MoL : Chapitre 42
MoL : chapitre 44

Chapitre 43 – Surbmergé

 

Peut-être était-ce parce qu’elle savait que Zorian avait déjà un rencard, un peu comme tout le monde semblait le savoir, ou peut-être Zorian lui-même avait-il été plus circonspect au sujet de ses intentions cette fois-là, mais Ilsa n’envoya personne quérir Zorian pour le bal. Non que Zorian fût resté suffisamment longtemps chez Imaya pour le vérifier, bien évidemment – il ne voulait pas prendre le risque de terminer la soirée, coincé avec un nouveau rendez-vous encore une fois – mais il avait laissé un sort d’observation dans la maison pour la surveiller périodiquement.

Une part de lui était ennuyée de s’être même fait du souci à ce propos. Dans le grand schéma des choses, un si petit drame n’avait pas la moindre importance… Il ne restait de toute façon pas assez de temps avant la réinitialisation, et il n’aurait pas l’occasion de laisser la réalité le rattraper – si rendez-vous il y avait eu, il l’aurait ignoré et voilà. D’ailleurs, il ne pouvait pas être critiqué pour ne pas s’être présenté à un rendez-vous qu’il n’avait jamais accepté ! Mais eh, il était curieux… et ce n’était pas comme si jeter un œil à la maison de temps à autre était un énorme crime de sa part.

Non, la plupart de son temps fut consacrée à orbiter aux abords extrêmes de l’invasion, à tenter de repérer des groupes détachés et assez petits pour qu’il pût les attaquer. Ça et à se répéter sans arrêt qu’il n’avait pas à interférer à chaque fois qu’il voyait un envahisseur tuer un civil innocent, puisqu’ils allaient retrouver la vie quelques heures plus tard. La première chose fut complexifiée par la grande variété de monstres qui accompagnaient les mages, possédant tous de très bons sens et se trouvaient être extrêmement nombreux. La seconde fut compliquée par la brutalité nue dont les agresseurs faisaient montre à chaque fois que quelqu’un croisait leur chemin. Nom de tous les dieux muets, certains pénétraient même dans des maisons au hasard pour massacrer des familles entières, sans raison ! Pas même pour voler quoi que ce fût, juste pour s’adonner à des boucheries sans âme de gens qui ne pouvaient pas se battre, sans aucun but. Pure folie.

Il savait que des choses pareilles arrivaient ce soir-là, bien sûr, mais il n’avait jamais été si… touché par tout ça. Cette fois, il était là, témoins de première ligne d’un comportement détaillé et d’un massacre de sang-froid, à devoir décider des moments où il devait intervenir et ceux où il devait passer son chemin. Et il ne parlait pas d’esquiver des groups bien trop gros pour qu’il pût les affronter seul – ceux-là étaient facile à ignorer puisqu’il n’était pas du tout tenté d’aider les gens si ça devait lui coûter la vie en retour. Non, il parlait des groupes qui étaient entièrement gérable à son niveau actuel… sauf qu’il ne pouvait pas trouver un moyen de le faire sans tuer tout le monde. Et quel aurait été l’intérêt de faire ça ? Il avait besoin de mages ibasiens en vie afin de pouvoir lire leurs souvenirs – il n’était question que de ça. Un piège qui résultat en une mise à mort générale était une perte de temps et de mana ainsi qu’un appel potentiel à Quatach-Ichl. L’ancienne liche s’impliquait toujours personnellement lorsque quelqu’un devenait un peu trop dominant envers ses hommes et ses monstres.

Et c’était sans même considérer la possibilité que Robe Rouge fût caché quelque part à l’épier, attendant qu’une évidence lui saute aux yeux pour comprendre qu’un autre voyageur temporel était de retour à Cyoria. Il ne comptait pas beaucoup sur cette éventualité avec la façon dont Robe Rouge avait totalement abandonné l’ennemi depuis un moment, mais ce n’était pas une raison pour l’exclure totalement. Non, s’en tenir à son plan de base et éviter tout engagement qui n’était pas nécessaire était définitivement le bon choix.

Peut-être était-ce une bonne chose que son esprit revint sans cesse à ce stupide drame – au moins pour ça, il avait quelque chose pour se distraite un peu.

Heureusement pour son humeur qui se détériorait, il découvrit bientôt un duo d’Ibasiens qui s’étaient aventurés un peu trop loin de leur groupe principal et n’étaient que très peu défendus. Enfin, en restant relatif. Ils étaient encadrés par deux trolls de guerre et douze squelettes pour toute escorte, six autres trolls de guerre vandalisant des boutiques plus loin en avant. Cependant, Zorian était confiant : il pouvait les gérer s’il comptait sur l’effet de surprise.

Il se rendit auprès du groupe, incitant mentalement le bec de fer à qui il empruntait la vue à se rapprocher de ses cibles afin de pouvoir les examiner plus en détail. Il y avait quelque chose de délicieusement ironique dans le fait d’utiliser les propres éclaireurs ennemis contre eux, mais la vraie raison qu’il avait eue de choisir cet oiseau… Eh bien, les becs de fer possédaient une bien meilleure vision que lui et pouvaient également voir dans le noir. C’était très pratique, ça. Il avait tenté d’employer la même astuce sur les trolls de guerre collés au groupe mais avait trouvé leurs sens très difficiles à comprendre. Les trolls avaient une vue minable et ne distinguaient pas les couleurs, pour ne rien empirer – leur sens principal était leur odorat ridiculement développé, et dans une moindre mesure, leur ouïe. Sans même mentionner qu’ils étaient bien moins mobiles que les oiseaux et que les Ibasiens avaient un contrôle bien plus strict sur ces brutes que sur les becs de fer. Hmm… Il se demandait…

Agissant sur une intuition, Zorian se concentra sur la nuée de becs de fer la plus proche et tenta de dominer celui qui volait le plus à l’arrière. Il possédait une volonté étonnante pour un animal mais son effort ne fut contesté par personne et bientôt, il se détacha de son groupe pour se diriger vers Zorian. Huh. Ça avait fonctionné. Personne ne semblait avoir réagi à ses actions, d’ailleurs. Pratique. Apparemment, les becs de fer possédaient un lien bien plus faible avec les mages ennemis qu’il l’avait imaginé !

Il sortit une fiole de sa poche et la tendit à l’oiseau qui venait d’atterrir près de lui. Cela prit du temps, mais finalement, il parvint à convaincre télépathiquement le corvidé qu’il ne devait pas la serrer trop fort dans ses serres à moins de vouloir que des malheurs s’abattissent sur lui. Cela fait, il lui ordonna d’aller jouer les kamikazes sur le duo de mages avec l’aide de la fiole.

