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Chapitre 43 – La Neuvième Vie (2)

 

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demandai-je tandis qu’il regardait autour de lui d’un air calme.

— Je ne sais pas.

Au moins il avait le mérite d’être direct. Pas très rassurant mais direct.

— Tu ne sais pas ? m’étonnai-je devant son absence de réaction notable.

Il tourna les yeux vers moi avant de répondre, tout aussi nonchalamment :

— Non, je ne sais pas. Ça peut être beaucoup de choses. En tout état de cause, il s’agit là de l’alarme magique dénonçant une urgence et réclamant le rassemblement du plus grand nombre. Tous les membres de secte disponibles sont priés de se rendre dans la grande salle.

Une alarme ? Il y avait une urgence ? Pile au moment de mon arrivée ? C’était… frustrant, pour en dire le moins.

— D’accord, répliquai-je d’un ton légèrement contrarié, et devons-nous y aller ? Est-ce que ça nous concerne ? Toi, sûrement, puisque tu es un membre de la secte. Moi…

Il m’adressa un sourire.

— Ne t’en fais pas. Quoi que ça puisse être, ils se passeront bien de moi. Et si j’avais été dehors, comme je l’avais initialement prévu avant de te croiser ? Ils n’auraient pas profité de ma présence non plus.

Il disait vrai, en quelque sorte. Et il était suffisamment calme pour ne pas élever d’anxiété en moi. Il avait l’air de maîtriser la situation comme s’il l’avait déjà rencontrée des centaines de fois.

— Alors que faisons-nous ?  m’enquis-je à nouveau.

— On va chez le superviseur !  me répondit-il sans hésiter.

Il me prit par le bras et m’entraîna rapidement au milieu de la foule qui se dissipait déjà, disparaissant dans une direction bien précise. Avançant à contre-courant, je finis par perdre mon guide au moment où, par un malheureux coup du hasard, il lâcha mon poignet au milieu de la foule.

— Eh… Eh ?

— Merde… Wuy… Ah !

Les membres de secte qui ne faisaient pas attention à moi m’entraînèrent dans leur sillage telle une marée humaine. Je n’avais plus mon mot à dire, la puissance d’une vingtaine de corps en mouvement dans une direction commune avait de quoi vous convaincre de les accompagner. Au milieu de tout ça, j’entendis la voix de Teacup qui essayait de les arrêter.

En vain, bien naturellement ; l’alarme magique était plus importante que tout. C’était un ordre ultime qui décrivait une urgence qui ne pouvait être ignorée.

— Eh ! Lâchez-moi, laissez-moi passer !  les implorai-je malgré tout.

Mais ils n’entendaient rien, armée de zombies attirés par la fraîcheur d’une alarme apparemment plus vivante que moi.

Je n’eus d’autre choix que de me laisser emmener par les fous furieux qui n’avaient sans doute même pas remarqué ma présence – si j’avais le malheur de tomber, je me ferais piétiner à mort à coup sûr. D’un seul coup, une sensation étrangement habituelle me rappela à l’ordre, comme pour me dire — Tu es une architecte, tu es une architecte, tu as du boulot !

Des explorateurs sont entrés dans le donjon.

Je pouvais le sentir. Fermant les yeux et me laissant traîner vers l’avant, passant une porte et tournant vers un couloir en même temps que mes ravisseurs de fortune, je me mis à observer l’intérieur de mon donjon.

Encore eux. Khetsun et Wayne. Mais ils sont seuls, cette fois. Hah ! Ils ont laissé tomber l’autre idiot de voleur étrange.

Ils arrivèrent rapidement et sans un mot dans la salle des varans. Cette fois-ci, Wayne attrapa immédiatement une potion d’un vert pâle accrochée à sa ceinture et la vida d’un trait. Pendant ce temps, Khetsun attrapa son bâton et se mit aux aguets, prêt à faire face à toute menace.

Le corps de Wayne se mit à luire d’une légère aura verte tandis que son compagnon observait les flaques d’eau, déjà conscient que les salamandres s’étaient désignées comme gardiennes de l’entrée de la salle et qu’elles attaqueraient très probablement les premières.

