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TheDAB : Chapitre 35

Chapitre 34

Les choses tournent encore plus mal

 

« Patriarche ! Désolé de cette intrusion alors que vous rendez visite à un disciple mais il s’agit d’un problème de la plus haute imp… Oh ?! » Xiao Jie avait suivi l’aura du patriarche, que ce dernier ne masquait en aucune occasion. Il ne s’était pas rendu compte de l’endroit où il venait d’arriver, ne sachant pas où habitait Shi Kun… jusqu’à ce que son regard se verrouille sur lui, faible disciple qui le regardait d’un air un peu bête.

« Patriarche !! Sh… Shi Kun ! C’est lui ! C’est lui, la cause de tout ça ! » Xiao Jie le pointa du doigt en se mettant à crier, un peu anxieusement.

« Du calme, du calme, ancien Xiao Jie. Que se passe-t-il ? Reprenez donc depuis le début. » Le patriarche pouvait voir que l’ancien était agité et voulut immédiatement mettre les choses au point.

L’ancien prit une profonde inspiration après avoir compris les intentions du patriarche. Il ferma les yeux et les rouvrit un instant plus tard. Sa base de cultivation, précédemment chaotique, tournait à nouveau plus paisiblement. Dans ses yeux en revanche pouvait être lue une rage évidente.

« Patriarche, ce disciple que voilà cherche à ruiner la secte. » Il n’entra pas directement dans le vif du sujet. Xiao Jie savait que 500.000 pierres spirituelles ne représentaient pas une somme suffisante pour vider les coffres de la secte, bien sûr. Cependant, il détestait Shi Kun.

Il l’avait présenté au Patriarche pour le bien de la secte et ce malgré sa défaite ; un tel prodige devait être nourri et il avait tant bien que mal réprimé ses propres instincts revanchards pour la secte. Mais voilà que Shi Kun leur avait joué un tour pareil ! Pour Xiao Jie, c’était trop. Peu importait le disciple ou son avenir : même si ce devait être le plus grand génie de tous les temps, il finirait par détruire la secte s’il continuait à agir ainsi : il fallait mettre un terme à ce genre de comportement plus tôt que tard.

Aussi présenta-t-il les choses au patriarche de la sorte, mettant immédiatement en avant les risques critiques de l’affaire qu’il était venu lui présenter, avant même de s’expliquer. Cela permettrait au patriarche de développer un préjugé favorable à Xiao Jie avant même de savoir de quoi il retournait.

Et vieux renard qu’il était, il avait raison. Le patriarche fronça les sourcils et se tourna vers Shi Kun.

« Ruiner la secte ? Qu’as-tu donc fait ? »

Shi Kun ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais aucun son n’en sortit. En fin de compte, il ne sut de quoi pouvait bien parler Xiao Jie. L’alambic ? C’était une histoire déjà oubliée dans l’esprit de Shi Kun. Cela faisait déjà plus de deux semaines !

Voyant que Shi Kun n’allait pas s’expliquer, Xiao Jie reprit la parole.

« Regardez, Patriarche ! Voici une facture qui vient d’arriver à la secte ! » Xiao Jie brandit le document sous le nez du patriarche, qui s’en saisit immédiatement. Après un rapide coup d’œil en diagonale, il ouvrit des yeux aussi grands que la montagne impériale.

« SHI KUN ?! » Il hurla sans le vouloir, faisant voler l’ancien quelques pas en arrière, plaquant Shi Kun contre le mur de sa cabane et lui faisant cracher du sang. Même les murs faillirent exploser. « Oh. Désolé… »

Il secoua le papier en direction de Shi Kun, qui s’essuyait la bouche sans trop comprendre ce qui venait de se passer. « …mais c’est quoi, ça ?! 500.000 pierres pour un achat pareil ?! S’agit-il de cet alambic ridiculement bon marché que je vois là ?! »

Le patriarche fit un geste de la main et l’alambic vola dans sa direction. « Et en plus, il y a des traces de brûlure ! Shi Kun ! Nettoie ça immédiatement, nous allons le retourner au vendeur ! Je reviens bientôt, tâche d’avoir fini ! »

Le patriarche sortit et s’envola, emmenant avec lui des pensées mitigées, furieuses et impuissantes. Qu’avait-il pris à Shi Kun d’effectuer une dépenser pareille au nom de la secte ?!