Il n’aurait pas été surpris le moins du monde si son plan s’était conclu sur un échec total. Une grande partie de son exécution dépendait de la capacité du bec de fer à tout réussir sans faux pas, car Zorian ne faisait que le dominer, pas contrôler ses mouvements – l’oiseau exécuterait les ordres au mieux de ses compétences, pas de celles de son contrôleur. C’était bien, dans le sens où Zorian n’aurait jamais pu diriger l’oiseau aussi précisément qu’il le fallait pour exécuter des manœuvres aussi complexes, ce qui signifiait qu’il était désormais un observateur passif, pour un temps au moins. Oh, eh bien, même si son plan capotait, il aurait servi de distraction pour lui permettre de préparer sa propre attaque…

Le bec de fer dépassa toutes ses attentes. Non seulement s’approcha-t-il des deux mages par derrière de sa propre initiative, mais il lâcha la fiole à l’endroit exact auquel Zorian lui avait dit de le faire. L’endroit exact. Il devait y avoir une capacité magique innée à l’œuvre – ces oiseaux étaient surnaturellement précis dans leurs attaques aériennes ou leurs lancers de plumes également, maintenant qu’il y pensait. Dans tous les cas, une fois la fiole explosée, les deux Ibasiens furent enveloppés d’une fumée jaune et assommés en l’espace d’un instant. Leurs gardes du corps ne furent pas affectés – les trolls de guerre possédaient un métabolisme naturellement résistant à la magie qui empêchait le gaz de fonctionner et les squelettes parce qu’ils n’avaient simplement pas de métabolisme – mais une fois leurs contrôleurs hors d’état de nuire, il devint ridiculement facile d’inciter les trolls à écraser les squelettes ; il ne leur fallut même pas une minute pour les réduire en cendres et en poussière.

Il commanda au bec de fer de survoler deux ou trois fois les trolls, ce que l’oiseau interpréta comme un envoie des volées de plumes de fer dans ses yeux, après quoi les deux anciens gardes du corps se mirent à lui courir après dans une rage aveugle, laissant Zorian libre d’approcher les deux mages inconscients.

C’était déjà le cinquième groupe qu’il piégeait ce soir-là, et le premier pour qui tout s’était si bien passé. Il n’avait même pas eu à combattre personnellement, au bout du compte ! Il se dit qu’il devrait utiliser les becs de fer plus souvent à l’avenir.

Après avoir traîné les deux corps inconscients vers un endroit moins exposé, il prit une profonde inspiration et plongea dans leurs souvenirs.

L’analyse de la mémoire, plus que tout autre branche, ressemblait vraiment à la divination dans la façon dont elle fonctionnait. Il fallait décider ce qu’on désirait chercher et si l’on posait la mauvaise question, la réponse serait presque toujours inutile et trompeuse. Dans le cas de Zorian, il existait quatre choses dont il était à la recherche à chaque fois qu’il capturait un mage ibasien : il voulait savoir s’ils connaissaient un mage vêtu de rouge, où la conjuration du Primordial allait avoir lieu, ce qu’ils savaient des buts finaux de l’invasion et enfin mais pas des moindres, s’ils savaient quoi que ce fût à propos de la boucle temporelle ou le voyage dans le temps en général. Il demandait toujours la même chose à l’esprit des cultistes, vraiment, et il fut chanceux cette fois-là : l’un des deux mages gisant devant lui était de haut rang et allait sans doute savoir des choses que les troufions de base ignoraient.

Aucun Ibasien ne connaissait un mage portant des vêtements rouges, et les deux qui étaient actuellement à sa merci ne faisaient pas exception. Les questions suivantes, concernant les membres qui manquaient à l’appel parce qu’ils avaient quitté le groupe au début de la boucle révélèrent que malgré leur incapacité à maintenir une disciple ferme dans leurs rangs pendant l’invasion, ils étaient bien moins tolérants pendant l’attaque elle-même. Tous ceux qui sortaient du rang étaient sévèrement punis par les dirigeants et les quelques cas où certaines avaient tenté d’abandonner le groupe poussa la liche elle-même à les chasser comme des chiens pour en faire des exemples, en conséquence de quoi ce genre d’initiative avait cessé depuis bien avant le début de la boucle temporelle.

Pour autant que Zorian était concerné, ça détruisait plus ou moins la possibilité que Robe Rouge fût un envahisseur. Il l’avait bien suspecté en considérant la façon dont il avait été traité par Quatach-Ichl ce fameux soir, mais il avait toujours attendu une confirmation concrète. Il était toujours possible qu’il possédât un lien avec le Culte du Dragon du Dessous, qui ne contrôlait pas ses membres avec une telle efficacité.

Quant à l’endroit où devait se dérouler la conjuration du Primordial, aucun des Ibasiens n’en savait officiellement rien… Mais c’était apparemment une sorte de secret de polichinelle parmi les hauts gradés, comme celui dont Zorian lisait les souvenirs à ce moment précis : l’invocation allait prendre place dans le Trou, ou au moins le plus près possible.

Zorian se sentit stupide en l’apprenant. Bien évidemment. Bien évidemment que ça ne pouvait être que dans le Trou, le point d’intérêt le plus gros et le plus évident de la ville. Il avait même appris que le culte avait placé quelques significations religieuses sur cet endroit, il n’avait simplement jamais… Oh, merde. Il secoua la tête. Pour sa défense, les cultistes de bas rang étaient convaincus que tout allait se dérouler dans un endroit super-secret que personne ne connaissait.

Et les buts de l’invasion ? Ce fut enfin une chose que Zorian put extraire facilement de l’esprit de sa victime, qui connaissait très peu d’informations réelles à son sujet. Seuls les Ibasiens du haut de la hiérarchie, du vrai sommet, savait ce qu’ils tentaient réellement d’accomplir. Les soldats de base se contentaient de suivre la cadence sans se poser trop de questions uniquement parce que la liche les dirigeait d’une main de fer et leur instillait une confiance absolue. Le vieux mort-vivant était révéré avec un respect profond par les Ibasiens. Une liche de plus de mille ans… C’était un mage d’un âge presque impossible, qui possédait la puissance et le talent qu’on pouvait attendre d’une telle ancienneté. Il était en vie lorsque les dieux parlaient encore à l’humanité, et on racontait que plusieurs d’entre eux l’avaient même béni. En plus de ça, il était réputé pour être dur mais juste, contrairement à de nombreux autres dirigeants ibasiens, qui n’étaient que… eh bien, durs. Quatach-Ichl était une espèce de saint pour tous ces hommes, aussi étrange que cela pouvait paraître aux yeux de Zorian. Il était d’usage de considérer que si Quatach-Ichl disait qu’on pouvait le faire et qu’il fallait le faire, alors c’était aussi simple que ça.

Et puis il y avait un sentiment généralement partagé par tous les habitants de l’île. Les Altaziens étaient une bande de faiblards dégénérés qui tomberaient très certainement comme le blé dès lors que le puissant les écraserait, puissant venu bien sûr d’Ulquaan Ibasa. Mais encore, cette espèce de rhétorique ne leur était pas exclusive ; à Eldemar, on entendait le même genre de choses, aussi Zorian ne considéra pas cette information notable dans le grand schéma.

Quant au voyage dans le temps, sa victime actuelle n’en savait absolument rien, un peu comme tous les autr – eh, attends ! Il y avait quelque chose. Il ne s’agissait pas de voyage ou même de dilatation temporelle, mais apparemment, Eldemar possédait un complexe de recherche loin, très loin dans les profondeurs du donjon, dédié aux expérimentation sur la magie du temps. La dilatation, pour être précis. Le complexe était lourdement gardé et possédait des mesures de sécurités folles – comme elles devaient naturellement l’être si l’on considérait la profondeur brute à laquelle il était construit – alors les envahisseurs avaient décidé de le laisser en paix. Quelques-uns des dirigeants ibasiens, Quatach-Ichl en particulier, n’étaient pas très content à ce propos. Ils sentaient qu’il se passait quelque chose d’important là-bas puisqu’Eldemar avait décidé de maintenir l’activité d’un tel complexe en un tel endroit. Ils désiraient en prendre possession. Malheureusement pour eux, le reste du haut de la hiérarchie estimait que leurs forces n’étaient pas suffisantes et que les efforts nécessaires pour percer les défenses ne valaient pas des gains spéculatifs.

