MWLU : Chapitre 5
MWLU : Chapitre 7

〈 06. La gentillesse d’un Gobelin (3) 〉

 

Une semaine après la rencontre inattendue avec Kim Yu-Rin.

Sae-Jin était tout d’abord parvenu à créer quatre potions à partir du croc qu’elle lui avait offert. L’une permettait de renforcer la constitution de qui la boirait, et les trois autres avaient des propriétés curatives et régénératrices. Il mit la première de côté pour une future chasse et décida de vendre les autres.

Il en avait déjà sa claque de son style de vie troglodyte, et sa statistique de Manipulation de Chi désormais à 8 lui permettant de conserver sa forme humaine pour 80 minutes par jour, Sae-Jin décida qu’il était plus que temps d’acheter une maison près de la Province de Gangwon. Evidemment, le prix exorbitant des terrains dans un endroit appelé « Le Paradis de ceux qui vivent de la chasse aux monstres » n’était second que de ceux de la capitale, Séoul. Même s’il travaillait à s’en briser les reins, cela lui prendrait tout de même un bon bout de temps pour qu’il puisse s’en payer un.

Quoi qu’il en soit, Sae-Jin se trouvait présentement devant un bâtiment appelé « Maison de l’Alchimie », de laquelle se dégageait un subtil arôme de plantes et qui était empli des sons familiers de liquides en ébullition.

Il n’existait que très peu de ces Maisons de l’Alchimie même dans les plus grandes villes, et c’était pourtant le seul endroit où il était possible de mener à bien le processus de vérification permettant d’attribuer des rangs aux potions et mixtures. C’était également là qu’on pouvait se procurer les précieux breuvages des alchimistes. Mais bien qu’elles pussent être un peu ardues à trouver, quelqu’un comme Sae-Jin, vivant dans la région, n’avait aucun problème pour s’y rendre.

« Hmm… »

Même s’il portait la robe dans laquelle les alchimistes adoraient se pavaner, le capuchon tiré en avant pour compléter le tout, les coups d’œil rapides et nerveux de Sae-Jin alors qu’il surveillait les alentours trahissaient son inexpérience la plus totale.

« Puis-je vous aider ? »

Un employé s’était approché et lui avait poliment posé la question en le voyant perdu.

« … Je suis ici pour vendre quelques-unes des potions que j’ai fabriquées. Mais je n’en ai jamais vendu avant, et ne suis pas connu dans le milieu. Est-ce tout de même possible ? »

 « Ah, mais bien sûr. Veuillez me suivre, s’il vous plait. »

Quel que fut l’endroit sur la planète, les alchimistes étaient toujours moins nombreux que les magiciens, et ils étaient donc considérés comme étant vraiment très précieux. Et même s’il émanait de Sae-Jin ce quelque chose de débutant, sa façon de parler et sa posture révélaient l’aura d’un vrai alchimiste et avaient poussé l’employé à l’escorter avec courtoisie.

Sae-Jin trouva rapidement une chaise sur laquelle s’asseoir, et attendit nerveusement en gardant un œil attentif sur tout ce qui l’entourait, mais le type revint bien rapidement s’installer au bureau devant lui et y déposa un document.

« C’est un formulaire de demande. La vérification pourra débuter une fois que vous aurez inscrit le nom de la potion ainsi que ses propriétés, ici. Lorsque le produit aura été garanti efficace et exempt d’effets secondaires, un rang sera assigné à la potion selon ses capacités curatives et finalement, elle pourra être mise sur le marché. »

La demande en potions concoctées par les mains expertes d’un alchimiste étaient bien plus élevée que ce que ceux-ci pouvaient offrir. La plus communément vendue dans les Magasins de Monstres, une potion de premiers secours fabriquée en masse à partir de pierres de mana de dixième rang, était loin de leur arriver à la cheville.

Et les potions fabriquées par un alchimiste connu étaient encore plus demandées, au point que les acheteurs potentiels devaient les réserver longtemps à l’avance s’ils désiraient en acquérir.

Curieusement, ce n’était pas le nom de l’alchimiste qui attirait vraiment l’attention, mais bien les potions elles-mêmes. Les alchimistes aimaient l’anonymat et étaient persuadés que rester mystérieux en cachant leur identité était une qualité, et le seul moyen qu’ils avaient pour étaler leur savoir-faire restait la fabrication de potions.

