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Chapitre 37

Un handicap inattendu

 

Shi Kun passa les deux semaines restantes avant le tournoi à tenter de distiller l’alcool spirituel parfait. Par parfait, il cherchait à atteindre un seuil d’impuretés inférieur à 90%, en vain évidemment. La meilleure bouteille qu’il eût réussi à sortir contenait 94% d’impuretés, un niveau qu’il avait déjà atteint précédemment à une reprise.

« Je n’y arriverai jamais… ? Il me faut un autre fruit spirituel. Mais je n’ai pas les ressources nécessaires pour en acheter beaucoup, seule la pêche spirituelle est bon marché. » Shi Kun commençait à se dire qu’il n’irait nulle part avec les pêches spirituelles. Quand bien même, il s’agissait du seul fruit qui poussait directement dans la secte et qui se vendait extrêmement peu cher.

« Si je gagnais plus de pierres spirituelles chaque semaine… » Shi Kun n’osa pas poursuivre plus loin cette idée. S’il osait demander une augmentation, il avait peur que les anciens lui tombent dessus et lui demandent de rembourser ces 500.000 pierres spirituelles.

Shi Kun sortit alors de chez lui et observa le soleil de fin de matinée. Il faisait bon et les nuages flottaient hasardeusement dans le ciel.

« Oh, un nuage en forme de Pagode. » Comme d’habitude, Shi Kun prêta immédiatement une forme au premier nuage qu’il vit. Il partit pour une petite promenade afin de s’éclaircir les idées. Le tournoi avait lieu le lendemain matin.

« Aujourd’hui, je ne fais rien ! » Shi Kun décida de se contenter de se balader et se reposer. Après tout, ce n’était pas en vingt-quatre heures qu’il allait pouvoir changer la donne. Une dernière distillation ? À quoi bon ? Il passerait la nuit à ça et serait épuisé le matin venu. Même si cette dernière distillation était parfaite, l’alcool serait brûlant et il n’aurait pas le temps de le boire avant de devoir se rendre au tournoi.

Shi Kun regarda autour de lui et choisit d’aller se promener en ville. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas revu certaines de ses anciennes connaissances parmi les mendiants et il avait hâte de leur raconter ses dernières aventures.

Il se rendit alors sans se presser jusqu’au quartier où il savait qu’il allait trouver le vieux Gu Leifei en train de mendier. Aussitôt l’eût-il vu qu’il lui adressa un large sourire auquel répondit le mendiant édenté.

« Kun’er ! Te revoilà ! Nous ne t’avons pas vu depuis au moins un mois ! » Il se leva et accourut en direction de Shi Kun.

« Ah, mon vieux Gu Leifei. Oui, ça fait longtemps. Comment vont les affaires ? » Shi Kun voulait réellement et simplement se libérer l’esprit après un mois passé à distiller.

« Oh, comme d’habitude. Les gens passent et repassent, ça va, ça vient. Un jour nous sommes des rois, le lendemain nous sommes des chiens. Mais nous pouvons manger à notre faim, c’est déjà ça. »

Gu Leifei ne faisait que décrire la vie habituelle d’un mendiant. Satisfait par ce quotidien inchangé, Shi Kun hocha la tête, les mains dans le dos tel l’expert venu d’une grande secte pour veiller sur les affaires de la ville dont il avait la responsabilité.

« Rien de neuf, n’est-ce pas ? As-tu continué à cultiver ? » s’enquit alors le vieux mendiant.

« Oh, tout va bien. Je cultive, je me repose. Je distille de l’alcool aussi. Demain, je vais participer à un grand tournoi duquel j’espère ressortir grand gagnant après avoir écrasé tous mes adversaires comme des mouches. » Shi Kun avait mis beaucoup d’emphase sur sa dernière phrase pour tenter de paraître le plus dominant possible. S’il avait pu émaner de lui une aura de fierté, il ne se serait pas privé.

Mais le vieux Gu Leifei et son jeune ami mendiant duquel il était inséparable restèrent bloqués à la distillation d’alcool.

« Quoi ? De l’alcool gratuit, c’est ça ? » Tous deux répondirent de concert, ce qui valut une claque derrière la tête du plus jeune. Laisse l’ancien parler, semblait-il dire sans perdre son sourire.

« Oh… Oui, on peut dire ça. Mais n’avez-vous pas entendu ce que je… »

« Et je suis certain que tu en as ramené quelques bouteilles à tes vieux amis, n’est-ce pas, Kun’er ?! » Gu Leifei lui coupa la parole une fois de plus, se moquant totalement du tournoi et des affaires de la secte. Shi Kun pouvait aussi bien avoir gravi une montagne qu’il s’en ficherait tout autant.

L’alcool en revanche…

Shi Kun finit par abandonner. Il savait que les choses termineraient sous de tels auspices, connaissant le vieux Gu Leifei, il ne pouvait en être autrement. Alors il décrocha deux bouteilles d’alcool spirituel accrochées à sa ceinture, dans son dos, et en offrit une à chacun des deux mendiants.

