MoL : Chapitre 69 Bonus

MoL : Chapitre 68
MoL : Chapitre 70 Bonus

Encore un chapitre bonus de MoL, offert par Shivenem. On va adorer la baston, et on va adorer… leur récompense. Et on va adorer l’impudence de Zorian à la fin, qui n’en a plus rien à foutre de règles de bienséance 😀

 

Jour 20/31 des soldes !
Je vous rappelle les termes du contrat :

MoL : 50 € / chapitre
EER : 25 € / chapitre

Et vous souhaite une excellent lecture 🙂

Chapitres en attente :

EER : 3
MoL : 1

 

Chapitre 69 — Ruines

 

Zorian put instantanément dire que l’hydre en face d’eux n’était pas normale. Tout d’abord, elle était trop grosse. Il n’était pas expert en hydres, mais il savait que même les plus grosses ne devait pas dépasser les dix mètres de long, alors que celle-là mesurait au moins le double, si ses têtes étaient d’une quelconque indication. Et puis il y avait la façon dont elle avait tout à coup surgi dans son champ de détection, apparue de nulle part. Il n’aurait jamais pu manquer un truc de cette envergure, même en survolant la zone rapidement, et il avait effectué une analyse détaillée du cénote. L’esprit qu’il ressentait était l’une des choses les plus distinctes que ses sens avaient vues depuis son entrée dans la jungle, et il aurait été incapable de ne pas y prêter attention. L’hydre semblait posséder neuf esprits – un dans chaque tête, et un dernier qui servait de… contrôleur, pour ainsi dire. Les têtes individuelles semblaient être soumises à l’esprit principal, qui était probablement en charge de les faire fonctionner de concert vers un but commun. C’était assez fascinant.

L’hydre pointa ses huit têtes vers eux et hurla. S’ils avaient eu affaire à une hydre normale, ce n’aurait été qu’une minable tactique d’intimidation. Mais ce cri-là était infusé d’une puissante magie de vent, frappant le groupe entier d’une tempête localisée. Zach et Zorian collèrent simplement leurs pieds au sol grâce à de la magie non-structurée, et Daimen protégea plus ou moins l’intégralité de son équipe grâce à un impressionnant mur de force rapidement érigé. Malheureusement, quatre des membres étaient toujours à la merci de l’attaque. Parmi eux, Chassanah planta son bâton dans le sol et tint bon par pure force physique. Zorian en fut sidéré – il avait l’air vieux et fébrile, mais sa carrure décrépite possédait une sacrée force cachée. Quant aux trois autres, ils ne furent pas assez rapides à réagir et furent bazardés au loin dans des cris de détresse. Ils ne moururent certainement pas, mais il n’allait pas revenir de sitôt.

Zach fut l’un de ceux qui encaissa l’attaque avec le plus de facilité. Alors que tous les autres, Zorian inclus, luttaient pour résister à ce hurlement magique, Zach pouvait déjà être vu en train de lancer un sort plutôt complexe, en retour. Il transforma la zone entière face à lui en un champ de lames de pierre avant même que la tempête n’eût eu le temps de se calmer, toutes brillant d’une lueur rouge de mauvais augure. Il fit claquer ses mains avant de les poser sur le sol face à lui et toutes les lames s’envolèrent en direction de l’hydre sans crier gare.

Le monstre jeta un œil à l’attaque l’approchant comme le nuage de pierre mortel qu’il était, ses nombreux yeux s’ouvrant en grand sous le coup de la surprise et de la peur, et elle cessa de hurler et rentra toutes ses têtes dans le cénote, les enterrant profondément dans le sol de la jungle en empalant tout drake caméléon qui avait le malheur de se trouver là. Les plus chanceux furent tués sur le coup par les lames de pierre. Les moins fortunés chouinèrent comme des cochons égorgés tandis que la lueur rouge pénétrait leur corps et liquéfiait leurs organes.

Les drakes ayant survécu à l’attaque perdirent tout semblant de cohésion de groupe et se dispersèrent simplement dans toutes les directions, abandonnant leur précédente demeure, les cris de souffrance de leurs congénères agonisant les motivant d’autant plus à ne pas se retourner jusqu’à avoir totalement quitté la zone de détection de l’esprit de Zorian.

Zach ne prêtait pas vraiment attention aux drakes, cela dit. Ils n’étaient que des dégâts collatéraux, tout au plus. Au moment où il avait lancé la pluie de lames de pierre, avant même de savoir s’il allait toucher sa cible ou non, il s’était déjà mis à lancer un autre sort. Aussi, au moment où l’hydre s’était cachée dans le cénote, Zach lui envoya une paire de boules d’énergie bleues.

Zorian découvrirait plus tard qu’elles étaient censées geler l’eau au fond du cénote, cette grotte à moitié enfouie dans la colline, en emprisonnant avec un peu de chance l’hydre en son sein. Malheureusement pour cette idée, le monstre ne se retira pas dans l’eau, et se contenta d’esquiver les projectiles avant de décider de se ruer hors de son antre de fortune pour charger vers ses ennemis.

Voir une hydre géante bondir hors du cénote avec l’aisance d’un chat acheva de leur entrer dans le crâne qu’ils avaient affaire à quelque chose totalement hors de l’ordinaire. Les hydres normales étaient juste hautement venimeuses et capables d’une régénération cellulaire impressionnante, spécialement concernant leurs têtes. Elles n’étaient connues ni pour leur agilité, ni pour leur rapidité hors de l’eau.

Et sa charge à elle était inénarrable. Daimen et son équipe lancèrent un flot constant de divers sorts, en vain. Chaque projectile était intercepté par l’une des têtes avant de pouvoir toucher le corps, et les dégâts infligés aussitôt régénérés. La capacité de soin d’une hydre était vraiment une chose à la limite de l’abus, même capable de soigner des brûlures et autres dégâts normalement irréparables, mais son corps était bien plus sensible. Le groupe le savait visiblement, puisque tous leurs sorts étaient dirigés dans cette direction, mais l’hydre se trouvait être bien trop rapide et sournoise pour se laisser toucher facilement.

Zorian se retint de se joindre à l’attaque. Si le groupe de Daimen tout entier ne pouvait contenir l’avancée de la bête, ça n’aurait sans doute été qu’un gaspillage de mana de sa part. Il se concentra simplement sur ce qu’il savait faire : il chercha à comprendre comment fonctionnait l’esprit du monstre, conserva son mana et repositionna ses golems afin qu’ils pussent répondre à temps, dût-il trouver une ouverture utilisable pour attaquer l’hydre. Heureusement, elle semblait plus préoccupée par Zach, identifié comme le niveau de menace le plus important.