Il était donc évident que les alchimistes choisissaient soigneusement des noms appropriés pour leurs créations, et n’hésitaient pas à donner tout ce qu’ils avaient pour réussir à améliorer leurs célèbres mixtures.

Bien sûr, le bruit courait que les maîtres fabricants de potions cessaient de vendre leurs produits à un certain moment, et pouvaient se contenter de traiter directement avec les Maîtres des Ordres de Chevaliers et les PDG de diverses multinationales.

« Si vous souhaitez garder votre identité secrète, veuillez cocher cette case. »

Sae-Jin écrivit calmement tout le nécessaire sur la feuille. Quant aux effets de la potion… Soin et Régénération.

Soudain, l’employé qui lui faisait face de l’autre côté du bureau tressauta alors qu’il regardait d’un œil absent ce qu’écrivait Sae-Jin.

Lorsque ce dernier leva vers lui des yeux interrogatifs, il se gratta l’arrière de la tête et se fondit en excuses.

« Ah, je suis vraiment désolé ! C’est juste que la régénération est un effet tellement rare… Pour clarifier, voulez-vous bien dire ‘Régénération accélérée des blessures’ ? C’est ça, n’est-ce pas ? En temps normal, une potion serait classée niveau moyen inférieur si les effets de la régénération s’avéraient corrects. Mais ici, on a même un effet de soin… Hahaha. Tant qu’il n’y a pas d’effet secondaire, elle risquerait d’être classée niveau haut, sûrement. De nombreux Ordres de Chevaliers et d’hôpitaux sont à court de ce genre d’objets… Alors ce serait une excellente nouvelle. »

Sae-Jin lui adressa un sourire en coin. Il savait qu’il n’y aurait aucun effet secondaire. Dire qu’une potion créée par un Gobelin d’Elite, capable de mélanger des ingrédients au nanogramme près, était parfaite était loin de lui rendre justice.

« Voilà, le formulaire est complété. »

« Ah, merci. Juste au cas où, avez-vous amené un échantillon de cette potion avec vous ? » demanda l’employé en récupérant le document.

« Hé bien, plutôt qu’un échantillon, que diriez-vous du produit fini que voici ? »

Sae-Jin sortit une bouteille de la poche de sa robe. Une lumière bleutée émanait clairement du liquide et entourait la potion d’une aura magique.

« … »

L’employé était perplexe. Après ne pas avoir pu détacher ses yeux de la potion pendant un moment, il déglutit avec difficulté.

Il n’y avait aucune chance pour qu’un alchimiste débutant puisse concocter un médicament ayant à la fois des propriétés curatives et régénératrices. Mais ce qu’il avait sous les yeux, cette potion émettant cette légère lueur bleutée ne laissait pas la place au doute. Même sans la tester, même sans lui attribuer de rang, ça ne pouvait être qu’une potion « Soin et Régénération. »

« … C’est… Un moment, s’il vous plait. »

Il s’était rapidement rendu compte que cette potion était au-delà de ses compétences de jugement. Une potion aux effets curatifs était plus estimée que toutes les autres. C’était évidemment compréhensible, elles étaient absolument nécessaires à tous ceux qui combattaient en première ligne, les chevaliers et les chasseurs, ainsi que certains civils occupant des postes à risque.

« Désolé, mais je n’ai pas vraiment le temps. »

Malheureusement, Sae-Jin ne pouvait pas se permettre d’attendre plus longtemps, et se leva pour partir. Voyant ça, l’employé entra en mode ‘panique totale’ et força rapidement Sae-Jin à se rasseoir en l’attrapant par l’épaule.

« A… A… Attendez un instant, s’il vous plait ! Juste un instant !! Le manager va… »

A court de mots, ses yeux suppliaient Sae-Jin désespérément. Les Maisons de l’Alchimie étaient des organisations dont les employés stressés couraient après les deadlines et étaient constamment en compétitions les uns avec les autres.

Afin d’être plus susceptibles de recevoir les aides financières de l’Etat, les vingt-et-quelques Maisons de l’Alchimie réparties à travers le pays étaient engagées dans une guerre sanglante, une course aux résultats. Quelle potion venait de quelle province y jouait le rôle le plus important. Quand une potion hors du commun apparaissait sur le marché, la Maison qui en aurait l’exclusivité occuperait une position bien plus favorable, alors que les disputes incessantes entre les Ordres de Chevaliers et les autres institutions éclateraient pour son achat.

