Chapitre 66 : La guerre, toujours la guerre… 4/7
« Argh ! »
Il entendit ainsi d’autres cris et vit un soldat corpulent faire deux pas avant de s’effondrer, la gorge tranchée. Machinalement, il fit lui-même deux pas en arrière.
Comment est-ce que… J’y crois pas… Comment est-ce que ces enfoirés de Rins ont fait pour être avertis ?
Les enfoirés en question approchaient de sa position, lances et épées en main.
Qu’est-ce qu’ils foutent là ?! Il n’y a aucune troupe stationnée ici, en principe ! J’ai passé un mois à étudier cette foutue région ! Non… Ils ont été avertis. Impossible autrement.
Il grinça des dents et se mit à haleter, ne sachant trop s’il allait parvenir à se sortir de cette situation.
Je voulais le château de Beno, moi avant tous les autres… On s’est trompés.
Il ne s’agissait bien sûr pas seulement de lui. C’était tout son royaume qui s’était trompé. À nouveau, il tenta de reculer, mais sentit quelque chose l’en empêcher. Il se retourna.
« Gaaah ! » hoqueta-t-il.
Il vit tout d’abord la pointe d’une lance dirigée vers lui. Se jetant à terre, il leva les yeux vers celui qui la portait.
« Vous êtes le chef de ce bataillon ? » lui demanda l’homme.
Celui à terre, pris de panique, ne parvint même pas à répondre. La lance fut placée au niveau de son front, l’humiliant plus encore.
« Nom et unité ! » cria l’homme.
« Ugh… Je… Je suis le Commandant Clark, du bataillon Pier, premier du royaume d’Istel. »
La révélation obtenue, son interlocuteur se mit à sourire.
Oui, c’était bien le premier bataillon…
« Vous saviez qu’on allait attaquer ? » lui demanda Clark, d’une voix désespérée.
« Vous allez mourir, et pourtant vous me posez la question ? »
« Hmpf. Laissez-moi au moins connaître le nom de celui qui va m’ôter la vie. »
Ils s’échangèrent un regard particulièrement intense. La lance se leva vers le ciel.
« Mon nom est Roan, Commandant en second du bataillon de la Rose, rattaché au septième régiment du royaume de Rins. »
Clark ferma alors les yeux. La lance vint s’abattre sur sa nuque et la trancha sans résistance. La tête d’abord, puis son corps chuta à terre. Roan secoua alors sa lance pour en ôter le sang tandis qu’il entendit les cris se faire plus rares.
Cette première bataille est une victoire totale. Les nouvelles de la tentative d’assaut du royaume Istel doivent maintenant être connues du commandement des terres de l’est.
En l’état, cet imbécile de Benjamin Doyle pouvait-il encore vraiment ignorer la menace ? Io Lancephil lui-même avait pris le commandement de ses chevaliers, suite au rapport d’Aaron Tate.
De toutes les manières, avec le soutien du Comte Lancephil, on pourra déjà combler certains manques dans l’organisation de la défense de Rins. Ce n’est pas parfait, mais…
Pour pouvoir sainement affronter le royaume d’Istel, ils avaient besoin du soutien de l’est. Restait à attendre qu’ils se décident. Pour ce faire, les annihilations de ce type n’étaient pas nécessaires, il leur fallait simplement bloquer la progression des envahisseurs. L’ennui était qu’ils manquaient de temps.
Le royaume de Byron a déjà dû traverser la frontière et va venir jusqu’ici appuyer les troupes d’Istel… Pourvu que les troisième et quatrième régiments parviennent à les repousser.
Il prit une grande inspiration. Avant le début des combats, il avait conçu un plan avec le Baron Tate, qui consistait à laisser ces régiments la défense du nord tandis qu’eux assureraient celle de l’est. Bien sûr, il ne s’arrêtait pas là. Leur objectif était de les attirer plus profondément dans le nord.
Gagner 20 affrontements et tous les perdre… Espérons que ça suffise à les déstabiliser.
Ce n’était là encore pas l’unique objectif, son véritable plan consistant à troubler l’alimentation des ravitaillements militaires le plus possible.
Si le royaume Byron s’enfonce trop profondément chez nous, ils ne pourront plus être ravitaillés. C’est là que nous frapperons, quand ils seront le plus affaiblis.