Bon, peut-être était-il un peu présomptueux de la part de Zorian de dire ça… mais pour sa défense, Zach avait l’air plutôt heureux d’avoir attiré la fureur du monstre grâce à son sort précédent. Semblant ignorer volontairement l’hydre massive qui piétinait la jungle dans sa direction, Zach lança deux sorts plutôt longs à préparer. Le premier créa une énorme boule de lumière douce et blanche au-dessus de sa tête, semblant ne rien faire du tout. L’autre ne produisit aucun effet visible, mais la perception magique de Zorian était plutôt fameuse, et il pouvait sentir huit constructions magiques soudain actives autour de Zach.

L’hydra fût bientôt assez proche de Zach pour l’attaquer. À ce moment, les huit têtes frappèrent, jaillissant en direction de l’adolescent tels des serpents sortant de leur trou. Quelque part derrière lui, Zorian put entendre un membre de l’équipe crier vers Zach, comme s’il pouvait changer quoi que ce fût maintenant. En même temps, cela dit, les huit sorts camouflés entourant Zach se mirent en mouvement eux aussi, allant directement à la rencontre des têtes de l’hydre. Huit mâchoires de requin spectrales apparurent de nulle part, déjà en train de se refermer sur leurs proies. L’hydre, réalisant soudain qu’elle venait de se jeter dans un piège, tenta de stopper son attaque.

Il était trop tard. L’attaque était trop engagée et son élan impossible à arrêter. Quelque magie que ce fût qui lui accordait sa vitesse surnaturelle atteignait là ses limites. Les mâchoires spectrales se refermèrent violemment, tranchant écailles et muscles avec une facilité déconcertante. Paniquée, l’hydre sembla puiser dans une espèce de réserve secrète de puissance qui lui permit de rapidement retirer la plupart de ses têtes avant qu’elles ne se fissent totalement déchiqueter.

La plupart, mais pas toutes. L’une des mâchoires de Zach avait mordu particulièrement vicieusement et continuait à s’enfoncer loin dans les chairs. Dans un craquement bruyant, les crocs sectionnèrent les os du cou, séparant la tête du corps.

Les sept têtes restantes grognèrent de douleur et de colère, le cou étêté gigotant dans tous les sens, affolé ou inconscient, pour ce que Zorian pût en savoir – qu’en était-il de l’esprit supposé contrôler cette tête et ce cou ? Ce n’était pas une blessure que la régénération de l’hydre pouvait guérir. La tête n’était pas endommagée. Il n’y avait plus de tête. Elle repousserait avec le temps, mais ce processus se déroulerait trop lentement pour avoir un quelconque impact sur le combat.

Zorian s’attendait à voir Zach utiliser cette mystérieuse boule de lumière blanche, mais le sort resta inerte. Au lieu de ça, il créa une nouvelle fois un champ de pierres tranchantes face à lui ; cependant, avant qu’il ne pût les lancer en direction de l’hydre, celle-ci rétracta ses têtes près de son corps et s’enveloppa dans ce qui ressemblait à une sphère écailleuse. Et puis, elle disparut, juste comme ça.

Lorsqu’elle réapparut, elle se trouvait juste à côté de Daimen et de son groupe.

— Et bien entendu, elle peut se téléporter, oui, allez, grommela Zorian pour lui-même.

C’était pourtant un fait surprenant. La magie de téléportation était vraiment peu pratique pour les créatures de grande taille, parce que les coûts augmentaient de façon exponentielle avec le volume de ce qu’il y avait à transporter. Au lieu de ça, elle venait de se téléporter comme si c’était la chose la plus normale du monde. Zorian suspectait désormais qu’ils eussent affaire à une espèce de puissant esprit gardien d’artefact du temps d’Awan-Temti, lorsque les dieux se mêlaient encore des affaires des humains et offraient des pouvoirs démesurés à qui les méritait – ou qui pouvait les amuser. Il fallait s’y attendre, bien sûr, une telle créature ne pouvait qu’être équipée des plus puissantes compétences possibles.

Il pointa l’air en face de lui du doigt et un disque de force apparut se matérialisa devant lui Zorian sauta dessus et s’envola en direction de l’hydre. Il ne voyait pas de souci à laisser Zach se battre seul contre elle, mais Daimen et son groupe allait certainement avoir besoin d’aide pour rester en vie.

Chassanah, qui se trouvait près de Zorian à ce moment, copia son mouvement et le suivit, sur un disque de force de son propre cru.

La téléportation soudaine, bien que très impressionnante pour une créature de cette taille, semblait avoir demandé beaucoup d’efforts à ladite créature. Au lieu de frapper immédiatement, il lui fallut quelques secondes pour se dérouler et reprendre son souffle avant d’attaquer à nouveau, ce qui permit de réduire le choc dans le groupe de Daimen, et leur permit de se réorganiser.

Lorsque l’hydre les frappa, par contre, ce fut dévastateur.

Une couche de bouclier fut érigée en face du groupe, mais il fut rapidement éclaté en une volute de fumée et se dispersa en quelques papillons lumineux, preuve de sa désagrégation. Désespéré face à l’hydre et désirant assurer la survie de ses hommes, Daimen invoqua une version ectoplasmique géante de lui-même, qui se jeta physiquement sur l’hydre, attrapa deux des têtes et tenta de plaquer le corps au sol. Ce qui ne fonctionna pas réellement, mais empêcha trois des têtes de l’hydre d’attaquer qui que ce fût d’autre, tout en prévenant une autre téléportation surprise.

Kirma lança un essaim de projectiles ressemblant à des vrilles tourbillonnantes, chacun d’eux visant l’un des points sensibles de l’hydre – les yeux, les gueules, les oreilles, les narines. Ce fut une attaque remarquable, la plupart des sorts à tête chercheuse n’étant pas aussi précis que ça. Spécialement parce que ces vrilles miniatures bougeaient à une vitesse incroyable, ce qui rendait tout fonction de traque encore plus compliquée. Zorian ne pouvait qu’imaginer que le lotus qu’elle transportait si précieusement en était à l’origine.