C’était… intéressant. Bien que le mage dont il analysait la mémoire ne connaissait pas l’emplacement exact de ce centre de recherche, Zorian était presque sûr de savoir, lui. La carte laissée par la matriarche marquait un grand nombre d’endroits, dont deux qu’il n’avait jamais été capable d’atteindre. L’un était entouré par des bases ibasiennes et patrouillé plus que nécessaire, trop pour lui permettre de l’approcher en sécurité – Zorian supposait qu’il s’agissait de leur base principale. L’autre se trouvait en profondeur, ridiculement, même. Il n’avait même jamais songé à tenter de l’atteindre – il était sûr de ne pas survivre à un voyage à une telle profondeur. Franchement, il était déjà plutôt ébahi que les Aranea eussent parvenu à cartographier le donjon jusque-là, en gardant à l’esprit que même certains des mages les plus puissants réfléchissaient à deux fois avant de se rendre aussi loin dans le Donjon.

Il n’en avait aucune preuve, mais il suspectait fortement qu’il s’agissait du centre de recherche sur la magie temporelle découvert par les Ibasiens. Et en considérant que la matriarche l’avait signalé comme un lieu important sur sa carte, il y avait sans doute là des réponses à sa situation.

Il plongea encore plus profondément dans l’esprit du mage, à la recherche de plus d’informations. Il sentit ledit esprit flancher et se fissurer sous la sévérité de la sonde, mais persista malgré ça – tout état d’âme s’était envolé après les avoir vu ravager la ville pendant des heures.

Le chemin tracé par la matriarche n’était apparemment pas le seul, et même pas le principal. Le gouvernement ne fournissait pas ce centre de recherche en passant par une route périlleuse et ardue au travers des tunnels souterrains infestés de monstres puissants – ils le faisaient en descendant dans le Trou jusqu’à la profondeur voulue, à laquelle ils avaient creusé un tunnel artificiel dans le mur afin de connecter le complexe au monde extérieur. Bien sûr, tandis que ce chemin permettait d’éviter tous les dangers associés à une profondeur extrême, il restait inconsciemment dangereux de rester là pour quiconque ne possédait pas l’autorisation requise, alors ça ne l’aidait pas vraiment. Peut-être que s’il –

Oops. Il avait poussé trop loin – submergé par sa sonde brute et très peu sophistiquée, l’esprit de l’homme s’effondra en une bouillie chaotique et indéchiffrable. Il n’en tirerait plus rien et ce type ne se relèverait jamais. Merde alors.

Il tira deux perceurs pour tuer les deux mages inconscients et se tourna pour s’en aller, tout ça pour se retrouver nez à nez avec un bec de fer qui l’observait depuis le rebord d’une fenêtre proche. Il n’était pas hostile et se contentait de le scruter. Zorian vérifia sa signature et découvrit qu’il s’agissait bel et bien du même oiseau qu’il avait influencé un peu plus tôt, comme il le suspectait. Son influence avait péri depuis un bon moment, cela dit, et ça ne pouvait pas être la raison pour laquelle il se montrait tout à coup si docile. Huh.

Au moins, il s’était attendu à ce que l’animal lui en veuille pour avoir supplanté sa volonté propre. Il ne ressentit cependant aucune animosité de sa part – simplement… une satisfaction sadique à la vue des mages morts. Soit les becs de fer en général ne les aimait vraiment pas, soit ce bec de fer en particulier les détestait.

— Alors, dit Zorian. Que dirais-tu de m’aider à en tuer quelques-uns de plus ?

L’oiseau pencha la tête sur le côté, sans trop comprendre. Bien entendu, c’était un animal. Un animal malin et volontaire, mais un animal malgré tout. Il lui envoya alors une impression télépathique les décrivant tous deux en train de massacrer d’autres mages ibasiens.

Le bec de fer répondit à son invitation par un cri strident et un éclat de haine, une envie de meurtre, une soif de sang si forte que Zorian se surprit à reculer d’un pas face à l’animal.

Haine. Rancœur. Tuer.

— Bien, murmura-t-il pour lui-même. Je vais prendre ça pour un oui.

Il ne prit même pas la peine de dominer l’oiseau, cette fois – il lui demanda simplement de trouver un autre petit groupe avant de se mettre en quête d’autres becs de fer à subjuguer.

 

___

 

Zorian massacra deux groupes après ça, aucun d’eux n’ayant rien de neuf à lui apprendre. Soudain, Quatach-Ichl apparut devant lui en se téléportant et lui envoya l’un de ses rayons désintégrateurs en pleine poire. Il mourut instantanément, évidement, incapable de lever la moindre défense à temps.

Bon, la nuit arrivait à son terme de toute façon. Au moins, il avait pu expérimenter un peu la vie aux côtés des becs de fer. Malheureusement, il avait découvert qu’une petite minorité était réceptive à son contrôle, et contacter le mauvais provoquait invariablement une descente en piqué de l’essaim entier. Les oiseaux précédemment convertis changèrent aussitôt de camp lorsque ça arriva la première fois. Il aurait dû s’y attendre… mais il fut malgré tout pris au dépourvu. Dans tous les cas, les becs de fer détestaient définitivement les envahisseurs pour une raison obscure, mais les retourner contre leurs maîtres était très difficile. Quelque chose s’assurait leur loyauté et les quelques mages qu’il avait interrogés ne savaient pas de quoi il s’agissait – ils considéraient ces oiseaux comme des bestioles idiotes et ne prêtaient attention ni à leurs sentiments ni à leurs motivations.

Zorian commença la boucle suivante de la même manière que la précédente – en épiant l’envahisseur pour juger de l’état de leurs connaissances, en ramassant ses cristaux de mana, en aidant Taiven à nettoyer le Donjon et ainsi de suite. À l’exception, bien sûr, de son efficacité accrue cette fois-là. Il vola également une meilleure carte de bibliothèque et recréa Kosjenka pour Kirielle, parmi d’autres additions mineures.

Ce mois-là, un peu comme les deux précédents, ne montrèrent aucun signe que les envahisseurs savaient. C’était la troisième fois consécutive, la troisième fois que Robe Rouge les abandonnait de la sorte, et Zorian commençait à en déduire que c’était désormais une situation normale plus qu’un caprice momentané. Il était probable que Robe Rouge eût totalement perdu tout intérêt pour l’invasion après leur confrontation.

La question était – pourquoi ? Pourquoi faire ça après avoir passé un nombre incalculable de recommencements et de réinitialisations à leur fournir de l’aide de façon bornée ?

Eh bien, peut-être qu’une meilleure question serait – pourquoi avait-il fait ça en premier lieu ? En quoi aider les envahisseurs l’aidait, lui ? Était-ce juste un moyen de s’assurer que Zach restât concentré sur quelque chose de très visible, une quête, une chimère parfaitement inutile afin qu’il ne remît pas les choses en question ? Ou peut-être un moyen de troubler l’eau claire, pour ainsi dire, et masquer les contrecoups de ses propres actions en les camouflant sous une attaque organisée et trop efficace à chaque fois ? Peut-être. Mais la quantité brute d’information qu’il fournissait donnait à Zorian l’impression qu’il y avait autre chose. C’était bien trop optimisé afin d’infliger le plus de dégâts possible à la ville – Robe Rouge devait avoir investi autant d’efforts que de temps pour produire quelque chose de similaire. Le résultat de l’invasion lui importait, et de façon personnelle. Alors pourquoi arrêter ? Qu’est-ce qui avait changé ?

