DMS : Chapitre 39
DMS : Chapitre 41

Chapitre 40 – Là où je ne voulais plus aller (3)

 

– Khestsun ! Là !

Wayne cria par réflexe en levant son bouclier, mais dans quelle direction ? Les gueules s’ouvraient de tous les côtés en même temps en s’abattant déjà sur le pauvre paladin qui ne savait pas où donner de la tête.

– Gha ! Ah ! Agggg !

— Là, il est cuit.

Sans le moine pour l’aider à faire face et entouré de 7 varans qui l’attaquèrent tous en même temps, il n’eut pas l’occasion de tous les bloquer. Il parvint à en repousser grâce à son épée et en levant son bouclier, mais dans son dos, alors que deux mâchoires furent arrêtées par l’armure cabossée, deux autres enfoncèrent leurs petits crocs inoffensifs d’apparence dans la chair qu’ils visaient.

– M… Merde !

Dans un élan instinctif, il fit remonter son arme d’un seul coup et trancha dans le vif un de ses agresseurs qui s’effondra en gesticulant, mais le reste du groupe se dispersait déjà, filant dans les ombres en se dandinant ou grimpant aux parois de la caverne pour se fondre dans l’obscurité et se camouflant entre les aspérités.

— Bordel, quelle tactique de lâche. Ils sont géniaux !

J’étais extatique. Mes varans n’étaient pas intelligents, et pourtant ils parvenaient à établir des stratégies de groupe telles que celle-là. Peut-être était-ce dans leur instinct, mais même dans ce cas, c’était une très bonne chose. J’espérais juste qu’attaquer tous ensemble n’allait pas leur desservir.

Soudain, un message apparut dans ma tête.

[Vous avez combiné avec brio environnement et instincts de monstres.]

[Intelligence +3]

— Oh… Ça faisait un moment…

Cependant, je restais concentrée sur mon donjon. L’un d’eux avait attaqué le roublard lorsqu’il était légèrement à l’écart, et l’avait fait seul. Ce n’était donc pas leur seule façon de s’en prendre aux explorateurs. J’allais devoir les observer un peu plus, peut-être que leur plan d’attaque dépendait de certains facteurs.

Toujours est-il qu’il avait avoué quelques secondes plus tôt qu’il ne connaissait pas de sort de soin. Il était donc, en tout état de cause, fini pour ce raid. Je me surpris à sourire en coin.

Khetsun venait de revenir sur ses pas. Tout ça n’avait duré que quatre ou cinq secondes, mais c’était suffisant pour avoir permis une telle attaque sournoise.

– Wayne ?!

– Ah… Khetsun… Désolé. J’allais te suivre, et…

Il était fini, c’était assuré. J’avais vu les lézards le mordre à l’arrière des genoux. Il allait rapidement finir comme l’autre type, et ensuite… Eh bien, ensuite, le moine ne pourrait clairement pas terminer le donjon tout seul. Il allait sortir ou se laisser mourir. Et j’avais une préférence pour la deuxième option, si on me demandait mon avis.

Je me détachai du donjon pour m’adresser à Friderik, qui attendait toujours à mes côtés, des points de suspension en suspension au-dessus de sa tête.

— Décidément, faut vraiment que tu apprennes à contrôler ce truc, on va finir par te voir, tu sais.

Il sortit de la transe dans laquelle il se trouvait en m’entendant lui parler et ces choses étranges qui flottaient au-dessus de lui éclatèrent comme des petits ballons de baudruche silencieux.

— Mm… Hein ?

Il leva les yeux vers moi et continua.

— Ah… Tu as fini ?

Je hochai la tête.

— Oui. Ils sont cuits. Je jetterai un œil de temps en temps pour voir combien de temps ils vont survivre, mais la fin ne saurait tarder. Par contre, où en étions-nous ? Tu me parlais d’une compétence ou d’un sort pour me faire passer pour une exploratrice ? Où voulais-tu en venir ?

Il vibra légèrement en se souvenant, comme sorti d’une longue léthargie.