Il n’aurait jamais pensé qu’Orissa pût servir à quoi que ce fût dans ce genre de combats, l’hydre étant bien trop imposante pour que des abeilles pussent la menacer de si petites piqures. Cependant, elle le surprit. Ses insectes s’enveloppèrent d’une aura orange étrange qui fit frémir l’air sur leur passage, à cause de l’intense chaleur qui se dégageait. À partir de là, elles volèrent plus rapidement et brûlèrent tout ce qu’elles touchaient, comme des milliers de petits fours volants. Occasionnellement, Orissa faisait un geste rapide de la main, provoquant la détonation de certaines abeilles, créant de petites explosions qui carbonisaient l’hydre à travers ses épaisses et solides écailles. Parce que les abeilles étaient si petites, elles pouvaient simplement passer outre les têtes et frapper le corps directement.

Zorian ajouta une pression non-négligeable sur l’hydre elle-même en tirant des lances de force, un rayon incinérateur et deux disques tranchants tout en volant autour d’elle avec précaution. Il ne pensait pas infliger de dégâts réels, mais chaque seconde que l’hydre passait à gérer ces attaques incessantes était une seconde qu’elle ne pouvait passer à attaquer Daimen et les autres.

Malgré tous ces efforts, l’hydre possédait toujours sept têtes, et il était compliqué de les garder toutes occupées en permanence. Zorian dut sacrifier l’un de ses golems pour sauver Orissa d’une décapitation par morsure après que l’hydre eût enfin compris d’où venaient ces satanées petites bestioles. Torun sacrifia l’un de ses yeux les plus gros pour survivre à une attaque, provoquant sa fusion en une espèce de gelée gluante qui forma un dôme de protection autour de lui. La tête qui le visait mordit le dôme qui, malgré son apparence liquide et gluante, s’avéra plus résistant que prévu.

Malheureusement, tous ceux que la bête ciblait ne possédaient pas de moyen de survie d’urgence. L’en des mages fut presque déchiqueté en deux avant même d’avoir pu réagir, et mourut sur le coup. Un autre vit son bras gonflé de venin lorsque l’hydre l’égratigna de l’un de ses mâchoires. Daimen sectionna immédiatement le membre contaminé et ordonna à un autre mage de le téléporter loin du champ de bataille.

De plus, un des hommes ayant tenté de contourner l’hydre pour l’attaquer par-derrière vit ses jambes brisées et broyées en constatant que finalement, la queue de l’hydre était une arme tout aussi mortelle, capable de frapper avec puissance et rapidité. Zorian ne jugea pas l’homme, qui hurlait comme un gosse – il se souvenait trop bien ce qu’il avait ressenti quand le Chasseur Gris lui avait fait subir le même traitement.

Finalement Daimen trouva le bon moment pour libérer son piège. L’hydre parvint à percer certains des sorts défensifs qu’il avait érigés et envoya l’une de ses têtes dans la direction de l’aîné Kazinski, qui lui envoya en réponse un projectile rouge relativement banal. Ne sentant aucun danger, l’hydre se contenta d’ouvrir la gueule pour le broyer… brisant la potion se trouvant à l’intérieur.

L’hydre toute entière trembla et recula d’un pas en sentant la mixture alchimique couler dans sa gorge, cessant tout simplement d’attaquer. La tête affectée laissa échapper un cri d’agonie en se changeant rapidement en un cristal blanc, à mesure que la potion descendait dans ses entrailles. Sa régénération naturelle fut incapable d’arrêter ou même de ralentir le processus, et voir l’hydre entière subir le même sort semblait désormais inévitable.

Sans hésitation, l’une des têtes mordit le cou en question, et l’arracha dans une pluie de chair et de sang – la blessure n’avait rien des coupures propres que les sorts provoquaient habituellement : c’était sauvage, bestial et sans pitié. Désormais réduite à six têtes, mais sauvée de la cristallisation, l’hydre regarda Daimen de son air le plus meurtrier et se prépara pour une autre charge.

Malheureusement pour elle, ce fut le moment que Zach choisit, accompagné de Zorian et Chassanah, pour arriver sur le champ de bataille ; et le cours du combat changea. Chassanah tournait autour de la bête, dans les airs, lançant une multitude de sorts de protection en rafale afin d’empêcher toute autre mort. Zorian avait suffisamment compris la structure de l’esprit de l’hydre pour commencer à l’altérer autant que possible, se coordonnant avec le timing des attaques de ses alliés, lançant occasionnellement l’un ou l’autre sort de combat s’il trouvait une bonne ouverture.

Et puis il y avait Zach. Contrairement aux deux autres, il ne s’embêtait pas à flotter sur un disque de force – lorsque l’hydre s’était téléportée loin de lui, il avait simplement bondi dans les airs et volé jusqu’au nouveau lieu de combat comme s’il s’était agi de la chose la plus normal du monde, ses huit mâchoires spectrales dans son sillage. L’orbe mystérieux flottait toujours au-dessus de sa tête ; et comme il voyageait, trois orbes identiques vinrent rejoindre le premier, tout aussi passifs que lui. Lorsqu’il atteint finalement le monstre, les mâchoires qui le suivaient surgirent devant lui, poussant l’hydre sur la défensive.

Naturellement, l’hydre leur offrit une autre de ses compétences spéciales surprise. Elle hurla une fois encore, exhalant des nuages de gaz verdâtre dans toutes les directions. Tous furent forcés de temporairement battre en retraite face à ce qui était de toute évidence du poison, donnant à l’hydre un instant de répit.

Mais la bataille continua malgré tout. L’hydre perdit une tête de plus, puis deux. Elle parvint à détruire toutes les mâchoires de Zach et blessa un autre mage. Zorian réussit quant à lui à frapper le corps de la bête d’une sphère à fragmentation, lui infligeant une sévère blessure. Tous ses golems furent réduits en morceaux, par contre. Le Daimen géant ectoplasmique fut volatilisé, non sans trancher la queue du monstre en cadeau d’adieu. À première vue, ils semblaient gagner, tout n’étant plus qu’une question de temps… mais en vérité, ils arrivaient à court de mana. L’hydre était absolument sur le point de mourir, mais ils étaient, eux, presque à sec. Même les réserves sans fin de Zach commençaient à tourner de l’œil.

Ils ne voulaient pas abandonner pour autant. Au moins une personne avait perdu la vie, nombre d’autres avaient souffert de graves blessures, et ils avaient utilisé beaucoup de ressources rares pour en arriver là. En plus de ça, alors que l’hydre était gravement blessée, elle se régénèrerait plus rapidement qu’ils ne récupèreraient, si elle était laissée seule. Bien plus rapidement. S’ils revenaient plus tard, ils devraient sans doute tout recommencer, face à une hydre en pleine forme et équipée de toutes ses têtes.