S’il s’était agi de n’importe quel autre disciple, il aurait immédiatement été puni. Après, tout, un achat effectué au nom de la secte devait être présenté à un ancien avant toute chose, avant même d’être signé. Mais Shi Kun… Le patriarche connaissait maintenant trop bien son caractère léger, et ce pauvre mendiant à l’esprit un peu trop libre n’avait sans doute pas encore pris connaissance des règles de la secte.

« Il va falloir y remédier bien vite. » Pensant à ce qu’il allait devoir faire, il disparut vers l’horizon.

L’ancien esquissa un sourire en coin et quitta à son tour les lieux sans dire un mot.

Au bout de quelques instants, Shi Kun réalisa tout ce qui venait de se passer.

« Mais… Cet ancien, poursuit-il vraiment le Dao de l’honneur ? On dirait qu’il est plutôt adepte du Dao du comportement puéril… »

Shi Kun fit la grimace, laissé seul chez lui, avec un alambic à nettoyer de toutes ces traces de brûlure ainsi que quatorze bouteilles d’alcool posées à même le sol.

« …Incarnation de la Paresse… » Shi Kun fit un geste de la main et voulut invoquer la Paresse afin qu’elle nettoie l’alambic à sa place. « Après tout, pourquoi faire quelque chose soi-même quand on peut… »

Il n’eut pas le temps de finir de marmonner tout bas quand la voix de la Paresse se fit entendre.

« Je dors ! Reviens plus tard ! »

« … »

Évidemment, Shi Kun avait presque oublié qu’il avait à faire à plus paresseux que lui et que même s’il s’agissait d’une technique d’invocation, il n’était pas assez puissant pour empêcher la tortue de n’en faire qu’à sa tête.

« Quand je serai plus puissant… Tu verras ! Je t’invoquerai sans arrêt ! Oh… Comme si j’allais me fatiguer pour ça. » Shi Kun ne put rien faire d’autre que de lancer une menace en l’air dans l’espoir que la Paresse l’entende, où qu’elle fût. Il savait pourtant bien qu’il ne serait jamais assez puissant pour ça : elle était un démon exceptionnel, elle le lui avait dit. Peut-être était-elle aussi puissante que ce grand démon avec qui Bai Liuxiang avait passé un contrat ?

« Ha ha… Suis-je bête. Il a passé ce contrat lorsqu’il était au pic de la cultivation, et il l’a fait avec un démon qui pouvait lui promettre encore plus. Pas moyen, pas moyen. »

Shi Kun soupira. Finalement, il n’eut d’autre choix que de remonter ses manches et se mettre à frotter l’intérieur de l’alambic. Entre séances de nettoyage et siestes, il eut terminé le lendemain matin.

« Pff… Il était temps. Le patriarche n’est toujours pas là ? » Au moment où il essuyait la sueur de son front en se posant la question, il sentit une aura étrangement familière arriver devant chez lui. Le patriarche Destinée venait d’arriver.

« Bon sang mais il m’espionne, ou quoi ? »

Shi Kun attrapa l’alambic et le regarda avec des yeux emplis de larmes. « J’ai tant donné pour te trouver… Et nous allons devoir nous séparer, maintenant que j’avais à peine compris comment distiller de l’alcool spirituel… »

Le patriarche ne prononça pas un mot et fit un geste de la main. Tous deux s’envolèrent et filèrent à toute vitesse en direction de la ville, vers la boutique exacte où Shi Kun avait acheté l’alambic.

Une fois sur place, ils entrèrent à l’intérieur du bâtiment et cherchèrent le marchand du regard. Naturellement, ce dernier se souvint de Shi Kun, son meilleur client depuis l’ouverture de la boutique, bien des années auparavant. Aussitôt qu’il sentit la pression écrasante émise par le vieil homme qui l’accompagnait, il comprit que quelque chose n’allait pas.

