TheDAB : Chapitre 13
TheDAB : Chapitre 15

Chapitre 14

Un Dao Légendaire !

 

« Lance le dé, Shi Kun ! Quel est ton destin ?! » Le patriarche était reparti dans une folie délirante. Mais pourquoi parlait-il sans arrêt du destin avec tant de conviction, comme s’il était prêt à sacrifier sa vie si un lancer de dé le lui demandait ?! Shi Kun ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait dans cette vieille tête.

Totalement désemparé, conscient que le cultivateur à la puissance hors-norme assis en face de lui n’avait pas l’intention de lui laisser un quelconque choix, Shi Kun eut envie de pleurer mais fut incapable de trouver les larmes nécessaires.

Il leva la main comme si tout le poids du monde pesait dessus, comme s’il allait se saisir de l’arme pour mettre un terme à ses jours, comme si… comme si c’était là la toute dernière chose qu’il désirait faire dans sa vie. Mais il savait également qu’il ne disposait pas d’autre choix. Si on pouvait le dire ainsi, son destin était désormais de lancer ce dé quoi qu’il arrive… La pression émise par le patriarche était suffisante pour l’en convaincre. Il n’irait nulle part tant qu’il n’aurait pas lancé ce dé.

Alors il se résigna ; Shi Kun se saisit du dé et le fit rouler, lentement, si lentement qu’on aurait pu croire qu’il s’était contenté de le déposer sur la table. Son visage grimaçant exprimait toute la douleur de son âme à mesure qu’il voyait le regard du patriarche s’illuminer.

Le dé tourna tout de même comme par magie, pivotant et se renversant plusieurs fois au ralenti. Lorsqu’il s’arrêta enfin, le patriarche Destinée ouvrit de grands yeux.

« 10 ?! Tu as réellement obtenu un 10 ! Shi Kun, mon garçon, ton destin est irrévocable ! Tu vas créer un grand Dao ! » Le patriarche éclata de rire et se saisit de la carafe d’alcool pour la vider d’un seul coup.

« Pouaaah ! Fêtons ça ! Tavernier, trois carafes de plus ! » Le patriarche Destinée ne lésina pas sur la quantité d’alcool qu’il finit par boire. Il en proposa tout autant à Shi Kun et le patriarche put constater que malgré le dantian de Shi Kun sur le point de percer vers le 1er niveau de la maîtrise du qi, il ne montrait plus de signe de progression en ce sens comme s’il était plein et n’acceptait plus de recevoir une quelconque dose d’énergie spirituelle. Évidemment, son destin était de créer un grand Dao ; il fallait le préparer pour ça. En le créant, il percerait au 1er niveau de la maîtrise du qi et s’engagerait sur la voie réelle de la cultivation, une voie sans retour vers la longévité et qui sait… l’immortalité ?

Au bout d’un long moment, le patriarche se leva et posa ses mains sur la table.

« Shi Kun. Tu es disciple de ma secte de la Porte Azure, désormais. Mais ne rêve pas. Même si je t’ai recruté en personne, tu ne bénéficieras d’aucun traitement de faveur. Je sais, je sais ce que tu te dis… Je vais me reposer sur le fait d’avoir été recruté par le patriarche en personne pour obtenir des faveurs et des droits spéciaux au sein de la secte. Mais cesse de t’imaginer au-dessus des autres, tout de suite ! Tu seras un disciple égal à tous les autres disciples. Tu vas entrer dans la secte extérieure comme tout le monde, et si tu montres assez de talent, plus tard… on en parlera le moment venu. »

Shi Kun écouta le patriarche monologuer pendant un moment, sa peur des responsabilités se changeant progressivement en un large sourire rassuré. Oui ! Finalement, la secte voulait bien de lui et Il n’allait pas être un disciple spécial ! Il pourrait alors rattraper son plan initial et ne jamais cultiver jusqu’au 3ème niveau de la maîtrise du qi. Ainsi, il n’aurait jamais besoin d’effectuer des missions et il pourrait vivre au sein de la secte sans jamais courir le risque de se faire harceler à l’extérieur.

