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Chapitre 55

 

« Ce n’était rien ? Tu dis que ce n’était rien ?! Mais as-tu seulement vu ce qui s’est passé ? » Le doyen ouvrit de grands yeux incrédules devant Shi Kun, qui semblait prendre la situation à la légère.

« Eh bien ? » Shi Kun haussa les épaules une fois de plus. « Tout est rentré dans l’ordre et ce monde étrange ne nous a pas agressé. Tout va bien. »

Le doyen secoua la tête. Ce gamin, tout élu était-il, pouvait-il ne pas être choqué par tout ça ? Pourtant, il était si faible. Qu’il puisse invoquer un grand ancien n’était plus du tout dans l’équation : Shi Kun avait un tempérament d’acier. Le monde dans lequel ils se trouvaient aurait tout aussi bien pu les noyer sans leur laisser aucune chance de riposter et lui, il se contentait de dire que tout allait bien ?

Même au stade des Fondations, le doyen savait qu’il ne pouvait strictement pas s’opposer à la volonté d’un royaume spirituel miniature, quoi qu’il fasse. Il n’en avait simplement pas les capacités, loin d’être assez puissant pour même en rêver. Alors Shi Kun, du haut de son deuxième niveau de la maîtrise du qi, était totalement incapable de faire quoi que ce fut. Si ce royaume spirituel possédait une règle qui décrétait que tous deux devaient mourir, si le doyen pourrait fuir quelques instants pour sa vie avant de succomber, Shi Kun ne verrait même pas la fin arriver.

Alors comment pouvait-il être si serein ? Si confiant ? Avait-il déjà vécu des situations de ce genre ? Vu des choses incroyables ? Possédait-il un caractère et un tempéraments d’acier ?

« Toi… Qui es-tu ? » Le doyen ne put s’empêcher de poser la question à voix haute sans même s’en rendre compte.

« Eh ? Je suis Shi Kun. Ne m’étais-je pas déjà présenté ? »

Le doyen secoua encore la tête.

« Laisse tomber. Te sens-tu réellement à l’aise ? Pourtant, nous aurions pu mourir… »

« Mourir ? » Shi Kun réprima ce petit bond en arrière qu’il manqua d’effectuer. « Mais ce royaume spirituel s’est contenté de se reformer. Où est le problème ? »

De ce qu’il avait pu constater, Shi Kun avait simplement observé le monde se faire blesser avant de se réparer tout seul, sans s’occuper des intrus en son sein. S’il n’avait pas réagi plus tôt, il ne voyait pas de raison qu’il le fasse si tard.

« Le… Oui, il… D’accord, le monde est réparé, mais… Il pourrait être à la recherche de ceux qui l’ont blessé… » Le doyen sentit une goutte de sueur perler le long de son front. Après tout, il était celui qui avait creusé un immense cratère un peu plus tôt. Shi Kun n’avait fait que le regarder déchaîner sa puissance. Si le monde devait pourchasser le responsable, il ne faisait nul doute qu’il serait cette personne.

« Ne t’en fais donc pas… Ce royaume miniature ne va rien faire. S’il devait vraiment nous tuer, nous serions déjà morts. »

Shi Kun ne connaissait pas grand-chose de ces mondes miniatures mais une chose était certaine : il s’agissait d’endroits défiants la nature même de l’espace-temps et ils possédaient de fait très probablement des pouvoirs outrepassant le bon sens. Shi Kun en avait été témoin lorsque le Gouffre l’avait retrouvé instantanément pour l’aspirer sans lui demander son avis.

« Ne t’en fais pas, doyen. Si le monde nous cherchait, il nous trouverait. » C’était tout ce que Shi Kun pouvait dire pour rassurer le doyen qui avait l’air à deux doigts de la syncope sous le coup de la panique. Cela dit, ce dernier n’avait pas l’air rassuré par les dires d’un jeune cultivateur en herbe.

« Je ne peux pas croire qu’il ait une expérience profonde de ces mondes alors que même moi, qui en ai déjà visités quelques-uns, n’en connais presque rien. » Finalement, il décida que la légèreté avec laquelle Shi Kun prenait la situation n’était que de la naïveté de débutant.

Le doyen se tourna vers l’endroit qui venait d’être réparé pour devenir une forêt encore plus luxuriante que précédemment et fronça les sourcils.