Zorian tenta d’y réfléchir avec un état d’esprit suffisamment paranoïaque. Robe Rouge pensait que les Aranea avaient amené un nombre inconnu mais énorme de personnes dans la boucle. Ces nombreuses gens avaient été suffisamment organisés et vicieux pour échapper à son regard pendant plusieurs années ; un groupe qui n’allait pas être simple à chasser et à purger. Zorian avait également fait montre de ses capacités mentales durant leur affrontement, le seul que Robe rouge avait eu avec ces inconnus. Le premier adversaire qu’il avait affronté possédait déjà des compétences qui pouvaient le handicaper de façon définitive… Tout ça avait dû lui faire prendre conscience que la boucle temporelle était d’un seul coup devenue bien plus dangereuse pour lui. Il existait une légion d’ennemis qui complotaient contre lui et qui se dissimulaient dans chaque ombre en attendant de pouvoir lui faire du mal.

Si Zorian avait été à la place de Robe Rouge, aurait-il immédiatement commencé lui aussi à comploter contre ce groupe ? À poser des pièges, à tendre des embuscades et à tenter de les traquer ? Non, clairement pas. Il se serait sauvé le plus vite et le plus loin possible, pas uniquement hors de Cyoria, mais loin de la région qui l’entourait. S’il commençait le mois quelque part en ville, il s’en sauverait le plus rapidement possible également, un peu comme Zach semblait le faire. Il ne savait pas trop combien de temps il en resterait éloigné, mais Zach n’en avait toujours pas terminé pour sa part. Et Zach était pourtant le plus téméraire des trois.

Peut-être n’était-il pas si étrange que Robe Rouge restât loin de la ville pour le moment. À bien y repenser, ce petit mensonge de la matriarche avait été bien plus explosif qu’il ne l’avait pensé. Mais combien de temps allait mettre Robe Rouge pour réaliser que ces légions d’ennemis temporels maniant la magie mentale n’existaient pas ?

Il y avait une autre option. Si Robe Rouge aidait l’invasion dans le but de l’optimiser afin qu’elle pût être la plus efficace possible une fois la boucle temporelle annulée, et si les Aranea s’étaient fait éjecter de la boucle – et non tuer – comme Zorian le suspectait de plus en plus… alors toute future optimisation serait une pure perte de temps. Une fois la boucle totalement terminée, les Aranea seraient à nouveau vivantes et en bonne santé, et tout plan développé en leur absence donnerait des résultats atroces une fois qu’elles s’y mêleraient.  D’accord, Zorian aimait beaucoup cette option, qui signifiait que les Aranea étaient récupérables, mais elle avait aussi le mérite d’expliquer beaucoup de choses. Comme la réticence de Robe Rouge à utiliser sa destruction de l’âme à vau-l’eau, par exemple. Si détruire l’âme d’une personne revenait uniquement à les faire réapparaître après la fin de la boucle, cela expliquerait pourquoi il ne l’utilisait pas sur les personnes classiques – ce serait totalement contreproductif car il devrait alors les affronter une fois de plus à un moment où un autre, sans pour autant se donner le loisir de tester différentes méthodes d’approche pendant la boucle temporelle, et ne pourrait donc pas découvrir laquelle fonctionnait le mieux pour telle ou telle personne.

Zorian ne pouvait qu’espérer qu’enquêter sur les envahisseurs apporterait des réponses à ses questions. Bien que tout le reste eût échoué, il supposa pouvoir toujours agir comme Zach et simplement lancer une série d’offensives suicidaires dans le but de pénétrer dans le complexe de recherche magique, puisqu’il était clairement lié d’une façon ou d’une autre à la boucle temporelle. Il était destiné à y parvenir tôt ou tard, n’est-ce pas ? Si Zach s’était trouvé capable de tuer Oganj grâce à cette méthode, alors s’introduire dans un centre de recherche ne devait pas être impossible.

Hmm, peut-être qu’il y réfléchissait de la mauvaise façon – il devrait directement impliquer Zach. Il était toujours un peu réticent à le contacter, à la fois parce que ça signifierait révéler son emplacement à Robe Rouge si ce dernier surveillait Zach, mais également parce qu’il n’était pas entièrement sûr que Zach serait d’une quelconque aide concrète à ce point. Cependant, puisqu’il en était techniquement arrivé à se cogner métaphoriquement la tête contre les murs, il pouvait tout aussi bien demander l’aide de quelqu’un qui avait passé dieu savait combien de temps dans la boucle temporelle à peaufiner ses compétences et son talent en faisant… exactement ça.

Quelque chose à garder à l’esprit quand le moment viendrait, de toute façon.

 

___

 

Avec le début des cours, Zorian décida d’approcher Raynie une fois encore tout en laissant tomber l’entraînement avec Tinami. Il espérait toujours apprendre à connaître l’héritière Aope un peu mieux, mais il était clair que tenter de faire ami-amie avec les deux filles à la fois n’était pas faisable… et Raynie semblait la plus facile à gérer. Il ne recréa pas sa demande initiale aussi exactement qu’il l’avait prévu, mais elle accepta malgré tout de lui accorder un rendez-vous.

Benisek fit une espèce de crise de maladresse quand il essaya de féliciter Zorian pour ça, et termina affalé sur le sol de la salle de classe après s’être lui-même marché sur le pied. C’était une chose amusante mais mystérieuse et Zorian n’avait absolument rien à voir avec ça, mais il se mit à en rire intérieurement malgré tout en se disant qu’il valait mieux que son ami se fasse remarquer seul plutôt qu’en l’impliquant devant tous les autres.

Pourtant, bien qu’il fondât de grands espoirs dans la possibilité de mieux connaître Raynie cette fois-là, le fait était qu’interagir avec elle demandait à chaque fois un long temps d’attente – il pouvait aussi bien tenter de se rapprocher de l’un ou l’autre de ses camarades le temps qu’elle se décide. Et puisque les filles auraient toutes les chances de produire le même effet que Tinami – parce que sa chance fonctionnait ainsi, merde – ce quelqu’un allait devoir être un mec. Hmm, lequel avait l’air intéressant… oh ! Edwin s’intéressait aux golems, n’est-ce pas ? Ses deux parents étaient dans l’artisant et la dernière fois que Zorian lui avait posé des questions à peine portées sur le sujet, il n’avait pas réussi à la fermer. Eh bien… Il pourrait montrer ses propres créations à Edwin et lui demander ce qu’il en pensait. Il serait intéressant de comparer ses schémas à ceux d’un spécialiste du domaine.

Il attendit la fin des cours et s’approcha d’Edwin, qui discutait alors avec Naim. Comme à chaque fois qu’il les voyait ensemble, il était épaté de toutes les différences qui séparaient ces deux-là, à la fois physiquement et au niveau de la personnalité. Edwin était un petit gars arborant des cheveux d’un noir de jais et une peau légèrement plus sombre que la normale indiquant que ses ancêtres proches étaient très probablement des arrivants du sud, ou peut-être même de Miasina. Naim était un type réellement banal, de taille moyenne et aux cheveux bruns, qui ne se distinguait que par son physique athlétique qui n’était pas si courant chez l’étudiant moyen. Edwin était bavard et expressif, s’excitait facilement et gesticulait largement en parlant tandis que Naim était calme et posé, comme une espèce de moine ayant atteint l’illumination et ne pouvant plus être affecté par quoi que ce fût. Ils étaient tels le soleil et la lune, et pourtant inséparables.

