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Chapitre 203 : Aux frontières du réel 1/2

 

La voix de la présentatrice vint enfin briser le trop lourd silence qui régnait au sein de la salle de réunion de la forteresse volante.

Une gigantesque explosion, dont l’origine reste à ce jour inexpliquée, a déclenché une tempête de sable dans le désert de Gobi. Une équipe de recherches y a été dépêchée, afin de vérifier la piste privilégiée, celle d’une invasion.

De par le passé, une telle nouvelle aurait très certainement déclenché de formidables réactions. Néanmoins, dans le contexte actuel, ce n’était plus que très dérisoire. Il y avait eu d’autres invasions, trop d’invasions, aussi ne s’intéressait-on plus vraiment qu’à la survenue de puissants seigneurs dimensionnels.

À l’inverse, pour la poignée d’élus d’Alandal, ce fait revêtait une importance capitale. L’air abasourdi, tous tentaient de voir par-delà l’écran de sable retransmis en direct, à la recherche d’une silhouette.

– Là, dans le coin supérieur droit… Ce ne serait pas lui ? lança Woo Soonghoon d’une voix hésitante, pas trop bien persuadé lui-même du bien-fondé de son intervention.

Jung Minchan lui adressa un regard dénué de toute attention, juste afin de lui signifier qu’il avait été entendu. Insatisfait, Woo Soonghoon se saisit de son téléphone à la recherche d’informations plus fraîches. Il y apprit tout d’abord que la force de l’explosion avait été comparable à celle d’Hiroshima, et trouva ensuite une vidéo amateur, prise d’un autre point de vue que celui des journalistes.

– Oh putain ! C’est un pégase ! Énorme !!!

Il obtint enfin l’attention qu’il désirait tant.

– C’est Shingshi ! s’exclama-t-il.

– On dirait bien, observa Vivie.

– D’où est-ce que c’est filmé ? s’interrogea, plus précautionneux, Jung Minchan.

– Difficile à dire, mais l’auteur est chinois. Il a écrit dans la description que le cheval volant se dirigeait vers l’ouest, lui répondit Soonghoon.

– Hmm… Je ne devrais pas dire ça, mais… vous croyez qu’il est toujours en vie ? se risqua à demander Minchan.

– Bien évidemment ! Notre Roi a survécu à un missile, alors ça… ha ha. Il lui en faut plus que ça, affirma Soonghoon d’un air satisfait.

Un temps soulagés, les cadres d’Alandal se laissèrent à nouveau et rapidement gagner par une certaine appréhension.

– Détendez-vous, il est en vie, lança Vivie d’une voix ferme. Sans quoi je ne serais tout simplement plus là.

Une telle réponse acheva de les rassurer. Néanmoins, ces derniers temps, leur niveau moyen de stress n’avait fait que croître. Surtout pour Jung Minchan. Il n’était plus seulement question des retombées politico-médiatiques de Kang Woojin, mais bien de sa vie. Non que son absence les surprenait, mais ils craignaient aussi de savoir quelle sorte d’horrible vérité il allait encore ramener avec lui.

– Alors, il est parti pour le monde lunaire… réalisa Minchan.

– Probablement. Dites… Que va-t-il se passer si tout ce monde est faux ? s’interrogea Woo Soonghoon.

– Nous allons probablement disparaître, lâcha Kim Haemin, jusqu’alors silencieux.

Vivie ne trouva cette fois pas matière à les rassurer. Elle-même ne connaissait pas les implications de ce fait, aussi se contenta-t-elle d’observer en silence leur désespoir.

Chers téléspectateurs, on m’informe à l’instant qu’une équipe envoyée par la guilde chinoise Limsum pour étudier le phénomène de l’explosion a disparu. Les images que nous allons vous diffuser ont été transmises peu avant que leurs communications ne soient coupées. Attention, ceci peut heurter la sensibilité des publics les plus jeunes.

Le sable était partout. Il rentrait dans les yeux, dans la gorge, asséchait, brûlait et fouettait. Ils continuaient malgré tout à avancer.

– Je ressens une grande énergie magique qui se dégage de…

– Comme si on avait besoin de toi pour le savoir ! vociféra son chef. Dégage-moi ce sable, plutôt.

Le mage s’exécuta aussitôt et forma un gros nuage de sable qu’il balança au loin, afin de nettoyer, un temps durant, leur champ de vision. L’image apparut cette fois plus claire. Au centre de cette tempête de sable se trouvait une silhouette en armure.

– Un golem ?

