TheDAB : Chapitre 49
TheDAB : Chapitre 51

Chapitre 50

 

« L’ivresse ne dure décidément plus assez longtemps. En vérité, ça me manque un peu. Mais qu’importe… Il faut déjà que je reparte. » Shi Kun soupira et après avoir totalement raffiné l’alcool qu’il venait de boire, se leva et épousseta sa toge.

« Hm ? Quel est ce bruit ? » Shi Kun tendit l’oreille. Un léger vrombissement, comme un tremblement de l’espace tout autour de lui, résonna depuis l’extérieur. « Je pensais que ce village était abandonné ? »

Et abandonné signifiait désert, silencieux et sans vie. Or, silencieux, il ne l’était plus à ce moment précis. Au contraire, le bruit s’intensifiait et il devint clair aux oreilles de Shi Kun qu’il s’agissait de ce qui ressemblait à des voix dont l’éloignement – ou l’isolement – en étouffait les paroles. Mais il était évident que pour produire un bourdonnement pareil, il fallait qu’elles parlent – ou chantent – à l’unisson, comme un seul homme.

« C’est étrange. Il faudrait beaucoup de gens pour un tel résultat. Pourquoi est-ce que je ne ressens aucune présence ? Sont-ils vraiment trop éloignés ? »

Shi Kun balaya à nouveau ce qu’il pouvait du village de ses sens spirituels. Plus curieux qu’apeuré, il cherchait à comprendre d’où pouvaient bien provenir ces voix.

Soudain, il ressentit une douleur intense dans son ventre. D’un seul coup, forcé de se plier en deux, il se mit à vomir… L’alcool qu’il avait bu était déjà totalement raffiné par son dantian et une substance brune et visqueuse se répandit bientôt au sol. Shi Kun tomba à genoux les larmes aux yeux, avant de sentir quelque chose remonter le long de son œsophage.

« Beuuaaarg !! » Shi Kun cracha avec grand mal un morceau de chair de quelques centimètres à peine. Verdâtre, gluant et à moitié transparent, ce dernier se désintégra presque immédiatement sur le sol froid et dur, ne laissant derrière lui qu’un relent léger, souvenir fugace de l’alcool dont il était imbibé.

« Euh… Euh… Ah… Qu… Qu’est-ce que c’était ? » Shi Kun haletait après avoir fourni un effort inattendu et intense. « Mais… Je me sens bien… Je me sens vraiment bien ! Comme si une partie pourrie de moi-même avait décidé de disparaître ! »

Le petit morceau de chair en forme de ver n’était plus qu’un souvenir. Shi Kun ne s’y intéressa pas outre mesure et tout en s’essuyant la bouche, se retourna en direction du bourdonnement qui lui sembla provenir…

« Sous terre ? » Alors qu’il était à genoux par terre, Shi Kun avait remarqué que le sol vibrait légèrement. Une sensation lointaine, amenuisée par l’épaisse couche de roche dans le sol, semblait lui indiquer que quelque part, là en-dessous, vivaient des êtres humains et qu’ils étaient en plein chant.

« Je… Je ferais mieux de ne pas m’en occuper, finalement. » Pris d’une intuition de mauvais augure, Shi Kun prit la décision de ne pas s’attarder plus que nécessaire dans ce petit village où il lui semblait après un compte plus précis qu’il ne pouvait vivre qu’une trentaine d’habitants en en emplissant toutes les maisons.

« Je vais partir, oui. Il est temps de rentrer. Je ne sais même pas à quelle distance exactement je suis de ma préfecture de Jiaoju. »

Shi Kun sortit prudemment de la maison, comme s’il s’attendait à ce qu’après avoir entendu ces voix faibles et souterraines, quelque démon ne lui tombe dessus. « Je pourrai toujours faire appel à la Paresse si ce devait être le cas… Il est également un démon. »

Shi Kun se rendit compte que l’extérieur était toujours aussi désert et pressa immédiatement le pas. Sortir de ce village étrange était devenu la priorité absolue ; d’un seul coup, plus rien d’autre n’avait d’importance à ses yeux : c’était comme s’il était pris au piège d’une énorme boîte et qu’il savait que l’unique sortie allait se refermer bientôt.

Et comme il ne pensait pas si bien croire, il lui fallut le temps que met un bâton d’encens pour brûler pour percuter une barrière invisible.

« Eh ? » Après s’être cogné dans un mur qui n’existait pas, Shi Kun secoua la tête. « Une formation ? »

De toute évidence, une formation se tenait devant lui et l’empêchait de passer. Il décida alors d’en faire le tour : il ignorait – et ne voulait même pas savoir – ce qu’une telle formation faisait là mais elle devait bien s’arrêter quelque part. Les vibrations dans l’air avaient cessé depuis un bon moment maintenant qu’il s’était éloigné un peu du village et il se sentait bien moins oppressé là, dans la prairie qui l’entourait.