Zorian devait l’admettre, il se sentait quelque peu intimidé à l’idée de les aborder. Inquiet qu’ils le suspectent d’un mauvais coup, à venir leur parler d’un seul coup ainsi… Sa relation avec eux deux était cordiale, mais très, très distante. Pour ainsi dire, ils ne se connaissaient pas vraiment. Mais encore, c’était une description qui collait à peu près à chacun de ses camarades de classe, à une ou deux exceptions près.

Mais il n’avait pas besoin de s’en faire, en fin de compte. Edwin était extraverti de façon naturelle et ne devint qu’encore plus amical en découvrant que Zorian était venu lui parler de sa propre initiative. Et bien qu’il pût sentir une certaine exaspération de la part de Naim, c’était principalement dû au sujet de conversation plutôt qu’à la présence de Zorian ; il n’était pas aussi timbré des golems que l’était Edwin.

— C’est un stabilisateur utile pour le genre de petite construction à quoi il est destiné, dit Edwin en traçant un glyphe du bout du doigt. Je ne pense pas que ça fonctionnerait pour quelque chose de plus grand et plus lourd comme un vrai golem de taille humaine fait d’un acier solide, mais c’est juste parfait pour ça. Il faudra que je m’en souvienne. Par contre, je ne comprends pas pourquoi tu as mis ceux-là. Ils sont inélégants et simplement inutiles. Le schéma fonctionne parfaitement sans eux et je pense qu’ils ne font rien d’autre que rendre chaotique un fonctionnement qui ne devrait pas l’être.

— En fait, ce schéma ne fonctionne pas sans ces glyphes-là, expliqua Zorian. Tous les prototypes que j’ai fabriqués me claquaient dans les doigts, et quand j’en ai eu assez de tenter de les faire fonctionner comme il devaient fonctionner, j’ai forcé les choses de la manière dont tu les vois là. Et maintenant, ça fonctionne bien, quoiqu’altérer le schéma de base est une vraie plaie. J’espérais que tu pourrais m’aider à comprendre quel était le problème.

— Attends, lui répondit Edwin en le regardant d’un air sidéré. Attends. Tu veux dire que c’est, genre, un vrai schéma ? Pas uniquement un travail de théorie ? Tu as fabriqué ce truc ?

— Ben, oui, lâcha Zorian platement. Quel serait l’intérêt, sinon ?

— Mais… N’est-ce pas super cher ?

— Eh, non, c’est cher, mais ça reste correct, dit Zorian, bien qu’en toute honnêteté, son rapport à l’argent s’était considérablement fait la malle depuis qu’il était dans la boucle temporelle. Mais j’achète tout moi-même et personne ne peut vraiment m’empêcher de dépenser mon argent comme je l’entends.

— Oh, non, je ne te critique pas, au contraire, répondit Edwin avec un large sourire. Merde ! J’adorerais pouvoir faire pareil ! Tu es sûr de ne pas avoir besoin d’assistant ou quoi que ce soit ?

— C’est… une possibilité, hésita Zorian, voyant déjà qu’Edwin était très sérieux à ce propos, à sa grande surprise – il s’était imaginé qu’il allait devoir faire des efforts pour le faire coopérer sur un projet spécifique et voilà qu’il lui proposait un partenariat. Hmm… Combien de temps peux-tu dédier à ça ?

Naim pouffa tout bas en souriant légèrement. Il avait jusque-là été parfaitement content de rester assis sur le côté, mais il ne pouvait apparemment plus résister à l’envie de participer à la conversation.

— Ce genre de choses… C’est absolument tout ce qu’il fait de son temps libre, dit-il en continuant à sourire. La vraie question, c’est plutôt combien de temps vas-tu tenir le coup, toi, avant de perdre patience et de l’envoyer paître ?

— Oh, la ferme, toi, se plaignit Edwin. Comme si tu étais en position de me critiquer, monsieur entraînement. Tu as tes arts martiaux, j’ai mes golems.

— J’ai beaucoup à faire en ce moment, alors je ne sais pas combien de temps je pourrais consacrer à un travail en duo, trancha Zorian. Mais je pense que je peux sacrifier deux ou trois heures tous les quelques jours si ça te va.

— J’en suis, répondit Edwin sans hésiter. Pour avoir la chance de voir mes schémas fonctionner en pratique, je m’éveillerais même avant l’aube le week-end. Mais en quoi es-tu si occupé ? Les cours ont à peine commencé, cette année…

— Ah, eh bien, je poursuis un certain nombre d’études indépendantes, expliqua Zorian. Les expériences sur les golems dont je t’ai parlé, mais aussi la formulation de sorts en général ainsi que l’alchimie, la magie d’utilité général, et d’autres choses comme ça. Je pratique des exercices avancés de mise en forme du mana et m’entraîne à la magie de combat quand j’en trouve le temps.

— Tout ça m’a l’air un peu éparpillé, nota Edwin. Impressionnant de pouvoir trouver le temps pour tout ça dans ton emploi du temps, cela dit.

— Oui, et tu trouves encore le temps de chasser le monstre, ajouta Naim.

— Bien sûr, je considère ça comme un entraînement à la magie de combat.

Naim regarda Edwin d’un air amusé. Celui-ci lui rendit une grimace.

— Quoi ? demanda Zorian.

— Quand j’ai dit à Edwin que je voulais rejoindre un groupe de chasseurs de monstres pour pratiquer la magie de combat en situation réelle, il m’a répondu que personne ne serait assez stupide pour risquer sa vie pour s’entraîner, expliqua Nia en tapotant Zorian sur l’épaule comme un vieil ami. Eh bien, il semble qu’on soit deux. Bienvenue au club des idiots, Zorian.

— C’est vrai, grommela Zorian, qui se rendait bien compte que pour un étudiant en début de troisième année, ce qu’il disait avait du sens. Mais attends, pour quelle autre raison un étudiant rejoindrait-il une chasse au monstres ?

Naim haussa les épaules.

— Argent. Gloire. Devoir.

Ah. Oui. C’était vrai, certaines personnes se faisaient payer pour ça. Pour le reste, être coincé dans une boucle temporelle rendait la gloire et le devoir quelque peu ridicules. Avant qu’il ne pût dire quoi que ce fût, cela dit, un autre de leurs camarades de classe décida de s’immiscer dans la conversation.

— Excusez-moi de m’imposer ainsi, lâcha Estin Grier dans le dos de Zorian. Mais je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre ce que vous disiez. Puis-je me permettre un commentaire ?

Après une brève pause durant laquelle les trois compères observèrent le nouveau venu en silence, Edwin prit la parole.

— On ne fait que discuter, mec. Ce n’est pas un club privé, alors vas-y et dis ce que tu as envie de dire.

Zorian jeta un coup d’œil vers Estin et l’étudia l’espace d’un instant. Estin était l’un de ceux que Zorian avait jadis suspecté de pouvoir être Robe Rouge – en réalité, le troisième voyageur, à cette époque – puisque sa famille avait migré d’Ulquaan Ibasa. S’il devait être honnête avec lui-même, l’apparence d’Estin ne l’aidait en rien : il était grand et possédait un air sévère que lui donnaient des formes anguleuses, une expression sèche, d’épais sourcils et cheveux noirs et des yeux si sombres qu’ils avaient l’air noirs, eux aussi. Il était très renfermé et ne parlait pas beaucoup à moins que quelqu’un lui posât une question et ne faisait jamais rien pour dissiper cette aura ténébreuse dont il était naturellement entouré.