Et elles ne se firent pas attendre. Le regard du moine se braqua sur cette tête bleue qui émergeait déjà d’un point d’eau dans l’ombre d’un pilier et il se jeta en avant d’un bond, immédiatement suivi par le paladin.

La salamandre ouvrit la gueule et cracha un trait d’eau, fin et précis. Il visait déjà le cœur du moine, qui ne portait pas d’armure pour le protéger ; il était simplement vêtu d’une espèce de toge courte surmontée de pièces de cuir.

Il cherche sans doute à rester le plus agile possible…

Et ça avait le mérite de payer. Il pivota légèrement et esquiva de justesse le rayon d’eau qui vint finir sa course sur le bouclier du paladin pour se disperser en une myriade de gouttes qui retombèrent rapidement au sol.

Ils ont déjà compris comment les combattre… Il ne leur a fallu qu’un essai… Ils sont quand même sacrément incroyables.

– Maintenant, Khetsun ! Il recharge !

La salamandre avait en effet replongé sa gueule dans l’eau et était en train de faire le plein. C’était l’une de leurs caractéristiques, elles pouvaient tirer de loin et avec précision mais elles devaient recharger entre chaque salve.

Et le moine profita de cet instant pour lui asséner plusieurs coups de bâton sans lui laisser le temps de se défendre ou d’esquiver. On aurait dit l’un de ces artistes que je voyais parfois à la télé, dans mon autre vie. Ses coups étaient précis et grignotèrent rapidement la vie du monstre, ne lui laissant plus la moindre chance de répondre. Il s’effondra et disparut dans la flaque d’eau comme il en était sorti – seulement, désormais, il était mort.

Les types qui me poussaient en avant comme une vague arrivèrent bien vite dans une grande salle. Un salle immense, comparable à un opéra ; son architecture était très semblable aux théâtres antiques, mais au-dessus de ma tête se trouvait un plafond richement décoré. Je pouvais y admirer des scènes représentant des batailles furieuses ou des personnes – des savants à n’en point douter – penchés sur des livres, un air compliqué sur le visage.

Le train humain dans lequel j’avais malgré moi embarqué s’arrêta enfin et la petite foule se dispersa, me laissant là, assise par terre et incrédule.

Me relevant et époussetant ma toge blanche qui se démarquait des centaines de vêtements bariolés que je pouvais voir tout autour de moi, je jetai un rapide coup d’œil circulaire. La salle était pleine à craquer d’une foule hétéroclite ; et loin là-bas, tout devant, se trouvait un type solitaire qui faisait face à la salle tel un maître conférencier. Il attendit le calme qui arriva rapidement avant de prendre la parole d’une voix qui résonna clairement à qui voulait l’entendre.

— Je vais en venir au fait ! Nous avons sonné l’alarme car le Maître est en danger. Nous ne savons pas comment, nous ne savons pas pourquoi, mais nous savons où. Un signal d’urgence est arrivé de sa part, nous indiquant sa position mais ne donnant aucune autre information. »

Il fit une légère pause tandis qu’un brouhaha s’élevait dans la salle, les gens se regardant les uns les autres.

— Le Maître, en danger ? par ici.

— Mais que pouvons-nous y faire ? par là.

Le grand type du fond les calma bien vite en continuant.

— Nous avons de bonnes raisons de penser qu’il a été victime d’un piège, dans une ancienne ruine, et qu’il ne peut pas à en sortir. Vous connaissez tous ce genre de piège, n’est-ce pas ? Une vaste majorité d’entre eux possède un mécanisme de libération à l’extérieur. Il nous faut donc aller jeter un œil afin de le libérer, car il ne peut sans doute pas le faire seul ! »

La foule de membres de secte sembla atteindre l’illumination. Ils venaient enfin de comprendre pourquoi il leur était demandé d’aller porter secours à un type bien plus puissant et expérimenté qu’eux.

Ils firent rapidement demi-tour tandis que leur était donnée la localisation de l’endroit dans lequel il devaient se rendre.