Les larmes coulèrent sur les joues de Shi Kun tandis qu’il réalisait qu’en fin de compte, tout allait s’arranger pour lui. Il allait tout de même pouvoir prétendre à sa vie paisible… Le patriarche leva les sourcils, un peu surpris et désolé à la fois, compréhensif mais ferme.

« Je sais. Je sais, oui. Je comprends. Ce n’est pas tout le monde qui est recruté par le patriarche en personne, et tu t’attendais certainement à ce que je te prenne sous mon aile afin de te fournir aides et ressources afin de t’aider à cultiver rapidement. Mais il faut que tu comprennes, toi aussi… La facilité est l’ennemie de l’efficacité. Vouloir tout recevoir trop facilement te sera néfaste à long terme. » Fier de sa tirade, le patriarche se redressa, les mains sur les hanches et un large sourire sur le visage. « C’est ce que disait toujours mon propre maître et j’ai moi-même vécu une cultivation difficile… Regarde où j’en suis aujourd’hui ! »

Shi Kun se rendit compte que le patriarche disait réellement des choses pareilles pour son bien. Bien entendu, ç’aurait été utile et pertinent si Shi Kun avait décidé de cultiver sérieusement. Mais pourquoi s’engager dans une voie compliquée, fatigante et dans laquelle il fallait sans cesse méditer – et non dormir ou paresser ? Shi Kun ne pouvait qu’imaginer la force mentale nécessaire à un tel travail.

En revanche, il savait que le patriarche le voulait dans sa secte et leurs intérêts semblaient se retrouver dans ce point en particulier. Aussi ne répondit-il rien et se contenta-t-il de hocher la tête avec résolution. Oui, je vais entrer dans la secte, j’accepte, voilà ce que disaient ses yeux.

« Ha ha ! J’aime ce regard, mon garçon, tu iras loin ! » Le patriarche Destinée fit le tour de la table et plaça ses mains sur les épaules de Shi Kun. « La première chose essentielle, pour toi dont le destin est de créer un grand Dao, est de créer ce grand Dao ! Allons-y immédiatement. Je superviserai moi-même la chose, exceptionnellement. »

Il avait bel et bien promis de ne pas faire d’exception pour Shi Kun et de ne pas le considérer différemment des autres disciples mais il ne fallait pas oublier qu’il était outrageusement intéressé par le fonctionnement de ce dantian bien particulier. Aussi fit-il une légère entorse à sa promesse et annonça-t-il qu’il allait s’occuper en personne de la création du Dao de Shi Kun.

« Viens, mon garçon. En tant que Disciple de ma secte de la Porte Azure, tu dois créer ton Dao ! »

Shi Kun se sentit tout à coup oppressé, obligé de faire une chose qu’il savait qu’il allait regretter. Son intuition le trompait souvent et il était alors persuadé que c’était le cas une nouvelle fois et il secoua la tête. Il finit tout de même par tenter de s’extirper de cette situation.

« Non, je… je suivrai un autre Dao… Il en existe qui sont plutôt bons, n’est-ce-p… »

« Hors de question ! » Le patriarche lui coupa la parole aussi vite qu’un coup de fouet. « Ton destin ne peut être évité ! Tu dois créer un grand Dao et tu le feras ! En tant que patriarche, je t’interdis de suivre un Dao que tu n’auras pas créé toi-même ! »

Shi Kun eut envie de pleurer à nouveau mais il avait déjà versé toutes les larmes à sa disposition. Voyant son expression crispée et torturée, le patriarche tenta de le rassurer à nouveau.

« Je sais que tu appréhendes ce moment. Tu te retrouves propulsé dans le monde de la cultivation d’un seul coup sans l’avoir demandé. Évidemment que tu as peur, que tu hésites, que tu ne sais pas par où commencer. Il est si simple de suivre un Dao déjà existant et exploré par un autre ! Mais mon garçon, tes peurs n’ont pas lieu d’être. Tu y arriveras, je le sais. C’est ton destin. »

Shi Kun tenta alors de paraître le plus calme et imperturbable possible afin que le patriarche cesse de comprendre chacune de ses paroles et expressions de travers. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Son visage redevint serein tandis qu’il se créait mentalement une situation idyllique.