« Cet homme est un puissant cultivateur ! Sans doute un responsable de la secte de la Porte Azure. Le patriarche, peut-être ? » Il ne l’avait jamais vu en personne et ne pouvait le reconnaître. Mais loin d’être idiot, il se doutait de son identité. Après tout, on parlait d’une facture de 500.000 pierres spirituelles : même si à ses yeux, elle ne représentait rien pour une secte, il s’attendait tout de même à ce que les choses ne se passent pas aussi bien car l’alambic n’avait clairement pas cette valeur.

« Bonjour, bonjour et bienvenue, chers clients ! Que puis-je faire pour vous, exaltés ? » Il fit de son mieux pour sourire et conserver une attitude commerçante.

« Nous sommes venus rendre cet objet. Et ne t’avise plus jamais de tenter d’arnaquer ma secte de la Porte Azure. » Le patriarche posa l’alambic sur le comptoir et l’accompagna de la facture. « Selon la loi de l’Empereur, nous avons quatre semaines complètes pour rendre un objet à son vendeur. Reprends cet alambic et annule cette facture, qui soit dit en passant, est un pur vol. »

« Du vol ? » Le marchand sembla surpris, choqué, même. « Nous avons passé un marché, ce disciple et moi. Il est celui qui est venu me demander un alambic, en connaissant la rareté de ce genre d’outil. Je lui ai proposé un prix, qu’il a accepté sans chercher à négocier ! Comment pouvez-vous oser prétendre qu’il s’agit de vol ? En lui vendant cet alambic, je courais le risque de mettre en péril mon marché en donnant naissance à un concurrent ! »

Son argumentaire était parfait. Cela dit, le patriarche s’en moqua bien et appuya une fois de plus sur le fait que la loi lui permettait de rendre l’objet en question à son vendeur et que le délai n’était pas encore dépassé. Finalement, le marchand soupira, incapable de trouver moyen de réfuter plus longtemps.

« Bien… Bien, je vais le… oh ? Mais… » Il s’apprêtait à céder, les larmes aux yeux, lorsqu’il s’aperçut de quelque chose, au fond de l’alambic.

« Quelle est cette tache noire, là ? » Le marchand sembla s’étonner mais au fond de lui, il riait déjà aux éclats.

Shi Kun et le patriarche tendirent le cou pour observer la tache dont le vendeur parlait. Et assurément, il restait tout au fond, juste au milieu, une brûlure noire de la taille d’un pouce.

« Quoi ? Ce n’est qu’une tache due à l’utilisation, que je n’ai pas réussi à faire partir. » Shi Kun haussa les épaules, peu concerné. Il avait tenté de nettoyer cette tache de je-ne-sais-quoi carbonisé en vain, encore et encore, avant d’abandonner et se disant que tout irait bien.

« Chers clients, je ne peux reprendre un article endommagé. Cela fait partie de la loi. Je suis sincèrement désolé mais comment suis-je censé pouvoir vendre à nouveau cet alambic si je le propose dans cet état ? » Le marchant souriant brillamment, persuadé d’avoir réussi l’affaire du siècle. Si cette tache était incrustée et ne partait pas comme le prétendait le disciple, alors les 500.000 pierres spirituelles étaient à lui.

Le patriarche faillit vomir du sang et se tourna vers Shi Kun en fronçant les sourcils. Puis, il reprit l’alambic avant de se tourner vers l’impudent vendeur.

« Nous allons la faire partir, cette trace. Nous serons de retour dans la journée. Soyez là. »

Sans laisser le temps au marchand de répondre, le patriarche et Shi Kun partirent comme un coup de vent.

De retour seul chez lui avec un ordre précis de la part du patriarche, Shi Kun soupira.

« J’ai autant de temps qu’il faut à deux bâtons d’encens pour brûler, tout ça pour enlever cette trace ? Mais je n’ai pas réussi avant… Bon, je suppose qu’il va falloir que j’essaye plus durement. » Shi Kun ne tenta même pas d’invoquer la Paresse ; peut-être possédait-elle un moyen de savoir pourquoi il voulait la faire venir…

Shi Kun commença à frotter à nouveau, aussi fort que possible et en insistant sur cet endroit en particulier. Encore, encore, encore. Le temps s’écoula et la trace commença tout doucement à s’effacer.

