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Chapitre 176 : Le temple d’Aria 2/2

 

Le symbole de la colonie, un gigantesque arbre de vie, dominait la montagne Sauros. La Flèche d’Argent, la plus grande des elfes, s’y était installée afin d’admirer la lumière du soleil filtrée par l’épais feuillage. L’espace d’un instant, elle eut l’impression de retrouver la quiétude des forêts éternelles de son peuple, qui chantait à la gloire des arbres. Non qu’elle avait véritablement connu cet âge d’or, mais l’impression faisait partie de la mémoire des elfes.

« Que faites-vous ? » vint la troubler une voix.

« Comte Jaemin ? » s’étonna Latasha.

L’humain devenu seigneur vampire… Elle avait un peu de sympathie pour lui. Bien sûr, pas parce qu’il appartenait à la caste des vampires, mais parce qu’il occupait à la fois une position privilégiée et extrêmement dangereuse. Il était le frère de celle que le cœur de l’Immortel avait choisi.

« Vous faisiez une sieste ? » lui demanda-t-il.

« Non, pas exactement. Je communiais avec l’arbre-monde. »

« Hmm ? Je croyais que ce n’était qu’un genre de décoration. »

« Il signifie bien plus pour moi. »

Silencieusement, respectueusement, Jaemin leva les yeux pour l’admirer à son tour.

« Hmm… Pfahaha ! Vous faites une de ces têtes… Mais j’y pense, vous me cherchiez ? » réagit-elle.

« Tauric souhaite que tous les héros se réunissent. »

« Compris, je vous suis. »

Jaemin la guida au château non-loin, qui de par sa taille et son architecture semblait parfaitement vide malgré les dix personnes qui l’occupaient.

« Ah, la Flèche d’Argent. » remarqua le champion moine, sans pour autant exprimer la moindre satisfaction.

« Que se passe-t-il ? » s’étonna l’intéressée, remarquant que l’ambiance ne semblait pas à se prêter à la détente.

Chacun des héros était à la tête d’une équipe chargée d’abattre chaque monstre depuis la montagne Sauros, afin de grignoter leurs territoires. Ce genre d’assemblées ne s’était pas produit depuis 7 jours, mais ce n’était pas ce détail qui avait mis la puce à l’oreille de Latasha. C’était l’air grave de Tauric, dont il ne tarda pas à s’expliquer.

« Les monstres se réunissent en masse au sud, sur le plateau de Néro. »

« On court à la catastrophe… D’autres bonnes nouvelles ? » lança Latasha avec ironie.

« Il y a pire, en effet. » répondit Tauric.

Il sortit une carte qu’il plaça à la vue de tous sur la grande table. Elle détaillait avec soin les environs de la montagne de Sauros, jusqu’au plateau de Néro. La distance séparant les deux ne pouvait être couverte qu’en environ deux semaines. Longtemps occupé par un royaume humain, ce territoire était désormais aux mains du seigneur dimensionnel Unon.

« Pire qu’Unon ? » demanda-t-elle.

« Si ce n’était que son armée, je n’aurais même pas requis votre présence. Les armées de Shirao, Patu, Léia et Gongo l’ont rejoint. » répondit-il.

« C’est impossible… »

« C’est pourtant la vérité. Les seigneurs dimensionnels se sont alliés pour nous vaincre. »

De mémoire, sur Alphène, c’était la première fois qu’un tel événement avait lieu. Ils n’en étaient pas au point de se mener une guerre sans merci, mais leur appétit de nouveaux territoires les poussaient régulièrement au combat. C’était d’ailleurs la seule et unique raison pour laquelle la coalition avait réussi à survivre : les seigneurs se moquaient d’eux. En revanche, s’ils s’alliaient pour vaincre les indigènes, ceux-ci disparaîtraient sans aucun espoir de survie.

« Qu’est-ce qui a pu les pousser à travailler ensemble ? » s’interrogea Latasha.

Même après avoir vaincu le seigneur dimensionnel Goshou, l’attention accordée aux indigènes était restée proche du 0 absolu. Certes, ils essayaient de rassembler leurs dernières forces, mais certainement pas au point de constituer une menace pour un seul de ces seigneurs, d’autant plus que ce n’était pas la première fois qu’ils tentaient de reformer l’alliance.

« Je ne vois qu’une seule raison, répondit Tauric. Ils ont appris qu’il était de retour. »

« L’Immortel… » dit-elle non dans le but de compléter sa phrase, mais pour aller dans son sens.

S’il existait une personne capable de les convaincre de s’unifier, c’était bien lui. Qui d’autre que l’Immortel avait autant constitué pour eux une épine dans le pied ? L’ennui, dans le cas présent, était que la coalition ne constituait quant à elle au mieux qu’un brin d’herbe employé pour résister à la puissance d’une tornade. Même Melody était absente, puisqu’elle se trouvait avec lui, par delà les frontières du plateau de Néro.

« Nous ne parviendrons à rien sans l’Immortel. Il faut trouver un nouveau refuge. » intervint le roi Kontz.