De fait, il ressemblait davantage à de la matière animée qu’à un être réel. Vivie réalisa aussitôt que ce ne pouvait être Dolsae. Il était constitué de quelque chose d’indéfinissable… ni solide, ni liquide, il ne dégageait que la plus profonde noirceur. C’était de l’énergie pure. La chose balança alors une onde de choc en direction de l’équipe, et la caméra s’effondra au sol. Le signal fut interrompu après un rire profondément dérangeant.

Les autorités chinoises pensent qu’il s’agit d’un nouveau seigneur dimensionnel et préparent déjà une riposte. Si leur équipe d’assaut échoue, l’arme nucléaire sera utilisée.

— L’arme nucléaire, carrément ?! explosa Minchan. N’avons-nous pas assez de problèmes ainsi ?!

– Pre… monsieur le Premier ministre ? l’interpela un employé rentré discrètement dans la pièce. Pékin réclame notre assistance.

– J’imagine que ça concerne le désert de Gobi ? Ils veulent qu’on monte l’équipe d’assaut ?

– Oui, monsieur. La situation est bien pire que ne l’ont révélé les informations. Ce monstre a déjà détruit des villes entières et a déjà atteint la région de Zhejiang.

– Quoi ? C’est impossible qu’il se déplace aussi vite ! tenta de s’opposer Jung Minchan.

– Voilà qui confirme au moins une chose : notre Roi n’est plus là, observa Kim Haemin.

– Pas de quoi se réjouir… lâcha Minchan.

– Ce n’est pas la question. Le fait est qu’on ne peut pas compter sur lui pour le moment. Donc, le monstre se déplace en ligne droite, continua Haemin.

– Il va détruire Beijing… comprit Minchan.

– Non, ça n’a aucun sens.

Kim Haemin sortit une carte et fit un trait à main levée, du désert de Gobi à la région concernée. Il formait bien une ligne droite, mais… ce n’était pas vers la capitale de la Chine qu’il se dirigeait.

– Dieu du ciel… Il se dirige vers Séoul. Vers nous, réalisa enfin Jung Minchan.

Et Woojin qui a disparu… pensa-t-il.

– Monsieur le Premier ministre ! La DND vient de nous prévenir d’une invasion à Busan, il faut qu’on intervienne ! cria un autre employé entré en trombe.

– Il y a plus urgent ! fit un autre. New York est sur le point de tomber !

Paris, Berlin, Londres, Bombay ou encore Moscou… autant d’employés qui vinrent s’engouffrer dans la salle de réunion, tous en proie à la même panique. Minchan les écouta en silence, cédant au désespoir.

Qu’est-ce qu’on va pouvoir faire sans lui… ?

Que ce monde soit ou non réel n’avait finalement plus la moindre importance. Si l’un s’effondrait, l’autre irait avec lui, et en l’absence de l’Immortel, l’opposition s’était passé le mot pour frapper plus fort que jamais.

 


 

C’était comme si on lui avait arraché les membres. Ou peut-être était-ce tout son corps qui lui avait été arraché ?

Aide-moi…

Ne nous abandonne pas…

Pourquoi ne nous as-tu pas protégés ?

Ne pars pas…

Je veux vivre…

Sauve-nous !

Il connaissait ces voix… Les esprits malins étaient revenus le hanter à son plus grand moment de faiblesse. Il n’avait pourtant pas l’impression de rêver. C’était plus comme si… comme s’il n’était plus là. Alors pourquoi sentait-il leur présence ? Leur… chaleur ? Il réalisa soudainement qu’il était conscient et capable de constituer de nouveaux souvenirs. Son corps avait pourtant bien disparu. S’abandonnant, il regarda paisiblement les esprits tournoyer tout autour de lui. Enfin, il était tranquille…

C’est donc ça, la liberté… pensa-t-il.

Si lui-même n’était plus qu’un esprit, peut-être pouvait-il enfin se libérer de leur influence ?

Mouais. Allez, j’me casse.

Sans trop savoir comment ni par quelle force, il vit les esprits s’éloigner de son champ de vision. C’est alors que l’un d’eux, sous la forme d’un papillon, le rattrapa en une fraction de seconde et se posa face à lui. Il battit délicatement des ailes, grossissant à chaque fois, jusqu’à les faire disparaître et révéler une nouvelle silhouette. Son visage lui était familier… Oui, c’était cette petite fille ayant succombé à l’attaque terroriste.

Merci…

Puis une autre silhouette se présenta face à lui.

Ça a été un honneur de combattre à vos côtés.

