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Chapitre 2 – Les Mille Miroirs (1)

 

Profondément installée dans un des fauteuils les plus confortables sur lesquels je m’étais assise – et il y en avait… très peu, en fait. Hmm, bref. Confortablement installée et peu habituée à cette douceur sous mes fesses, j’écoutais FeiLong qui commençait à m’expliquer pourquoi j’étais là.

 Et donc, on ne sait pas pourquoi nous avons atterri ici.

Bon, d’accord, en réalité, il m’expliquait qu’il ne savait pas pourquoi j’étais ici.

Par contre, il commença à me parler du principe de réincarnation des âmes. Les âmes dans l’univers étaient un grand cercle, une valeur fixe. Lorsque quelqu’un mourait, son âme n’était pas perdue, et pouvait suivre trois chemins.

Le premier était le plus commun, la réincarnation. Une âme mourante retournait dans le grand Tout, et se mélangeait avec l’infinité des autres âmes de tout l’univers. Lorsqu’un nouvel être humain naissait, un petit fragment de ce grand Tout était arraché et formait une nouvelle âme. C’était un processus éternel.

Le deuxième chemin qu’une âme pouvait emprunter à la mort de son propriétaire était celui du néant. Pour des raisons variées, une âme pouvait ne pas retourner dans le grand Tout et simplement disparaître. A ce moment, une petite partie d’énergie était perdue, mais cela n’affecterait jamais l’univers. Pour faire disparaitre toutes les âmes de cette manière, il aurait fallu des milliards de milliards d’années, ce qui était juste ridicule. Seule une âme sur plusieurs milliards disparaissait de la sorte.

La troisième option était la réincarnation directe sur l’un des Plans Astraux, comme celui sur lequel j’étais, le Plan Astral des Architectes. C’est ce qui m’était arrivé.

Sur dix milliards d’âmes, seules une ou deux avaient la chance de se retrouver ici, et même FeiLong ne savait pas pourquoi. Simplement, ça arrivait, à intervalles réguliers, voilà tout. D’ailleurs, j’étais attendue, moi aussi. J’appris avec surprise que la Terre n’était d’ailleurs pas la seule planète abritant des êtres humains. Des milliers de planètes, rien que dans la Voie Lactée, étaient dans le même cas.

 Le Plan Astral des Architectes est une transition. Tu aurais pu te retrouver sur un autre Plan Astral, également. Ce sont tous les faces d’un même monde : une étape d’immortalité avant d’accéder au statut existentiel ultime. »

 Le statut existentiel ultime ?

 Quel que soit le Plan Astral sur lequel tu es envoyé à ta mort, ton objectif reste le même : gagner des crédits astraux. Une fois que tu en auras suffisamment, tu arriveras au bout du chemin, et tu pourras devenir une vraie déesse.

 Une déesse ?! m’étonnai-je.

 Oui, une déesse. Ton corps physique mourra et ton âme deviendra divine. Tu feras partie des élus qui observent les mondes. Les dieux.

 Et ça sert à quoi, de devenir un dieu ? m’étonnai-je encore une fois. Décidément, il me balançait des énormités, et j’étais supposée les accepter comme ça.

 Eh… A quoi ça sert ? Mais… Je ne sais pas… C’est le but de tout le monde !

Il avait perdu ses mots. Bien entendu, je pouvais comprendre qu’être un dieu avait quelque chose d’attirant, mais en soi, si c’était pour me faire chier à voler sur un nuage tout en observant les gens comme des fourmis pour l’éternité, ça n’avait aucun intérêt.

 Et puis, comment on les gagne, ces crédits ?

 Nous sommes des Architectes de donjon. Nous construisons des donjons. C’est un plan un peu spécial, en réalité. Il y a d’autres plans astraux composés d’explorateurs de donjons, leur but à eux est de conquérir des donjons pour voler nos crédits.

 C’est compliqué…

J’aimais bien me plaindre. Encore plus quand c’était justifié. Une force inconnue m’avait traînée ici, dans un corps rouge à cornes qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui d’un démon – même les dents pointues y étaient. Ensuite, on me dit que je vais rester là pour l’éternité si je n’amasse pas de crédits en tuant des explorateurs dans des donjons que je suis supposée construire moi-même ?

Il y avait un mot, là d’où je venais, pour décrire ce genre de comportement.

L’esclavage.