Leurs troupes tomberaient alors dans la débâcle et Byron serait contraint de cesser la guerre. Cependant, si la plus petite étape de sa stratégie venait à échouer, le royaume de Rins se trouverait en grand danger, ayant lui-même amené un loup dans la bergerie.
Prions pour qu’ils réussissent…
Sa réflexion fut interrompue par une voix familière.
« Roan ! C’est une réussite totale ! »
Se tournant, il vit alors le Commandant Gale et le Major Kenny.
« Quelle est la prochaine étape ? » lui demanda alors Gale après l’avoir félicité, les yeux toujours rivés sur la scène de la bataille.
« Il faut qu’on attende l’arrivée de l’escouade de renseignements. » lui répondit Roan.
« L’escouade de renseignements… Oui, c’est vrai. C’est ça. »
Il avait désormais bien trop confiance en lui pour oser remettre en cause sa façon de procéder, mais il n’en restait pas moins perplexe.
Une escouade de renseignements… Personne n’a jamais fait ça avant, et encore moins dans le cadre d’une guerre.
De prime abord, il avait même pensé la démarche inutile, estimant que les gardes en patrouille étaient tout à fait capable de remplir leur office, et qu’elles étaient de plus davantage aptes à combattre. Il s’était toutefois rapidement aperçu de la pertinence de ces informateurs, capables d’étudier avec soin le mouvement des troupes ennemies et d’en prédire les prochaines étapes. Si la bataille contre le bataillon de Pier avait été un tel succès, c’était bel et bien grâce à eux. Il le regarda avec admiration.
Huh… Il me fixe encore.
Roan eut un sourire gêné et fit mine d’observer au loin. Depuis quelques temps déjà, il arrivait fréquemment au Commandant Gale comme à d’autres de l’observer, pleins de respect. Il y avait bien sûr parfois de la jalousie ou de l’ennui, mais tous le soutenaient.
J’ai vraiment bien fait de fonder cette agence de renseignements.
Si à la base, il ne pensait se servir que de la personne de Chris pour effectuer ces missions, Roan s’était rapidement corrigé en réalisant toute la dangerosité qu’elles représentaient. Finalement, il choisit quelques soldats à la vue réputée pour constituer cette escouade.
Monsieur Pens les dirige brillamment, pour un civil. Il faudra que je pense à introniser cette agence de manière formelle…
Plus le temps passerait, plus les gens prendraient conscience de l’importance des renseignements. Il lui fallait une structure renommée et dont les exploits seraient connus de tous. De par le passé, on lui avait dû de très nombreuses victoires. Il était temps qu’elle ressurgisse.
Quoique Chris s’avéra très prolifique dans son travail, le mouvement des troupes répondait bien aux souvenirs de Roan. Seuls ces deux éléments alliés avaient permis au septième régiment, parmi trois autres, d’organiser une ligne de défense avant l’arrivée de la ligne d’attaque du royaume d’Istel. Les 30000 hommes répartis dans les régiments n’eurent que quatre jours pour installer des barricades et des clôtures de bois, avant que n’arrive le gros des forces d’Istel, constituant une force de 80000 âmes.
« Impressionnant… » lâcha Aaron Tate.
Tout comme lui, les autres Colonels eurent un léger hoquet en voyant l’armée massive face à eux. Heureusement, leur ligne de défense était bien placée, contraignant ainsi les troupes d’Istel à s’installer à découvert.
« Tout s’est passé comme vous l’aviez prédit, Roan. » observa à nouveau le Colonel Tate.
En dépit du nombre impressionnant de soldats amassés, les hommes de Rins étaient confiants.
« Colonel ! 30000 soldats de l’est sont arrivés aux environs de la région de Nerf ! » cria le Major Mendel en arrivant.
Benjamin Doyle avait-il enfin fini par entendre raison ?
« Bon, c’est une bonne nouvelle. Ils seront ici dans une journée tout au plus, la région de Bink n’en est pas si éloignée. » répondit Tate.
Cependant, il perdit rapidement son sourire en voyant le visage de Mendel toujours aussi grimaçant.
« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-il.
« C’est que… L’armée de l’est a installé son camp dans la région de Nerf. » balbutia Mendel d’une voix très faible.
« C’est une plaisanterie ?! » hurla aussitôt l’un des autres Colonels.
« Mendel, qu’est-ce que vous avez dit ? » demanda Tate, persuadé d’avoir mal entendu.
