Chapitre 127 – Le Destin du Fou (3)
— Elle n’est pas là… réalisa Xun Ya devant la pierre où elle avait déjà vu plantée Excalibur.
Il s’agissait cependant de l’endroit où l’épée avait l’habitude de résider lorsque le roi ne s’en servait pas. Le lieu tout entier devait être imprégné de son aura et de sa présence ; une certaine magie flottait même dans l’air de ces lieux boisés et enchanteurs.
— Slime ? Slime, es-tu là ? Hésita Xun Ya après avoir vérifié que personne ne l’observait.
Le slime en question ne répondit naturellement pas mais pourquoi l’aurait-il fait ?
— Elle t’attend dans le donjon, continua-t-elle sans donner plus de précision.
Après tout, il était supposé comprendre.
Xun Ya attendit quelques minutes en écoutant les oiseaux gazouiller, en laissant son esprit danser au rythme des rais perçant la canopée de cette clairière, en tournant de temps en temps la tête vers le lac où jadis existait un donjon étrange. Finalement, elle soupira.
— Personne… J’aurais dû le savoir.
Xun Ya se leva et la tête pleine du vin qu’elle devait gagner et des récompenses sans doute extravagantes liées à une quête donnée par le roi en personne, elle fonça à nouveau vers le château. Il fallait à tout prix qu’elle voit Arthur : lui seul savait où était l’épée et elle était très probablement entre ses mains.
Elle courut à en perdre haleine. Après avoir perdu un temps heureux mais précieux à se ressourcer près du lac de la forêt, elle devait désormais se hâter. Trois jours. Elle n’avait que trois jours.
De retour dans la partie accessible de la cour du château, elle se tourna immédiatement vers le soldat de garde, celui auquel elle s’était déjà adressé un peu plus tôt.
— Te revoilà, exploratrice, lui offrit-il placidement pour tout salut.
— En effet, me revoilà, acquiesçât Xun Ya. Et j’ai toujours besoin de voir le roi.
Le visage du garde se crispa légèrement tandis que son sourcil droit frétilla presque imperceptiblement.
— Je t’ai déjà dit que ce n’était pas possible. Désires-tu une audience avec Sir Lancelot ? Grogna-t-il tout bas.
— Non, fit sèchement Xun Ya. Lancelot ne m’est d’aucune utilité. C’est le roi qu’il faut que je voie.
— Alors passe ton chemin, trancha le garde. Tu ne le verras pas.
— Mais…
Xun Ya s’apprêtait à insister encore, une dizaine de complaintes déjà prêtes dans sa tête mais le garde raffermit sa prise sur sa lance dont il fit claquer la hampe contre le sol. Un coup sec qui souleva un léger nuage de poussière mais qui rappela Xun Ya à la raison. S’il perdait patience, elle n’était de taille ni contre lui ni contre aucun des gardes de Camelot.
Pourtant, il fallait bien qu’elle y parvienne.
— Eh… Si je ne peux voir le roi, es-tu capable de lui transmettre un message ? Réalisa-t-elle soudain.
Si elle ne le pouvait, alors lui, il le ferait pour elle ! Après tout, elle ne désirait pas réellement voir Arthur ; ce qu’elle voulait, c’était parler au slime dans l’entourage de l’épée.
— Bien entendu, fit le garde en hochant la tête. Je peux m’arranger pour cela. Mais je ne garantis pas qu’il écoutera : le roi n’aime pas du tout lorsqu’on s’adresse à lui par procuration.
— Aucune importance, balaya Xun Ya. Vérifie qu’il porte bien Excalibur près de lui, c’est important et…
— Excalibur ? Son épée ? Mais pourquoi ? Coupa le soldat.
— Peu importe, renchérit Xun Ya, dis-lui simplement qu’elle attend le slime dans le donjon. C’est…
Xun Ya réalisa que ça ne voulait rien dire et qu’elle paraissait louche. Les gardes n’étaient pas non plus complètement stupides et la façon de froncer les sourcils de celui-là était plus qu’équivoque : il n’allait pas la laisser se moquer de lui-même et de son roi.
— C’est un code… C’est convenu dans la quête.
Au dernier mot, le visage du garde se détendit. Après tout, il n’était pas conscient de ce qu’était une quête, du travail des explorateurs et de ce qu’il impliquait. Il examina la jeune femme face à lui pendant quelques secondes avant de soupirer. Si elle était déterminée à ce point à transmettre un message si ridicule au roi, ça devait avoir un sens.
— Je vois. Penses-tu qu’il comprendra ?
— Transmets-lui ce message, conclut Xun Ya une fois de plus. Même s’il ne comprend pas… Ce sera parfait.
Elle ne laissa pas le temps au garde de formuler une nouvelle question et tourna les talons avec un hochement de tête. Xun Ya se dirigea alors immédiatement vers le tunnel menant à l’entrée du donjon dans lequel elle avait prévu d’attendre l’arrivée du fameux slime.
***
Le roi tournait en rond.
Les cent pas, il les avait déjà faits un nombre incalculable de fois les jours précédents.
Il ne pouvait plus faire que ça, à vrai dire. Les cent pas en attendant qu’un explorateur daigne enfin réussir cette quête. Elle avait été éditée par le roi en personne, que diable ! Pourquoi n’étaient-il toujours pas revenus ! Qu’ils échouent étaient une chose, mais que TOUS échouent ?!
Arthur sentit une boule naître dans son estomac. C’était un affront direct à sa puissance, à sa renommée, et un échec pour Camelot et Albion en entier. Un simple donjon lui résistait… ?
