouvait placer un traceur sur la fillette, elle pourrait le conduire directement aux plus hauts échelons du culte, vers ceux qui restent dans l’ombre et qu’il n’avait jamais réussi à dévoiler jusqu’alors. Et puis, si elle était vraiment destinée à être sacrifiée comme il le supposait, elle pourrait même le conduire à l’endroit exact où le culte prévoyait de pratiquer leur saloperie de rituel, ce qui pourrait s’avérer être une clé majeure pour comprendre les actions du culte – et peut-être même la boucle elle-même.

Il allait devoir attendre et observer les choses se dérouler dans la boucle suivante.

 

___

 

— On peut parler ?

Zorian leva les yeux du roman qu’il lisait et observa Kirielle, actuellement debout sur le pas de la porte, nerveusement agrippée au cadre en bois. Étrange. Kirielle était vraiment seule et asociale depuis la disparition de Nochka et ne l’embêtait presque plus jamais, alors la voir approcher de la sorte était quelque peu inattendu.

— Bien sûr, acquiesça-t-il facilement.

Il ne faisait rien d’important, de toute façon. Il était supposé organiser ses notes afin d’en enregistrer les schémas dans son esprit mais il avait simplement remis ça à plus tard et avait décidé de lire un roman quelconque pour se détendre un peu. Il pouvait bien accorder du temps à sa petite sœur.

Elle courut vers lui et avant qu’il pût lui dire de s’arrêter, elle lui sauta dessus. Il tomba en arrière, sur son lit, et se retrouva d’un seul coup dans une situation extrêmement familière.

Putain, Kirielle, j’ai assez de ça au début de chaque boucle ! pensa-t-il tout en se forçant à ne pas donner voix à sa réaction intérieure – Kirielle était déjà assez secouée, il n’avait pas besoin de s’en prendre à elle alors qu’elle venait de décider de s’ouvrir un peu.

— Où sont tes chaussures ? lui demanda-t-il plutôt. Ne me dis pas que tu te promènes encore une fois pieds nus ?

KIrielle baissa les yeux vers ses pieds et les releva d’un air coupable.

— Allez, ne sois pas comme maman, Zorian. Je ne l’ai fait qu’une seule fois.

— Tu le fais, actuellement, fit-il remarquer.

— Ok, deux fois, dit-elle en se mettant à bouder.

Il plaça un marque-page dans son livre, le posa de côté, la poussa de côté et s’assit. Elle l’imita aussitôt en prenant place au bout du lit. Ils restèrent assis comme ça, dans un mutisme oppressant, Kirielle secouant ses pieds nus et regardant ses orteils comme s’ils possédaient toutes les réponses du monde.

— Je suis désolée, finit-elle par lâcher.

— Hein ? Pour quoi es-tu désolée ? s’étonna Zorian.

— D’être si difficile.

— Difficile ? demanda Zorian, incrédule.

Il scruta les abords de l’esprit de sa sœur l’espace de quelques secondes et découvrit qu’elle pensait à leur mère. Ugh, ouais, ça ressemblait bien à un truc que leur mère aurait pu dire. Elle n’avait jamais vraiment beaucoup pleuré. Une des choses qu’elle aimait chez lui lorsqu’il était enfant, c’était le fait qu’il ne pleurait pas beaucoup non plus.

— Kiri, tu as perdu ton amie. C’est normal d’être triste. Tu n’es pas du tout difficile.

— Mais tu m’as évitée toute la semaine, marmonna-t-elle.

— Je ne t’évitais pas, rectifia-t-il, stupéfait qu’elle pût même penser ça. Je… te donnais simplement un peu d’espace afin de pleurer en paix. Tu vois ? D’ailleurs, j’étais…

Elle leva les yeux vers lui d’un air curieux parce qu’il s’était arrêté en plein milieu de sa phrase.

— Tu étais quoi ?

Devait-il le lui dire ?

— Je tentais de retrouver Nochka, admit-il finalement.

— Tu étais… comprit-elle, les yeux écarquillés… Est-ce que… Tu aurais dû me le dire !

— Je ne voulais pas te faire espérer pour rien, expliqua-t-il.