— Ah ! Oui, c’est vrai. Tu m’as dit que tu t’étais faite tuer sur Albion, n’est-ce pas ? Alors tu ne peux pas décemment t’aventurer là-bas, hein…

— Exact. Je ne compte pas vraiment y retourner. Je n’ai rien à y faire, en réalité.

— Hmm… Peut-être que ce n’est pas le cas.

Il recommençait.

— Tu vas enfin me dire ce que tu as derrière la tête, oui ? Là, ça commence à m’énerver tout doucement.

Il secoua la tête, négatif et assuré.

— Non. Je ne veux pas te donner de faux espoirs. Si une telle compétence existe, alors peut-être que nous pourrons tester quelque chose, mais pour le moment, non. Oublie ça.

— …

Je voulais savoir. Je voulais vraiment savoir. Il avait attisé ma curiosité ; il savait une chose que j’ignorais et il se disait que ça pourrait être intéressant à tester ? Qu’était-ce donc ? Il ne souhaitait quand même pas que je devienne une vraie exploratrice, ou bien ?

— Haha… Y a intérêt pour toi que ce ne soit pas ça. C’est hors de question. Je suis une architecte.

 

**

 

Je m’intéressais tout de même à ce qu’il me disait, je ne pouvais pas supporter de rester dans le flou alors qu’il savait. Et il avait dit que je devais trouver une solution pour me faire passer « physiquement » pour une exploratrice… J’allais donc m’y atteler, si possible. De toute façon, je n’avais pas grand-chose à faire à part ça.

Les aventuriers étaient des lâches – c’est comme ça que je les voyais, en tout cas. Je n’avais gagné des crédits que pour la mort de Laagaa le fourbe, ce qui signifiait que les deux autres n’étaient pas morts.

C’était certain : ne pouvant pas se soigner, le paladin s’était rué vers la dalle de sortie afin de mourir dehors. L’enfoiré ne voulait pas mourir dans le donjon ! Il savait que ça m’aurait donné des crédits et il avait préféré crever pour rien… Le moine l’avait selon toute logique suivi, et mon donjon s’était déjà réinitialisé lorsque j’y avait jeté un œil quelques minutes après l’avoir lâché du regard.

— Quels enfoirés… Pourquoi est-ce que je me donne du mal, moi ?

Je me dirigeais vers la boutique afin de demander au vendeur s’il existait une telle compétence –  après tout, il était mon donneur d’informations attitré.

Néanmoins, ce fut sans compter sur mon premier wiki en date, que je croisais en chemin.

— Ah ? Wuying ? Bonjour. Je venais justement voir si tu étais chez toi.

— FeiLong ?

J’avais presque oublié cette bibliothèque de connaissances ambulante. Mais comme je ne pouvais pas le trouver aussi facilement que le vendeur, qui était toujours dans son petit magasin, j’avais tendance à me tourner vers la facilité.

Mais puisqu’il était là, je pouvais en profiter.

— Tu tombes bien !

Il leva un sourcil.

— Ravi de l’apprendre. Tu as besoin de moi ?

— Oui, oui. Je voulais savoir. Existe-t-il un sort ou une compétence, du genre disponible à mon niveau, qui pourrait me permettre de changer mon apparence en celle d’une exploratrice ?

FeiLong garda le silence pendant quelques secondes. Il avait l’air de me sonder des pieds à la tête et de la tête aux orteils en se demandant ce que j’avais encore en tête. Finalement, il se décida à répondre, d’un air un peu trop prudent.

— Tu sais… Ce genre de sort pourrait exister, mais… je ne sais pas ce que tu pourrais bien en faire. Je n’arrive pas à comprendre.

Je secouai mes mains devant moi, comme si je chassais une armée de mouches en me dépêchant de répondre. Après tout, j’avais appris que trop lui en dire n’était jamais une excellente idée.

— Ah, non, non, non ! C’est de la simple curiosité ! De la curiosité, je te dis !