Mais pourquoi une formation invisible… ?

Touchant la formation de la main, Shi Kun se mit à la longer afin d’en découvrir l’extrémité. Une fois arrivé au bout, il pourrait alors en faire le tour et reprendre la route dans la bonne direction.

« C’est long, quand même… » Lorsque le soleil se coucha, Shi Kun n’avait toujours pas lâché la formation de la main et cette dernière n’avait toujours pas de fin. « J’ai l’impression que… »

Shi Kun fronça les sourcils.

« Cette formation tourne légèrement vers l’intérieur… Comme si j’étais à l’intérieur d’un dôme, d’une bulle. Si je continue ainsi, au bout de plusieurs jours, je vais sans doute retourner à mon point de départ. Je suis enfermé ? »

Shi Kun analysa rapidement la situation et se persuada qu’il était bel et bien piégé dans une formation invisible. Et si ses calculs étaient bons, elle devait entourer tout le village et une bonne partie des terres environnantes. Mais pour quelle raison ?

« J’ai réussi à entrer, pourquoi ne pourrais-je pas sor… Oh… Ces voix… » Shi Kun réalisa que le chant qu’il avait entendu était alors peut-être une invocation ou un sort magique lancé par des cultivateurs afin de créer cette formation.

« Ils ont fait ça pour me piéger ? » Shi Kun paniqua légèrement. « Incarnation de la Paresse… »

L’air se déchira à ses côtés et la tête de la Paresse en sortit, les yeux encore gonflés d’un sommeil trop court et pas assez réparateur. « Hmm… Que se passe-t-il ? J’espère que c’est important. »

« Je me trouve coincé dans une formation invisible, regarde par toi-même… Elle fait le tour d’un village et je crois que… »

« En effet… » La Paresse plissa les yeux et coupa la parole à Shi Kun. « Il y a là une formation et ce sont des cultivateurs qui l’ont mise en place. Elle est récente. Très récente. Moins d’un jour, je pense. »

Ce que la Paresse disait confortait Shi Kun. Ce qu’il pensait était alors sans doute exact. Les voix qu’il avait entendues étaient celles de cultivateurs cachés sous le village et qui avaient sans doute fait ça pour le prendre au piège. La raison lui importait peu, désormais. Elle ne pouvait pas être bonne.

« Tu peux briser cette formation ? »

La Paresse secoua la tête.

« Non. Pour une raison que j’ignore, elle semble très puissante, si puissante que… comme si je l’avais créée moi-même. J’ai beau tenter d’y envoyer du qi, elle ne tremble même pas. »

« Une formation si puissante… ? Ici ? » Shi Kun ne comprit pas bien l’intérêt de la manœuvre. Ce village n’était-il pas perdu au milieu de la nature ? Qui aurait envie de fournir autant d’efforts et d’énergie pour ça ?

« Hm… » Shi Kun s’apprêtait à répondre mais la Paresse se contenta de bailler et de disparaître, comme si elle ne pouvait plus être d’aucune utilité à Shi Kun.

« Mais… » Shi Kun ne sut que dire devant tant d’impolitesse. Finalement, il haussa les épaules.

« Je vais attendre. Elle finira bien par disparaître. »

Il s’installa au pied d’un arbre solitaire, un grand chêne majestueux qui filtrait les rayons de la lune qui se levait derrière des nuages épars.

« Et d’abord, dormir. Hah. Même si des cultivateurs sont à ma recherche, cette formation est si grande, ils ne me trouveront pas en une seule nuit. J’en suis certain. »

Shi Kun ferma les yeux et s’assoupit presque aussitôt.

 

**

 

Shi Kun ouvrit les yeux et tenta de s’étirer. Malheureusement, ses bras ne bougeaient pas. Attachés dans son dos, ils étaient totalement immobiles. Même ses doigts étaient scellés par une micro-formation invisible afin de l’empêcher d’effectuer des gestes d’incantation.

« Huuuh ? » Shi Kun se balançait dans le vide, les pieds attachés par une corde et la tête en bas.

Il n’eut cependant pas le temps d’observer le cercle magique au moins cinq fois aussi grand que lui, dessiné sur le sol, plusieurs mètres plus bas. Il n’eut pas l’occasion de voir toutes les bougies, les milliers de flammes qui dansaient dans ce qui semblait être une grotte gigantesque.