Mais pour autant que Zorian pouvait être capable de l’affirmer, Estin était vraiment un étudiant normal, bien qu’extrêmement intimidant. Il ne possédait aucun lien avec l’envahisseur et n’agissait totalement pas comme quelqu’un qui aurait su pour la boucle temporelle.

— Très bien, acquiesça-t-il d’un air sérieux. J’allais faire remarquer que la plupart des étudiants n’ont pas rejoint l’un ou l’autre groupe de chasse aux monstres uniquement pour se mettre à l’épreuve et peaufiner leurs capacités dans l’écrin d’une bataille mortelle, mais qu’ils ont probablement considéré un autre point. On peut avoir plusieurs intentions et buts pour une même action.

— Alors… Toi aussi, tu aimes t’entraîner à la magie de combat ? conclut Naim.

— Oui. C’est une façon de l’interpréter. Et avec ça, on peut voir que nous sommes trois, ici, à vouloir mettre nos capacités à l’épreuve afin de grandir et nous améliorer. Peut-être pourrions-nous nous aider les uns les autres. Nous rencontrer afin d’échanger des styles nouveaux et personnels, se battre, et d’autres choses.

Pour un élève qui restait silencieux la plupart du temps, Estin était assurément bavard quand il prenait la parole. Pourtant, Zorian était pour cette idée : il se demandait quel était leur niveau réel en combat depuis qu’il avait entendu qu’ils avaient participé aux chasses. Naim était également intéressé, et après avoir parlé de tout ça pendant quelques instants, ils décidèrent de demander à Ilsa de les laisser emprunter une salle d’entraînement à quelque occasion dans le futur. Une salle avec un vrai sol, parce qu’apparemment, la magie d’Estin ne fonctionnait pas bien en intérieur, quoi que ça pût vouloir dire.

Estin demanda également à Edwin de les rejoindre mais ce dernier n’était pas intéressé. Edwin n’aimait pas se battre et n’avait aucun intérêt dans tout ce qui était amélioration des compétences de combat. Zorian se hâta de le rassurer qu’il comptait bien entendu toujours travailler avec lui comme ils l’avaient prévu.

Il faudrait juste qu’il trouve un moyen de caler tout ça dans son emploi du temps déjà surchargé.

 

___

 

Trouver un lieu d’entraînement qui correspondait à leurs besoins s’avéra être tout sauf un problème – l’académie possédait des tas de salles pour ça, et la plupart étaient libres d’utilisation, mises à la disposition gratuite des élèves. Toutes n’étaient pas adaptées à un entraînement au combat magique, cela dit, mais possédaient assurément des dispositifs de sécurité malgré tout et pouvaient être utilisées en tant que telles. Selon Ilsa, ce genre de détournement des salles était déjà commun depuis un certain temps au sein de l’académie et était accepté par tous comme quelque chose de normal. Ainsi, elle leur recommanda de réserver l’endroit qui leur conviendrait pour quelques heures plutôt que d’attendre une semaine que l’académie ne daigne accéder à leur requête, une salle qui leur conviendrait ou pas, qui serait adaptée à leurs besoins ou pas. Ils devraient simplement s’assurer de ne pas interrompre un groupe d’étudiants déjà en place.

Armé de ce savoir, ils firent un petit tour d’horizon des salles disponibles jusqu’à trouver un lieu qui n’était techniquement qu’une zone murée sur les terres de l’académie et qui possédait un sol terreux et fertile ainsi que des pierres dont Estin avait apparemment besoin.

Estin, qui s’avéra être l’une de ces personnes dotées de capacités magiques innées. Spécifiquement, il pouvait manipuler la terre, les rochers et les matériaux similaires d’une manière non-structurée, un peu comme Zorian pouvait le faire avec la magie mentale. Estin était peu bavard concernant la manière dont ça fonctionnait car il s’agissait vraisemblablement d’un pouvoir de sa lignée qui était gardé à moitié secret. Apparemment, il n’était pas utilisable immédiatement et les compétences actuelles d’Estin se trouvaient être le résultat d’un talent considérable et de beaucoup de travail ; dans les quelques combats factices auxquels il participa afin que chacun pût se familiariser aux styles des autres, Estin n’utilisa exclusivement qu’une capacité : celle de faire léviter de gros monceaux de terre et des rochers autour de lui, qui s’interposaient entre lui et les sorts qui arrivaient dans sa direction avec une précision surnaturelle. Eh bien, s’il pouvait voir l’attaque arriver, en tout cas. Il fut tout de suite moins fier quand un des missiles magiques de Zorian manqua totalement sa cible et fit demi-tour dans son dos. Il lui fallut également un long moment pour créer une sphère à l’aide de tous ces matériaux et il ne semblait pas capable d’en contrôler plus de quatre différents à la fois : quand Zorian lança une salve de huit missiles, Estin se contenta d’abandonner en lui demandant de baisser la mise à l’avenir.

Pourtant, c’était un truc plutôt utile qu’il savait faire là. Bloquer une attaque à l’aide des sphères de terre ne semblait pas demander l’attention d’Estin, lui permettant de se concentrer exclusivement sur l’attaque pendant que ces boules de terre et de rochers le défendaient. S’il avait possédé des choses plus dangereuses que ses missiles magiques ou s’il pouvait réellement implanter une tête chercheuse dans ces derniers, il aurait vraiment pu poser un problème.

Bon, un problème tant que Zorin se retenait si péniblement. Il avait décidé par avance que les seuls sorts auxquels il se limiterait seraient ses missiles magiques et son bouclier de base, et ç’avait été un choix judicieux de se limiter ainsi parce que même comme ça, il avait écrasé ses adversaires à plates coutures. Spécialement Naim. En tant que mage de première génération et ne possédant pas d’antécédents familiaux, de lignée ou d’une quelconque magie héritée d’un ancien temps, il était lui aussi limité au missile magique et au bouclier, la même chose que Zorian prétendait pouvoir lancer… mais sans les années passées dans la boucle temporelle, ces deux sorts étaient plus proches du néant que de la perfection.

S’il avait combattu le Zorian d’avant la boucle, Naim l’aurait sans doute totalement massacré. Il possédait plus de deux fois les réserves de mana que Zorian avaient eues à l’origine et il savait clairement comment lancer ces sorts depuis des années. En plus de ça, il était extrêmement bien bâti et agile, pour ne rien ajouter. Son combat contre Estin se résuma en une danse d’esquive ; le vieux Zorian ne pouvait alors pas forcer un missile à suivre sa cible, et n’aurait pas été plus victorieux qu’Estin à cet égard.

Mais malheureusement pour Naim, il combattait un Zorian nouvelle génération, pas le peureux cynique qu’il avait été, et finit par se faire prendre à son propre jeu. Le bouclier de Zorian était clairement impénétrable et esquiver ne fonctionnait pas face à ses missiles avancés.

Après ça, Naim et Estin décidèrent de passer au combat à mains nues, probablement pour se donner une chance de mater Zorian, cette fois. Sachant qu’il était inutile de s’essayer à ce genre de combat et qu’il ne ferait que se taper la honte, Zorian s’en retira immédiatement, leur concédant qu’il n’aurait pas la moindre chance face à eux. Et tous deux en furent très fiers.