Maintenant, je ne pouvais rien y faire. En tout cas, je ne voyais pas quoi. Soit je faisais grève avant de commencer, et je doute que quiconque là-haut en aurait eu quelque chose à faire, soit je me pliais aux règles et je faisais ce qu’on me demandait. Après, je pourrais toujours voir ce que ça donnerait, hein ? Au pire, je n’avais rien à perdre à part un peu de temps… Et il semblait que du temps, j’en avais à revendre, désormais.

 Bon, d’accord. Je peux au moins essayer, finis-je par concéder sous les yeux pleins d’attente de FeiLong.

 Ah ! Parfait. Suis-moi, alors. Je vais te montrer.

Il avait des actions ici, ou quoi ? Du moment où j’ai dit que j’étais d’accord, il avait agi comme un gentil petit garçon pressé de montrer sa nouvelle maquette à ses parents. Ou peut-être comme un chien, bien qu’il n’ait pas de queue à agiter. Enfin, pas dans son dos, en tout cas… Hem. Je m’égare ?

Nous sommes sortis du bâtiment dans lequel j’étais apparu et dehors, deux soleils brillaient au-dessus de l’horizon, tandis que plusieurs bâtiments parsemaient ce qui semblait être une immense ville, dont je voyais le mur d’enceinte au loin.

 Bienvenue dans la ville d’Imperos, Wuying, me déclara fièrement FeiLong.

Alors il s’agissait bel et bien d’une ville ! Bâtie en majorité de pierres blanches, au style étrange quoi que plutôt classique – on aurait presque dit qu’Imperos aurait pu être une ville du Haut Empire Romain, les rues grouillaient de vie. Absolument tout le monde était d’un teint rouge, plus ou moins clair, plus moins vif, mais il semblait bien que cette couleur de peau était la norme ici.

 Il y a même une ville sur un plan astral ?

 Bien sûr ! Tu croyais quoi, qu’on était des sauvages ? Ou qu’on vivait dans un petit salon mignon ? Ce que tu as vu n’est que l’endroit où nous recevons les nouveaux arrivants. Désormais, tu vivras ici. Tu auras déjà l’occasion de visiter la ville, ne t’en fais pas…

 Pas de problème… marmonnai-je, peu sûre de moi, et j’ai une maison, dans tout ça ?

En réalité, je m’attendais déjà à dormir à la rue. Pourquoi aurais-je été sous une bénédiction du destin d’un seul coup ? La chance divine, ce n’était pas pour moi. Je regardais aux alentours, et un cours d’eau traversait la ville sur ma gauche, près d’une place circulaire.

Peut-être que je pourrai dormir sous ce pont. On dirait qu’il y a plutôt pas mal de place.

 Quelqu’un vit sous ce pont ? demandai-je à FeiLong alors qu’il s’apprêtait à parler.

Hein ? Comment ça ? Tu as vu quelqu’un ?

 Non, justement, c’est pour ça que je demande. Si personne n’y vit, je m’y installerai.

FeiLong s’arrêta de marcher et me dévisagea d’un air complètement circonspect. On aurait dit qu’il venait de découvrir à quel point j’étais belle. Bon, évidemment, je n’étais pas spécialement belle, et en plus maintenant j’étais rouge, donc ça ne devait pas être ça. Ah !

 Tu… Tu connais déjà quelqu’un qui vit sous ce pont, c’est ça ? Désolée, désolée, j’en trouverai un autre ! m’écriai-je en m’inclinant plusieurs fois.

 Non, mais… Qu’est-ce que tu racontes ? Ta maison est là-bas, sur la colline, dans le quartier résidentiel, dit-il, ses yeux ronds ne me quittant pas, tout en désignant un endroit au loin.

 Ah ? Ma maison ? Oh ! Allons voir, alors.

Je repris ma route, suivant la direction qu’il avait indiquée.

 J’espère que les toilettes sont séparées de la salle de bains.

 Euh…

 Et que la fenêtre de la chambre n’est pas orientée plein sud.

 …

 D’ailleurs, il y a un sud, ici ? m’étonnai-je d’un seul coup, regardant FeiLong comme si je venais de penser au truc du siècle.

 Hé bien… Oui… Nous sommes sur un plan astral, et non sur une planète. Les soleils tournent autour du plan, et non l’inverse. Il n’y a pas de champ magnétique, donc pas vraiment de points cardinaux réels, mais… Par confort, il existe une carte, et il a bien fallu décider d’un nord… expliqua-t-il d’un air blasé par mes questions auxquelles il ne s’attendait pas. Evidemment, il y avait tellement de choses à découvrir, à explorer, et moi je me demandais si ma chambre était orientée plein sud. Je pouvais comprendre, bien sûr, mais… Chacun ses priorités, n’est-ce pas ?