« Non… Le monde ne s’est pas réparé. Il n’est plus comme avant. C’est comme si… comme si quelqu’un était passé par là pour le réparer sans se souvenir de ce à quoi il ressemblait avant. »

« On s’en fiche. Tout ça, c’est fatigant. Tant que nous ne sommes pas en danger, pourquoi se poser tant de questions ? »

« Pourquoi ? Tu veux sortir d’ici, oui ou non ?! » Le doyen n’en crut pas ses oreilles. Oui, ce gamin était vraiment naïf, en fin de compte ! Ne connaissait-il vraiment rien au monde de la cultivation ? Comment pouvait-il posséder la capacité d’invoquer un grand ancien ? Il ne put réprimer cette sensation qui monta le long de son échine et le fit frissonner : la vie est vraiment injuste.

« Bon. On fait quoi ? On part d’ici ? Je suppose que tu ne vas pas accepter si je te propose de faire une sieste d’abord… » Shi Kun avait bien envie de laisser tomber la pression que le doyen dégageait et le forçait à supporter. Mais ce dernier fit un geste sec de la main.

« Il faut que nous nous mettions en quête d’un objet plus puissant que l’arme que je viens d’utiliser. C’est la seule solution que je vois pour sortir d’ici. Je ne peux pas prendre le risque de découvrir quelle est la condition pour sortir de ce monde de façon classique. »

Shi Kun se rappela ce qu’il était sur le point de faire juste avant que le ciel s’ouvre en deux pour laisser tomber des trombes de couleurs.

« Oui ! C’est vrai. Ton épée n’était pas si puissante. J’ai déjà vu mieux. Attends, peut-être que le patriarche de ma secte de la Porte Azure m’a laissé quelque chose d’autre. Il me faut simplement du temps pour fouiller dans cette sacoche qui me semble ne pas avoir de fond… »

Le doyen but les mots de Shi Kun en ouvrant de plus en plus les yeux, tout en chuchotant des protestations quasi-silencieuses.

« …pas si puissante… »

« …patriarche de secte ? »

« …sacoche sans fond ?! »

Il secoua la tête pour reprendre ses esprits alors que Shi Kun envoyait déjà ses sens spirituels dans sa sacoche spirituelle. Finalement, il décida de ne pas l’interrompre et d’attendre qu’il finisse ce qu’il faisait. Après tout, fouiller l’intérieur d’une sacoche spirituelle n’était pas bien difficile et il aurait probablement terminé en quelques instants.

Le temps passa et passa. Deux fois le temps qu’il faut pour brûler à un bâton d’encens. Puis trois, et quatre. Finalement, le doyen perdit patience.

« Ne me dis pas que tu n’as pas encore fait le tour de ta sacoche spirituelle ?! Tu as eu le temps de la fouiller au moins quatre ou cinq fois en entier ! N’oses-tu simplement pas me dire que tu ne trouves rien ?! »

Shi Kun était tellement plongé dans l’étude de la sacoche spirituelle qu’il n’entendit même pas ce que le doyen lui disait. Il ne répondit pas et le doyen grinça des dents. Il leva la main pour interrompre Shi Kun mais à ce moment précis, une lumière vive jaillie de la sacoche l’arrêta dans son élan.

« Que… Qu’est-ce que c’est ? »

Un objet magique venait d’apparaître et de tomber au sol. Le doyen y jeta un œil.

« Oh… Oh ?! Une perle de sagesse de Kirin ?! Mais… Comment ?! Ces objets sont réputés pour être si rares que la vente de la fortune d’une famille riche ne suffirait pas à en acquérir ! »

Shi Kun ne l’écouta pas monologuer et se contenta de juger l’objet inconnu qu’il venait de sortir de la sacoche.

« Hmmm… Pas assez puissant. Cet objet est inutile. »

Le doyen sentit ses yeux sur le point d’exploser. Traiter une perle de sagesse de Kirin d’objet inutile ?! Ce gamin devait plaisanter ! D’ailleurs, pourquoi l’avait-il sortie ? Pour se pavaner, montrer qu’il possédait un trésor dans sa sacoche ?!

Shi Kun ne prêta plus aucune attention à la perle qui avait cessé de rouler et brillait désormais d’une lueur nacrée, comme alimentée par des milliers d’esprits, que l’on pouvait apercevoir sous sa surface. Le doyen, sur le point de la ramasser, fut repoussé en arrière par une nouvelle explosion de lumière sortie de la sacoche spirituelle de Shi Kun.