Il se souvint soudainement de lui. L’un des mercenaires qu’il avait combattus sur Alphène…

Je ne te hais point.

Un vieil homme lui fit une révérence. Il se souvenait de chacun d’entre eux. Ils lui souriaient.

Merci.

Que leur répondre ? Il n’avait pas réussi à les sauver… Tourmenté par la culpabilité, il cherchait à comprendre pourquoi ils s’assemblaient autour de lui. Cependant, leur présence ne le tourmentait plus. Au contraire, leurs âmes redevinrent aussi pures que lors de leur première rencontre, et ils le regardaient. Ou, plus exactement, veillaient-ils sur lui.

 


 

– Nous sommes prêts, Capitaine, signifia un soldat en armure, le visage recouvert d’un masque à gaz.

– Un instant. Je dois d’abord contacter Toppler, lui répondit le Capitaine Léon.

Pressant une touche de l’appareil électronique attaché à son bras gauche, le Capitaine Léon fut immédiatement mis en communication avec l’intéressé.

– Alors, vous avez réussi ? lui demanda-t-il.

– Non… fut forcé d’admettre le professeur Toppler.

– Grmpf. S’il n’a toujours pas le code, il ne servira à rien de le déconnecter.

– Je suis au courant de cela, Capitaine Léon. C’est pour cette raison que j’ai ordonné à Kim Kangjul de s’en charger, mais il faudra lui aussi l’extrader.

– Bien. Commençons par lui, le code de récupération est plus important, prit-il pour décision.

– J’en prends note. Je vous recontacte dès qu’il est en sa possession.

– Attendez, Toppler. Où se trouve Kim Kangjul, actuellement ?

– Proche de la Gare de Séoul.

Les deux hommes devaient donc se trouver sensiblement au même endroit… Après avoir raccroché, le Capitaine Léon ordonna à l’un de ses hommes de préparer une seconde civière et se mit en route en tête de file. La route n’était reconnaissable que d’après ses souvenirs… Une dizaine de minutes plus tard, il parvint avec ses hommes à hauteur d’un escalier aux marches par endroits brisés.

– Nous n’avons que dix minutes pour récupérer les deux éveillés. Autant vous dire qu’on a intérêt à se magner ! cria-t-il soudain.

– Oui, chef !

– Capitaine, je suis prêt à désactiver la barrière magique.

Celui-ci jeta un rapide coup d’œil autour de lui. La gare de Séoul… Oui, ils étaient au bon endroit. C’était bien ici que le véritable corps de Kang Woojin était connecté.

– Allez-y, désactivez-la, se décida-t-il.

 


 

Il existait un endroit au sein de la forteresse volante digne de porter à son tour le titre de forteresse. Cet endroit, c’était la chambre de la jeune Sooah. Des tourelles balistiques automatiques avaient été installées à proximité, et de très nombreux gardes restaient en poste jour et nuit. Sooah n’était pas prisonnière, néanmoins vivait-elle tout comme. Elle avait toutefois grandi trop vite pour s’exprimer à ce sujet. Sooah comprenait parfaitement les implications de son rôle.

– Ma pauvre petite fille, quel enfer on te fait vivre… geignit sa mère.

– Tout va bien, maman. Je sais que c’est pour me protéger… j’aimerais juste que mon grand frère pense à me rendre visite.

– Oh, tu sais… Il est très occupé, ton frère, balbutia Lee Soogyong.

En vérité, Kang Woojin s’éloignait volontairement d’elle pour des raisons que lui seul comprenait.

– J’espère que la guerre sera bientôt terminée, changea de sujet Sooah.

– Et moi donc ! s’exclama sa mère.

– Jiwon devait venir me voir, non ?

– Oui, elle sera bientôt là. Je l’ai croisée en venant te retrouver.

Toujours les mêmes conversations depuis des jours… les deux n’avaient plus grand-chose à se dire, en l’absence de nouvelles stimulations. Ce fut donc avec une excitation toute particulière que Lee Soogyong se leva pour ouvrir la porte, après y avoir entendu frapper.

– Excusez-moi… commença l’homme.

Ce n’était pas l’employé normalement en charge de lui apporter ses repas et de nettoyer la chambre. Celui-ci était bien plus grand.

– Qui… qui êtes-vous ? lui demanda la mère, méfiante.

– Ha ha. Mon nom est Kim Kangjul, se présenta-t-il.

– Que voulez-vous ? Les gardes sont…

– Je suis là pour sauver le monde, la coupa-t-il.

Nostra
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