« Je regrette, c’est la pure vérité. Colonel Tate, ne devrions-nous pas nous aussi les rejoindre ? »
« Ha ha ! Mais bien sûr, l’ennemi va nous laisser paisiblement reculer vers ces incapables ! » cria Tate.
Rapidement, les Colonels entreprirent de discuter entre eux des diverses possibilités. Cependant, aucune idée raisonnable ne leur vint.
Foutu tocard… J’aurai ta tête, Doyle !
Il avait les dents aussi longues qu’il était couard. Finalement, son comportement n’avait rien de très surprenant : il avait une nouvelle fois pris peur.
Qu’est-ce qu’on peut bien faire… Sonner la retraite, ou essayer de tenir ? Dans les deux cas, ça ne peut que…
« Peut-être devrait-on demander son avis à Roan ? » demanda Mendel, interrompant ainsi sa vaine réflexion.
« Roan ? » s’étonna l’un des chefs.
« Oui, Roan aura sans doute une bonne idée ? » assentit son compère.
« Certes. Roan pourra peut-être nous sortira de là. Allez le chercher. » répondit Aaron Tate en hochant de la tête.
« Compris ! » répondit aussitôt Mendel.
Les quatre Colonels, à nouveau seuls, purent discuter librement entre eux.
« Donc, qui est Roan ? »
« J’entends beaucoup ce nom aussi… »
« C’est un soldat récompensé d’un badge militaire, par… »
Le Colonel plus averti que les deux autres désigna alors Aaron Tate, l’invitant ainsi à prendre la parole.
« Le Commandant en second Roan. C’est à lui que nous devons les victoires du gouffre d’Ale, de la plaine Pédian, de la forêt d’Int, ainsi que celle arrachée aux orcs lors de la bataille de Slen. C’est à lui aussi que nous devons la découverte des plans d’invasion des royaumes de Byron et d’Istel. » leur expliqua Aaron Tate.
Tout alors leur revint, et l’excitation se saisit d’eux. C’était lui, ce brillant stratège dont les capacités de lancier étaient telles que le Vicomte Baker lui-même avait eu peine à combattre. La porte s’ouvrit, et les Colonels perdirent leur sourire. Comment était-il qu’une aussi jeune bleusaille que celle entrée soit capable de tels exploits ? Aaron Tate vit leur réaction et afficha un léger sourire. Pour cause, lui aussi avait remis en doute ses talents. Ils ne tarderaient pas, eux aussi, à le révérer.
« Vous m’avez fait demander ? » lança Roan, en saluant les Colonels.
Aaron Tate lui expliqua alors l’essentiel de la situation, discours face auquel Roan sembla perturbé.
Benjamin Doyle… Il rend vraiment les choses compliquées, mais je m’y attendais. L’ennui, c’est d’après mes renseignements, les troupes d’Istel sont bien face à nous.
« L’évolution de notre position est problématique. Vous pensez pouvoir trouver une solution ? » lança l’un des Colonels.
« Oui, en se préparant à l’attaque qu’ils vont lancer cette nuit même. » répondit Roan sans la moindre hésitation.
Sa réponse fut toutefois accueillie par des éclats de rire. Il avait sans doute eu de la chance jusqu’à présent, mais il ne pouvait se fier uniquement à cet aspect. Ainsi, seul Aaron Tate se tint au sérieux.
« Tsss… Écoute-moi bien gamin, ça fait neuf jours qu’ils ont passé la frontière. » lui dit un homme que Roan reconnut aussitôt. C’était le Colonel Philippe Hass, chef du cinquième régiment.
« Oui, j’en suis bien conscient. » répondit-il en s’inclinant.
C’était même lui qui avait averti le commandement…
« Donc, 80000 soldats sont arrivés dans la région de Bink, après avoir traversé la frontière, il y a de ça neuf jours. Ils se déplacent à une vitesse presque incroyable, ça aussi, tu le sais ? » continua Philippe Hass.
« Oui. » répondit Roan, sans se laisser impressionner par les regards accusateurs.
« Pour arriver ici aussi vite, leur commandement a dû les contraindre à une marche forcée, sans repos et sans nourriture. Ils viennent à peine d’installer leur campement et ont besoin de repos. Alors maintenant, tu vas m’expliquer comment ils vont faire pour lancer une attaque surprise cette nuit. »
« Ha ha ha. Allez-y doucement, Colonel Hass. Il n’a sans doute encore jamais été face à un tel conflit. » fit l’un des membres de l’assemblée.
« C’est vrai qu’à bien y réfléchir, il n’a eu de réussites que face à de simples mauvaises herbes ! » abonda en son sens un autre.
En dépit des remarques cyniques, Roan conserva la même expression. Il leur indiqua alors un point sur la carte posée sur le bureau.
« Ça, c’est leur camp. » dit-il.
Les rires s’estompèrent soudain jusqu’à complètement cesser. Leur attention assurée, il reprit.
« Même s’ils sont beaucoup, leur campement est mal positionné et sa structure même laisse à désirer. »
Tous le savaient. Il était certes complexe de réaliser un campement pour 80000 soldats, mais certainement pas de là à être aussi désorganisé.
« Hmm… C’est vrai que ça ferait presque penser qu’il est temporaire. » observa Aaron Tate.
« Tout à fait. Ils ne vont pas rester là. » répondit Roan en hochant de la tête.
« Oh ! Et on devrait vous croire sur cette simple supposition ?! » demanda Philippe Hass.
Les deux autres demeurèrent tout aussi incrédules. Il leur en fallait plus pour les convaincre. Roan le savait, et sortit sa pièce maîtresse.
« Tenez. Ça devrait vous intéresser. » dit-il.
« De quoi s’agit-il ? » demanda Aaron Tate en se saisissant de la pile de documents.
« Des informations sur le commandement d’Istel. »
Aussitôt, Tate commença à lire. Son regard, d’abord calme, se fit vite écarquillé.
Comment est-ce qu’il… Quand… Putain…
Les informations contenues dans le dossier concernaient effectivement le haut commandement d’Istel, des Commandants aux plus hauts Généraux. Pire encore, il ne s’agissait pas seulement de rumeurs, mais de renseignements aussi détaillés que leurs traits de personnalité, leur apparence générale ou encore leurs accomplissements et décorations. Roan s’empêchait de sourire.
Je n’ai pas pu obtenir de renseignements internes, mais rien qu’avec les rumeurs des gens, nous avons pu acquérir quantité d’informations.
« Colonel Tate, que se passe-t-il ? »
« Laissez-moi voir ! »
Ils commencèrent à lire rapidement à leur tour.
« C’est incroyable… » lâcha finalement Tate.
« Le Général qui dirige l’opération est Luther Bale. Vous pourrez constater en lisant à son sujet que c’est un adversaire très sérieux. De plus, il a déjà dirigé avec succès de nombreux raids nocturnes et d’attaques surprises contre Aïmas. » expliqua Roan.
Ils hochèrent de la tête, ne pouvant que constater la véracité de son propos.
Enfin, en tous cas, ça s’est passé comme ça dans le passé.
Le lieu et le temps étaient différents, mais la façon dont il avait organisé le commandement ne lui permettait pas d’imaginer qu’il eût s’agit de qui que ce soit d’autre que Luther Bale. Ainsi, les chances qu’il attaque lors d’un assaut nocturne étaient très élevées.
« Bon… Donc, on doit se préparer à ce raid. » lança, à la surprise générale, le Colonel Philippe Hass, un peu mal à l’aise.
Préparer leur défense en fonction de cet élément n’était de toute manière pas une grosse perte en terme d’énergie. À l’inverse, ne pas s’y préparer aurait des conséquences absolument dramatiques. Tous consentirent finalement à suivre sa proposition.
« Ce n’est pas tout. » dit Roan, une fois le silence de retour.
« Qu’y a-t-il ? » demanda Hass.
Il fallait donner un avantage indéniable au royaume de Rins. Il n’y avait qu’une seule façon de procéder pour ce faire.
« On doit préparer notre contre-attaque. »
- Quelques nouvelles du Nostra - 3 juin 2019
- EER Chapitre 83 - 10 mars 2019
- EER : Changement de programme - 7 mars 2019
=DDD
Merci pour le chapitre !
Vraiment très sympa a suivre cette série ! J’ai hâte de voir la suite des aventures de Roan !
merci pour le chapitre
Merci pour ce chapitre
merci pour le chapitre
Merci pour ce chapitre.
Merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre
merci pour le chapitre
mer i pour le chapitre on t’adore nostra