— …

Je n’avais pas fait l’école du théâtre, c’était clair. Mais il eut la décence de ne pas insister ; après tout, il ne pouvait pas m’arriver grand-chose, et il devait se dire que je voulais utiliser ce genre de chose pour m’amuser un peu. Il fallait dire qu’un architecte n’avait pas énormément de possibilités pour décompresser un peu.

— Alors, ça existe ? Où ?

Il réfléchit encore un peu avant de me répondre franchement.

— Je ne connais pas de compétence permettant ce genre de chose inutile. Dans tous les sorts dont j’ai connaissance, aucun ne me vient à l’esprit non plus.

— Alors… Attends, je ne saisis pas bien, là. Tu as dit que ça pourrait exister, non ?

— Oui, oui. J’ai dit ça.

Il avait dit ça et pourtant il ne connaissait pas. Il était en train de me prendre pour une idiote et moi, je me laissais avoir. J’étais perdue.

— Viens-en au fait. Où puis-je trouver ce que je cherche ?

Il haussa les épaules d’un air résigné et soupira.

— Je ne vois que l’Institut de Recherche Magique de l’une des sectes du sud de la ville…

Je venais d’entendre une chose qui ne me plaisait pas du tout, mais alors pas du tout du tout.

— Le… sud… ?

Des souvenirs s’enchaînèrent dans mon esprit à une vitesse folle.

— Non… Pas le sud…

J’étais sur le point de baisser les bras d’avance. Je voulais à tout prix ne plus jamais y retourner.

— Oui, le sud de la ville, il s’agit d’une partie de la ville dans laquelle se rassemblent tous ceux qui…

— Oui ! C’est bon, je sais ! Mais je t’ai dit d’en venir au fait ! Explique-moi !

Il ne pouvait pas comprendre, de toute façon. Autant qu’on en finisse au plus vite, non ?

— Les sectes spécialisées dans la magie, qui se trouvent dans la partie sud de la ville, sont friandes de connaissances. Outre les sorts et la magie qui nous sont donnés, ils ont créé un centre, un institut, dans lequel ils étudient le fondement même de la magie afin de créer toutes sortes de nouvelles utilisations, des sorts et formules inédites, la plupart du temps bien inutiles d’ailleurs. Si le sort que tu cherches n’existe pas, alors c’est le seul endroit où tu pourrais le trouver. Mais…

Je lui coupai la parole. J’avais déjà tout compris.

— Mais cet institut appartient à une secte du sud et ils ne permettent pas à n’importe qui d’y entrer, c’est ça ?

Il me sourit d’un air désolé.

— C’est exactement ça. Et pour entrer dans une telle secte, il faut être extrêmement doué en magie. À ton niveau, il est impossible que tu aies les statistiques qu’il faut pour ça.

Je pris la mouche.

— Eh ! Je viens encore de gagner 3 points d’intelligence, tu sais !

— …

Je me rendis compte de ce que je racontais. Même sans être spécialisé en magie, même FeiLong devait avoir une statistique d’intelligence en orbite par rapport à moi. Je n’osais donc même pas imaginer à quel point il fallait être puissant pour être accepté dans une secte spécialisée dans la magie.

— Bon. Et sinon, tu venais me voir pour une raison particulière ? C’est rare.

Il tourna la tête vers ma maison, au loin, tout là-haut sur la colline.

— Ah, on m’a dit que ta porte était en partie détruite. Je me demandais si tout allait bien pour toi.

— Ah ! C’était donc ça ! Ne t’en fais pas, tout va bien… Si on oublie le fait que je vis dans une maison trouée, désormais.

Il rit légèrement.

— Tu sais, il suffit d’aller dans le bâtiment administratif et demander à la faire remplacer.

— Ah…

Si on ne me disait rien, aussi, comment aurais-je pu le deviner ?

— Au fait… Je vois que tu promènes toujours ton slime.

Je baissai instinctivement les yeux.

— Euh, en effet… Pourquoi ?