« Il s’agit d’alcool spirituel. Pour vous, cela ne fera aucune différence mais je tenais à vous le dire. » Même s’il était empli d’impuretés, ces mendiants ne cultiveraient jamais de toute façon. Qu’ils se régalent alors d’un bon alcool !

« Oh, c’est à la pêche spirituelle. »

« !! »

Le vieux Gu Leifei laissa échapper un hoquet de surprise. Parmi les mendiants, les fruits spirituels étaient réputés à tort comme étant bien meilleurs que les fruits normaux. Aussi, un alcool réalisé à partir d’une pêche spirituelle devait être fameux ! Il se hâta de débouchonner la bouteille et d’en boire une longue rasade.

« Pfouaaaaa… » S’essuyant la bouche du revers de la manche, il afficha à nouveau un large sourire béat. « C’est comme on dit, les fruits spirituels sont vraiment autre chose, je vous le dis. »

Shi Kun haussa les épaules et après avoir discuté encore un moment, décida qu’il était temps de rentrer.

 

**

 

La nuit arriva rapidement et le matin encore plus. Shi Kun commençait à sentir le stress monter à mesure que l’heure fatidique approchait. Bientôt, le patriarche posa le pied devant chez Shi Kun et sans qu’aucun d’eux ne dise un mot, il l’emmena avec lui en direction de l’arène où allait se dérouler le tournoi.

Sur place, une foule de disciples s’était déjà rassemblée. Shi Kun pouvait en compter au moins quatre cents.

« Ils sont tous venus assister au tournoi ? » Il se posa naturellement la question en se souvenant qu’il ne devait y avoir que cinq génies, deux autres personne et lui-même inscrits ce jour-là.

« On devrait être huit. »

Le patriarche hocha la tête pour confirmer ce que disait Shi Kun. « Huit en effet. Cinq d’entre eux sont particulièrement doués, fais attention. Un des deux restants l’est moins mais vient d’une grande famille, alors qui sait quelles astuces il pourrait avoir dans sa manche ? Le dernier est un disciple on ne peut plus classique. Tu ne devrais pas avoir peur de lui. »

Après avoir fait son résumé, le patriarche s’arrêta et Shi Kun l’imita.

« Maintenant, l’ancien Tang Wuhan, en charge de l’organisation de certains tournois, va immédiatement lancer les hostilités. Nous sommes un peu en retard et les présentations ont sans doute déjà été faites. Regarde bien. » Le patriarche pointa l’arène du doigt et assurément, un vieil homme venait de s’avancer, laissant à tous l’opportunité de ressentir la profondeur de sa base de cultivation de l’Établissement des Fondations.

En réalité, peu de disciples furent capables de la mesurer avec précision. La plupart n’étaient pas assez puissants pour estimer autre chose que qu’est-ce que c’est puissant !

L’ancien toussota deux fois et se mit à parler d’une voix forte.

« Comme nous l’avons déjà annoncé précédemment, que tout le monde soit là ou pas, nous allons commencer dès maintenant ! »

Il se tourna vers la foule et son regard se verrouilla sur deux jeunes disciples en particulier.

« Peng Fen, Guo An. Montez dans l’arène. »

L’ancien recula et sortit du promontoire qui tenait lieu de ring surélevé pour laisser s’avancer les deux génies qu’il venait de nommer.

« Directement, deux génies vont se battre ? » Shi Kun s’attendait à ce que les deux participants moins doués se fassent éliminer rapidement et que les combats entre les cinq restants – et lui – soient le clou du spectacle. Mais il fallait croire que tout avait été laissé au hasard.

Les disciples se mirent à applaudir en rythme et à encourager leur favori. Chacun d’eux bénéficiait déjà d’une certaine réputation au sein des disciples de la secte, fût-ce chez les plus faibles qui les regardaient comme des idoles ou chez les plus âgés qui voyaient leur potentiel futur.

« Guo An. Alors nous sommes les premiers, ha ha. »

« Peng Fen, je me disais la même chose. »

Tous deux se lancèrent quelques lignes de dialogues de politesse, cherchant à jauger la puissance de l’autre pendant le même temps. Shi Kun pouvait sentir que quelque chose, dans leur voix, ne tournait cependant pas rond. En jetant un coup d’œil en direction du patriarche, il put voir que ce dernier fronçait les sourcils.

Guo An ne se fit cependant pas prier et se jeta en avant pour envoyer un coup de poing en direction de Peng Fen. Il n’y avait là aucune technique, sa base de cultivation n’avait pas été réquisitionnée, il se contentait d’un simple coup de poing le plus physique possible.

Peng Fen le vit naturellement arriver et fit un pas de côté afin de l’esquiver, à la suite de quoi il répondit par son propre coup de poing visant à percuter le menton de Guo An, qui ne se laissa à son tour pas avoir.