Et cette dernière ne voulait pas abandonner non plus. Elle ne possédait plus que trois têtes, mais elle savait qu’elles repousseraient en temps voulu. Ses ennemis étaient clairement affaiblis, aussi n’avait-elle qu’à continuer pour les achever. D’ailleurs, tourner le dos à ce genre d’adversaires n’était que pure folie – tous ses instincts lui criaient que ce serait une gigantesque erreur. Il valait mieux risquer de se battre jusqu’à la toute fin que d’essayer de fuir pour se faire frapper dans le dos.

Au bout du compte, cela dit, ils avaient tous sous-estimé Zach… une fois de plus. Pendant le combat, il avait créé une boule lumineuse supplémentaire, venue rejoindre les quatre autres au-dessus de sa tête. Il passa ensuite le reste du combat à les arranger tout autour du champ de bataille en tentant de pousser l’hydre à se déplacer au centre de celui-ci. Bien que personne ne sût ce qu’il essayait de faire, sa performance était visiblement exceptionnelle. L’hydre, méfiante de ces trucs lumineux au départ, les ignora peu à peu, alors qu’ils ne devenaient plus que des décorations à peine visibles çà et là.

Daimen finit par ordonner à ses hommes de feindre la panique et de fuir afin que le monstre les suivît, en passant par le centre de la formation lumineuse. Zach se saisit de l’opportunité et effectua un geste de la main qui activa le piège – un filin blanc et étincelant se déroula depuis chacune des sphères, les liant les unes aux autres afin de former une toile qui piégea l’hydre sous un dôme si bien tissé qu’il aurait rendu le Chasseur Gris jaloux.

Le monstre frôla la toile afin d’en tester les effets et grinça de douleur en se faisant lacérer les chairs comme s’il venait de caresser un millier de rasoirs.

Et le dôme commença à se rétracter.

Tout le monde observait, exténués qu’ils étaient, tandis que l’hydre géante combattait futilement pour se libérer de ce dôme mortel qui se refermait sur elle. Elle se tortillait, cherchait à frapper un endroit plus faible pour s’en extraire, défiante jusqu’à la toute fin. Finalement, son corps entier recouvert de plaies, toutes les têtes déchiquetées sauf une, elle se roula en boule et se téléporta.

Contrairement à la première fois, cette téléportation-là ne l’emmena pas très loin. Elle réapparut juste à côté du piège, s’étant simplement mise hors de danger d’une mort immédiate. Elle tituba en se déroulant, comme si elle allait tomber raide au premier souffle de vent. Cependant, il n’y avait pas de vent, et elle leva sa dernière tête pour offrir à Daimen un regard comme il n’en avait jamais vu. Bien que Zach fût responsable de ce qu’il lui était arrivé, elle s’était fait chasser par Daimen et ses hommes pendant trop longtemps et les jugeait probablement responsables de la situation.

Zorian ressentit soudain une concentration énorme de mana dans le corps de l’hydre. En fait, tous l’avaient sans doute remarqué, si l’on pouvait se fier à leurs réactions choquées. Avant que quiconque pût songer à une contremesure, l’hydre ouvrit grand la gueule et tira un rayon noir comme la nuit en direction de Daimen.

Les yeux grands ouverts, Daimen plongea sa main dans une de ses poches et en sortit un petit miroir sans prétention, avant de le balancer devant lui sans autre forme de procès.

Le rayon frappa. Le miroir éclata comme s’il venait d’être frappé par une bombe, le son de sa destruction résonnant à travers des dizaines de kilomètres de jungle et faisant vibrer troncs et feuillage. Daimen lui-même fut envoyer bouler comme une poupée de chiffon, le bras qui avait jeté le miroir, et qu’il n’avait pas eu le temps de ramener vers lui, clairement brisé. Le rayon noir n’était plus, en revanche.

Pendant une seconde, l’hydre sembla observer la scène avec attention. Puis, elle trembla légèrement et s’effondra sur le côté, morte.

La bataille était terminée.

 

___

 

Le contrecoup immédiat du combat fut, d’une certaine façon, bien plus stressant que le combat lui-même. Après avoir vérifié que tous les survivants étaient plus ou moins en bon état – vivants, en somme – il s’avéra qu’une seule personne avait perdu la vie : Goliri Ardat, qui s’était fait trancher en deux par une morsure de l’hydre au début du combat. Mais il était un des meilleurs amis de l’un des autres membres du groupe, Alachi Gotrum. Ce dernier était dévasté par la perte de son ami, furieux également, et il désignait le principal responsable en la personne de Zorian. Zorian était celui qui avait insisté pour avoir accès à la caverne la plus profonde, après tout. Il passait donc son temps à l’insulter et tenta même de l’agresser physiquement, ce qui força Zach à intervenir.

Malheureusement, deux membres de plus prirent le parti d’Alachi. Celui qui avait perdu son bras à cause du venin de l’hydre et celui qui avait vu ses jambes broyées et qui ne pouvait plus marcher – ils n’étaient pas les plus enchantés du monde. Handicapés, qu’ils étaient. Et ils faisaient peser la faute sur Zorian, eux aussi. Zach également, par extension, mais celui-ci les intimidait bien trop par ses prouesses de combat pour en entendre le moindre mot. Zorian, d’un autre côté, avait l’air d’une cible des plus faciles.

Pendant ce temps, Daimen tenta de jouer les diplomates afin de calmer tout le monde, mais n’exprima pas une seule fois le moindre support pour son frère. Ce simple fait énerva Zorian bien plus que ça n’aurait dû. Il savait que Daimen ne pouvait pas simplement tourner le dos à son équipe et se mettre dans le camp de son frère, mais le goût que cette vérité lui laissait dans la bouche était des plus amers. Chessanah, par contre, finit par se poser à ses côtés. Il semblait que le vieil homme appréciait Zorian plus qu’il n’appréciait son équipe.

Ce qui débuta un nouveau round d’accusations envers Zorian et sa supposée maîtrise extrême de la magie mentale ; Alachi ne perdit pas de temps pour prétendre qu’il contrôlait clairement les gens autour de lui et que la police devrait être impliquée.

Zorian se moqua de lui avec le sourire, petit plaisir qu’il se permit malgré la situation.

Mais au moment où la police fut mentionnée, Daimen sembla changer totalement de méthode de persuasion. Il mit fin à la discussion, traîna Alachi sur le côté et érigea une barrière d’isolation autour d’eux. Zorian n’avait aucune idée de ce qui pouvait être dit à l’intérieur, mais Alachi ne lui chercha plus de poux après ça.