— J’espérais dans tous les cas, dit-il en serrant les draps de ses petits poings.

Il passa un bras autour de ses épaules et l’attira contre lui. Elle était toujours tendue mais se décontracta petit à petit et finit par lui rendre son étreinte.

— Je ne l’ai pas trouvée, avoua-t-il au bout d’un moment.

— Eh bien, naturellement, dit-elle comme s’il s’était agi de la chose la plus évidente du monde. Mais tu as essayé. Tu savais que tu ne la retrouverais probablement pas et tu es quand même parti à sa recherche. Tu n’as pas pleuré et traîné dans la maison à longueur de journée comme je l’ai fait.

— Kiri, tu as neuf ans, soupira Zorian. Que voulais-tu faire d’autre ? Tu es bien trop dure avec toi-même.

Elle n’y trouva rien à répondre. Au bout d’un moment, il décida de simplement passer un peu de temps à jouer aux cartes avec elle et de la féliciter pour ses dessins, ce qui finit par la remotiver un peu et il classa ça dans une des meilleures idées qu’il avait eues. Un de ces jours, une fois qu’il aurait suffisamment maîtrisé le sort d’altération qu’il utilisait pour transférer ses notes mentales sur papier, il rassemblerait certains de ses chefs-d’œuvre dans un livre et les copier pour la boucle suivante. Lui montrer les dessins qu’elle n’avait pas encore faits allait certainement être très amusant.

 

___

 

Plus tard ce soir-là, Zorian décida qu’il avait donné à Kael suffisamment de temps pour résumer ses expériences de dernière minute et descendit au sous-sol pour récupérer le dernier des calepins promis par le Morlock. La porte était déverrouillée et Zorian entra simplement en la refermant derrière lui.

Lorsque la porte cliqueta en se refermant, Zorian sentit les sons de toute la maison s’évanouir, la barrière d’intimité placée sur la cave la rendant totalement hermétique aux sons, parmi tant d’autres choses. Les mesure de ce genre faisaient apparemment partie de l’ensemble standard utilisé par l’académie pour sécuriser leurs ateliers et avaient été ajouté automatiquement à la cave de la maison lorsque Kael avait demandé à ce qu’elle soit transformée en atelier d’alchimie… Une chose qui se trouvait être très pratique dans des moments comme celui-là, Zorian n’ayant pas besoin de passer des heures à sécuriser la pièce à chaque fois qu’il désirait parler à Kael d’un sujet sensible.

— Tu as terminé ? demanda-t-il.

Kael l’ignora pendant un moment, les yeux rivés sur une page du livre devant lui. Il finit par secouer la tête et le repousser en se massant les yeux.

— Oui, j’ai fini, dit-il en désignant le calepin placé au-dessus d’une grande pile de livres. Il est là. Tout est prêt de ton côté ?

— Presque, fit Zorian. Je dois toujours écrire quelques trucs que j’ai découverts aujourd’hui.

Kael leva les sourcils.

— Je pensais que tu avais dit que tu ferais une pause avec les cultistes pour la journée ?

— Je l’ai fait, précisa Zorian. Ce qui ne veut pas dire que n’ai absolument rien fait.

— Oh ?

— Techniquement, je réfléchissais aux protections et comment les cultistes de haut rang vivaient dans des maisons gardées, une plaie à infiltrer et je songeais à la manière d’accélérer le processus. Et je me suis souvenu qu’il existait non seulement déjà un outil pour ça au marché noir, mais que je sais où me le procurer gratuitement. Les Aranea avaient volé un analyseur de barrière de l’un des envahisseurs un peu avant le début de la boucle et l’objet est sûrement encore quelque part dans leur colonie en ruines.

— Tu as dit que tu n’aimais pas y aller.

— C’est vrai, soupira Zorian. Cet endroit est… trop plein de mauvais souvenirs. Et les corps des Aranea sont littéralement éparpillés un peu partout, alors il est compliqué de s’y rendre sans se rappeler de ce fiasco qui les a vu disparaître.

— Je pense toujours qu’elles ont été éjectées de la boucle plutôt que… enfin, leurs âmes n’ont pas été détruites, dit Kael. Je suis d’accord avec ce que d’autres t’ont dit, les âmes sont indestructibles. Il y a un truc.