« Un beau ciel de printemps, des nuages blancs fuyants, de l’alcool à portée de main… » Shi Kun commença à sourire en se répétant tout ça dans sa tête encore et encore, les yeux fermés. Il se calma totalement et rapidement.

Voyant son nouveau disciple réagir ainsi, le patriarche se rassura dans son cœur.

« Quand on allume une bougie, on crée une ombre. Il n’y a pas de bon sans mal, une réussite sans difficultés est vide de sens. Disciple Shi Kun, mon garçon, tu as un esprit sage. Je le vois. Tu as réussi à trouver l’équilibre mental nécessaire à la méditation, comme s’il s’agissait de quelque chose de naturel pour toi. Tu iras loin ! Maintenant, viens. Il est temps de nous rendre à la Pagode du Dao. » Le patriarche emmena Shi Kun à l’extérieur, le sortant de sa rêverie au passage.

Le patriarche s’envola, emportant avec lui Shi Kun qui n’eut pas la moindre occasion de protester. Tous deux arrivèrent rapidement à la Pagode du Dao. Shi Kun avait déjà entendu lors de sa première visite que c’était là qu’on définissait son Dao.

« Regarde cette immense stèle de pierre. » Le patriarche désigna une énorme plaque de pierre à l’extérieur de la Pagode du Dao. Dessus étaient gravés des milliers, ou peut-être des millions de noms ; tous étaient accompagnés de termes particuliers.

« Huang Bao, Dao du Destin Implacable… » Shi Kun lu une ligne totalement au hasard à voix basse, comme s’il était inspiré par un pouvoir venu d’au-delà des cieux.

« … » Le patriarche ne put s’empêcher de froncer légèrement les sourcils mais montra rapidement des signes d’une excitation qu’il ne parvint pas à contenir.

« Ooohhh… Parmi tous ces noms, tu as lu le mien en premier. » Ses yeux brillaient d’une étrange lueur. « Le destin t’as réellement envoyé vers moi pour que je t’aide à créer ton Dao ! »

Il l’attrapa à nouveau par les épaules.

« Shi Kun. Sur cette stèle se trouvent le nom de tous les cultivateurs ayant un jour créé leur Dao. Toi aussi, tu vas y apparaître, mon garçon ! »

Shi Kun ne parvint pas à comprendre ce que signifiait le fait de créer un Dao. Après tout, s’il s’agissait de la voie que l’on suivait dans la vie, à quoi bon la créer ? Elle existait déjà, chacun était libre de vivre comme il l’entendait. N’était-ce pas déjà là l’expression du Dao la plus basique ?

Remarquant ses interrogations évidentes, le patriarche s’éclaircit la gorge.

« Créer un Dao n’est pas chose évidente. Tout d’abord, il faut avoir une foi infaillible en ses convictions. Ensuite, il faut réellement désirer vivre pour son Dao, cultiver son Dao, mourir pour son Dao. Lorsque ces trois points deviennent clairement évidents pour un cultivateur, alors les cieux et la terre reconnaissent officiellement son droit de prétendre à son Dao ! Il s’agit alors de bien plus qu’un simple mode de vie. C’est une conviction à l’état brut, ce qui se fait de plus pur et de plus honnête envers le cœur d’un cultivateur ! N’importe qui peut prétendre avoir une ligne de vie, mais seul un cultivateur désirant tout offrir pour aller au bout de ses convictions sera reconnu par les cieux et la terre ! » Le patriarche serrait le poing en regardant vers les cieux, totalement épris de son propre monologue. Mais il fallait comprendre que la création d’un Dao n’était pas chose aisée. Pour un cultivateur, cela passait par l’abnégation la plus totale. Il devait se perdre dans son Dao afin d’en faire une réalité devant les cieux et la terre. Il existait certes des milliers et des milliers de Daos sur cette stèle, mais elle ne dénombrait pas tous ceux qui n’avaient pas réussi là où une poignée avait rencontré le succès.

Certains passaient même plusieurs années enfermés dans la Pagode du Dao avant de parvenir à s’immerger totalement dans leur voie, à ne faire qu’un avec leurs convictions au point de les imposer aux cieux et à la terre. Évidemment, à ce niveau de la maîtrise du qi, ils devaient manger et dormir régulièrement et cette simple contrainte rendait la tâche encore plus ardue.