Non, ce qu’il vit, ce fut cette foule. Ces centaines de personnes toutes habillées de blanc, chacune portant une capuche rabattue devant le visage et masquant la majeure partie de l’expression de chacun. Seules quelques bouches étaient visibles çà et là, et elles souriaient de satisfaction en voyant que Shi Kun avait repris connaissance.

Une voix unique résonna au travers de la foule. En réalité, tout le monde parlait à l’unisson, d’une manière si parfaite qu’on aurait dit la voix d’un être surnaturel, capable de se faire entendre à des jours de marche sans avoir besoin de crier.

Shi Kun aurait voulu se boucher les oreilles mais il ne pouvait pas.

« Ô grand Ancien, précurseur de ce monde et puissance cosmique ! Voici un nouveau fidèle qui vient se joindre à notre grande cause ! Envoie-nous tes faveurs et nous te rendrons fidélité et amour ! »

La voix unique composée de centaines de voix se tut et une personne prit la parole en s’avançant d’un autel de marbre blanc.

« Ô grand Ancien, précurseur de ce monde et puissance cosmique ! Toi qui est Orgueilleux d’avoir créé notre monde, toi qui possède la puissance des étoiles et des astres, toi qui possède les pouvoirs et la connaissance, toi qui nous a montré à quel point tu devais être vénéré ! Voici un nouveau fidèle qui va bientôt lui aussi chanter tes louanges ! »

Sur ces mots, il leva les mains et abattit une dague sur le cœur d’un animal posé sur l’autel. Un vent violent souffla autour de lui et le cercle magique au-dessus duquel pendait Shi Kun se mit à luire, à vibrer d’une vive lumière qui semblait vouloir recouvrir le monde entier.

L’espace d’un instant, Shi Kun ne vit plus rien au monde qui l’entourait. Il ferma les yeux sans le vouloir et ne put les rouvrir que lorsque tout cette lumière eut disparu.

« Eh ? » Il lui sembla discerner quelque chose au-dessus de se tête, à l’envers. Une forme étrange baignée de lumière et de ténèbres, le tout à la fois. Une forme transparente, comme si elle n’était pas totalement présente en ce monde. Une énorme voix sortit de cette étrange créature, horrible et magnifique à la fois.

« Non… Pas encore. Je ne passe pas encore totalement les portes de ce plan. » La créature observa ses mains, de longs doigts effilés terminés par de longues griffes, trop longues et trop bien entretenues mais toujours translucides. Ses longs cheveux – sa crinière – lui retombait sur les épaules et le haut du dos, tous deux faits de muscles puissants et qui ne demandaient qu’à être admirés.

« Un lion ? Un lion bleu clair qui se tient debout sur deux pattes ? » Shi Kun put le voir de près. Encore un peu plus près et il aurait presque pu lui souffler dans la nuque. « Un lion possédant une musculature d’humain ? »

La bête à moitié présente dans cette réalité leva la tête pour regarder Shi Kun droit dans les yeux. Son regard sembla percer tout ce qui pouvait composer l’âme et l’existence de Shi Kun, qui se surprit à frissonner comme une proie face à un prédateur.

« Toi… Tu parles ? » Le lion humanoïde leva ce qui semblait être ses sourcils. « Tu n’es pas sous mon contrôle… ? »

Shi Kun haussa les épaules comme il put. Il ne comprenait pas ce que la bête voulait contrôler mais évidemment, il lui semblait bien posséder tous ses moyens.

Le monstre continua.

« Le rituel a été effectué à la perfection. J’ai senti le sacrifice, j’ai senti l’âme de mes 418 fidèles m’appeler… Pourquoi n’es-tu pas le 419ème ? »

Le lion leva la patte droite, ornée de ces longues griffes trop bien manucurées pour un monstre. Il chercha à toucher Shi Kun mais le traversa de part en part, comme une illusion.

« Plus d’âmes… Plus de fidèles… Il faut que plus d’humains me vénèrent, et je pourrai revenir. »

La bête commença à disparaître progressivement. Soudain, l’air se déchira aux côtés de Shi Kun, d’un seul coup et sans prévenir. La Paresse sortit totalement de l’ouverture de l’espace et avança plus rapidement que jamais en direction du monstre.

« Orgueil. C’est bien toi que j’ai senti. Je le savais. Alors tu essayes toujours de te faire invoquer sur un plan de cultivateurs, mon frère… »

Raka
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8 thoughts on “TheDAB : Chapitre 50

  1. De Un,pauvre ver mental ,est-ce que ces enfants vont continué a se propager en suivant le dernier ordre recu ?

    De deux ,Shi kun a vraiment quelque chose ,je veux dire il a croisé deux démon super puissant (paresse et orgueil) en un petit laps de temps.

    De trois ,merci pour le chapitre

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