« Oh… Encore un objet qui ne sert à rien… Décidément, le patriarche ne m’a pas laissé que des objets utiles. Ah, Patriarche, vous n’êtes pas si prévoyant que je l’imaginais. »

Au sol venait de tomber un éventail vert et rose, qui se fondit parfaitement dans le décor coloré qui les entourait. Sa toile semblait faite d’un tissu si fin qu’on pouvait apercevoir l’autre côté sans effort et sa poignée était ornée de cent rubis brûlants.

« Un… Un éventail de soie de Mangeuse de Continent ?! » Le doyen faillit vomir du sang. Shi Kun se promenait avec deux trésor incroyables que seuls les proches de l’Empereur pouvaient prétendre sortir impunément et sans vergogne. Le doyen se mit à douter des origines réelles de Shi Kun. Venait-il de la Montagne Impériale, contrairement à ce qu’il prétendait ?! Cela aurait pu expliquer des tas de choses le concernant…

Mais un proche de l’Empereur se devait d’être traité avec l’étiquette propre à son rang.

« Tu… Tu es… » Le doyen ne savait plus comment il devait s’adresser à Shi Kun. Il n’était après tout qu’un gamin d’une quinzaine d’années, si faible… et en même temps si mystérieux. S’il n’était pas un proche de l’Empereur, comment aurait-il pu sortir si nonchalamment des trésors de ce calibre ?

Le fils d’une grande famille de la Montagne Impériale. Oui, c’était forcément ça. Un fils oublié, qui ne possédait aucun talent pour la cultivation. Il avait même montré à quel point il aimait être plus paresseux que volontaire et sans doute était-ce pour ça qu’il avait été envoyé en voyage initiatique, afin de découvrir le monde par lui-même, pour se forger le caractère, pour apprendre la vie.

Sa famille lui aura fourni des trésors. Pour le commun des cultivateurs, il s’agissait de choses qu’on ne voyait qu’une fois par vie. Pour une riche famille de la Montagne Impériale, c’était probablement à peine des objets courants, dont ils pouvaient se séparer pour leur fils difficile.

« Oui. Je suis certain d’avoir vu juste. » Le doyen se persuada qu’il avait totalement percé le mystère de Shi Kun. Tout était évident et tout collait à la perfection. Il avait d’ailleurs parlé du patriarche d’une secte. Il était sans doute le fils d’un grand patriarche de secte de la Montagne Impériale !

« Je… J’ai touché un gros lot… Je n’aurai pas assez de trois vies pour rembourser toute cette bonne fortune. » Le doyen fut soudain prit d’un sentiment mitigé. Il avait, sous sa protection, un cultivateur de cet acabit, de cette importance incroyable. Et en même temps, il venait de le mettre en danger en l’emmenant dans un monde totalement inconnu et dont il ne savait pas comment s’échapper.

Il fallait savoir que les quatre grandes sectes de la Montagne Impériale étaient si mystérieuses et enveloppées de secrets qu’elles étaient le sujet de toutes les discussions du monde. Nul ne savait à quel point elles pouvaient être puissantes et leurs patriarches respectifs ne répondaient qu’à l’Empereur en personne. Si Shi Kun était réellement le fils de l’un de ces patriarches, qui lui avait laissé des trésors à la valeur insoupçonnée afin de voyager en sécurité, alors le doyen devait marcher sur des œufs.

Il ne pouvait pas juger de la puissance du père de ce gamin et en l’espace d’un instant, se persuada qu’il serait capable de détecter si quelque chose lui arrivait et de retrouver la trace du responsable, où qu’il soit et aussi bien caché qu’il soit.

« Je… Je dois faire attention… V… Votre splendeur… Pardonnez-moi pour tout ce que j’ai pu vous infliger jusqu’à présent… Je ne savais pas, vraiment, vraiment, je… » le doyen tomba à genoux et se mit à balbutier des mots que Shi Kun n’entendit pas plus que les précédents, occupé à sortir de sa sacoche spirituelle une pierre au tranchant semblable à un fil sur lequel brillait cent mille étoiles.

« A… Attendez ! V… Votre splendeur ! Je… Cette pierre ! C’est ça ! Elle va nous permettre de… ! »

Raka
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12 thoughts on “TheDAB : Chapitre 55

      1. Oh, je vois ce que tu veux dire.
        Bien entendu, on va en parler sous peu ne t’en fais pas. Mais ça restera dans le texte, je ne vais pas faire de résumé spécial pour ça.
        Cela dit, ça restera parfaitement clair.

    1. J’ai eu des soucis de santé, et je retourne à l’hôpital début janvier. J’en ressors entre le 7 et le 8, je reprendrai à ce moment-là.

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