« Oui ! J’y arrive ! Bon sang, n’aurait-il pas simplement pu me laisser cet alambic ?! Il fait tout ça pour 500.000 malheureuses pierres spirituelles ! La secte doit en posséder des centaines de fois plus… »

Tandis qu’il s’énervait intérieurement, Shi Kun appuya toujours plus à chaque mouvement.

Il observait cette tache indélébile disparaître petit à petit. À mesure qu’elle s’effaçait, Shi Kun ne souriait pour autant pas. « Mais pourquoi dois-je faire tout ça ? Je ne demandais pas grand-chose… »

Alors qu’elle était totalement nettoyée, Shi Kun entendit un craquement sec. Il s’immobilisa d’un seul coup et une goutte de sueur naquit dans sa nuque.

« Ne… Ne me dis pas que… » Shi Kun baissa les yeux lentement, apeuré par ce qu’il s’attendait à voir. Et peu déçu par son instinct, ce qu’il aperçut ne fut d’aucune commune mesure avec l’ennui qui le rongeait préalablement.

Juste là, comme une immense bouche souriante le verre, une fêlure s’étirait sur le verre de l’alambic. Shi Kun ouvrit des yeux grands comme des pastèques et eut envie de pleurer mais aucune larme ne coula.

« Mon… Mon alambic ! Non ! » Shi Kun le fit tourner et retourner entre ses mains et constata que finalement, la fissure dans le verre n’était visible que sous un certain angle et lorsque la lumière l’éclairait de la bonne direction. Il soupira.

« Vu comme ça, l’alambic est comme neuf. Si on n’insiste pas trop, il n’y verra que du feu, c’est certain. Et puis elle n’est pas grande et n’empêche pas l’utilisation de l’alambic. »

Le patriarche arriva peu de temps après. Il ne prit pas vraiment le temps de vérifier l’intégrité de l’alambic, se contentant de constater que la tache coupable avait effectivement disparu, et tapota l’épaule de Shi Kun.

« C’est bien. Grâce à ça, tu vas pouvoir réparer ton erreur. Allons-y. » Sans perdre de temps, il attrapa Shi Kun par l’épaule et s’envola avec lui en direction de la ville.

Une fois dans la boutique de spiritueux, le patriarche souffla en marmonnant tout bas.

« C’est incroyable ce qu’il faut qu’un patriarche fasse pour corriger les erreurs d’un disciple… » Mais s’il n’avait pas choisi de veiller sur ce disciple-ci en particulier, il ne serait pas dans cette situation, alors il ne put faire autrement que de ravaler ses complaintes et aller de l’avant.

« Bonjour, chers cli… Oh, c’est vous. » Le marchand, accueillant comme à son habitude, repéra le duo qui entrait une nouvelle fois dans sa boutique. « Ne me dites pas que vous êtes encore venus tenter de me rendre cet alambic ? Je vous l’ai dit, il n’est plus comme neuf et je… »

« Il l’est ! » Le patriarche lui coupa la parole, sa voix tonnant comme une explosion dans la petite boutique. Les bouteilles et fioles exposées sur les étagères vibrèrent et tremblèrent. Oui, avec tout ça, le patriarche perdait patience.

« C… Comment ça, il l’est ? Et cette tache ? »

Shi Kun sentit le regard du patriarche posé sur lui et se hâta de s’avancer pour poser l’alambic sur le comptoir. « Voilà. »

Le marchand se mit à transpirer. Qu’allait-il bien pouvoir faire désormais pour ne pas avoir à annuler cette facture ? Soudain, son regard s’illumina.

« Mais… Je ne peux pas reprendre cet alambic, chers clients. Le verre est cassé, juste ici, au fond. »

Le patriarche se mit à vomir du sang pour de bon.

Raka
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11 thoughts on “TheDAB : Chapitre 34

  1. Je pense qu’à ce stade, Shi Kun et le vendeur vont bien prendre chère. Je ne sais pas pourquoi je dis ça. Ça doit être mon instinct :p.

    Bref, merci pour ce chapitre.

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