C’était pourquoi l’employé voulait absolument garder Sae-Jin sur place, mais ce dernier resta ferme.

« Vous n’avez pas besoin de plus de quelques gouttes pour la vérification, alors je vais vous en laisser trois. Si je reviens un autre jour, lorsque ce sera fait, il ne devrait pas y avoir de problème. »

« Ou… Oui, c’est vrai, mais… Attendez, le tampon. Avez-vous apposé votre tampon sur le document ? » (NdT : Le tampon appelé Dojang ou Ingam est un sceau personnel remplaçant ou complétant la signature. Il n’y a pas vraiment d’équivalent en occident puisque ce n’est pas une signature, donc j’ai laissé tel quel.)

Les alchimistes désirant rester anonymes étaient exclusivement gérés via leur tampon. Ainsi, même si la plupart des employés ne connaissaient ni le nom ni le visage d’un maitre en potions, ils pouvaient tout de même dire qui avait fait telle ou telle mixture.

« Oui, c’est fait. J’ai vu le numéro 30.437 en bas de la page. »

Ce nombre signifiait que ce formulaire était le 30.437ème à avoir été rempli juste pour cette Maison de l’Alchimie. Sachant qu’il y avait moins de 1.000 types de potions sur le marché, il n’y avait pas besoin d’expliquer à quel point le nombre d’aspirants alchimistes désespérés après le rejet de leur potion était élevé.

« Oui… Dans ce cas… Promettez-moi de revenir plus tard !! Que vous n’irez pas voir ailleurs ! »

L’employé s’inclina très bas tout en criant ces mots, suffisamment fort pour attirer l’attention de toutes les personnes alentours, qui le regardèrent avec étonnement. Mais pour ceux familiers avec le fonctionnement quotidien des Maisons de l’Alchimie, ce n’était qu’un jour comme les autres.

« Ah, oui. Avez-vous une fiole d’échantillon sous la main ? »

A ces mots, l’employé sortit hâtivement un petit récipient en verre, et Sae-Jin quitta les lieux après avoir versé exactement trois gouttes de potion à l’intérieur.

 

***

 

Le centre-ville était rempli de toutes sortes de sons. Des conversations entre amis croisés au hasard des rues jusqu’au bruits variés de la ville – Sae-Jin trouvait gênant de s’adapter à cet environnement après s’être habitué au calme des montagnes.

Mais parmi ce méli-mélo de sons, une voix attira tout particulièrement son attention.

« Chevalier Kim Yu-Rin, il ne reste que deux semaines avant votre accession au titre de chevalier du plus haut niveau… Comment vous sentez-vous ? »

Le son provenait d’un hologramme dans la vitrine d’un magasin qui vendait des montres-télévisions et qui en avait placé une en démonstration. La projection diffusait une interview de Kim Yu-Rin.

« Pas trop mal. »

« … Pas trop… ? Ah, ahahahahah. Sérieusement ? Bien sûr… Hahaha. Ça ne doit pas être trop mal, en effet, hahaha !! »

Le reporter ne pouvait qu’essayer de se dépatouiller de la situation délicate dans laquelle il s’était mise en riant de la sorte lors d’une interview.

Sae-Jin sourit légèrement en voyant ça. Il savait pourquoi elle avait agi de la sorte. Elle devait avoir la phobie des caméras, ou quelque chose du genre.

« Bon, bon, alors… Question suivante. Ah, oui, après avoir été élue la femme chevalier la plus belle par vos homologues masculins, pouvez-vous nous dire comment vous vous sent… »

Le reporter oublia un instant la fin de sa question devant le regard unique de Yu-Rin. C’était un regard tout ce qu’il y avait de plus normal, mais venant d’une beauté pareille, c’était quelque chose d’extraordinairement percutant.

« Assurément, ce n’est pas trop mal non plus, hein ? Ah non, attendez, c’est… Qu’est-ce que je disais, encore ? »

Il avait finalement réussi à ouvrir la bouche juste pour sortir des inepties, avant que son professionnalisme ne reprenne le dessus, et il passa rapidement à une autre question.