Mais peu importait, qu’ils eussent leur lot de consolation, après tout, si ça pouvait leur faire plaisir. C’était mieux ainsi que d’être amer envers Zorian, c’était certain. Dans tous les cas, les deux autres se battirent pendant rien de moins que cinq rounds, et devint ultimement évidement que Naim était largement meilleur qu’Estin, malgré la taille et la carrure de ce dernier. Il apprendrait plus tard que c’était de ça que parlait Edwin quand il avait dit que Naim était un obsédé des arts martiaux : il les pratiquait religieusement chaque jour et était suffisamment bon pour être invité à des tournois nationaux.

Après ça, ils décidèrent de partager leurs méthodes d’entraînement et d’autres conseils – un moment que Zorian trouva étonnamment utile, car tous deux avaient trouvé quelques petits exercices de mise en forme auxquels Zorian n’avait jamais pensé, mais pour lesquels il termina pour faire des démonstrations pratiques. Il s’y attendait un peu, cela dit – après tout, il était le plus expérimenté des trois.

Il quitta leur rendez-vous satisfait par la façon dont il avait tourné. En considérant qu’à la fois Naim et Estim voulaient que tous trois se revoient, Zorian supposa que ça leur avait plu également, bien qu’Estin lui lançait quelques regards étranges quand il pensait qu’on ne le voyait pas. Cependant, quand ils organisèrent effectivement cette nouvelle rencontre, ils ne furent pas les seuls à s’y présenter.

Briam, Kopriva et Raynie vinrent également en demandant s’ils pouvaient en être. Naim et Estim se déchargèrent aussitôt de la responsabilité en désignant Zorian comme le décideur du groupe. Adorable. Il accepta, naturellement. Au minimum, il était plutôt sûr que repousser Raynie aurait un très mauvais impact sur ses plans visant à se rapprocher d’elle.

Le souci, c’était que ces trois-là étaient relativement bruts et pas du tout entraînés lorsqu’il s’agit de magie de combat. Briam était bien sûr membre d’un groupe de chasse, mais ce n’était que grâce à son familier – ses sorts étaient presque entièrement centré sur une fonction de support pour ce lance-flammes ambulant. Kopriva était tentait de joindre un groupe de chasse, mais pas non plus grâce à son talent en magie de combat – elle fournissait une base de potions et de bombes alchimiques et se reposait énormément sur eux pour le reste. Raynie se fiait probablement à ses capacités de Lycanthrope si elle devait se trouver vraiment aculée, mais elle se garda bien d’en faire mention : sa maîtrise des sorts de combats était loin d’être parfaite mais peu de ses camarades auraient pu en rire.

Finalement, ils parvinrent à faire fonctionner leur nouveau groupe, mais ça impliqua bien plus de travail et de responsabilités de la part de Zorian. Plus que ce avec quoi il restait en terrain confortable. Comme il était le patron, il lui incombait d’aider les nouveaux venus de toutes les façons.

Lorsque tout fut terminé, il fut rattrapé par Raynie qui lui tendit une enveloppe avec l’endroit et l’heure de leur rencontre à eux. C’était le même restaurant que la fois passée, ce qui avait sans doute un sens si le propriétaire était un ami à elle comme l’avait prétendu Kiana.

Pendant que tout ça prenait place, Zorian se décida à finaliser son accord avec les Sages Filigranes. En échange du transport vers Cyoria, de l’escorte offerte et du rapatriement, Zorian s’assura trois professeures de magie mentale différents, l’un d’eux supposé être une experte en manipulation mémorielle. Cette experte avait également accepté de sonder l’esprit de cinq prisonniers que Zorian lui amènerait et de partager avec lui ce qu’elle découvrirait. Finalement et non des moins critiques, Zorian aurait droit à une partie des choses que les récupérateurs Aranea allaient ramener de Cyoria – important uniquement car ça lui permettrait de surveiller de très près leurs activités, officiellement pour ne pas qu’elles ne l’arnaquent, en réalité pour apprendre à faire de même à l’avenir sans avoir besoin d’elles.

À son grand embarras, il ne fallut que moins de deux jours aux Sages Filigranes pour faire ce que Zorian n’avait pas pu faire en un mois complet. Apparemment, la solution était vicieuse : pour trouver la salle du trésor, il fallait descendre dans le trou vertical que les Aranea utilisaient comme poubelle et fosse septique sauf qu’à mi-chemin, il y avait un trou percé dans la paroi et qui menait directement au trésor. Le trou était suffisamment grand pour qu’une Aranea puisse s’y glisser confortablement mais Zorian aurait dû ramper et se contorsionner pour passer dans l’ouverture. Le puits possédait en réalité de nombreux tunnels de ce genre, de tailles variées et tous étaient des impasses. Tous sauf un.

Selon les Sages Filigranes, ces puits étaient le secret de la facilité avec laquelle les Aranea pouvaient pénétrer même dans les profondeurs dangereuses du Donjon sans se faire massacrer en chemin. Tandis qu’ils permettaient également aux horreurs indicibles de remonter des abysses, ils étaient étroits et très défendables et pouvaient toujours s’effondrer sur les intrus si les incursions devenaient trop fréquentes. Dans les cas où ces puits n’existaient pas, les Aranea savaient les construire grâce à des sorts d’altération.

Le trésor était… gigantesque. Une grande partie de la salle était occupé par d’énormes pelotes de soie d’Aranea qui se trouvaient probablement être la source de revenu principale de la colonie. Mais il y avait également là un bon nombre de choses précieuses, à la fois sous forme de reconnaissances de dettes écrites et de métaux précieux ainsi que de gemmes et autres pierres précieuses. Un bon nombre d’explosifs alchimiques et de potions se trouvaient aussi là, y compris des piles et des piles de potions de soins en tous genres que les récupérateurs prétendaient optimisées pour l’anatomie Aranea. Elles en étaient si excitées ! Elles demandèrent l’aide de Zorian afin de contacter la personne qui les avait fabriquées – elles semblaient très sûres d’elles en disant que les Aranea ne les avaient pas créées elles-mêmes. Quelques grimoires, livres de recettes alchimiques et compilations de schéma de formulation se trouvaient également là, dont un grand nombre hautement restreints, rares ou très précieux. Les Sages Filigranes prévoyaient de les rapatrier à des fins de recherche, mais acceptèrent de laisse Zorian les parcourir et d’en faire de copies pour son propre usage. Ce serait suffisant pour le garder occupé jusqu’à la fin du mois, alors il était parfaitement heureux de cette décision.

Finalement, la salle du trésor possédait un grand nombre de choses qui ne présentaient un intérêt que pour les Aranea.  Des sacoches de cuir et des lanières que les Aranea pouvaient utiliser pour transporter des choses, des blocs de nutriment qui se trouvaient être l’équivalent de nourriture pour araignées, et d’autres choses dans ce genre. Les Sages Filigranes, au moins, semblaient très intriguées par ces merveilles issues de l’ingéniosité technologique sophistiquée de leurs homologues cyoriennes. Tout avait l’air tellement banal aux yeux de Zorian, mais eh, il n’était sans doute pas facile d’établir une société technologique quand on n’avait pas de main.

Et encore plus surprenant, le trésor n’était que la partie visible de l’iceberg. Il existait une autre partie secrète dans le campement, une qu’il n’avait jamais trouvée – une salle de recherche magique qui pouvait être pénétrée uniquement en désactivant de façon sélective quelques morceaux du schéma de protection d’une pièce particulière, ce qui permettait de passer dans un trou nouvellement ouvert dans le plafond. Malheureusement, il y avait une autre couche de défenses après ça et ni les Aranea ni Zorian ne parvinrent à craquer la barrière de la deuxième porte. Le dirigeant des récupérateurs commençait à caresser l’idée de simplement faire exploser la porte, mais resta finalement trop inquiet de la possibilité d’un mécanisme d’autodestruction qui anéantirait tout – intrus compris – si la porte était ouverte de force. Apparemment, c’était ainsi que les Sages Filigranes sécurisaient leur propre salle de recherche.