— Oui, eh bien, le voyage temporel est impossible également, remarqua Zorian. Même si j’espère que tu as raison, je l’avoue. Mais laissons ça de côté pour l’instant, le souci, c’est que j’y suis allé pour dégoter cet analyseur de barrière… et que je ne l’ai pas trouvé.

— Et donc ? demanda Kael.

— Alors ça veut dire que soit quelqu’un l’a déjà pris, soit qu’il existe une espèce de partie secrète dans le complexe Aranea que je ne connais pas. Et franchement, je songe plutôt à ça. Quand on y pense un peu, le vide absolu du campement Aranea était très suspect… La Toile cyorienne était très riche et possédait certainement un trésor conséquent. La matriarche sous-entendait parfois qu’elles possédaient un genre de stockage empli d’objets à échanger, ce genre de choses… Mais je n’ai jamais rien vu de tel en allant inspecter le campement, probablement parce que j’étais mal à l’aise et pressé de partir.

— Tu penses qu’il y a encore quelque chose d’important ?

— Relatif à la boucle temporelle ? Non, probablement pas, admit Zorian. Mais j’ai besoin de tout avantage que je puisse avoir sur Robe Rouge, et il pourrait y avoir plein de choses utiles là-bas. Qui sait ce que les Aranea ont amassé au bout de toutes ces années ?

— C’est vrai, acquiesça Kael en se levant de son siège, faisant craquer les os de son dos par la même occasion. Bon, je suis épuisé. Je pense aller dormir un peu, maintenant. Y a-t-il autre chose dont nous devons parler ?

— Rien à quoi je puis penser, dit Zorian en secouant la tête.

— Je vois. Pour que le sache, j’emmènerai Kana en voyage vers un village voisin le jour du festival. Je ne veux pas vraiment me trouver à Cyoria quand l’invasion commencera et je ne suis encore moins d’avis de laisser Kana se faire happer par cette situation.

— Je comprends.

— Alors j’en suis ravi. Si tu veux, je peux emmener Kirielle avec moi. Je sais qu’elle agonise sans trop savoir que faire depuis un moment.

— Ouais, acquiesça Zorian. Je ne veux pas la laisser seule pendant l’invasion mais en même temps, j’ai besoin de pouvoir me déplacer librement pour découvrir ce que devient l’invasion elle-même après tous ces changements. Tu penses qu’elle va accepter de t’accompagner ?

— Je ne sais pas, ça dépend de toi, je suppose, fit Kael en haussant les épaules. Je ne peux que le proposer.

— Bien, bien, je vais lui en parler, soupira Zorian. Je sens déjà que ça va être une discussion adorable…

— Préviens-moi de ce que vous aurez décidé, avant demain soir, dit Kael.

Et ainsi, le mois était presque terminé. Le lendemain, il allait voir comment les envahisseurs allaient attaquer la ville, cette fois.

 

___

 

Zorian jeta un regard sur ses affaires, tentant de se souvenir s’il avait oublié quelque chose de crucial dans sa précipitation de finir les préparations à temps. Il ne put rien trouver de notable mais ç’aurait bien été lui d’oublier un truc super évident en s’inquiétant pour les menus détails.

Il avait toujours plusieurs heures à perdre jusqu’au début de l’invasion, cela dit, et il laissa ses préparations de côté pour l’instant pour quitter sa chambre afin de trouver un passe-temps. Se souvenant qu’Imaya conservait un tas de livres exotiques dans sa bibliothèque, il se mit à fouiller parmi les étagères pour y dégoter un bon livre sur lequel passer quelques heures. Il trouva Imaya déjà là, en train de regarder sa collection avec un air d’adieu.

— Miss Kuroshka ? demanda-t-il prudemment à cause des sentiments étranges qu’il recevait grâce à son empathie. Tout va bien ?

— Hm ? marmonna-t-elle avant que son cerveau ne rebranchât les fils et qu’elle notât pleinement sa présence. Oh, Zorian. Tu es là depuis longtemps ?