Ma maison était située au beau milieu du quartier résidentiel, dans lequel on pénétrait en passant sous une grande arche blanche. En réalité, toute la colline tenait lieu de zone résidentielle, et quatre entrées se situaient tout autour, menant à une place tout en haut, nommée Trinity Square. Des quatre grandes routes partaient des tas de petits embranchements, et j’avais l’impression que la colline supportait des milliers de maisons. Pourtant, je n’eus pas l’impression d’avoir mis tant de temps que ça pour atteindre la mienne, juste à côté de Trinity Square.

 Alors c’est chez moi, ici ?

La maison était vraiment jolie. Pas très grande, mais jolie. Bon, il manquait un jardin, mais vu ma couleur, je doutais avoir besoin de bronzer avant un petit bout de temps de toute façon. Et puis après tout, n’avais-je pas mieux à faire ?

Elle était composée d’un rez-de-chaussée et d’un étage, trois pièces et une salle de bains. Et elle était meublée. Ah ! Je savais bien qu’il y allait y avoir une salle de bains… Mais pas de toilettes.

 Pas de toilettes ?

 Toilettes ? Eh bien… C’est un peu gênant de parler de ça. Nous sommes des êtres immortels, nous n’avons nul besoin de nous nourrir. Et nul besoin du reste…

 Oh, je vois, dis-je sur un ton déçu. J’étais vraiment déçue. Ne pas avoir besoin de se nourrir, ça signifiait dire adieu à tout un tas de bon petits plats, et je n’en avais déjà pas goûtés énormément dans ma vie passée… Je m’attendais à pouvoir me rattraper. Enfin, si ce n’était pas possible, pourquoi se tracasser, hein ? L’acceptation était une vertu. En tout cas, j’essayais de m’en convaincre, et j’essayais déjà sur Terre, ce qui m’avait aidé à passer bien des caps difficiles.

 Prend cette montre également. Elle te sera utile.

Observant la montre qu’il venait d’attraper sur la table, je me rendis compte qu’elle était en tous points semblable à celle que j’avais sur Terre. Je ne pus retenir ma surprise.

— 24h ? Comme sur Terre ?

 En effet. En réalité, c’est la norme de toutes les planètes habitées par des humains dans la galaxie. Les plans s’y sont adaptés également. Garde-la bien, elle va t’être essentielle, expliqua mon nouvel ami WikiLong.

 Compris, chef, me moquai-je.

 D’ailleurs, tu visiteras plus tard. Viens, avant que ça ne ferme, je vais te montrer l’endroit le plus important de la ville.

 Le plus important ? m’enquis-je.

 Je t’ai dit que nous étions des architectes de donjons. Je vais maintenant te montrer l’endroit où tout devient possible.

 Oh ! J’ai hâte.

Je ne me moquais pas, ce coup-ci. Il avait attisé ma curiosité pour de vrai.

— C’est où ?

 Là-bas, dit-il en désignant ce qui avait l’air d’être un des plus grands bâtiments de toute la ville, le Palais des Mille Miroirs.

Raka
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27 thoughts on “DMS : Chapitre 2

  1. Salut.
    Merci pour ces chapitres. Ca a vraiment l’air sympa.
    Je vais aller voir si je peux les trouver en anglais.
    Merci.

    1. Salut.
      Ça n’est pas traduit en anglais ni en aucune langue d’ailleurs.
      Il n’existe pour le moment que 11 chapitres et ils sont tous sur mon disque dur. 

      A l’exception des deux premiers publiés ici of course. 

      1. L’histoire ressemble beaucoup à Dungeon Maker… Non ? Originalement publié par Munpia… Et traduit en anglais par Novel Updates…
        Sauf que ici c’est une fille au lieu d’être un garçon..

        T’es vraiment sûr que c’est une création originale, @Raka ?

          1. Ouais donc je suis aller lire le synopsis et les 2 premiers chapitres, et à part le thème ça a rien à voir en fait ?

            Je comprends donc pas tes doutes.

          2. Autant pour moi alors, j’étais tombé sur cette novel en cherchant la suite de DMS quand je ne savais pas que c’était créé par toi.
            Car j’ai dévoré les premiers chapitres et j’en voulais plus.

            Désolé de mes doutes alors.

  2. C’est moi ou il n’y a personne qui se sent mal pour l’héroïne à part moi ? Si c’est une œuvre original, tu aurais pu être un peu plus sympa avec elle Raka. Sinon merci pour le chapitre, j’aime bien le principe. (Raka, tu es sans cœur pour ta fille)

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