« Ah, c’est vrai. Pouvez-vous nous éclairer sur ce que l’homme idéal représente pour vous ? C’est juste que, vous savez, plusieurs chevaliers sacrément attirants vous ont choisi comme leur partenaire idéale, vous voyez… »

« … Un homme idéal ? »

« Oui, en effet. »

Yu-Rin réfléchit intensément pendant un moment, avant de laisser échapper un ricanement.

C’était court, mais tellement beau que non seulement la projection, mais aussi toute la morosité de la rue furent emplies d’une lumière nouvelle. Le reporter perdit le fil de ses pensées encore une fois devant l’éblouissant sourire de Yu-Rin.

« Je préfère un homme qui ressemblerait plus à un Gobelin. »

« Euh… Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

« Sauf qu’il doit être intelligent et gentil. En d’autres termes, un Gobelin à la fois doux et compétent. »

« Ah… »

Le reporter interpréta ses mots surréalistes pour un ‘Il n’y a pas d’homme idéal pour moi’, ou quelque chose du même acabit.

« Ou… Oui, bien sûr. Merci pour vos réponses. Comme escompté de Kim Yu-Rin, votre homme idéal doit avoir des qualités… uniques. »

Mais Sae-Jin pensait différemment. Il resta là à regarder la projection de Yu-Rin avec un grand sourire sur le visage, avant d’entrer dans le magasin.

« Bienvenue ! »

« Ah, ouais. Combien pour cette montre-télé ? Oh, attendez, est-ce que ça fonctionnera dans une grotte, là-haut dans la montagne ? »

 

***

 

Alors que les employés des Maisons de l’Alchimie étaient presque tous des spécialistes ayant abandonné la voie de l’alchimie en cours de route, leurs managers ne pouvaient être que des alchimistes accomplis. Un alchimiste devait avoir enregistré au moins trois potions dans le bestseller avant de pouvoir ouvrir une Maison de l’Alchimie ou de pouvoir prétendre devenir un Maître.

L’Elfe Noire alchimiste Hazeline, qui était devenue manager au très jeune âge de 31 ans, arborait une expression indescriptible tandis qu’elle examinait l’échantillon de potion confié par ce mystérieux visiteur un peu plus tôt dans la journée.

« … Hé, pourquoi est-ce que je suis seulement en train de faire ça ? Merde, ce truc n’a absolument pas besoin de vérification. Au minimum, c’est une potion de niveau moyen, peut-être même haut. Depuis combien de temps n’ai-je pas vu une potion aussi limpide et lumineuse ? Et comme un crétin, vous avez laissé filer le génie qui a concocté ça en lui disant que ça devait être testé ?! »

« … Toutes mes excuses… Je ne sais que dire. »

« Oh bref. Au moins, il nous a laissé un échantillon, ce qui signifie qu’il compte probablement revenir et négocier avec nous, alors pas la peine de t’excuser. D’ailleurs, comment a-t-il appelé sa potion ? »

« Ah, c’est… C’est un peu étrange. »

Il hésitait visiblement à répondre, le document rempli par Sae-Jin sous les yeux. Mais à la fin, il se contenta de tout bonnement lire ce qui était écrit.

« La Gentillesse d’un Gobelin. C’est le nom de la potion. »

 

Raka
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16 thoughts on “MWLU : Chapitre 6

  1. je me demande s’il nommera ses autre potion comme ses autre transformation, genre la force d’un orc ou la vitesse d’un loup^^

  2. Cette série commence vraiment super bien!!
    Et bravo pour le floutage du titre qui apparaît quand on clique dessus c’est parfait

  3. merci pour le chapitre ça promet le prix qu’il va obtenir , il est vraiment prenant ce Novel merci beaucoup

  4. je ne tournerai pas autour du pot ; ça n’a pas de rapport direct avec l’histoire mais je ne sais pas comment et où mettre cette demande : 

    SERAT-IL POSSIBLE DE METTRE UNE FONCTION QUI PERMET DE CHANGER LA TAILLE DU TEXTE ET SEULEMENT LE TEXTE DU CHAPITRE POUR TOUTES LES HISTOIRES SANS AVOIR A TOUT ZOOMER ; PLEASE ? ! 

    (si possible une réponse des gérants du site)

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