Quant aux deux mages handicapés, Daimen leur dit que leurs blessures n’étaient pas forcément irréversibles avec les bons traitements, et leur promit de payer autant qu’il le faudrait pour les remettre en bon état. Cette proposition sembla les amadouer grandement, et ils ne firent plus de vagues, eux non plus.

Cette crise particulière apparemment résolue, ils purent finalement inspecter leurs gains. Daimen téléporta les blessés dans l’hôpital le plus proche, décidant de simplement mettre son bras en écharpe et retourner sur le terrain aussi vite que possible.

Le premier gain était naturellement le corps de l’hydre. Daimen et son équipe était excités par sa valeur potentielle. Les sommes impliquées n’étaient pas énormes pour Zorian, mais il s’agissait juste de la boucle temporelle qui perturbait son bon sens lorsqu’il était question d’argent. S’ils pouvaient vraiment trouver un bon acheteur pour ce truc, Daimen et son équipe gagneraient assez d’argent pour faire tourner un bon nombre de têtes.

Les drakes caméléons seraient également récupérés et vendus, bien que leur valeur fût bien moins grande que celle de l’hydre, en particulier parce que les sorts de Zach avaient vraiment réduit nombre d’entre eux en charpie, faisant des corps quelque chose de presque inutilisable.

Comme ils avançaient pour inspecter les cadavres, Zorian entendit Daimen se plaindre à Orissa à propos de son miroir brisé. Apparemment, il s’agissait d’un artefact divin qu’il avait trouvé lors de l’une de ses expéditions et qu’il avait décidé de garder. Il était supposé être quasiment indestructible, et lui avait sauvé la vie à de nombreuses reprises, et maintenant, il n’était plus. Son cœur était en larmes, et Orissa lui fit remarquer qu’il était en vie grâce à ce sacrifice, ce qui ne lui remonta pas vraiment le moral.

— Prêt, petit Kazinski ? lui lança Torun en lui envoyant une grosse claque dans le dos. Allons récupérer cet orbe, qui se trouve absolument en bas, d’après toi.

Zorian ne répondit pas. Avant de descendre dans les profondeurs des grottes, le groupe vérifia une fois de plus qu’il ne s’y trouvât pas une autre hydre géante magique ou d’autres choses pires encore, tapies dans l’ombre. Ils n’en trouvèrent aucune preuve, mais ils avaient également totalement loupé l’hydre en premier lieu, ce qui les inquiétait quelque peu. L’eau, au fond du cénote, était gelée par les deux projectiles que Zach y avait envoyés, et il n’y avait aucune trace d’une quelconque autre cachette potentielle. C’était comme si l’hydre était simplement apparue de nulle part.

Lorsqu’ils entrèrent finalement dans la grotte, Zorian leur indiqua la direction de l’endroit où était supposé se trouver l’orbe, mais ils ne l’y trouvèrent pas. Zorian s’y attendait, cela dit, et ne s’en inquiéta pas.

— Peux-tu toujours le sentir ? lui demanda Daimen, anxieux, probablement désespéré à l’idée de ne potentiellement rien trouver après tous les sacrifices qui s’étaient avérés nécessaires.

— Oui, je le peux, confirma Zorian, qui s’avança vers le fond de la caverne et pointa le doigt en face de lui. C’est là. Exactement là, même.

Il secoua la main à l’endroit où il sentait l’orbe, et elle passa dans les airs sans rencontrer aucune résistance.

— Pourtant, je ne peux ni le voir, ni le toucher, ajouta-t-il. Comme c’est curieux.

Tous ceux possédant la moindre expertise en divination ou en magie de détection se rassemblèrent immédiatement autour d’eux, et se mirent à lancer divers sorts. Après dix minutes d’efforts, Daimen finit par obtenir un résultat.

— Je ne peux pas y croire, lâcha-t-il en se passant la main dans les cheveux, parfaitement contrarié.

— Tu as quelque chose ? lui demanda Kirma.

— C’est un monde caché, dit-il.

— Un quoi ? demanda Zorian, n’ayant jamais rencontré ce terme jusqu’alors.

— Une dimension miniature, comme celle dans laquelle tu penses que se cache Lac d’Argent, précisa Zach. Elles sont normalement impossibles à trouver à moins de savoir exactement où chercher. Aussi, certains les appellent ainsi. Des mondes cachés.

— Alors, cet endroit que le petit Kazinski nous a montré… ? demanda Torun sur un ton hésitant.

— L’entrée d’un… d’une dimension miniature dans laquelle se trouve l’orbe, dit Daimen en regardant Zorian d’un air complexe. Putain, toutes les possessions d’Awan-Temti sont probablement dedans aussi. Pas étonnant que nous n’ayons rien trouvé de son expédition, pendant tout ce temps. Nous n’aurions jamais pu y arriver, sans l’aide de Zorian, même en passant des années à racler les lieux.

— Mais il est là, alors l’expédition a réussi, fit Torun de sa grosse voix en haussant les épaules. Pourquoi es-tu si morose ?

— Pourquoi, en effet ? soupira Daimen en grommelant.

— Peu importe. Maintenant, nous n’avons qu’à trouver un moyen de briser cette porte invisible et nous serons libre de récupérer toutes les affaires de l’empereur, ouais ? continua Torun.

— Oui, mais j’aimerais préciser que c’est probablement de là qu’est apparue l’hydre géante, intervint Chessanah. Et s’il y en a d’autres, dedans ? Et s’il y a des trucs bien pires, dedans ? Et si… Nous devrions être prudents, oui.

— Oui, Chessanah a raison, acquiesça le dirigeant de l’équipe, Kazinski en chef. Nous avons déjà trop perdu. Je veux engager des combattants. Plus de combattants, avant d’y mettre le pied.

— J’aimerais rester un moment et étudier l’entrée, personnellement, trancha Zorian, en fronçant les sourcils. Quelque chose ne colle pas, à propos de tout ça.

— Bien, soupira Daimen. Mais ne fais rien avant de me consulter ! Regarde, mais ne toucher pas. Ok ?

Zorian opina. Pendant deux heures, il scruta l’entrée de la dimension miniature tout en prêtant attention à la façon dont son marqueur y réagissait. Il demanda également à Daimen de lui enseigner le sort qu’il avait utilisé pour confirmer la présence de cette anomalie spatiale. Daimen grogna quelque chose à propos du fait qu’il devrait normalement faire payer un rein pour ça, mais s’exécuta malgré tout. Après tout, Zorian lui avait beaucoup apporté.

Après ces deux heures, il fut enfin certain de ses conclusions. Il appela Daimen et lui demanda la permission de faire quelque chose.

— Quelque chose ? demanda Daimen avec précaution.