— Je viens d’arriver. Je cherchais un livre pour passer le temps, mais…

— Ne t’inquiète pas, soupira-t-elle. Je suis simplement perturbée par le calme soudain dans la maison. C’est une sensation si… solitaire.

— Huh. Je pensais que vous seriez heureuse d’avoir un peu de paix, pour changer.

— Je pense, renifla-t-elle, que tu projettes un peu trop ta propre attitude, là, non ?

— Probablement, admit Zorian, qui avait toujours aimé l’espace autour de lui, qui aurait probablement accueilli une telle situation avec bonheur à sa place. Mais Kael et les filles sont partis pour une journée à peine, alors ce n’est pas un gros problème. Vous auriez pu les accompagner, vous savez ?

— Je sais. Mais s’il y a vraiment une rébellion pendant le festival, comme tu le prétends, je ne veux pas laisser la maison aux vandales. C’est… C’est la seule chose qu’il me reste.

— Oh…

— Désolée, j’étale un peu mon intimité, là, sourit-elle. Y a-t-il un livre particulier que tu cherch –

Elle fut interrompue par quelqu’un qui frappait lourdement à la porte. Imaya et Zorian levèrent leurs sourcils de concert – apparemment, ni l’un ni l’autre n’attendait de visite à cette heure. La plupart des gens se préparaient doucement pour l’arrivée du festival… Imaya se hâta d’aller à la porte pour voir de qui il s’agissait.

Il y eut un bref silence durant lequel Imaya eût un bref échange avec quiconque se trouvait à la porte, après quoi elle appela Zorian à les rejoindre.

— Zorian, ton rendez-vous est là ! cria-t-elle.

— Mon rend… Quoi ? bafouilla-t-il sans croire à ce qu’il entendait ; comment… Alors qu’il n’avait pas… Il se rendit compte de l’heure. Conscient de la seule personne au monde qui pouvait être là si longtemps à l’avance, il n’osa y croire.

…Elle n’avait pas osé ?

Mais oui, elle avait totalement osé. Comme il arrivait devant la porte pour voir de quoi il s’agissait, le visage crispé d’Akoja l’accueillit.

— Salut, Ako, dit-il platement. Quelle surprise de te voir ici. Je suppose qu’Ilsa est derrière tout ça ?

— Je… oui, hésita-t-elle, son sang-froid brisé l’espace de deux secondes. Miss Zileti m’a dit de t’accompagner au bal, comme ni toi ni moi n’avions de partenaire.

N’était-ce pas intéressant… ? Comment diable Ilsa avait-elle fait pour apprendre ça ? Oui, Zorian était libre pour la soirée, et il n’avait bel et bien aucune intention de s’y rendre, voilà pourquoi ! Elle n’aurait jamais dû s’en douter ! Zorian ne l’avait jamais dit à personne, et n’avait pas sous-entendu la chose à… Ah. Il l’avait sous-entendu en parlant avec Imaya. Bordel.

Il jeta un œil à cette dernière, un œil mauvais, avant de se concentrer à nouveau sur Akoja. C’était assez loin du plan prévu. Il était supposé errer dans la ville, observer les envahisseurs en action et noter les changements dans leurs tactiques par rapport à ce qu’il connaissait d’eux, changements résultant de la destruction des Aranea et la mort de ce groupe de malheureux mercenaires.

Parfois, il haïssait son empathie. Sans elle, il n’aurait jamais su à quel point ça comptait pour Akoja d’y aller avec lui, et à quel putain de point elle serait dévastée s’il l’envoyait paître.

— Nous avons encore plusieurs heures avant de devoir nous y rendre. Entre et attends avec Imaya le temps que je termine quelques trucs urgents en ville, dit-il.

— Quoi ? ne comprit-elle pas, confuse, tandis que Zorian la força à entrer et sortit lui-même à l’extérieur. Attends, tu ne peux pas juste –

Zorian ne la laissa pas terminer sa phrase et se téléporta rapidement pour laisser le flambeau de téléportation de la ville le happer pour le déposer au point d’accès de téléportation. Il avait des tas de choses à faire, et si peu de temps pour y arriver…

 

___

 

— Pourquoi étais-tu si pressé, tout à l’heure ? demanda Akoja tandis qu’ils avançaient lentement vers l’académie.