« Il a raison, acquiesça l’archimage Graham. De toute façon, la montagne Sauros est indéfendable, je l’avais dit dès le départ. Il sera beaucoup trop simple de nous isoler. »

« Vous abandonneriez la colonie aussi facilement ? » grogna une voix.

C’était celle de Sunggoo. Cette option lui semblait exclue pour au moins deux raisons. La première, c’était que la colonie offrait un pouvoir formidable : celui d’offrir à tout à chacun le souhait exact de son désir, à condition d’avoir des pierres de sang. La seconde représentait beaucoup plus pour lui. C’était la porte capable de le ramener à son monde, sur Terre. Sans elle, il lui semblait impossible de revenir.

« Le roi des esprits de feu a raison, assentit Latasha. Du reste, il est hors de question que j’abandonne l’arbre-monde. »

« Je suis le roi des esprits de feu… » balbutia Sunggoo, sous le coup de la sidération.

« Seigneur elfe, ce n’est pas l’arbre-monde. Vous vous en faites trop pour… » tenta de s’opposer Graham.

« C’est l’arbre-monde. » le coupa-t-elle d’un ton aussi glacial que tranchant.

Qui était ce prestidigitateur pour oser remettre en cause les paroles de la régente des elfes ? Malgré tout, rester ici représentait un risque bien trop important.

« Bon, quelles possibilités s’offrent à nous ? Unon est un très grand général. Il est le maître de la trente-sixième Marche. » lança Tauric, à la fois pour stopper le conflit et dans le but de préparer la réplique.

« Il a construit cette colonie. Il la défendra, j’en suis certain. » répondit Latasha, après un moment d’hésitation.

Car l’idée même de compter sur l’Immortel lui était insupportable. Mais après tout, avait-elle réellement le choix ?

« Je peux le contacter. » affirma Jaemin.

« Vraiment ? » s’étonna Tauric.

« Bien sûr. Je suis le tacticien d’Alandal, alors je peux partager mes pensées avec l’administrateur de son domaine. Il pourra arriver en une fraction de seconde en utilisant un portail de retour, si je lui fais savoir que nous courons un danger. »

« Enfin une bonne nouvelle… »

Quoiqu’il eût été exagéré d’affirmer que l’humeur était revenue au beau fixe, la situation leur sembla un peu moins désespérée. Si une seule personne pouvait effrayer les seigneurs dimensionnels à ce point, cette même personne était aussi capable de les vaincre. Tous avaient au moins confiance en l’Immortel sur ce point.

« Alors, prévenez-le. » demanda plus directement Graham.

Jaemin, comme pour les assurer de l’action qu’il entreprenait, ferma les yeux et s’efforça de prendre un air concentré. Pourtant, en dépit de son appel, Woojin ne lui répondait pas. Les regards plein d’espoir devinrent bientôt anxieux, et le doute l’envahit bientôt lui aussi.

Il est peut-être dans une autre dimension ? Peut-être que ça bloque le signal, ou un truc comme ça ? Je pige pas…

Tout bon tacticien qu’il était, les détails techniques de sa fonction et de ses possibilités ne lui apparaissaient pas aussi clairs qu’il devait l’être pour un seigneur dimensionnel. Néanmoins, son hypothèse lui sembla viable, et il l’exprima.

« Je pense qu’il est dans un donjon. »

« Vous ne pouvez pas le contacter quand il est en donjon ? » l’interrogea Graham.

« Ce doit être ça… » admit Jaemin, assailli par la honte.

Les regards réprobateurs qu’il essuyait à présent ne l’aidèrent pas à dissiper ce sentiment. Ce fut finalement Tauric qui vint à son aide. Car en l’absence de l’Immortel et de Melody, le seul pilier de soutien restant était lui.

« Nous avons exprimé quelques réticences à venir ici, mais rapidement, nous avons compris que c’était la seule possibilité qui s’offrait à nous. Alors nous nous sommes installés ici, car nous avons cru au projet proposé par l’Immortel. Cet endroit constitue une formidable opportunité de pouvoir renvoyer ces démons d’où ils viennent. Allons-nous vraiment l’abandonner au moindre coup dur ? »

« Tauric a raison ! J’en ai assez de courir, assez de voir les miens périr en essayant de survivre. Aujourd’hui, nous combattrons pour la victoire ! » se prit à dire le chef orc Kruger.

« Il n’en va pas seulement de notre sécurité, mais aussi d’Alandal. Vous m’avez entendu. À quoi sert cette alliance si on abandonne la colonie ? » ajouta Tauric.

« Je combattrai aussi, intervint à son tour le roi nain. Il faut rapidement rassembler nos forces. L’endroit est tout à fait défendable. »

Finalement, même Graham, le plus opposé à l’idée de défendre la colonie, finit par se ranger à l’opinion de ses camarades. Ils combattraient tous.

« Alors préparons-nous ! » tonna Tauric.

« Pour la coalition ! » lança Latasha d’une voix déchirante.