— Et n’oubliez pas. N’y allez pas seuls. Restez en groupes de six à huit personnes minimum, leur rappela-t-il tout en les regardant passer d’un air somme toute relativement calme.

Dans mon donjon, la deuxième salamandre venait de rencontrer une fin tout aussi rapide que la première. Décidément, elles ne représentaient pas un vrai challenge pour ces deux-là. Ils s’y étaient adaptés en une rencontre à peine. Ils avaient du talent et un avenir prometteur, je pouvais l’admettre.

Ils avançaient prudemment dans la salle sans se quitter d’une semelle et en observant le plafond sans se déconcentrer. Tournant autour de larges piliers de pierre et passant sous des arches d’où pendait de la mousse humide, Ils s’apprêtaient à accueillir les varans des cavernes qui les avaient vaincus la première fois.

Dans mon dos s’éleva une voix désormais familière qui me sortit de ma transe.

— Ha ! tu étais là ! Bon sang, j’ai dû te courir après depuis l’entrée !

Ouvrant les yeux et me retournant, j’aperçus Teacup qui me souriait. Il avait sans doute suivi la foule pour me remettre le grappin dessus, de peur que je me perde.

— Ah… Oui. Désolée, lui répondis-je, un peu gênée.

— Ce n’est pas grave, rétorqua-t-il, mais nous dev…

Il s’arrêta au milieu de sa phrase. Son regard venait de tomber sur le grand type qui avait parlé à la foule un peu plus tôt. Sous visage s’illumina derechef.

— Pourquoi le superviseur est-il là ?

Il s’étonnait mais son sourire en disait long.

— Allez, viens, allons le voir ! Et dire que si nous étions allés jusqu’à son bureau, on l’aurait trouvé absent !

Il m’attrapa par la main et m’entraîna au bas des marches de ce qui ressemblait vraiment à un amphithéâtre vu de là où j’étais. Alors que tous les membres s’éloignaient afin de quitter les lieux, nous allions dans l’autre sens, ce qui attira le regard du grand type, tout en bas. En nous voyant approcher, il nous adressa un sourire.

— Ah, Teacup, te voilà. Je ne pensais pas que tu viendrais, comme tu étais de sortie, lui envoya-t-il pour l’accueillir.

— Je suis revenu plus tôt que prévu, répondit l’intéressé.

— Ah ?

— J’ai avec moi une demoiselle que je désire faire entrer dans la secte, annonça-t-il de plein fouet.

Le superviseur, qui vu de près faisait relativement vieux – la soixantaine depuis longtemps passée sans doute – attrapa sa barbe grise à deux doigts et se mit à la faire tournicoter, comme par habitude. Il me regardait d’un air profondément perplexe. Il semblait attendre la suite, mais face à notre silence finit par reprendre :

— Tu sais que nous n’acceptons pas de nouveaux membres comme ça, n’est-ce pas ? En quoi devrais-je faire une exception ?

Il me scrutait tout en s’adressant clairement à Teacup, à côté de moi, sans même le regarder. Ce dernier n’attendit pas pour lui expliquer ses raisons.

— J’ai senti, au premier coup d’œil, qu’elle était digne, superviseur. Je ne pourrais pas expliquer comment, mais tant son esprit critique que… heum, keum, elle me plaît, voilà tout. Je suis prêt à assumer toute responsabilité quant à son recrutement.

Le superviseur prit un long moment de silence, qu’il passa à m’observer des pieds à la tête. J’avais l’impression qu’il était capable de scruter mon potentiel caché, mes capacités innées et tout ce que j’avais dans la tête, aussi n’osai-je pas bouger, sans raison logique.

Au bout d’un certain temps, il finit par m’accorder un sourire et me posa une simple question.

— Demoiselle, t’intéresses-tu à la magie ?