Elle était étonnamment calme et polie, toutes choses considérées. Zorian s’était imaginé qu’elle serait encore plus vindicative envers lui après son départ inopiné, plus tôt dans la soirée.

— J’avais quelque chose de vraiment important prévu avant que tu n’arrives. Je devais m’occuper d’une affaire particulière lorsque tu es arrivée, expliqua Zorian. J’ai annulé certaines obligations et ajusté certaines autres.

Spécifiquement, il avait placé des pierres de marquage à divers endroits de la ville pour rendre l’espionnage plus facile. Regarder les forces ennemies se déplacer dans la ville entière n’était pas la même chose que prendre quelques groupes isolés en embuscade et percer leurs esprits, mais au moins, c’était un début.

Peut-être était-ce mieux ainsi. Son plan original était bien plus ambitieux. Peut-être trop

Comme ils parlaient, Akoja lui parla de la façon dont le reste de la classe réagissait aux changements. C’était essentiellement un bavardage sans intérêt, bien qu’il lui rappelât qu’il n’avait pas prêté attention à ses camarades depuis ; il y avait tellement à faire dans cette boucle en particulier qu’ils étaient un peu passés à la trappe. Considérant qu’une des choses qui avait motivées son retour à Cyoria était la possibilité de leur reparler, c’était quelque chose qu’il allait devoir faire dans un futur proche.

La nuit se passa bien plus agréablement que la dernière fois qu’il avait accompagné Akoja au bal – elle semblait être bien plus respectueuse et inquiète de ses besoins et souhaits, bien que Zorian ne put comprendre pourquoi, dusse sa vie en dépendre. D’une certaine façon, il s’était montré encore plus maladroit avec elle qu’il l’avait été à l’époque, et pourtant… une fois les feux illuminant le ciel, il s’écarta d’elle subrepticement et entreprit d’espionner la ville en quête d’informations.

Le barrage initial des sorts d’artillerie était différent, cette fois. Tandis que l’ancien ciblait spécifiquement des bâtiments d’importance critique dont la destruction était calculée afin de semer le chaos et paralyser les forces de polices, leur empêchant d’organiser une défense convenable à temps, le nouveau barrage souffrait… d’un douloureux manque d’inspiration. Oh, ils prirent malgré tout le poste de police central pour cible, ainsi que la mairie et quelques autres lieux évidents, mais les bâtiments gouvernementaux et les armureries étaient toujours intactes. En fait, bon nombre de ces feux semblaient avoir été lancés au hasard complet, démolissant de banals quartiers résidentiels et autres appartements tout à fait civils – quelque chose qui allait bien sûr faire beaucoup de morts pendant l’invasion mais était questionnable sur le plan stratégique. Bizarrement, chaque temple de la ville était la cible d’une retombée – Zorian n’avait aucune idée de ce qu’essayaient d’accomplir les envahisseurs ce faisant, et ce n’était définitivement pas une chose qu’ils avaient faite lors des attaques dont il se souvenait.

Les combats au sein de la ville étaient plus sauvages qu’avant, également. En partie parce que les défenseurs étaient bien plus aptes à réagir cette fois, courtoisie du choix incapable des attaquants lors de la frappe initiale, mais pas uniquement. Les forces de l’envahisseur semblaient bien moins coordonnées que dans ses souvenirs. Elles se déplaçaient bien moins efficacement à travers la ville alors qu’il les avait toujours vues courir d’un objectif vers un but, le tout avec une précision militaire. L’ennemi s’écartait même parfois de ses cibles pour semer le chaos sans raison apparente dans les quartiers voisins. C’était arrivé dans le passé également, mais jamais en de telles proportions.

Quant à l’attaque initiale sur l’académie, les attaquants choisirent leur course d’actions aussi inefficacement qu’ailleurs. Le nouveau barrage de sorts cibla directement les bâtiments de l’académie au lieu de chercher à atteindre les moins protégés dortoirs et autres bâtiment de support comme il l’avait toujours fait. En conséquence de quoi les feux s’étalèrent simplement sur les lourdes barrières protégeant les complexes principaux comme des œufs sur un rocher, en ne provoquant pour ainsi dire aucun dégât. L’absence du besoin d’aide des zones périphériques de l’académie permit aux professeurs de conserver leurs forces et d’organiser l’évacuation du corps étudiant et des employés civils bien plus efficacement qu’avant.