Le temps de fuir était derrière eux. Il était hors de question d’abandonner la seule possibilité de combattre leurs envahisseurs. Il fallait tenir, le temps que le fer de lance revienne.

 


 

La terre était pauvre, se désagrégeait, et semblait en plus coller aux semelles comme des excréments. C’était à se demander s’il s’agissait réellement de terre… Tout ici était pourri, des arbres recouverts de parasites inconnus à l’air vicié qui avait repoussé jusqu’au souvenir de la vie.

« Pourquoi est-ce qu’elle a placé son temple dans un lieu aussi désolé ? » s’étonna Woojin.

« La déesse a fait vœu de pénitence. C’était donc son choix de… » commença Melody.

« Conneries. » la coupa-t-il.

« Non ! Cette histoire a été passée de générations en… »

« Rien à foutre. L’histoire est créée par des idiots. » l’interrompit-il encore une fois.

Elle aurait pu lui citer une liste de contre-exemples longue comme le bras, mais elle s’en garda. Sans lui, elle n’aurait jamais réussi à arriver aussi loin. Autant de part les créatures terrifiantes avoisinantes que par la longueur du trajet, heureusement raccourci à une journée par le destrier spectral.

« N’empêche, c’est la première fois que je vois quelque chose d’aussi étrange. » lâcha finalement Woojin.

Des ronces aux branchages aussi épais qu’un bras grimpaient haut dans le ciel, mais mortes sur pied, elles laissaient entrevoir leurs racines fossilisées. Du côté des vivants, il y avait une carcasse de wyverne et une autre de ce qui s’apparentait à un ours à huit pattes. Une impression de malaise commença à le gagner.

« C’est quoi, ce machin ? On dirait du pétrole… » remarqua-t-il en voyant un liquide noire particulièrement visqueux et malodorant.

« Nous y sommes presque, réagit Melody. C’est par ici. »

Ce n’était que guidée par sa déesse qu’elle parvenait à se repérer dans ce dédale de mort. Ce fut donc sans hésitation que Woojin la suivit même dans le marais de pois bouillonnant, jusqu’à parvenir face à un gigantesque cratère. C’était comme si une comète y était tombée… Au centre, on devinait vaguement les contours d’un bâtiment recouvert d’une épaisse mousse sombre. Sa structure en épine jurait néanmoins avec le paysage.

« Qu’est-ce que c’est que ce truc, encore ? » demanda Woojin.

« Le temple d’Aria. Nous y sommes. » répondit Melody.

« Tu sais très bien que je ne parle pas de ça. »

Sans attendre de réponse, il s’approcha de la surface du cratère, avant d’entreprendre sa descente. À chaque pas, la terre se dérobait sous ses pieds, et ce ne fut que grâce à des cailloux plus solidement enfoncés qu’il put garder l’équilibre.

« Ils ont une drôle de gueule, ces cailloux… Arrête-toi une seconde, Melody. Ah, c’est bien ce que je pensais. Ce sont des ossements… »

Difficile de dire s’ils appartenaient à des animaux ou à des gens, mais il y en avait des centaines de milliers sur toute la surface du cratère. Ils en formaient le socle dur. Il se remit alors en marche, suivi de près par Melody qui conservait le silence, ce qui ne tarda pas à le perturber.

« Tu es déjà venue ici, hein ? »

« Non, c’est la première fois que je viens ici. »

En tant que nouvelle choisie d’Aria, elle aurait dû entreprendre ce périple bien plus tôt, mais c’était précisément pour cela qu’elle n’avait pas encore de relique sacrée en sa possession.

« C’est… » commença Woojin avant de s’interrompre.

Melody avait défini le lieu comme abritant le temple de la déesse de la prophétie, Aria. Pourtant, plus Woojin s’approchait du cœur, plus sa forme le rendait perplexe.

« On dirait une espèce de pilier. Ça m’a pas l’air stable… »

Cette fois, Melody aurait souhaité lui répondre, mais elle était aussi perdue que lui. La seule chose qu’elle connaissait de ce temple, c’était sa localisation. Woojin, arrivé face à l’étrange structure, repoussa de la main la végétation qui s’y était installée. Il vit alors un contour rectangulaire, dont la forme vint à se définir plus clairement tandis que celle en son centre s’écarta, faisant tomber la mousse. C’était une porte.

« Oh, Aria… » se mit à gémir Melody.

Elle tomba à genoux, submergée par l’énergie incroyable qui se dégageait du lieu pour trouver refuge en elle. Woojin fut quant à lui traversé d’un frisson lorsque ses doutes atteignirent leur paroxysme.

« C’est un vaisseau spatial. » lâcha-t-il.

C’était la seule explication possible… Mais pourquoi ? Qu’est-ce que faisait un vaisseau ici ? Appartenait-il à Aria ? D’où venait-elle ? Il devait obtenir réponse à toutes ces questions, et être prêt à affronter la vérité. C’est ainsi qu’il entra.

Nostra
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