— Quelque chose, répéta Zorian sans en dire plus.

— Et si je refuse, toi et Zach allez revenir dès que j’ai le dos tourné et le faire de toute façon, résuma-t-il.

— Eh bien… commença Zorian.

— Absolument, ouaip, trancha Zach.

Zorian lui lança un regard contrarié. Non qu’il n’était pas d’accord, mais il aurait pu le lui annoncer d’une façon plus modérée.

Daimen enfonça son visage dans ses mains, pendant quelques secondes. Peut-être imaginait-il des choses, mais Zorian jura l’entendre adresser une prière à une quelconque déesse de la chance.

— Explique-moi juste ce que tu comptes faire, ok ? finit-il par demander.

— Je veux penser que nous avons mal jugé la situation, expliqua alors Zorian. Ce n’est pas que l’orbe du premier empereur est caché quelque part dans cette dimension miniature. La dimension elle-même est l’orbe du premier empereur.

Daimen le regarda en silence, le visage parfaitement impassible.

— Je suis d’accord, nous avons affaire à l’une de ces dimensions, continua Zorian. Mais mon marqueur est insistant, l’ancre dimensionnelle que nous observons n’est pas juste l’entrée d’un lieu dans lequel se trouverait l’orbe, mais bel et bien l’orbe lui-même. Ça peut paraître un peu fou, mais –

— Tu crois que l’orbe est une dimension miniature portative, le coupa Daimen.

— Oui. Je pense que l’entrée que nous sommes en train d’observer est simplement ce à quoi ressemble l’orbe lorsqu’il est… déployé.

— Je vois, acquiesça Daimen. Et tu penses être capable de lui refaire prendre sa forme physique ?

— Je veux essayer, en tout cas. Bien que vous devriez probablement tous sortir du cénote. Juste au cas où quelque chose devait arriver.

Après quelques secondes, Daimen se tourna vers son équipe, qui écoutait silencieusement la conversation, et leur ordonna d’établir un périmètre de défense autour de l’entrée de la dimension, et un camp de base en-dehors de la colline. Il semblait n’avoir aucune intention de laisser Zach et Zorian seuls.

Zorian fit claquer sa langue, contrarié. Si les choses s’emballaient à nouveau, il n’avait aucun doute : la plupart d’entre eux le lui mettraient une fois de plus sur le dos. Eh bien, au diable tout ça, il allait le faire quand même.

Au moment où Daimen lui annonça que tout était prêt et qu’il pouvait commencer, il referma ses mains sous l’entrée invisible de la dimension et tenta d’y connecter son marqueur. Il lui fallut quelques essais, mais il finit par y parvenir – l’espace entourant l’orbe se brouilla comme sous un intense soleil d’été, et les vagues de réalité ainsi créées se changèrent en un orbe de verre, qui tomba dans les mains de Zorian.

Orbe du premier empereur : ✓

Après avoir passé quelques secondes immobiles et choqués, tout le monde se précipita à nouveau à ses côtés, se rassemblant inconfortablement autour de lui afin d’observer l’artefact.

L’orbe, dans les mains de Zorian, avait l’air… intéressant. Sphère parfaite d’un verre aussi transparent que le cristal, elle était parfaitement inaltérée par le passage du temps. Faisant courir ses doigts à sa surface, Zorian ne put y sentir la moindre imperfection. Apparemment encastrée à l’intérieur de l’orbe se trouvait un palais en ruines, partiellement détruit et recouvert de végétation, arbres, vignes et autres plantes inconnues. Tout était si détaillé, Zorian aurait pu en compter les briques et les feuilles s’il s’était concentré un peu. On aurait dit ces boules à neige vendus par les marchands, ceux-là possédant les modèles ultra-détaillés de célèbres bâtiments.

Zorian finit par tendre l’orbe à Zach, rien que pour que les gens cessassent de le coller.

— Ce palais… Ce n’est pas uniquement un modèle, n’est-ce pas ? demanda Zach après l’avoir bien observé, et d’une voix fascinée. C’est un vrai bâtiment contenu dans l’orbe.

— Évidemment, abonda Orissa. Pourquoi serait-il en ruines, sinon ?

— Alors Shhutur-Tarana s’était construit un palais portatif pour le transporter partout où bon lui semblait ? continua Zach. J’aime ce type.

— Oui, maintenant imagine tout ce qui pourrait y être entassé, s’égaya Torun. Ah, petit Kazinski, je te pardonne pour absolument tout. Tu es la meilleure chose qui soit arrivée à notre équipe.

Bien que Zorian mourût d’envie d’étudier l’artefact dans le détail, il avait décidé de le laisser entre les mains de son frère pour l’heure. Tenter de le lui enlever embraserait probablement un autre combat et ce n’était pas comme s’il avait le temps de se consacrer à cette étude. L’attaque de la base ibasienne approchait rapidement, ce qui signifiait que Zach et Zorian serait forcés de passer le plus clair de leur temps et de leur énergie aux préparatifs pendant les jours à venir.

— Je dois dire que ça me laisse vraiment dubitatif. Quel conflit, ma parole, chuchota Zach après avoir quitté le groupe.

— Pourquoi ? s’étonna Zorian.

— Eh bien, d’un côté, nous ne l’avons trouvé si rapidement que grâce à ton frère, expliqua Zach. Alors si on sort de la boucle, il serait normal de lui annoncer comment le trouver, en guise de remerciements.

— Mais ? objecta Zorian.

— Je suis vraiment séduit par l’idée de posséder mon propre palais de voyage, conclut Zach avec un sourire béat.

Zorian renifla et esquissa un sourire.

— Tu ne devrais pas t’exciter, pas encore. Pour ce que nous en savons, les ruines peuvent être emplies d’hydres géantes ou de trucs du même acabit.

— Alors ça, ça m’excite encore plus, s’exclama Zach comme s’il venait de le réaliser. C’était un grand adversaire. Nettoyer un nid entier de ces trucs serait incroyable.

Oh, ouais. Pendant un moment, il avait oublié à qui il parlait.

Ils passèrent le reste du chemin vers la maison à débattre sur ce qui pourrait le mieux convenir à un palais miniature de voyage. Zach voulait en faire une arène emplie de monstres à combattre, alors que Zorian imaginait qu’il se serait plus vu y fabriquer des mannequins artificiels, moins enclins à sortir de leur prison et semer la pagaille alentour.

— Ce n’est juste pas pareil, se plaignit Zach en secouant la tête, dépité.

Au bout du compte, ils ne tomberaient jamais d’accord.