C’était marrant, il avait pensé que l’académie se montrait profondément incompétente sur le plan de l’organisation en ne faisant que mener les étudiants vers des abris souterrains qui leur servaient de tombeau, spécialement en les faisant passer en terrain découvert où ils étaient plus qu’exposés. Mais l’académie n’avait plus l’air si stupide, désormais. L’évacuation se passa sans le moindre heurt et personne ne les attaqua lorsqu’ils furent fourrés dans les abris.

Zorian était plutôt sûr, à ce moment, qu’il observait ce à quoi l’invasion ressemblait vraiment – ce qui aurait dû se passer sans la boucle temporelle, si Robe Rouge ne leur avait jamais fourni la moindre aide. Quand il y réfléchissait bien, la plupart de leurs erreurs pouvaient être attribuées au manque d’information et à l’incapacité de contourner les défenses-clés, soit parce qu’elles étaient verrouillées et qu’ils ne savaient pas les désactiver ou parce que les défenseurs savaient comment réagir trop rapidement.

Il semblait bien que Robe Rouge avait abandonné l’ennemi pour cette boucle en particulier, du début à la toute fin. Était-ce une occurrence isolée ou avait-il soudain décidé de ne plus interférer dans cet affrontement ?

Ses interrogations furent interrompues par Ila, qui revint des abris pour demander à tout étudiant capable de combattre de l’accompagner pour défendre l’académie. Grâce à ses participations exemplaires aux chasses aux monstres dans le groupe de Taiven, Zorian était inclus dans ce beau monde et il se leva du sol sur lequel il était assis pour rejoindre le groupe qui suivait Ilsa à l’extérieur. Là, il vit ce qui inquiétait tant Ilsa qu’elle en eût recruté des élèves pour aider les défenseurs – les envahisseurs s’amassaient à l’extérieur des barrières de l’académie, se préparant pour un assaut concentré. Des régiments entiers de trolls de guerre, de loups hivernaux et de squelettes trépignaient en attendant le moment fatidique, supportés par des mages qui les contrôlaient ainsi que des nuées et des nuées de becs de fer. Il y avait également, de façon plus notable, dans le ciel, deux drakes mêlés aux centaines de corvidés qui volaient au-dessus de deux lézards épais et immenses, parqués au-devant de ce qui était pour eux une armée miniature.

— Des lézards-tonnerre, expliqua Ilsa sur un ton qui exprimait une forme de désastre attendu. Immensément solides et très destructeurs. Ils peuvent cracher des arcs électriques en ligne droite, alors ne tentez pas de les combattre de front. D’ailleurs, à moins d’y être forcés, ne tentez pas tout court.

Adorable. Zorian n’avait jamais vu ces bêtes dans les boucles précédentes. Peut-être était-ce un atout qu’ils n’avaient jamais ressenti le besoin d’amener sur le champ de bataille parce qu’ils avaient toujours écrasé leurs ennemis sans leur aide ?

Mais il n’était plus temps de se poser ce genre de questions. Bien que leurs préparatifs fussent incomplets pour une attaque de cette envergure, le commandant de la horde monstrueuse urgea ses forces de préparer la charge. Il ressentait possiblement qu’attendre le rassemblement du reste de son armée eût été un mauvais choix face à des défenses qui se rassemblaient et s’organisaient à leur tour, ou peut-être était-il tout bonnement impatient. Mais de l’un ou l’autre ne ressortit qu’une conséquence, les lézards-tonnerre s’élancèrent au-devant d’une charge implacable.

Zorian savait qu’il ne pouvait offrir qu’une aide très limitée en se contentant de participer à quelques barrages de sorts offensifs avec les autres. Et il avait une meilleure idée, de toute façon. Se concentrant sur les deux lézards géants, il sentit leur esprit archaïque et se délecta de leur résistance magique bien moindre que dans ses craintes initiales. Il suspectait que ce pût être le cas – les envahisseurs les contrôlaient probablement grâce à la magie mentale, après tout, et il était logique que ces bêtes n’y fussent pas résistantes du tout. Mais quoi qu’il en fût, ça signifiant qu’il pouvait les manipuler. Pas au point de les diriger comme des marionnettes, mais suffisamment pour les convaincre de ne pas attaquer.