— Oh. Pour rien. Mais tu devrais le laisser chez toi si tu comptes réellement t’aventurer au sud. Si la plupart des gens ne le remarqueront pas, certains architectes puissants et aguerris dans l’art de la magie ne manqueront pas de le repérer au premier coup d’œil. Si tu ne veux pas que ton ‘animal de compagnie’ ne se fasse exterminer, …

Il avait raison. Je commençai à prendre un peu trop l’habitude de l’emmener partout avec moi et je ne considérais pas le risque comme évident. Après tout, il était caché sous mes vêtements, en plus de pouvoir utiliser sa compétence de camouflage mais ça n’excluait pas la possibilité qu’il se fasse repérer par une compétence quelconque ou un sort de détection.

— Merci.

 

***

 

Friderik reçut des instructions précises. S’il devait rester chez moi pendant que j’allais m’aventurer vers le sud, alors il pouvait aussi se rendre dans le donjon et veiller à la bonne marche des choses. Après tout, il était toujours friand d’équipement lui permettant d’augmenter ses statistiques, qui ne semblaient pas lui avoir donné de limite haute. Il s’imaginait qu’en dévorant des milliers et des dizaines de milliers d’objets, il pourrait devenir plus puissant que n’importe quel boss. Cela dit, rien ne le confirmait non plus, et il restait à prouver qu’il n’allait pas être limité au bout d’un certain temps.

— Ah, tu ne veux vraiment pas entendre raison, hein ? Bon. Alors va et bouffe. Mais ne te plains pas, plus tard…

— Ne t’en fais pas, Wuying, ça ira. La quête passive ne m’a pas précisé qu’il existait une limite, ça signifie donc qu’il n’y en a pas. Même si la progression peut s’avérer de plus en plus lente, je ne serai pas bloqué. C’est une quête passive et elles sont rares, après tout. Elles le valent bien.

Convaincue plus que résignée, je le laissais sur mon lit après m’être changée et lui avoir balancé ma toge. Il avait insisté en disant que j’allais lui manquer si je devais mourir et qu’il devait passer une nuit sans moi, et moi, j’avais craqué devant ses yeux et sa bouille extrêmement adorable.

— Pourquoi ne te changes-tu pas devant moi ?! Allez, fais-moi plaisir.

— Encore un mot et je te fais fondre !

— …

Je m’étais changée dans la pièce d’à côté tandis qu’il attendait sur mon lit. Oui, il m’avait déjà vue nue et attachée, les membres écartés. Oui, il avait été présent pendant les heures de plaisir que je m’étais offertes après avoir fait bannir Krahn. J’aurais pu me dire qu’il n’était plus à ça près.

Pourtant… Je ne pouvais pas m’empêcher de considérer que c’était différent. Il s’agissait à chaque fois de cas de force majeure ou d’accidents ; me montrer à lui était une toute autre histoire. J’étais bien trop… pudique, étrangement. Ne pouvait-il pas me laisser ce qu’il me restait de fierté ?

— Voilà. Tu voulais ma toge, la voilà. Maintenant, arrête tes conneries et surveille le donjon.

— Oui, m’dame !

Il avait déjà la tête – et donc l’intégralité du corps – enfouie dans la boule de tissu que je venais de lui jeter. On aurait dit un junkie qui venait de recevoir sa dose et qui était prêt à tout accepter en retour. Cette scène avait quelque chose de pathétique et adorable à la fois.

— Bon… Je file.

— Ok ! À plus tard !

Occupé à se couler dans mes vêtements, il semblait ne plus avoir que faire de ma présence réelle, aussi fis-je demi-tour pour quitter les lieux en ce début d’après-midi, fermement décidée à me rendre dans l’endroit que j’avais juré d’éviter à tout jamais…

…Tout ça pour une lubie, un caprice, parce que j’avais reçu une compétence buguée inutile.

Raka
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15 thoughts on “DMS : Chapitre 40

  1. c’est triste à dire , mais je deviens plus accro à DMS qu’a sae jing , on ne peut pas inverser l’ordre de parution ? plus de chapitres dms ? 

    Sinon merci pour ce chapitre

      1. hmmm c’est la fatigue qui m’empêche de compter juste ! bon alors vivement le wk prochain, histoire d’avoir la suite.

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