DMS : Chaptre 134
DMS : Chapitre 136

Chapitre 135 – Camelot en danger (4)

 

 

Quinze morts plus tard, la persona n’avait toujours pas réagi. Elle ne parvenait manifestement pas à dépasser la douleur intense et les successions de résurrections et avait un regard vide à chaque fois que moi, j’étais déjà apte à la frapper à nouveau.

Est-ce que j’allais épuiser ses vies avant qu’elle ne parvienne à évoluer et retourner la situation ? Il fallait que je me dépêche. Quelque chose me disait que ça ne durerait pas éternellement et je ne savais pas combien de fois j’allais devoir la tuer avant d’en terminer avec tout ça.

J’attrapai une fois de plus ma détermination par les cornes et me frottai le cou. Je l’avais senti tant de fois se craquer… Étais-je vraiment capable de continuer ? Chaque mise à mort me voyait plus hésitante et je perdais du temps.

Une fois de plus.

Une douleur intense, le néant autour de moi, et la lumière. La disparition de la douleur. La persona hébétée.

Une fois de plus.

Une douleur familière mais si horrible. Néant, lumière, guérison totale, persona qui bavait sous le choc.

J’avais de plus en plus de mal malgré l’habitude. Ma limite physique n’existait pas : j’avais l’habitude de mourir. Mais j’atteignais la frontière de ce que je pouvais endurer mentalement. Un excès de douleur pire que ce que j’avais jamais connu en trop peu de temps.

Une fois de plus.

Douleur, néant et… une persona debout qui me regardait droit dans les yeux.

— J’ai enfin réussi à surmonter ces chocs, me lâcha-t-elle comme si je lui avais demandé l’heure. À ton tour.

Avant de comprendre ce qui se passait, mon monde s’écroula. J’eus à peine le temps de sentir ce que je supposais être son bras qui me traversait la poitrine, et la douleur s’estompa tandis que je revenais à la vie.

Il faudrait peut-être insister sur le fait que c’était bien plus supportable que ce que je lui avais – et m’avais par la même occasion – infligé et que je me sentais bête de ne pas avoir pensé à une mort aussi radicale et rapide.

Cela dit, j’eus tout le temps de souffrir tout ce que je voulais.

Elle me tua trois cent quarante-quatre fois d’affilée. Il arriva un moment où même mon esprit s’était accoutumé et comme par enchantement, il bloquait toute sensation de douleur au moment crucial. Je ne sentais plus rien, rien d’autre que le froid glacial de la mort, suivi de la douce étreinte de la vie.

— Ar… Arrête ! finis-je par bafouiller. Tu ne vois pas que ce que tu fais ne sert à rien ?

La persona stoppa net son mouvement vers l’avant, à un centimètre à peine de moi. Je me permis de souffler mais elle ne me laissa pas le temps de reprendre la parole.

— Inutile ? Oui. Je l’ai constaté il y a déjà plus de deux cent mises à mort.

Sans crier gare, elle perça mon cœur une fois encore, et la douleur fut saisissante – je ne m’y attendais pas et mon esprit n’avais eu le temps d’élever aucune défense psychologique.

Il me fallut encore plus de trente mises à mort pour parvenir à parler à nouveau avant qu’elle ne m’exécute.

— Arrête ! Pourquoi fais-t…aaah !

Le néant à nouveau. Et quand la vie s’empara de moi, je la vie sourire.

— Parce que je te déteste et que ça me fait plaisir de te voir souffrir, chuchota-t-elle. Je ne sais pas où nous sommes, je ne sais pas ce que tu as fait. Il s’agit sans doute d’un endroit où nous nous trouvons sous nos formes les plus spirituelles, et je pensais en finir avec toi une bonne fois pour toutes. Seulement…

Elle ricana légèrement.

— Seulement, je crois que nous avons un nombre de vies qui dépasse l’entendement. Peut-être est-il simplement infini. Alors je vais te massacrer jusqu’à ce que tu perdes la raison.

Souffrance. Néant.

— Ne veux-tu pas abdiquer ? me demanda-t-elle quelques morts plus tard. Laisse-moi ton corps et disparaît. Ce sera si facile. Tout sera plus doux et paisible pour toi, ensuite.

Souffrance. Néant.

Elle devait posséder une technique, quelque chose de magique ou une fonction accordée par le système peut-être, qui lui permettait de bloquer sa propre douleur. Elle avait mis du temps à l’activer mais maintenant que c’était fait, elle semblait vraiment être dans le bain : elle me tuait encore et encore sans pour autant avoir l’air d’avoir mal.