Et bien sûr, quand les lézards arrivèrent à proximité des barricades improvisées que les professeurs avaient sorties du sol par altération, ils ouvrirent leurs immenses gueules dentées et tentèrent de vaporiser défenses et défenseurs à l’aide de puissants souffles électriques. Zorian se saisit du contrôle des monstres et les força à tourner la tête l’un vers l’autre, les forçant à stopper leur charge, deux imbéciles grognant et se hurlant l’un sur l’autre, trop idiots pour réaliser que leur geste avait été initié par une influence externe. Zorian sauta sur l’opportunité pour amplifier cette colère naissante faiblement mêlée à un sentiment territorial que l’un provoquait chez l’autre et les poussa à aller au bout de cet instinct. Tous deux se hâtèrent de charger l’un sur l’autre pour se percuter dans une secousse à faire trembler des montagnes. Le combat à mort était engagé.

Pour leur crédit, le reste des forces de l’envahisseur se contenta de contourner les deux béhémots sans s’en soucier, peu enclins même à accorder un simple regard à leur échec.

La bataille était engagée.

 

___

 

Zorian observait le champ de bataille où les corps jonchaient et s’empilaient, plus qu’un peu confus. Il avait participé à son lot de batailles et de combats depuis qu’il avait été introduit dans la boucle temporelle, mais jamais rien de tel. Le combat était rapidement devenu plus chaotique que les enfers, et ce, dès lors que les deux puissances en présence étaient entrées en contact. Même maintenant, alors que tout était terminé, Zorian n’était toujours pas sûr de ce qu’il s’était passé exactement.

Ils avaient gagné à la fin, oui, en repoussant l’envahisseur – les mages avaient décidé de fuir une fois que la majeure partie des monstres qu’ils contrôlaient s’étaient fait tuer – mais Zorian regardait les corps de ses alliés avec amertume. Ils avaient perdu bien plus de monde qu’il ne l’avait imaginé au départ. Lui-même s’était fait encercler par une meute de loups hivernaux, à un moment donné, et n’avait survécu que grâce aux cinq baguettes d’explosion qu’il avait réussi à emmener au bal en les dissimulant sous ses vêtements. Enfin, ça et l’arrivée parfaite de Kyron qui menait des renforts afin de repousser les attaquants.

Lorsque quelqu’un fit lourdement claquer une main sur son épaule, il sursauta, effrayé, balançant presque un missile perceur par reflexe pour éclater la tête de quiconque venait de l’attaquer. Il se ravisa juste à temps en réalisant qu’il s’agissait de Kyron.

— C’est toi qui t’occupait des monstres les plus costauds pendant tout le combat, n’est-ce pas ? lui demanda son professeur de magie de combat.

— Ouais, fit Zorian en haussant les épaules, ne voyant pas l’intérêt de garder le secret à quelques minutes à peine de la fin de la boucle. J’ai jugé que c’était le moyen le plus efficace de contribuer à la bataille et j’en étais capable.

— Eh bien, ce drake volant aurait grillé la pauvre Nora vivante si tu ne l’avais pas, je ne sais comment, forcé à se poser d’un seul coup. Alors merci, pour ça. Mais j’aimerais que nous discutions un jour de la façon dont tu as réussi à faire ça et de tes limites… Je me demande…

— Ah, renifla Zorian. Il est bien trop tard pour ça, je le crains.

— Oh ? s’étonna Kyron, un mélange de curiosité et de méfiance dans la voix.

— Oui, confirma Zorian en consultant sa montre. J’ai peur que cette boucle soit sur le point de laisser sa place à la suivante.

Kyron le fixa, l’air absent, pendant quelques secondes avant d’ouvrir la bouche. Avant qu’il pût prononcer le moindre mot, tout devint noir et Zorian s’éveilla à Cirin, prêt à commencer le mois, frais et reposé.

Raka
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