Sa question avait l’air simple, mais d’un autre côté, je sentais qu’elle cachait quelque chose, une mise à l’épreuve qu’il ne souhaitait pas rendre évidente. Devais-je m’intéresser à la magie pour faire partie de la secte ? Devais-je au contraire être honnête ? Dans tous les cas, son regard perçait les tréfonds de mon âme – en tout cas, c’était une impression forte qu’elle laissait…

Si je lui disais que je m’intéressais à la magie et que je désirais faire partie de sa secte, le prendrait-il comme une marque de respect ? Pourtant, ça ne m’avait pas l’air si simple. Si elle était une si grosse secte, elle devait recevoir des centaines, peut-être des milliers de demandes chaque année. Tous devaient s’intéresser de près aux arts magiques, peut-être même être talentueux dans ce domaine. Pourquoi aucun d’entre eux n’avait-il été accepté ?

Non, je n’allais pas lui mentir. Et puis, il fallait avouer qu’après tout, ce n’était pas mon idée. De base, je ne voulais pas faire partie d’une secte, je désirais simplement obtenir un sort et m’en aller.

— Je m’y intéresse, mais ce n’est pas une passion, répondis-je finalement.

Il m’adressa immédiatement un grand sourire évocateur, les yeux brillants.

— Bon. Normalement, nous n’acceptons pas de nouvelle recrue. Mais puisque Teacup a personnellement insisté pour te prendre sous son aile, je ne vois pas vraiment de raison de m’y opposer. Que tu t’intéresses ou pas à la magie n’a pas vraiment d’importance, ma fille. L’important, c’est d’avoir du talent, voilà la réponse que j’attendais. Et ça, tu sauras nous le montrer bien assez tôt.

Teacup se mit à sourire comme un ange à son tour, entendant l’approbation du superviseur. Cela dit, son bonheur fut de courte durée.

— Cependant, s’il s’avère que tu ne possèdes pas de talent pour les arts de la magie, peu importe qui tu es ou tes relations avec Teacup, tu ne pourras pas rester membre de la Neuvième Vie. Comprends-tu ?

Son ton était assez froid pour me donner des frissons dans le dos. Il n’était pas menaçant, pas méchant non plus, mais plein de sous-entendus évidents. Si je ne me montrais pas à la hauteur, j’allais être balancée comme une vieille chaussette.

— Oui. J’ai compris, répondis-je en hochant la tête avec assurance.

Après tout, même si je me faisais virer, j’espérais au moins avoir le temps d’obtenir ce que j’étais venue chercher avant ça.

Le superviseur continua sur sa lancée, sans nous laisser le temps de digérer la situation.

— Tu devras aller passer les premiers tests afin de définir ton potentiel et de t’accorder un rang et une ou plusieurs couleurs. T’en sens-tu prête immédiatement ?

Des tests ?! Il fallait que je passe des tests ? Je voyais déjà se profiler le pire : incapable de réussir, j’allais échouer avant même d’avoir formulé ma demande…

Prise de court, je me mis à chercher quoi répondre.

— Mais… Je… Ne devrions-nous pas… Euh, le Maître ? Chercher le Maître ?  balbutiai-je de façon hasardeuse.

Le superviseur secoua la tête sans attendre.

— Non. Il y a bien assez de membres sur le coup. Tu ne les as pas vus déguerpir en toute hâte ? Tout le monde espère arriver le premier et se faire bien voir du Maître en le sauvant.

Une tentative qui tombait à l’eau ! J’aurais pu, même incapable de manipuler la magie, trouver un moyen de rentrer dans les petits papiers du Maître et ainsi éviter de me faire virer…

— On dirait que je vais devoir aller passer ces tests… me résignai-je finalement.

— Teacup va t’accompagner.

— Oui, superviseur. Allez, Wuying, viens.

D’un pas las, je le suivis vers un destin qui ne promettait pas d’être des plus reluisants.

Raka
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12 thoughts on “DMS : Chapitre 43 cadeau :p

  1. — Ah… Oui. Désolée, lui répondis-je, un peu gênée.
    — Ce n’est pas grave, rétorqua-t-il, mais nous dev…
    Il s’arrêta au milieu de sa phrase. Son regard venait de tomber sur le grand type qui avait parlé à la foule un peu plus tôt. Sous visage s’illumina derechef. —> son

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