Entre tentatives de perversion et demandes d’abandon, elle me tua plus d’un millier de fois. La douleur n’existait plus vraiment et ma seule torture était devenue psychologique. Elle voulait m’avoir à l’usure, me faire jeter l’éponge simplement pour qu’on en finisse avec tout ça.

— Je… parvins-je à articuler au moment où elle allait ouvrir la bouche. Je n’abandonnerai pas mon corps.

Elle se moquait bien de mon avis et me massacra encore. Le temps s’écoulait-il de la même façon ici que… dehors ? Cela faisait des heures, des dizaines d’heures peut-être. J’avais totalement perdu tout notion du temps, et pas uniquement ; je ne savais même plus combien de fois j’étais morte. Si on m’avait demandé une approximation, j’aurais sans doute répondu « Oh, entre 1.000 et 10.000… » sans aucune certitude. La persona avait l’air plus patiente que le temps lui-même et elle pouvait, si je me fiais à ses yeux, continuer ça pendant des années.

Années que je n’allais jamais tenir. Je sentais que j’étais en train de craquer, je perdais patience, tout ça m’énervait ! Je ne pouvais même pas parler la plupart du temps, sans même parler de bouger !

Ce n’était que lorsqu’elle faisait une pause pour m’observer ou m’adresser la parole que je pouvais tenter de discuter avec elle, de négocier un cessez-le-feu sur lequel elle crachait, bien sûr.

Elle n’avait toujours pas changé de méthode de mise à mort. Simple et efficace, elle avait le mérite de ne même pas me laisser le temps de tomber au sol ; mes jambes se dérobaient et déjà, j’étais consciente à nouveau.

— J’ai plus de patience que toi, tu sais ? me disait-elle parfois sans me laisser le temps d’en placer une.

— Offre-moi ton corps.

— Je sais m’en servir mieux que toi.

— Il servira une grande cause.

— Je t’ai déjà contrôlée, Wuying. Je recommencerai.

Etc, etc, etc. J’en était venue à ne même plus écouter ce qu’elle bavassait la moitié du temps, lorsque ce n’était qu’un amas d’inepties et de tentatives vaines en direction de mon abandon.

Mais quand ce qui me sembla être plusieurs jours était déjà derrière nous, j’étais sans doute morte plusieurs dizaines de milliers de fois au moins. Ma résistance psychologique à la douleur était devenue parfaite et la persona semblait ne même pas s’en rendre compte.

Je ne voyais le néant que l’espace d’un souffle et reprenait conscience avant même de voir son – mon – visage apparaître devant moi.

Mais que pouvais-je y faire ? Je ne récupérais pas le contrôle de mes membres assez rapidement et elle me tuait invariablement avant que ça n’arrive. Elle n’allait pas me laisser la moindre chance et je le savais. Et elle savait que je savais.

Et je savais qu’elle savait que je savais. Là résidait peut-être la faille. Elle était intimement persuadée que je ne pouvais rien tenter et que même s’il existait la moindre fenêtre qui pouvait me permettre de le faire, je ne l’utiliserais jamais en m’imaginant totalement à sa merci.

Finalement, au bout de quelques temps, la mort étant devenue aussi banale que ma respiration, je finis par ouvrir la bouche. Je n’avais plus que ça à faire, à tenter, à essayer. Elle avait raison : la détermination dans son regard me disait bien qu’elle continuerait ce petit jeu pendant mille ans s’il le fallait. Juste le temps que je perde totalement la raison, en somme, et ça arriverait bien avant ça.

— Appropriation.

Je n’avais plus que cette solution. Incapable de bouger autre chose que des lèvres tremblantes, il fallait que je tombe sur une compétence qui allait me permettre de sortir de ce pétrin. Sans même parler de la suite, du but de ce monde et de cette « épreuve », de ce que j’étais censée faire avec la persona, il fallait que je fasse cesser ce cycle de mises à mort.

Je risquais quoi, à part mourir, finalement ?

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[Tacle Immonde vient d’être acquise.]

[Réinitialisation de la compétence dans : 23 h 59 m 59 s.]

[Tacle Immonde.]

Les Clopeurs de Malchance ne savent pas avancer. Pour se déplacer, ils sont obligés de sécréter du mucus qui leur permet de glisser d’un coup sec en avant, percutant tout ce qui se trouve sur leur passage.]