Après les premiers coups de salutations, tous deux se tenaient face à face, prêts à bouger au moindre signe de l’adversaire. Shi Kun ne put que constater la banalité de leur combat. Plusieurs tentatives de coups plus tard, rien n’avait changé. Si les choses continuaient ainsi, ils allaient réellement faire à peine mieux qu’un simple combat de rue. Shi Kun en avait vu beaucoup, en ville ; il s’attendait à ce que ceux qu’on appelait les génies de leur génération fussent un peu plus extravagants que ça.

« Si c’est ça, alors même moi, je pourrais les… »

Il n’eut pas le temps de finir sa pensée. Guo An se mit à parler à Peng Fen, comme pour le provoquer.

« Alors, Peng Fen… Tu refuses toujours d’utiliser une technique ? Comptes-tu me terrasser avec tes poings nus ? »

« Hah ! Tu peux parler, Guo An ! Je pourrais te dire la même chose ! Où est cette fameuse technique de la tempête sauvage dont tu es si fier ? Je m’attendais à la voir, aujourd’hui ! Ne me dis pas que je ne suis pas digne ?! »

« Digne ? Tu l’es largement, mon ami. Mais nous sommes dans une arène, et l’important est de gagner ! »

« Ce que tu dis n’a pas de sens ! » Peng Fen cria en se jetant en avant pour tenter à nouveau de frapper son adversaire. Déjà, la foule s’était tue ; encouragements et applaudissements avaient cessés face à cette parodie de combat de mortels.

Au bout de quelques dizaines d’échanges infructueux, les deux adversaires soufflaient et haletaient. Nul n’avait réellement réussi à toucher l’autre mais ils persistaient à vouloir essayer, comme s’ils n’avaient pas d’autre choix.

Le patriarche prit alors la parole.

« Que se passe-t-il, disciples ? Pourquoi vos méridiens sont-ils à ce points bouchés ? »

Lorsque les deux adversaires entendirent ces mots, leurs épaules tombèrent et ils se regardèrent, l’air bête.

« Peng Fen… Toi aussi… ? »

« Quoi ? Guo An, tu veux dire, tes méridiens sont bouchés également ? »

« Bon sang ! Je n’arrive pas à faire circuler mon qi ! Ma base de cultivation est totalement handicapée ! » Guo An s’énerva en tapant du pied, impuissant et ne comprenant rien à ce qui lui arrivait. « Je… Je pensais que j’étais victime d’une technique, ou d’une malédiction, ou… je ne sais pas ! Mais je ne peux plus rien faire depuis bientôt deux semaines ! »

« Toi aussi… ?! Je suis dans le même cas… » Peng Fen eut envie de vomir du sang. Que se passait-il avec leurs méridiens ?!

Le patriarche prit une nouvelle fois la parole.

« Pourquoi n’avoir rien dit ? Pourquoi avoir voulu combattre de la sorte ? »

« Je n’osais rien dire, de peur d’entacher ma réputation. Je me disais que mes poings seraient suffisants pour venir à bout de quelques disciples. Après tout, je suis la fierté de ma famille… » Guo An ne savait plus quoi dire pour se justifier. Il se rendait bien compte qu’il n’avait aucune chance face à un cultivateur en pleine possession de ses moyens et pourtant, son arrogance l’avait poussé dans un engrenage duquel il n’avait pas réussi à sortir jusqu’à se retrouver là, sur le ring.

Il avait même imaginé un plan parfait pour prétendre laisser gagner ses adversaires tel un grand seigneur afin de leur donner confiance pour leur avenir, mais tout avait été mis à mal désormais.

Le patriarche secoua la tête. Des méridiens bouchés étaient guérissables, avec du temps. Ils prendraient assurément du retard dans leur cultivation, mais rien n’était encore irréversible. Cela dit, il était également vrai qu’ils auraient dû déclarer forfait.

Seulement, les règles étaient les règles. Ils étaient montés sur le ring avec leurs capacités et leurs handicaps en connaissance de cause, et ils devaient désormais assumer et terminer ce combat, aussi pathétique fût-il.

Tous deux continuèrent à se frapper, la fatigue permettant à plus de coups d’atteindre leur cible. Finalement, Peng Fen se retrouva à terre et ne se releva pas. Guo An l’avait totalement assommé et fût déclaré vainqueur du combat.

« Merde… Comment pouvons-nous être deux à avoir le même problème, d’un seul coup ? » Une fois la tension du combat retombée, Guo An eut l’occasion de réfléchir un peu plus posément à la situation. « Dois-je abandonner ? »

Soudain, deux autres disciples, un garçon et une fille, s’approchèrent de lui et tous trois discutèrent à voix basse. Guo An ouvrit des yeux grands comme des pastèques spirituelles et son regard se tourna peu à peu vers Shi Kun, qu’il finit par dévisager avec effroi. Finalement, un simple mot sortit de sa bouche, comme tiré des tréfonds de ses tripes.

« …Méprisable ! »

Raka
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14 thoughts on “TheDAB : Chapitre 37

    1. Le problème ,c’est que tout le monde va croire qu’il l’a fait exprès.Bonne chance,pour redorer son blason après ca.

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