Finalement, il existait une salle où étaient conservés tous les enregistrements que Zorian n’avait jamais remarquée simplement parce qu’il ne lui avait jamais traversé l’esprit d’essayer de connecter son esprit à l’un des murs particulièrement étranges dans le fond du camp. Apparemment, ces bosses étaient des pierres mémorielles – des objets magiques qui pouvaient conserver des souvenirs et des pensées et qui étaient apparemment l’équivalent Aranea de note écrites. Personnellement, Zorian ne trouvait pas cette méthode aussi pratique de de vraies notes écrites, mais les Sages Filigranes prétendaient que c’était une méthode bien plus naturelle pour leur espèce, alors que pouvait-il en savoir ? L’important était le contenu de ces pierres : elles renseignaient sur la plupart des actes commerciaux et échanges que les Aranea entretenaient avec la surface – à l’exception des plus secrets – et Zorian pourrait tout à fait se servir d’une partie de cette organisation à ses propres desseins. Les Sages Filigranes n’avaient aucun intérêt dans ces échanges locaux, et c’était compréhensible en voyant la façon dont elles mettaient l’endroit à sac au lieu de chercher à établir une présence à long terme. Aussi lui désignèrent-elles simplement la pièce en question et lui dirent d’en faire ce qu’il voulait.

Gêné, Zorian se souvint avoir remarqué ce mur la première fois qu’il avait fouillé l’endroit et avoir pensé que sa texture particulière signifiait certainement une importance particulière… et également l’avoir creusé via altération et n’avoir découvert que du roc solide derrière.

Ce fut après l’un de ces rendez-vous avec les Sages Filigranes que Zorian revint chez Imaya et y trouva Taiven en train de l’attendre. Curieux. Ils n’avaient aucune chasse de prévue jusqu’au lendemain. Peut-être désirait-elle discuter leur régularité ? Ils étaient très chanceux cette fois-là, grâce à Zorian et ses connaissances, alors peut-être voulait-elle accélérer la chasse, frapper le fer tant qu’il était chaud. Si elle était là pour ça, elle allait être déçue – il avait trop de choses à faire pour consacrer plus de temps à ça.

Au moment où il s’approcha, elle le remarqua. Cependant, il nota immédiatement qu’elle n’était pas là pour ce qu’il s’imaginait. Elle était remontée. Furieuse. Elle demanda à lui parler en privé et il la conduisit jusqu’à sa chambre avant d’en verrouiller la porte. Il l’avait déjà lourdement protégée au début du mois comme à chaque fois, aussi n’eut-il pas besoin de perdre du temps à ériger quelque barrière d’intimité.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il.

— Et il demande ce qui ne va pas, grogna-t-elle tout bas.

Merde, elle était furieuse contre lui. Il ne se rappela pas avoir fait quoi que ce fût pour mériter ça, cela dit.

Elle sortit immédiatement un petit cristal bleu et le claqua contre le bureau à côté de la table de nuit.

— C’est quoi, ça ?!

— C’est une question rhétorique, certainement ? répliqua Zorian, perplexe. C’est un morceau de mana cristallisé, bien sûr.

— Ah oui ? Sans blague ! Et pourquoi possèdes-tu une caisse entière de ces trucs sous ton lit ? demanda-t-elle, les dents serrées.

Zorian fronça les sourcils.

— Tu as fouillé dans mes affaires pendant que je n’étais pas là ?

— Non. Mais ta petite sœur, oui, rétorqua-t-elle. Elle et Nochka jouaient aux princesses et se fabriquaient des couronnes de mana cristallisé pour elles deux et Kosjenka. Je suis tombé sur elles et et me suis trouvé forcée de leur demander où elles avaient trouvé ces jolies pierres.

Putain, Kiri !

— Ok, souffla Zorian avant de prendre une profonde inspiration pour se calmer. Et mis à part ça, pourquoi est-ce que ça te met autant en colère ? Pourquoi est-ce un problème… important, si j’ai une caisse de mana cristallisé sous mon lit ?

Elle serra les poings en une fraction de seconde, baignant dans sa propre frustration et… du dégoût d’elle-même ? Quoi ? L’empathie déconnait ?

— Parce que tout ! cria-t-elle finalement en écrasant son point sur le mur, faisant vibrer Zorian qui s’en trouva choqué. Tout ! Tout, tout, tout !

— Taiven, s’il te plaît ! cria Zorian à son tour, tentant frénétiquement et vainement de la calmer. Ressaisis-toi, ce que tu dis n’a aucun sens !

Était-elle en train de… pleurer ?

— Comment peux-tu être si bon dans tout ce que tu entreprends ?! hurla-t-elle à moitié en le repoussant. Tu es si bon en alchimie que Kael ne tarit pas d’éloges ! Tu crées des golems pendant ton temps libre, comme un vulgaire passe-temps ! Tes divinations sont si précises et rapides que des professionnels adultes me traitent de menteuse quand je leur dis à quel point tu trouves vite les nids de monstres en ne faisant à peine que claquer des doigts ! Et tu es également si bon en magie de combat qu’ils te laissent enseigner à ton propre groupe !

— Ce n’est pas – tenta d’expliquer Zorian.

— Ne me mens pas ! lui claqua-t-elle au visage. Je sais que tu es un meilleur mage de combat que moi. Tu tentes de le dissimuler mais je le sais. Je ne suis pas stupide !

— Je n’ai jamais dit que tu l’étais, la rassura Zorian, ce qu’elle ignora parfaitement.

— J’y travaille depuis des années, sanglota-t-elle. J’ai deux ans de plus que toi et j’ai travaillé si dur ! Chaque jour, chaque week-end, chaque moment que je pouvais y consacrer ! Je me suis assuré de me concentrer ; je ne me suis pas dispersée… Je vis pour ça, tu le comprends ? Et là, je découvre que non seulement tu es meilleur que moi dans la seule chose sur laquelle je concentre toute mon énergie, mais que tu as également le temps de devenir un génie dans tous ces autres domaines ! Mais comment ?! Comment peux-tu être à ce point meilleur que moi ? Qu’est-ce que je fais mal ?!

— Rien ! lui répliqua rapidement Zorian. Tu es honnêtement incroyable, Taiven, et la seule raison pour laquelle j’ai réussi à m’approcher de ton niveau, c’est parce que je suis un tricheur qui triche.

— Alors montre-moi comment tricher, moi aussi, merde ! hurla-t-elle en pleurs.

Avant qu’il ne pût trouver quoi que ce fût à y répondre, elle… l’enveloppa de ses bras pour continuer cette séance de pleurs sur son épaule. Il lui rendit son étreinte après quelques secondes, quoi que mal à l’aise, tentant désespérément de trouver un moyen de dénouer cette situation.

Et il ne trouva absolument rien. Mais peut-être était-ce une bénédiction déguisée que Taiven parût ne pas vouloir décoller la tête de son épaule de sitôt.

Raka
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7 thoughts on “MoL : Chapitre 43

  1. ça tombe bien, je n’ai penser à regarder qu’aujourd’hui ^^. Merci beaucoup pour ce sympathique chapitre .

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