« Vois-tu tous ces Daos ? » reprit le patriarche, « la plupart possèdent un mot unique. Celui-ci par exemple : le Dao de la fraternité. Le disciple qui l’a créé voit tous les disciples de notre secte de la Porte Azure comme ses frères. Celui-ci, le Dao de la Porte… Le disciple qui en est à l’origine voit la vie d’une étrange façon. Chaque chose qu’il fait est pour lui une épreuve, une porte à franchir vers un lendemain nouveau. C’est son Dao. »

« Je vois… » Shi Kun n’était pas idiot et comprenait parfaitement où le patriarche voulait en venir. « Donc le vôtre… »

« Mon Dao du Destin Implacable… Exact. Composé de deux mots, il s’agit d’un Dao épique. Les cieux et la terre l’ont reconnu ainsi. C’est un Dao qui possède une puissance et une signification plus profondes et plus grandes qu’un Dao classique. » Fier de lui, le Patriarche ajouta que seuls un nombre très limité de Daos étaient reconnus ainsi par les cieux et la terre.

« J’en vois un à trois termes, là. » Shi Kun ne perdit pas le nord et après avoir balayé une partie de la stèle du regard, il tomba sur le Dao de la Plénitude Céleste Spirituelle.

« Ceci… » Le patriarche hésita un moment avant de continuer. « Il s’agit du seul Dao légendaire que notre secte de la Porte Azure a nourri. Ne parlons pas de ce cultivateur, il… ses idées n’étaient pas… Il a mal tourné. »

« Mal tourné ? » Shi Kun se gratta le menton, l’air perdu dans ses pensées. Ne trouvant pas de Dao à quatre termes, il finit par poser la question.

« Un Dao supérieur au Dao légendaire ? Haha… Cela n’existe pas. Il y a effectivement le Dao divin, mais… les anciennes légendes racontent qu’il ne peut être créé. Seul un Dao légendaire peut devenir divin lorsque les cieux et la terre ont non seulement reconnu le Dao de la sorte mais que le cultivateur a réussi à le leur imposer après une lutte acharnée contre les cieux. »

« Je n’ai rien compris. » avoua Shi Kun.

Le patriarche se mit à rire franchement et amicalement.

« Ha ha ha ha… Ce n’est pas grave. Ton destin est de créer un grand Dao. Sans parler de Dao légendaire qu’une seule personne a réussi à créer, je suis persuadé que toi aussi, tu seras capable de créer un Dao épique… C’est une certitude ! Maintenant, entre, mon garçon. Entre et ne reviens que lorsque les cieux et la terre auront reconnu ton Dao ! »

Raka
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11 thoughts on “TheDAB : Chapitre 14

  1. Merci pour ce chapitre. 

    Si on devait le résumer, ce serait : comment enchainer les malentendus ? Bon, ce n’est pas du niveau de Grid dans Overgeared mais ça reste marrant ^^. Et on pari combien que Shi Kun va avoir un Dao légendaire :p ? Je ne sais pas pourquoi mais je sens que la vie veut faire chier celui-ci et ce serait dommage de s’arrêter en se bon chemin :p.

  2. Merci pour le chapitre

    Moi j’ai le Dao de la paresse calme sereine tranquille gourmande infini ,c’est un Dao divin légendaire enroulé dans du saumon de Norvège.

  3. Merci Raka 🙂

    Je le vois bien récupérer un dao à genre 3.5 mots histoire de jamais faire comme tout le monde 😀

  4. Bonjour Raka,

    J’ai remarqué cette utilisation du mot « Dao »
    au pluriel qui me laisse dubitatif. 

    Je cite :
    « « Vois-tu tous ces Daos ? » reprit le patriarche »

    D’où vient elle ? Est elle couramment utilisée ? Est ce que c’est correct ?

    1. Pourquoi le lait qui bout déborde ? Pourquoi c’est douloureux les caries ? Pourquoi la ratatouille ? Qu’est-ce que l’univers ?

      Pourquoi ne serait-ce pas correct ? C’est un nom commun tiré du chinois. Tu dis bien une voie, des voies, un chemin, des chemins. Un dao, des daos.

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