 

___

 

Tous les préparatifs étaient complets. Des soldats furent recrutés, des mercenaires humains et Aranea également, des golems fabriqués, des monstres sauvages dominés, de l’équipement additionnel acheté et fabriqué, et quelques exercices de combat revus. L’échelle de cette opération était assez grande pour que les autorités eussent envoyé leur propre équipe afin d’enquêter sur ce qu’il se passait, ce qui nécessita quelques astuces de magie mentale et autres documents falsifiés pour éviter la catastrophe. Il était de bonne fortune que nombre de petites Maisons possédaient une armée privée pour protéger leurs intérêts, et que Cyoria possédât un grand nombre de ces petites Maisons, ce qui rendait ce groupe moins remarquable qu’il y paraissait.

Il ne restait plus qu’à attendre que Quatach-Ichl partît pour Ulquaan Ibasa pour agir. Ils commencèrent à s’en inquiéter légèrement, la liche ne semblant pas se préparer à quitter les lieux. Xvim avait suggéré qu’ils avaient peut-être rendu le monstre méfiant, et une discussion embrasée naquit sur la possibilité d’annuler l’opération si ce devait être le cas. Heureusement, la question s’avéra inutile au bout du compte – Quatach-Ichl quitta Altazia comme prévu, et la mission pouvait continuer.

La première tâche était simple : enlever Sudomir, et avec de la chance neutraliser la Maison Iasku entière. Afin d’y parvenir, ils devraient attirer l’homme hors de son antre quasi-inaccessible.

Zorian et Zach dérobèrent alors une paire de robes rouges remarquables du Culte du Dragon du Dessous et se téléportèrent à Knyazov Dveri, où ils se mirent à vandaliser des devantures de boutiques, mettre le feu à divers entrepôts et utilisèrent la magie d’altération pour traiter Sudomir de traître à l’Ordre Ésotérique du Dragon du Dessous. Zorian utilisa également la magie mentale pour diriger une horde de sangliers sauvages directement sur la place centrale de la ville, pour en relaxer le contrôler et les laisser semer le chaos.

Les gardes de la ville tentèrent de les arrêter, bien entendu. Ils se montrèrent plutôt brutaux, allant jusqu’à positionner des tireurs d’élite sur les toits, malgré le fait que les deux intrus évitaient de tuer qui que ce fût. Pourtant, ils s’avérèrent à peine dérangeants. Zach et Zorian se contentèrent de les mettre hors d’état de combattre avant de continuer de plus belle avec leurs provocations.

Après un moment, ils s’arrêtèrent et s’en allèrent. Partiellement parce qu’ils avaient peur que Sudomir ne se montrât pas du tout tant qu’il ne pensait pas le danger écarté, mais aussi parce qu’il y avait une chance que les autorités de la ville fissent appel à l’armée d’Eldemar si les choses échappaient à leur contrôle.

Il fallut presque cinq heures à Sudomir pour se montrer en ville, sortie acclamée par les propriétaires de boutiques et les officiels de la ville, qui demandaient une explication et quelque compensation. Pas même les douze gardes du corps menaçants qui le suivaient partout ne les firent cesser.

Zach et Zorian observèrent son manège pendant quelques instants, et frappèrent tel un éclair. Sudomir lui-même se fit paralyser au début du combat, et les douze s’avérèrent passablement inutiles. Spécialement parce qu’ils essayèrent de ne tuer personne en se défendant.

— Je suis content que l’enlèvement se soit bien passé, leur annonça Alanic lorsqu’ils traînèrent Sudomir jusqu’à leur base. Mais deviez-vous vraiment lui couper les bras ?

— Ne me regardez pas, se défendit Zach. C’était l’idée de Zorian.

— C’est un dangereux nécromancien, protesta Zorian. Je ne pouvais pas prendre le risque de le laisser nous frapper avec un quelconque sortilège de l’âme au milieu du combat, et c’était le moyen le plus rapide auquel j’ai pu penser. Il m’a un jour dit qu’il était difficile à tuer, aussi ai-je imaginé qu’il ne souffrirait pas d’une perte de sang.

— Je ne peux pas croire que l’un de mes prédécesseurs ait pu penser que tu n’étais pas assez brutal, grommela Alanic tout bas. Et pourquoi n’est-il pas inconscient ? Je pensais que nous avions convenu que vous l’assommeriez avant de revenir.

— On n’a pas réussi, avoua Zach. Nous avons tenté plusieurs drogues, et aucune n’a fonctionné.

— Il a bien prétendu être dans les vapes après la première dose, ajouta Zorian. Zach voulait essayer de le dégommer à l’ancienne en le frappant jusqu’à ce qu’il s’écroule, mais j’ai posé mon veto.  Alors nous avons simplement collé sa bouche, attaché ses jambes, mis un sac sur sa tête et l’avons embarqué tel quel.

— Je vois, acquiesça Alanic, en regardant vers la cellule de prison, toute nouvelle demeure du maire, en fronçant les sourcils. Je me demande ce qu’il s’est infligé pour obtenir une telle résistance.

 

— Je pense que vous allez avoir tout votre temps pour le découvrir, fit Zach en haussant les épaules. Plus tard, par contre. Nous devrions bientôt assaillir la porte, non ?

— Pas encore, non, décréta le prêtre en secouant la tête. Posons d’abord quelques questions à notre invité à propos de cette base. Il pourrait bien être en possession de quelques informations cruciales à propos de ses défenses.

Zach et Zorian étaient tous deux anxieux et désiraient lancer l’assaut aussi tôt que possible, à la fois parce qu’ils voulaient offrir le plus de temps possible aux experts pour étudier la porte, mais également parce que plus longtemps ils attendaient, plus grande était la chance que les Ibasiens sonnassent l’alarme en réalisant ce qu’il se passait. Cependant, la suggestion d’Alanic était imbibée de logique, et il en savait plus sur ce genre d’affrontements massif qu’eux deux réunis. S’il jugeait que quelques heures de plus passées à interroger Sudomir n’allaient pas mettre l’opération en péril, alors il avait sans doute raison.

 

___

L’interrogatoire s’avéra parfaitement banal et n’eut rien d’excitant. Sudomir se montra étonnement calme et poli pour quelqu’un ayant été brutalement attaqué en plein jour et dont on avait découpé les bras après avoir tenté de le droguer de multiples façons, avant d’être transporté de force pour un interrogatoire versé en magie mentale. Il ne fallut même pas tant de ce type de stratagèmes pour lui faire dire la vérité. Cependant, il sembla ne rien savoir de réellement pertinent concernant la structure et les défenses de la base ibasienne. Sudomir et les Ibasiens coopéraient certes, mais aucun camp ne faisait pleinement confiance à l’autre pour autant, et de nombreuses choses restaient secrètes dans cette histoire.