— Mon précieux, mon précieux, il me faut mon précieux. Pourquoi ne puis-je pas simplement la retrouver ? Elle m’avait promis… Elle m’avait dit qu’elle reviendrait me donner ce dont j’avais besoin… Menteuse.
Arthur n’avait pas compris de quoi il s’agissait au départ. Il avait l’esprit léger et le coeur simple d’un roi qui n’avait plus vraiment besoin d’exercer sa fonction de roi, Lancelot était là pour diriger le monde dans l’ombre. Mais depuis quelques temps, il pouvait sentir ce besoin qui le rongeait.
Pas au point de le rendre complètement fou. Non ! Il n’avait bu que quelques gouttes du poison et c’était peut-être encore pire : le mal qui le rongeait le faisait à petit feu, insidieusement et comme pour lui faire savoir qu’il était là, un cancer qu’on ne pouvait pas affronter et pour lequel il n’existait pas de remède. La seule façon de le soulager était de se procurer un peu plus de ce fameux vin.
— Elle m’a menti. Elle n’est pas revenue. Elle m’a menti. C’est une menteuse.
Le roi se rongeait les ongles. Les yeux injectés de sang après des nuits sans sommeil, il ne quittait plus sa chambre. Ses cheveux sales et ébouriffés reflétaient son insouciance ; même sa barbe n’était plus taillée correctement comme il le faisait pourtant tous les jours auparavant.
— Et ces explorateurs ! Tu parles de héros ! Les… Les explorateurs plus puissants ne peuvent-ils pas me venir en aide ?
— Oui, je sais, le donjon est spécial… mais ils ne le savent pas. Ils ne savent pas qu’il accepte tout le monde, explorateur ou non, et peu importe les niveaux. J’aurais dû le préciser sur cette quête. Merde !
— Ah, mon précieux. Quand pourrai-je enfin te tenir entre mes mains ? Tu n’es précieux qu’à mes yeux, les autres ne sont pas dignes de toi.
Le roi sursauta, une vive douleur dans les doigts. Il baissa les yeux et vit qu’à force de se ronger les ongles, il venait d’entamer la chair de son index. Le goût du sang dans la bouche, il se crispa.
— Non ! Ce n’est pas possible ! Je dois faire quelque chose !
Il ne savait cependant pas quoi. Il n’allait pourtant pas se rendre lui-même dans ce donjon, n’est-ce pas ? Ce n’était pas digne d’un roi…
— …Qu’ai-je à faire de mon statut de roi ? Mon précieux est plus important.
Soudain, on frappa à la porte. La voix de l’un des gardes en poste devant sa chambre jour et nuit résonna.
— Sire ! Un message important pour vous concernant la quête que vous avez postée ! Cria le garde.
Le roi ouvrit des yeux aussi grands que sa bouche et se rua vers la porte, qu’il ouvrit dans un grand fracas.
— ENTRE !
Il tira celui qui venait de lui parler à travers la porte pour le faire pénétrer de force dans ses quartiers avant de claquer le lourd battant de bois.
— Quel est le message ? Parle vite ! Cria le roi à bout de patience.
— S… Sire, répondit l’autre en s’inclinant, je dois vous faire savoir que… Qu’elle attend le slime dans le donjon.
Le roi recula d’un pas. Ce qu’il venait d’entendre ne voulait absolument rien dire et pourtant… Quelque chose sonnait de manière familière au fond de son esprit.
— Elle… ? Le slime ?
Les fils se rejoignirent dans sa tête et une image apparut immédiatement.
Elle.
Son familier.
L’épée.
L’épée qui avait d’ailleurs à nouveau disparu depuis un certain temps. Arthur s’en était inquiété une fois de plus mais il savait qu’elle était la seule au monde capable de la sortir de la pierre et qu’elle devait venir le voir un jour ou l’autre. Aussi ne s’en était-il pas alarmé outre mesure : elle allait sans doute la lui rendre une fois de plus.
Cela dit, il ne la voyait plus de la même façon, désormais. Et si son besoin urgent avait largement supplanté ses inquiétudes concernant l’épée, elles n’en avaient pas moins continué à lui pourrir l’esprit.
— Elle… ! Dans le donjon ?
…Un message ? Un code secret que seul Arthur pouvait déchiffrer. Voilà ce que c’était. Aux yeux du roi, elle avait tout fait pour lui transmettre un message car elle était incapable de venir le voir elle-même.
— Dans le donjon… Elle veut que je me rende dans le donjon ! Oui ! Elle me donnera mon vin lorsque je serai dans le donjon !
Arthur se mit à hurler de joie en bondissant comme un lapin à travers la chambre. Le garde n’osa dire un mot ou même le regarder, supportant totalement et en silence le comportement parfaitement déplacé et absurde de son roi.
Quelques secondes plus tard, Arthur se retourna, l’air bien plus concerné.
—Tu peux disposer. Le King te libère. Pour cette bonne nouvelle, prends donc ta journée.
Il ne fallut pas le dire deux fois à ce pauvre garde qui ne savait plus où se mettre. Il s’inclina une fois de plus sans piper mot et s’en retourna disparaître dans le couloir.
Arthur se dirigea vers un coin de la chambre et pressa sur une pierre saillante du mur. La cheminée éteinte pivota dans un lourd crissement rocheux et révéla une entrée secrète qui s’enfonçait dans les ténèbres. Arthur posa le pied sur le premier barreau de l’échelle et descendit en toute hâte.
- EER : Chapitre 225 - 26 décembre 2023
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Super chapitre^^ mais où est s’est planqué le slime…
Dans une boîte de slime
Merci pour le chapitre
T’as cherché dans le placard à slimes
En général, quand je trouve pas un truc moi je cherche sous le canapé. C’est toujours sous le canapé.
Merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre !