MoL : Chapitre 27
MoL : Chapitre 29

Chapitre 28 –  Chaudron

 

La vie vous ramène parfois en des lieux vraiment étranges, songea Zorian en faisant une fois de plus pénétrer la lame de son couteau dans le cadavre du loup hivernal. Si quelqu’un m’avait dit, lors de ma première année à l’académie, qu’un jour j’allais devoir connaître la meilleure façon de dépecer un loup hivernal, je ne l’aurais jamais cru.

Mais encore, il n’avait techniquement pas besoin de la peau de l’animal – il sentait simplement que ç’aurait été un vaste gâchis de ne pas la récupérer, l’objet se vendant un sacré prix à Knyazov Dveri. S’il devait s’aventurer dans la nature sauvage pour combattre des monstres et de dangereux animaux, il pouvait aussi bien y gagner un peu d’argent.

Finalement, le travail sanglant fut achevé. Certain qu’un chasseur expérimenté l’aurait fait en quatre fois moins de temps, un succès était malgré tout un succès. Il plaça la peau dans son sac et se dirigea vers le ruisseau qu’il avait croisé un peu plus tôt, décidé à nettoyer le sang et le gore de ses mains et vêtements. À un certain moment, il prévoyait de partir en quête de sorts pour effectuer ce genre de besogne mais les sorts de récolte étaient basés sur l’animation et il n’en avait vraiment pas besoin pour l’instant. Les sorts d’animation fonctionnaient en insufflant une partie de l’esprit du lanceur dans le sort lui-même, donc tant que Zorian ne savait pas comment dépecer proprement et efficacement, il ne pouvait pas raisonnablement confier la tâche à un sort.

Comme il avançait vers le ruisseau, il gardait un œil sur son environnement : il était dans cette section bien particulière de la forêt – le cottage d’une vieille sorcière appelée Lac d’Argent, l’une des possibles sources d’informations que Kael avaient nommées dans sa liste. Jusqu’alors, les prédictions de Kael étaient correctes : il n’avait pas trouvé l’endroit et avait été obligé d’errer au hasard jusqu’à ce qu’elle l’approche elle-même, ce qui n’était pas encore fait. Les sorts de divination étaient incapables de localiser l’endroit et aucune errance ne l’avait fait tomber par hasard dessus. S’il ne possédait pas l’assurance ferme de Kael que quelqu’un vivait là, il aurait abandonné bien plus tôt. La seule raison qui lui avait permis de trouver cette zone en particulier se trouvait dans le fait que la sorcière avait pour habitude de récolter toutes les plantes utiles d’une région et que Kael avait averti Zorian de chercher un endroit où les plantes étaient étrangement absentes, comme celui-là.

D’un soupir, il plongea ses mains dans le cours d’eau. Les averses récentes en avaient fait une petite rivière boueuse suite à une crue mais l’eau était suffisamment claire pour lui permettre de nettoyer ses mains et se détendre un peu. Ceci fait, il s’accroupit près de l’eau et étudia longuement son reflet. Il était dans un état pitoyable. Et il se sentait dans le même état, pour tout dire. Il n’était pas totalement épuisé et ce n’était pas la première fois qu’il s’aventurait dans une forêt mais il y avait une différence entre une balade de deux heures dans une forêt à moitié balisée près de Cirin et une semaine dans le grand nord sauvage et indompté, chasser des loups hivernaux, éviter des serpents en tous genres et tout ce qui pouvait se montrer mortel. Il remerciait chaque jour les dieux de lui avoir donné la présence d’esprit de placer sur lui-même une barrière anti-vermine également ; dans le cas contraire, il aurait succombé à une infinité de tiques et de sangsues avant la fin du premier jour… et c’était sans prendre les moustiques en compte.

Le pire dans tout ça ? Il ne s’y habituerait jamais parce que toute croissance musculaire ou adaptation de son corps se ferait annihiler à la fin du mois. Il se laissa une note mentale pour plus tard, il fallait qu’il approfondisse la possibilité de se trouver des potions de renforcement ou d’apprendre des rituels qui lui permettraient d’améliorer force et endurance parce que passer la première semaine de chaque boucle à sentir son corps le tirailler dans tous les sens n’était vraiment pas acceptable. Ou au moins une potion pour faire disparaître la – attends, le fond du ruisseau venait de bouger ?

Il parvint à bondir en arrière juste à temps pour éviter l’immense silhouette brune qui venait de sauter hors de l’eau pour tenter d’envelopper sa tête avec une puissante mâchoire. Il recula, à moitié assis, à moitié à quatre pattes face à cet immense lézard qui tentait maintenant de se camoufler contre la berge et lui envoya rapidement une salve de missiles magiques, trois perceurs directement destinés à la tête de sa cible. Heureusement, mis à part son bond surprise, le lézard était plutôt lent et les trois missiles touchèrent au but. Le crâne de la bête explosa instantanément en envoyant des morceaux de peau écailleuse un peu partout et le lézard tomba raide mort, la moitié de son corps plongée dans le ruisseau.

Zorian activa immédiatement son sens spirituel et analysa les environs à la recherche d’autres monstres du genre et après n’en avoir découvert aucun, s’approcha lentement du corps pour l’inspecter.

C’était une salamandre. Une très grosse salamandre brune possédant une énorme tête triangulaire et deux yeux noirs globuleux qui ne pouvaient probablement rien voir du tout. Qu’une chose si grosse pût actuellement se camoufler dans un ruisseau était déjà un miracle en soi mais l’eau légèrement boueuse lui avait donné exactement ce qu’il fallait pour l’effet de surprise. Merde, ça aurait été humiliant – tué en moins d’une semaine par une salamandre géante. Mais encore, il avait failli tomber dans un ravin le premier jour et il y avait eu cette vigne assassine qui avait tenté de l’étouffer la veille…

— Y a-t-il une seule chose dans cette forêt qui ne va pas essayer de me tuer au moment où je détourne les yeux ? demanda Zorian à voix haute.

Il ne s’attendait évidemment pas à obtenir réponse, et pourtant.

— Que penses-tu être en train de faire, à te plaindre de la sorte sur ton sort ? demanda une voix féminine plutôt rude.

Personne ne se trouvait alentour pour ce que Zorian pouvait constater et son sens spirituel ne détectait que des animaux ; cela dit, il repéra rapidement d’où provenait cette voix – la source de ces paroles impromptues était un corbeau, perché sur une branche proche.

— Eh bien, ne reste planté là à observer mon familier, enfant, continua la voix en brisant le silence naissant. Vite, tire-le sur la rive avant que le courant l’emporte ! As-tu la moindre idée de la valeur d’une salamandre géante de cette taille ? C’est la découverte du siècle !

Zorian fut tenté de mettre le doigt sur le fait que cette découverte du siècle avait failli le tuer mais décida ultimement de ne rien en faire. S’il s’agissait de ce dont il se doutait, il avait besoin de rester bien vu. Selon Kael, demander de l’aide à la sorcière était un pari quelque peu risqué mais il obtiendrait des résultats hors du commun s’il parvenait à la convaincre de le faire avec sérieux. Lac d’Argent était aussi puissante que compétente mais également très contraignante. Elle n’allait pas le tuer ou se montrer ouvertement hostile à son égard s’il ne la provoquait pas mais elle était du genre capricieux et encline à faire perdre leur temps aux gens. Zorian décida que tenter de l’approcher malgré tout pouvait valoir le coup.

— Vous êtes Miss Lac d’Argent, je présume ? demanda-t-il.

Le corbeau lui répondit d’un croassement de rire. Il était vraiment étrange de voir un oiseau rire de la sorte.

— Miss, le suis-je ? Eh bien, n’avons-nous pas là un jeune homme bien poli… On n’en croise plus beaucoup, de nos jours. Oh, peut-être vais-je écouter la requête quelconque qui t’a poussé à t’aventurer jusqu’ici ! finit par railler l’oiseau noir. Maintenant, pourquoi es-tu encore là à bavasser ? Ne t’ai-je pas donné une tâche à accomplir ?

Dans un soupir, Zorian se tourna et lança un sort de lévitation afin de sortir l’amphibien géant de son lit d’eau.

 

___

 

Lac d’Argent – pas de nom de famille et il ferait mieux de ne rien lui demander à ce sujet, Kael avait été ferme à ce propos – n’était pas ce que Zorian attendait. Elle était vieille, oui, mais pour une femme de 90 ans, elle était incroyablement vive et éveillée. En fait, Zorian avait l’impression qu’elle avait même plus de facilité à se déplacer dans la forêt que lui. Elle n’était pas non plus particulièrement débraillée même en vivant au milieu des bois sauvages : ses longs cheveux noirs n’arboraient pas la moindre trace de blanc – elle devait les teindre régulièrement – et la robe brune toute simple qu’elle portait était banale mais immaculée. N’aurait-ce pas été pour les rides, il lui aurait donné moins de la moitié de son âge. Était-ce une conséquence d’un régime à base de potions ou était-elle simplement chanceuse ?

En réalité, peu lui importait. Zorian la suivit jusqu’à son cottage, la salamandre géante flottant nonchalamment derrière eux sur un disque de force. Elle se mit ensuite à découper et charcuter la bête avec une facilité et une adresse déconcertantes : ses mains ne tremblaient pas tandis qu’elle maniait différentes lames et de lourde jarres et Zorian devint encore plus sûr qu’elle devait posséder un certain type de potion d’amélioration afin de repousser les effets de l’âge.

Elle était maîtresse alchimiste selon Kael et l’alchimie avait toujours été l’un des moyens les plus efficaces de prolonger la vie tout en restant en bonne santé.

— N’imagine pas que je ne t’ai pas vu te promener alentour depuis plusieurs jours, lui dit-elle soudain sans même lever les yeux de la salamandre. Plutôt ennuyeux. Et inquiétant. Ça signifie que quelqu’un t’a dit où me trouver. Je suppose que tu ne peux pas m’éclairer sur ce point, n’est-ce pas ?

— Kael m’a dit où vous viviez, admit immédiatement Zorian – ce n’était pas un secret, vraiment.

— Kael ? demanda-t-elle avant de froncer les sourcils. Non, attends, ne me dis rien. Je suis sûre d’avoir déjà entendu ce nom quelq… Ah ! Maintenant je me rappelle. C’est le petit con qui a engrossé la petite-fille de Fria ! Mais j’ai entendu qu’il l’avait épousée après coup alors je suppose que ce n’est pas si mal. En fait, je me rappelle que Fria en avait été plutôt contente. Elle avait peur que sa petite-fille ne se trouve jamais de mari.

— Pourquoi ? s’étonna Zorian, gagnant un regard jugeur de la part de la sorcière, ses yeux bruns plongeant dans les siens avant de redescendre vers son travail. Je veux dire, si ce n’est pas impertinent de poser la question. Vous n’avez pas à –

— Relax, enfant, renifla Lac d’Argent avec dédain. Je suis beaucoup de choses mais une personne de grand tact, non. Si tu dis quelque chose qui me dérange, je te le fais savoir honnêtement. Si tu demandes quelque chose que tu n’as pas à demander, je te dis d’aller te faire foutre. Je réfléchissais, simplement. Voyons voir… comme tu le suspectes sans doute, Fria, la grand-mère par alliance de Kael, est une sorcière comme moi. Il existe des rumeurs désagréables circulant sur les sorcières et leur progéniture – sacrifice des enfants mâles, orgies avec de puissants démons, empoisonnements à des fins de succession, et ce genre de balivernes. Des balivernes, oui, mais de fait, un bon nombre d’hommes sont repoussés par les sorcières et ne les épouseront jamais.

— Je vois, comprit Zorian, qui n’avait jamais eu vent de ce genre de problème bien qu’il fut parfaitement sensé – les sorcières avaient vraiment mauvaise réputation ; on disait d’elles qu’elles étaient plongées dans des arts interdits et plus que litigieux.

— Je n’ai pas revu Kael et sa femme depuis des années, continua Lac d’Argent. Ou Fria, pour ce que ça vaut. Je suppose que j’aurais dû me montrer un peu moins dure la dernière fois qu’ils m’ont rendu visite mais… eh bien, inutile de regretter le passé. Il est étrange que le Morlock ait pu juger pertinent de t’envoyer ici quand lui-même n’ose plus se montrer devant moi.

— Je… pense que vous vous méprenez quelque peu sur la situation, hésita Zorian en fronçant les sourcils. J’ignore ce qui est arrivé entre vous mais si elles ne vous ont pas rendu visite, c’est parce qu’elles sont mortes. Fria et la femme de Kael ont toutes deux succombé au Nettoyage. Quant à Kael, il était bien trop occupé à regretter et à s’occuper de sa fille pour entreprendre un tel voyage. Vous… êtes sacrément isolée.

Pour la première fois, Lac d’Argent sembla prise au dépourvu par sa réponse.

— Mortes ? Fria est… tout ce temps, je pensais que… marmonna-t-elle avant de se taire pour fixer Zorian d’un air plus intéressé. Attends. Tu as dit Kael et sa fille. Je vois… Hmm…

Elle passa plusieurs minutes à réfléchir à quelque chose. Zorian en profita pour observer et étudier le cottage proche. Plutôt délabré et ancien, il brilla comme un phare face à son sens spirituel au moment où il lança discrètement un sort de détection. Bordel ! Comment avait-il fait pour ne pas se rendre compte plus tôt de la présence de cet endroit quand il était à sa recherche ? Les barrières de protection qui y étaient placées devaient être sacrément puissantes. Il ne comprenant pas quelle était la source qui pouvait alimenter de telles barrières, cela dit – cet endroit n’était pas un puits de mana. Lac d’Argent ne pouvait en aucun cas être assez puissante pour fournir du mana au bâtiment entier, n’est-ce pas ? Kael avait précisé qu’elle était extrêmement puissante et compétence à la fois dans la magie Ikosienne et dans la magie d’origine des sorcières et qu’il ne fallait pas la sous-estimer mais c’était un peu plus que ce à quoi il pouvait croire.

Mis à part l’incroyablement complexe et puissant bouclier magique, le cottage n’était en rien remarquable. Plusieurs étagères d’herbes et de champignons le côtoyaient, le tout séchant paisiblement au soleil mais il n’était pas rare pour les chasseurs ou les bûcherons de posséder un commerce de ce genre à côté de leur activité principale et rien en ces lieux n’activaient de signaux d’alarme chez Zorian.

Lac d’Argent claqua des doigts devant son visage, éclaboussant son visage et ses lunettes de dizaines de gouttelettes de sang et autres liquides corporels et le sortant de sa transe. Malgré sa résolution de toujours rester poli avec elle, Zorian ne put s’empêcher de la fixer froidement en retour ; ce à quoi elle se contenta de sourire largement en révélant deux rangées de dents blanches et brillantes. Apparemment, elle n’avait pas perdu la moindre dent en près de 90 ans.

Définitivement magique.

— Si tu as fini de bayer devant ma maison, on peut continuer notre discussion, dit-elle. J’ai une requête pour toi. Tu possèdes un moyen de contacter Kael, n’est-ce pas ?

— Bien sûr, répondit Zorian. Nous sommes amis, lui et moi.

Et ils le seraient à nouveau, encore et encore, à chaque fois qu’il retournerait à Cyoria à l’avenir.

— Alors je voudrais que tu lui délivres un message, continua-t-elle. Ce n’est rien d’urgent mais je veux qu’il sache… que je regrette la façon dont notre dernière rencontre s’est terminée et que j’aimerais beaucoup qu’il vienne me rendre visite avec sa fille, un jour ou l’autre. Oh, et que je veux apprendre à sa fille les secrets de ma magie. Elle est la descendante d’une fière lignée de sorcières trouvant racines en des temps immémoriaux et elle a le droit d’en hériter par sa naissance… si elle le désire. Tu as tout retenu ?

— Assez simple à se rappeler, confirma Zorian. Et… Puis-je maintenant vous déranger avec la raison pour laquelle je suis là ?

— Non, renifla-t-elle. Quoi ? Tu pensais que parce que tu connais quelqu’un qui m’est plus ou moins proche et que tu as accepté de délivrer un simple message, je vais sauter pieds joints dans la quelconque folie pour laquelle tu es venu me voir ?

— Vous ne savez pas pourquoi je suis là, fit remarquer Zorian.

— Personne ne vient me voir pour que je l’aide à nouer des lacets, répondit-elle dans un ricanement. Si Kael t’a envoyé, c’est qu’il est sincèrement incapable de trouver une solution lui-même.

— Je… suppose que je ne peux pas vous contredire sur ce point, admit Zorian. Vous voyez, je –

— Je ne veux pas l’entendre, coupa Lac d’Argent en pointant sa paume sanglante vers lui pour qu’il se taise. Jusqu’à ce que je juge que tu vailles la perte de mon temps, je ne veux pas entendre ta quelconque histoire larmoyante. Si tu veux mon aide, tu vas devoir la mériter.

— Comment puis-je seulement savoir que vous êtes capable de m’aider, dans ce cas ? demanda Zorian. Je pourrais très bien finir par payer pour rien.

— Tu pourrais, ricana encore Lac d’Argent. Tu vas devoir t’y risquer malgré ça.

Saloperie de sorcière. Elle lui faisait très probablement juste perdre son temps, mais… il devait essayer.

— Bien, soupira-t-il. Que voulez-vous de moi ?

Au moins, il réussit à la faire sourire de toutes ses dents.

 

___

 

L’espace se brouilla autour de Zorian et il fut de retour à Knyazov Dveri, dans l’une des rues les moins fréquentées où il était certain que personne ne le verrait se téléporter. Ce n’aurait pas été un énorme problème fût-ce le cas, mais en même temps… c’aurait été remarquable et aurait attiré sur lui une attention peu désirée. Très peu de mages étaient enclins à enseigner à un gamin de 15 ans et encore moins de gamins de 15 ans étaient capables de maîtriser un sort de téléportation. S’il pouvait rester discret à ce sujet, tout irait pour le mieux.

Voyant que son arrivée était passée inaperçue, il sortit rapidement de la ruelle et se dirigea vers le centre de la ville pour y trouver quelque chose à manger – et ne s’y fit que distraire par les cris du gosse aux journaux.

— Nouvelles choquantes ! scandait-il sans cesse. Un groupe de mercenaire de Cyoria trouvé morts dans leurs maisons ! Des monstres arpentent les rues de la ville ! Coïncidence ou conspiration, lisez tout ça dans l’édition du jour ! Nouvelles choquantes !

Eh bien… Voilà qui était intéressant. Zorian dévia de sa course initiale pour se diriger vers le gamin en silence. Il se trouva ensuite un coin tranquille où s’installer pour lire.

Comme il le suspectait, les mercenaires trouvés morts étaient ceux que lui et les Aranea avaient embauchés pour participer à l’embuscade – il y avait une image de leur dirigeant à côté de l’article et Zorian l’aurait reconnu n’importe où grâce à sa cicatrice significative au-dessus de l’œil droit. Apparemment, ils avaient été trouvés morts au début du mois et aucun indice ne permettait de comprendre ce qui leur était arrivé. Naturellement, ce fait divers attira l’attention de beaucoup de monde ; des morts surnaturelles, quoi d’autre ! La conclusion logique – que quelqu’un avait réussi à dégommer un groupe entier de mages de combat expérimentés en l’espace d’une nuit alors que la moitié n’étaient même pas endormis au moment de leur mort et deux d’entre eux protégés par de solides boucliers magiques – était hautement dérangeante mais qu’y avait-il comme alternatives ?

Une autre complication se trouvait dans le fait que cette découverte fut immédiatement suivie par un flot d’incidents impliquant plusieurs déplacements de monstres hors du donjon et des égouts… et parfois même jusque dans les rues de la ville. Les experts étaient perplexes : pourquoi cela se produisait-il tout à coup ? Les dirigeants de la ville avaient organisé une battue dans les égouts et le donjon afin de ramener la situation sous contrôle avant le festival d’été.

Bon, ça plaçait certainement un frein sur les plans de l’envahisseurs. Zorian se demanda comment l’ennemi allait réagir à ça. En rétrospective, il n’était pas compliqué d’expliquer le comportement des monstres – les envahisseurs leur mettaient la pression du dessous et les poussaient à remonter en réponse. Avant, les Aranea étaient là pour jouer le rôle d’enclume involontaire face au marteau de l’envahisseur en empêchant les habitants du donjon d’atteindre la surface. Mais les Aranea n’étaient plus et avec leur mort était morte une couche entière des défenses invisibles de Cyoria.

Zorian ne put réprimer un rictus narquois à l’idée que peut-être, Robe Rouge s’était tiré une balle dans le pied en s’adonnant à sa frénésie meurtrière.

Il était intéressant de noter que ces meurtres mystérieux et les attaques de monstres avaient eu un effet sur l’académie également. Un article assez court faisait suite à celui, plus gros, décrivant la situation dans son ensemble et dépeignait des familles nobles ayant simplement décidé de retirer leurs enfants des écoles de Cyoria, incluant sa propre académie. Jade, l’une de ses camarades de classe, était dans ce cas. Son nom était sur la liste des étudiants qui avaient choisi de quitter la ville pour leur propre sécurité – son père était un membre haut-placé de la maison Witelsin – tandis que les autres noms contenaient… le sien ?

Oui. Le doute n’était pas permis – Zorian Kazinski, le jeune frère de Daimen Kazinski, était décrit dans l’article comme l’un des étudiants ayant été retirés de la scolarité par leurs parents. Il se demanda sur quoi se basait cette déclaration frauduleuse – il était certain que personne n’avait réussi à contacter sa famille – et l’académie ou le journal mentait pour sauver les apparences d’une absence injustifiée ou avait décidé d’interpréter ladite absence comme une conséquence directe des évènements actuels.

Zorian secoua la tête et ferma le journal avant de continuer sa route.

 

___

 

Après avoir passé une semaine à Knyazov Dveri, Zorian avait décidé qu’il appréciait la ville. C’était un endroit vivant et peuplé où l’arrivée d’un nouveau mage comme lui n’attirait pas l’attention générale. Grâce à l’emplacement de la ville au centre de la région et la présence d’un puits de mana et d’un accès au donjon, elle était pleine de magasins à la recherche de personnel maîtrisant la magie et offrait de nombreuses opportunités pour un jeune mage tels que lui… suffisamment pour que les gens lui proposent parfois du travail alors qu’il ne le demandait même pas.

Il n’accepta aucune offre, cela dit. Un emploi régulier aurait dévoré son temps et l’aurait simplement distrait de sa quête réelle. C’était une chose à garder à l’esprit s’il sortait un jour de la boucle nonobstant.

— Eh bien, bonjour. Cela vous dérange-t-il si je vous rejoins quelques instants ?

Zorian leva les yeux de la carte de la région qu’il examinait et observa l’homme qui venait de l’interrompre. La quarantaine, la moustache aussi proéminente que le ventre et un large sourire planté sur le visage qui ne faiblit pas quand bien même Zorian prit plusieurs secondes pour examiner le nouvel arrivant en silence. À en juger par ses vêtements, il semblait être l’un des résidents locaux les moins à plaindre – un marchand de longue date, peut-être, ou l’un de ces mages-artisans qui possédaient des échoppes en ville.

Zorian allait probablement se voir proposer une nouvelle offre d’emploi.

— Bien sûr, acquiesça-t-il en faisant un geste vers la chaise vide de l’autre côté de la table. Faites donc.

Il pesa un instant l’idée de ranger la carte tandis qu’ils discuteraient mais décida de ne rien en faire. Il n’y avait là rien d’incriminant – quelques endroits marqués qui ne signifieraient rien hors contexte ainsi que diverses notes sur le côté. Lac d’Argent lui avait demandé de récolter des plantes magiques rares à travers toute la putain de forêt et ne lui avait donné qu’une vague idée des endroits où il pourrait les trouver et il fut réduit à devoir déchiffrer ses notes et à consulter les herboristes de la ville pour plus d’informations. Et ces derniers n’étaient pas les plus bavards… Sans parler du fait que Zorian avait la vague impression que ce n’était là que le début des demandes de la sorcière et il tentait de terminer au plus vite.

— Alors je m’invite, je m’invite, s’enjoua le gros homme en se laissant tomber sur le siège offert. Ces vieux os ne sont plus ce qu’ils étaient, j’en ai peur. Rester debout et marcher est terrible pour mes genoux. Je suppose que les années me rattrapent, eh ?

Et la montgolfière dans ton ventre n’aide sans doute en rien, songea Zorian pour lui-même tout en gardant le silence, en attente de la raison pour laquelle l’inconnu voulait lui parler.

— Je dois dire, c’est vraiment un endroit agréable pour se détendre, reprit l’homme, regardant nonchalamment vers la feuille accrochée au mur et listant le prix des boissons et repas disponibles. Un peu cher mais calme et excentré. Privé. Peu importe. Vous ne m’en voudrez pas si je nous commande quelque chose à boire, non ?

— Je ne consomme pas d’alcool, répondit Zorian en secouant la tête, tout en se rappelant qu’il ne faisait confiance à aucun des breuvages non alcoolisés de ce lieu – c’était ce genre d’établissement et peu importe ce que l’homme en dirait. Je vais devoir refuser.

— Alors ça, c’est injuste, se plaignit-il en riant tout bas. Oh, bon, je suppose que je vais boire seul dans ce cas. Pardonnez l’impolitesse mais je suis assoiffé et ce n’est juste pas correct, converser à la terrasse d’une taverne sans une bière à siroter de temps à autre.

Quelques minutes plus tard, ladite bière était déjà bien entamée et il en vint enfin au fait.

— Ah, ça fait sacrément du bien, lâcha-t-il. Ceci enfin fait, permettez-moi de me présenter : je m’appelle Gurey Cwili, des Équipements Cwili et Rofoltin. Bien que je sois triste de dire d’avouer que le vieux Rofoltin a passé l’arme à gauche voilà deux années et je suis seul propriétaire désormais. J’ai gardé le nom tel quel, cela dit. Tradition oblige.

Zorian réprima l’envie de lui dire d’aller se faire foutre avec ses histoires.

— Peu importe, peu importe. Je vois que vous êtes quelqu’un d’occupé et j’irai droit au but – j’ai entendu que vous vous aventuriez dans la forêt pour y cueillir des ingrédients alchimiques et pour y chasser des loups ? Et que vous vendiez des objets magiques, accessoirement.

— Oui, et donc ? demanda Zorian.

Rien de ce qu’il faisait n’était illégal. Les peaux de loups hivernaux se vendaient terriblement bien. Ceci était fait pour encourager les gens à les chasser pour protéger le bétail, les enfants et les voyageurs isolés. Vendre des objets magiques et des ingrédients alchimiques était difficilement assimilable à un crime, également. Certains endroits possédaient des lois autorisant ou non le commerce de certains articles magiques mais il s’agissait essentiellement du résultats d’un monopole régional et Knyazov Dveri n’était sous la coupe d’aucun marchand puissant du genre. Il avait vérifié.

— Je suis un mage certifié, si c’est ce qui vous turlupine.

Il avait même un badge pour le prouver. Il était coûteux mais il interagissait trop souvent avec des mages de la ville pour risquer de se faire attraper à faire du commerce sans licence. Spécialement depuis qu’il avait eu cette impression que quelques propriétaires de boutiques le voyaient comme un concurrent et adoreraient le dénoncer à la première excuse.

— Pour le dire sans fioritures, je veux que vous vendiez vos produits à mon entreprise plutôt qu’à mes concurrents, avoua enfin l’homme. Ne voyez surtout pas ça comme une espèce de menace ou de chantage, n’est-ce pas ? Je vous payerai des bonus pour ce privilège.

Zorian cligna des yeux. Il ne s’attendait pas à ça.

Une heure plus tard, l’illustre marchand avait atteint une espèce d’accord avec Zorian. Le paiement bonus ne signifiait pas grand-chose pour ce dernier mais l’homme possédait quelque chose d’autre qu’il désirait – un atelier d’alchimie pleinement équipé qu’il n’utilisait pas en permanence. En échange du droit d’utilisation de cet atelier de temps à autre et d’un accès illimité à la bibliothèque privée de ce charmant et gros bonhomme – pour des raisons purement botaniques – Zorian accepta de lui offrir l’exclusivité sur la vente de ses produits avant d’aller voir quiconque d’autre. Gurey Cwili sembla satisfait d’avoir atteint un tel résultat. Honnêtement, Zorian l’était également : la bibliothèque locale possédait une collection misérable de livres sur les plantes et les herbes et d’après Gurey, la sienne n’était pas aussi limitée. Avoir accès à son propre atelier était également bien pratique et un privilège qu’il était difficile d’acquérir ailleurs à moins de vouloir se téléporter à Korsa à chaque fois qu’il désirait faire quelque chose. Et il n’avait vraiment pas cette quantité de mana à gaspiller.

— Comment se fait-il qu’il ait une telle demande pour des potions et des objets magiques, ici ? demanda Zorian. Cette ville semble être un peu trop petite pour la quantité d’échoppes de magie qu’on y trouve. Je comprends les ateliers qui peuvent toujours exporter leurs produits mais comment des boutiques et entreprises comme la vôtre font-elles pour atteindre des résultats pareils sur le marché local ?

— Oh, c’est simple, dit Gurey. Les voyageurs. Ou plus précisément, les colons et les aventuriers. Vous voyez, la ville est l’un des derniers endroits où s’arrêtent les colons qui partent vers le nord dans l’effort de la Grande Poussée vers le Nord, comme le gouvernement aime l’appeler. En tant que l’un des derniers centres de vraie civilisation dans leur voyage, nous recevons beaucoup de demandes de toutes sortes, souvent critiques.

— La Grande Poussée vers le Nord ? demanda Zorian.

— Ah, vous ne lisez pas souvent les journaux, je comprends ? C’est cette grande affaire où l’on parle de coloniser les Highlands Sarokian que le gouvernement presse ces derniers temps. Vous avez dû remarquer les affiches parlant de terrains gratuits, d’exemptions de taxes et je ne sais quoi. C’est une partie de la stratégie d’Eldemar qui vise à atteindre une suprématie sur Sulamnon et Falkrinea. L’idée est simple, en maîtrisant le nord sauvage, le pays verra une augmentation nette de sa population et de ses ressources. Tous les pays possédant une frontière avec les étendues sauvages le font plus ou moins mais Eldemar s’investit vraiment beaucoup dans cette histoire. Je ne suis pas sûr de la rentabilité finale mais je ne me plains pas des avantages que j’en tire !

Hmm… Maintenant qu’il en parlait, il y avait effectivement des indices en rapport avec cet évènement à l’académie. Rien d’excessivement évident mais les devoirs et exercices parlaient un peu trop souvent des Highlands si l’on en considérait la faible population et son importance actuelle.

Dans tous les cas, l’homme quitta bientôt Zorian, qui s’en retourna à l’étude de sa carte. Saloperie de sorcière.

 

___

 

— Je suppose que je ne devrais pas m’attendre à ce que maintenant que je vous ai ramené les plantes que vous –

— Ne sois pas stupide, enfant, dit Lac d’Argent en lui arrachant le bouquet de plantes des mains. Tu ne pensais pas sincèrement qu’une petite quête de récolte comme celle-là est suffisante pour obtenir mon aide ? Vois ça comme un… round d’élimination. Tu étais terriblement lent, d’ailleurs.

— Lent… répéta Zorian sans trop y croire. Il ne m’a fallu que 3 jours. La seule raison pour laquelle j’ai pu trouver tout ça si rapidement c’est parce que je pouvais me téléporter de lieu en lieu. Sans parler du danger inhérent – vous ne m’aviez jamais dit que ces champignons rebelles explosaient en un nuage de poussière paralysante si l’on les attrapait mal.

— Eh bien, c’est une simple connaissance basique, tout le monde le sait, fit-elle en agitant la main. Tout le monde. Là, broie ces coquilles d’escargot pour moi, veux-tu ?

Zorian observa le petit sac en cuir plein de coquilles rouges et bleues et fronça les sourcils. Il connaissait cette espèce d’escargots. Ils étaient usités dans la production de certains médicaments et il était sacrément illégal de les chasser. Et plus important, leur coquille était un puissant hallucinogène et en inhaler rien qu’un soupçon de poussière le laisserait délirant et neutralisé. Il lança à la capricieuse vieille femme un regard qui en disait long avant de lancer un simple sort de bouclier anti-nuage sur lui-même. Le même qu’il avait utilisé pour se protéger des champignons. Puis, il attrapa un mortier et se mit au travail.

Une fois la tâche accomplie, la sorcière lui tendit prestement le bouquet de plantes qu’il avait été récolter pendant trois jours, lui laissa une série de brèves instructions et lui désigna un vieux chaudron situé contre l’un des murs de son cottage. Magnifique – apparemment, il allait concocter une potion à l’ancienne. Il avait été instruit par une autre sorcière étant jeune et il n’était pas totalement perdu mais la potion qu’elle lui demandait de préparer ne lui était pas familière. Sans même parler du fait qu’il y avait une raison pour laquelle on considérait que la concoction de potion à l’ancienne était considérée obsolète – c’était plus dur, moins sûr et donnait de moins bons résultats.

Il espéra que la potion qu’il allait créer ne fut pas du genre à lui exploser au visage ou à l’empoisonner lorsqu’il en inhalerait les fumées s’il s’y prenait mal. Oh, mais qui essayait-il de leurrer ? Bien sûr que ça l’était. Franchement, si ce n’était pas pour la boucle temporelle et l’immunité inhérente à la mort, il aurait déjà quitté les lieux.

Comme il le suspectait, il bâcla la potion. Heureusement, à chaque fois qu’il s’apprêtait à faire une erreur grave, Lac d’Argent le stoppait. Il souhaitait juste qu’elle puisse trouver un meilleur moyen de le prévenir qu’en le frappant avec une branche morte ! Elle aurait pu lui crever un œil !

Il n’aurait jamais pensé dire ça un jour mais Xvim commençait à lui manquer. Son vieux mentor était un saint comparé à cette vieille peau.

— Eh bien, ce n’est pas bon, dit Lac d’Argent en jetant un œil dans le chaudron pour mélanger nonchalamment la mixture violette puante que Zorian venait de produire (qui était supposée être un liquide transparent et visqueux à l’odeur sucrée) avant de lui sourire. Je suppose que vous allez devoir partir en quêtes d’un nouveau lot d’ingrédients avant de recommencer. N’est-ce pas ?

Zorian faillit défaillir à ce mot. Recommencer. Il se rattrapa au dernier moment et la fixa d’un air absent en sentant toute son anticipation par empathie. Elle s’attendait totalement à le voir exploser et s’y attendait avec joie ! Vieille salope sadique. Malheureusement pour elle, elle allait être déçue. Sans dire un mot, il tendit la main vers son sac et en sortit une nouvelle flopée d’ingrédients.

Son sourire ne disparut pas mais Zorian put sentir sa déception malgré ça. Cela le fit rire intérieurement et il dut se forcer à conserver un masque d’impassibilité pour ne pas la contrarier.

— Tu en avais récolté en plus, hein ? lui demanda-t-elle de façon rhétorique.

— J’ai beaucoup d’expérience avec les professeurs abusifs, répondit simplement Zorian. J’ai d’ailleurs encore plus d’ingrédients que ça.

— Bien. Tu vas en avoir besoin, conclut Lac d’Argent en frappant le côté du chaudron. C’était horrible. Je ne pense pas que deux essais suffiront. Merde, je suis même sûre que tu n’y arriveras pas en trois ! Va me vider cette merde dans la fosse de neutralisation là-bas et recommence.

Zorian réprima la veine qui menaça soudain d’exploser dans son front et se contenta de soupirer avant de faire léviter le chaudron sur un disque de force, direction la fosse de neutralisation. Il s’agissait vraiment juste d’un trou entouré de pierres et peint d’une résine alchimique afin que tout ingrédient qui y fut versé ne pénètre pas le sol et les réserves d’eau proches. Sa professeure d’alchimie de l’académie aurait été horrifiée par un tel traitement ouvert des déchets alchimiques mais si Lac d’Argent pensait que cette fosse suffisait, qui était Zorian pour contester ?

Ceci fait, il plaça le chaudron sur le feu et se remit à l’œuvre. Lac d’Argent avait probablement raison, et il n’y arriverait pas en deux essais de plus – la potion demandait clairement un contrôle délicat de la température et il s’agissait là d’une variable très délicate à gérer avec pour tout combustible le bois à brûler. Une vieille sorcière avec un instinct séculaire savait probablement comment contrôler le feu sans y penser mais Zorian n’avait pas la moindre idée de la façon de faire.

C’était généralement le problème principal de l’alchimie traditionnelle, comme elle était parfois appelée. Elle se basait lourdement sur la capacité de l’alchimiste à ajuster les méthodes sur l’instant afin de produire une potion utilisable. Contrairement à l’alchimie moderne qui se fiait à un équipement standard et des mesures exactes, l’alchimie traditionnelle était improvisation et lecture à l’œil. Zorian le savait parce qu’il avait un jour vandalisé le tiroir de recettes de sa grand-mère pour voir s’il avait quelque chose à y apprendre. Une pincée de sel signifiait beaucoup de choses, et des choses bien différentes pour lui et sa grand-mère, si les résultats de ses essais réalisés en secrets étaient d’une quelconque indication.

Un autre problème se présentait, il n’était réellement capable de produire les potions une à une et la méthode chaudron était faite pour en sortir des lots entiers en une seule fois. Il y avait des différences fondamentales entre les méthodes de production pour les unités et les lots et merde, Zorian ne se souvenait plus de la façon de faire ces derniers à cet instant précis.

— Qui t’a enseigné ? demanda soudain Lac d’Argent.

— Huh ? bafouilla Zorian. Que voulez-vous dire ? Vous voulez connaître mon professeur d’alchimie ?

— Je veux connaître le nom de ton professeur de potions, corrigea-t-elle. Tu es toujours bien mauvais mais tu n’es pas aussi perdu autour d’un chaudron que je m’attendais à le voir. Qui t’a enseigné ?

— Euh, ça serait ma grand-mère, je suppose, répondit Zorian.

— Une sorcière ou une simple femme au foyer ayant trouvé quelques recettes ? continua la vieille.

— Sorcière, trancha Zorian. Bien qu’elle ne fut pas particulièrement dévouée à son art, je pense. Elle m’a donné des leçons quand j’étais gosse, et ça n’a pas duré très longtemps. Ma mère n’appréciait pas vraiment qu’elle le fasse.

En réalité, Zorian était plutôt sûr que sa mère n’aimait pas sa grand-mère tout court, parole. Mère et fille ne s’entendaient absolument pas, dans leur cas. Zorian avait toujours trouvé hypocrite de la part de sa mère de passer autant de temps à prêcher les valeurs de la famille quand elle ne supporterait pas sa propre mère, même si sa vie en dépendait.

— Huh. Intéressant. Ne t’attends pas à des sentiments nostalgiques de ma part pour ça, par contre, le rattrapa Lac d’Argent.

— Je n’en rêverais même pas, répondit Zorian avec légèreté.

— Bien. Tu vas être content d’apprendre que j’ai décidé d’un prix pour mon aide.

— Oh ? s’émoustilla soudain Zorian.

— Oui. Tu vois, mon petit doigt m’a dit que tu errais dans la forêt à la recherche de combat contre la nature sauvage. Alors ce devrait être une chose parfaitement dans tes cordes. Dis-moi… As-tu entendu parler d’une chose appelée le chasseur gris ?

Raka
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