Au bout d’un moment, tous trois finirent par arriver à court de questions à poser, bien plus tôt qu’ils s’y étaient attendu. Bon, ils n’avaient plus rien à demander sur la base ibasienne, en tout cas. Mais au lieu d’en rester là, le prêtre décida d’étendre le domaine de ses connaissances en l’interrogeant largement au-delà de ce qui était initialement prévu. Ce n’était pas exactement ce qu’ils avaient décidé, mais Zorian ne protesta pas. Il pouvait sentir que les questions d’Alanic menaient à quelque chose de précis. Quelque chose dont il souhaitait réellement obtenir la réponse.

— Pourquoi rassembles-tu tant d’âmes dans ta demeure ? lui demanda-t-il, pendant le cours de l’interrogatoire. Que diable essayes-tu de faire avec un demi-million d’âmes ?

Ah, alors c’était ce qui le perturbait…

— Q… Quoi ? se raidit pour la première fois le maire, choqué. Comment sais-tu ça ?

Alanic fit un geste à Zorian, qui lança immédiatement un assaut mental sur leur prisonnier, le forçant à répondre bon gré, mal gré.

— Ghhhhk ! grogna-t-il en tentant de résister, en vain, en serrant les dents. Merde ! Ce n’est pas… C’est… J’en ai besoin…

— Pourquoi ? poussa Alanic.

— Pour les bombes-spectres ! finit par grommeler Sudomir tout bas.

— Des bombes-spectres ? s’étonna Zach. Comme dans, on fout un spectre dans une bombe et on balance ça sur les gens ?

— Ha ha, oui ! Oui ! s’extasia Sudomir, l’air à moitié fou, riant d’un seul coup comme un hystérique – il ne combattait plus du tout la compulsion imposée par Zorian, comme s’il avait réalisé qu’il ne pouvait plus gagner et qu’il leur donnerait désormais juste ce qu’ils voulaient. Pas un seul spectre, par contre ! Des centaines ! Des milliers, même ! et tu ne les balances pas sur les gens, non ! Ha ha… Non, tu les balances sur des villes !

— Quoi ? fit Zach en fronçant les sourcils.

— Les spectres en question peuvent se multiplier, expliqua calmement Alanic. Donnez-lui du temps et des victimes, et ça fera sortir un spectre de l’humain dont l’âme est consumée. En réalité…

Il prit une profonde inspiration, chose inhabituelle pour lui.

— Ce ne sont pas de simples spectres, n’est-ce pas ? continua-t-il. Ce sont des banshees ?

— Oui, exactement ! répondit Sudomir sans honte, en hochant la tête furieusement. Imaginez un peu ce qu’il se passerait si on larguait des milliers de ces bombes au milieu d’une grande ville. À moins que la crise soit gérée immédiatement, la ville entière serait envahie en une paire d’heures ! Seule l’Église du Triumvirat possède assez d’experts en combat contre les spectres pour contrer une telle catastrophe une fois qu’elle a pris une ampleur incontrôlable ! Et ils ont tous été décimés par le Grand Nettoyage. Si je possédais suffisamment de bombes-spectres, Eldemar devrait se soumettre. Ils n’auraient pas le choix…

Un bref silence plus tard, pendant lequel Sudomir sembla se perdre dans ses pensées, Alanic, Zach et Zorian avaient bien compris ce qu’il avait dit.

— Tu devrais lancer une attaque sur une ville avant que quiconque te prenne au sérieux, Zorian fit remarquer.

— Oui, bien entendu, acquiesça Sudomir en le regardant comme un professeur patient. Cela va sans dire. Je pensais à viser Sulamnon, en premier lieu. Ça déclencherait immédiatement un autre round des Guerres de Fractionnement. Sulamnon se moquerait des excuses du gouvernement d’Eldemar. Avec un nouveau conflit continental sous le capot, Eldemar n’aurait plus aucune force à gaspiller pour me combattre. En fait, ils seraient probablement tentés d’utiliser mes… outils à bon escient pour gagner la guerre. Je…

Pendant un moment, il eut l’air de quelqu’un sur le point de continuer son explication après y avoir réfléchi, mais il se figea soudain, et il sembla tout à coup épuisé par ces manies qui l’avaient submergé.

Seulement pendant quelques secondes.

Presqu’aussitôt, l’étincelle de la folie naquit dans ses yeux à nouveau, mais un poil différent, cette fois. Elle débordait d’agressivité et de violence, et son visage se tordit dans un rictus outrageant.

La chair de Sudomir passa du rose au vert et son corps commença à enfler. Une queue et des cornes poussèrent là où il fallait, ses yeux se fendirent et ses dents se changèrent en quelque chose de bien trop pointu pour être honnête. Zorian, qui avait déjà vu Sudomir se transformer en monstre géant auparavant, réalisa ce qu’il était en train de regarder et voulu crier pour avertir ses deux comparses.

Alanic avait déjà réagi, en revanche. Au moment où Sudomir avait commencé à changer d’apparence, il s’était précipité et avait plaqué sa paume sur le torse du futur monstre. Une multitude de rubans jaunes s’étaient déployés, tous couverts de symboles religieux, et l’enveloppèrent. Ils firent une fois le tour du nécromancien avant de se resserrer et pénétrer ses chairs, provoquant un arrêt brutal de la transformation, changeant Sudomir en l’humain qu’il était.

Ce dernier fixa Alanic d’un air choqué, l’espace d’une seconde, ne sachant que dire.

Oh, finit-il par prononcer quand il trouva quoi dire. Bon. Ça n’a pas marché aussi bien que je l’avais imaginé.

Alanic trancha l’air de la main et tapota légèrement le front de son otage. Celui-ci fut embrumé d’une aura rougeâtre et sombra dans l’inconscience.

— Allons-y, décida Alanic, en faisant signe à Zorian et Zach. Nous continuerons cette interrogatoire plus tard. Pour l’heure, nous avons une base à capturer.

Raka
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7 thoughts on “MoL : Chapitre 69 Bonus

  1. Merci beaucoup pour ce chapitre bonus ( que je n’ai pas raté cette fois 😉 )

    et merci à toi Shivenem.

    1. « Il fit claquer ses mains avant de les poser sur le sol face à lui et toutes les lames s’envolèrent en direction de l’hydre sans crier gare »

      Edouard ? Alphonse ?

      XD

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