 

Et ce n’était pas gagné.

La bonne nouvelle, c’était qu’à chaque mort, je pouvais réutiliser Appropriation. Ne pas avoir à attendre un jour complet, ce qui m’aurait fait perdre les pédales peu à peu.

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[Crachat débilitant vient d’être acquise.]

Lui cracher dessus ? J’essayai. Elle esquiva et me tua.

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[Les poils de la bête vient d’être acquise.]

Une compétence que je ne voulais même pas connaître. Heureusement, la mort m’en délivra aussitôt.

 

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[La carpe au-delà de la montagne vient d’être acquise.]

Pour le coup, je sentis quelque chose d’étrange. La carpe au-delà de la montagne ? Le nom ne m’évoquait rien d’autre que le folklore asiatique de mon monde, qui parlait d’un poisson remontant une rivière pour se transformer en dragon. Mais… était-ce là ce que je devais comprendre ?

La réponse vint très vite : elle me frappa. Cela dit, je ne vis pas la mort en face, cette fois.

Thung

Sa main, toujours pointée vers moi pour me percer le cœur, rebondit contre ma peau dans un bruit à moitié métallique et à moitié organique. Un temps précieux pendant lequel je pus lever les mains. Mains ? Pattes aurait été plus correct. J’avais effectivement au bout des bras des grosses pattes vertes écailleuses et terminées par des griffes acérées. Il ne faisait nul doute que j’étais un poisson qui avait achevé la remontée du cours d’eau.

Je suis devenue un dragon ? Roar !

Cette petite boutade mentale mise à part, j’ouvrir la gueule instinctivement, désirant plus que tout jouer mon rôle de dragon jusqu’au bout. Aucune flamme ne sortit d’entre mes crocs, à ma grande déception, mais je n’eus qu’à faire un pas en avant pour lui arracher la tête.

La douleur fut naturellement immense – se faire déchiqueter crâne, cerveau, yeux et mâchoire n’était pas vraiment une sinécure – mais je parvins à tenir bon grâce à une détermination que je m’ignorais sincèrement.

La persona se releva aussitôt, la tête bien attachée sur les épaules. Je voyais dans son regard que ce qui la rendait insensible à la douleur ne fonctionnait pas sur les attaques surprises, ou en tout cas pas aussi bien. Elle avait mal et ses yeux brillaient d’un désir de vengeance immédiate.

— Oh, alors tu veux jouer à ça ? Appropriation.

Ses mains se changèrent en deux énormes lames blanches au reflets bleus. En fait, si on avait dû comparer ses bras à des grandes épées, leurs gardes auraient été quelque part au niveau de ses coudes. Je n’eus pas vraiment le temps de bien les voir, cependant, car elle me trancha la tête d’un coup en ciseaux. Je pus sentir, l’espace d’une seconde, que ces lames étaient faites pour tuer un dragon.

En me relevant, je savais que la compétence n’était plus. Et je voyais déjà quel genre de combat on allait commencer à mener, elle et moi.

— Appropriation.

[Appropriation vient d’être supprimée.]

[Autodestruction acide vient d’être acquise.]

Raka
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11 thoughts on “DMS : Chapitre 135

  1. Merci pour le chapitre !!

    Bon faut avoir de l’imagination pour trouver les noms et effets des différentes appropriations ^^

    1. J’ai une liste de 800 noms et capacités (dont 200 parfaitement inutiles et 80 suicidaires).
      Je pioche totalement au hasard dans ce dont j’ai besoin (et parfois je triche un peu comme pour les épées anti-dragon du coup, sinon ça a pas de sens.)

      1. Par contre certaines influence énormément le plot donc ça m’étonne que tu les ai pioché. Et pas que celles de la persona

        1. Non. Je pioche soit dans la liste « truc pété », dans la liste « sort cool », dans la liste « sort moyen mais qui peut marcher », « sort pourri / inutile / suicide » etc.

          Et j’en ai des dizaines et des dizaines dans chaque liste. Le scénario demande souvent un type de compétence mais pas une en particulier. Alors à moins (comme je le disais) que ce soit un truc retour obligatoire comme les épées anti-dragon pour tuer le dragon, je me laisse moi aussi surprendre 🙂

          C’est bien le moyen qui change, pas le résultat. Le résultat, lui, est voulu par le scénario et je choisis la liste en conséquence.

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