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Chapitre 42

Le gouffre insondable

 

Le patriarche et Shi Kun arrivèrent bien rapidement chez ce dernier. Sans lui laisser le temps de prendre les devants, il se mit à lui expliquer la raison de ses paroles.

« Shi Kun. C’est peut-être un peu spécial, mais tu as gagné. On ne peut plus remettre en cause cette victoire même si je suis persuadé qu’elle va laisser un goût amer aux autres participants. »

Il prit une profonde inspiration et soupira.

« Tu es peut-être la dernière personne à mériter et à vouloir la récompense offerte au vainqueur, mais c’est ainsi : il est de mon devoir de te l’offrir. Si tu n’en veux pas, alors tant pis. »

Une récompense ? Shi Kun tendit l’oreille tout en faisant mine de ne pas être plus intéressé que ça. Après tout, il avait réellement gagné. Si avec cette victoire venait un gain substantiel, pourquoi le refuser ? Faire la fine bouche ne le mènerait jamais bien loin dans la vie, c’est ce que la rue lui avait appris.

Voyant que Shi Kun ne réagissait pas outre mesure, le patriarche continua sur sa lancée.

« Pour une durée de trois jours, tu vas avoir le droit d’entrer dans le gouffre insondable, si tu le désires. »

« Le gouffre insondable ? Non merci. » Shi Kun réagit au quart de tour en entendant la proposition. Entrer dans un endroit secret de cultivateur qui servait sans doute à cultiver plus efficacement ? En quoi pourrait-ce lui être profitable ? De plus, le nom ne disait rien qui vaille ; rien que l’entendre laissait déjà Shi Kun imaginer les dangers qu’il pourrait receler. Peut-être même des créatures dangereuses !

Il était hors de question d’y mettre les pieds.

Naturellement, le patriarche voyait ça comme le plus grand des gâchis. Le gouffre insondable était un royaume dimensionnel, une espèce de poche dans la réalité, un univers miniature dans lequel on pouvait entrer par des endroits bien particuliers. Celui-ci était encore plus spécial parce qu’il était lié à la formation de l’arène du tournoi auquel Shi Kun venait de participer. Seul le vainqueur pouvait prétendre entrer dans le gouffre insondable et en serait exclu trois jours plus tard, automatiquement.

« Shi Kun… Tu sais, dans le gouffre insondable… » Le patriarche ne pouvait que soupirer en secouant la tête, espérant de tout son cœur pouvoir convaincre Shi Kun de changer d’avis même s’il savait que les chances étaient aussi minuscules qu’une goutte d’eau dans une rivière.

« Non merci. Le gouffre insondable porte un nom dangereux. Je ne vis pas pour prendre des risques et me mettre en danger, Patriarche. Je décline cette offre avec conscience. » Shi Kun sut refuser l’invitation tout en ne manquant pas de respect envers le patriarche mais ce dernier chercha toujours un moyen de le faire changer d’avis.

« Que comptes-tu faire, maintenant, mon garçon ? » demanda-t-il soudain. Après tout, Shi Kun restait encore relativement impossible à appréhender et ses actions étaient encore fortement imprévisibles pour le patriarche.

« Maintenant ? » Shi Kun fut un peu pris au dépourvu par la question. Qu’allait-il faire ? Il ne prévoyait jamais énormément de choses dans un avenir proche. Qu’allait-il pouvoir répondre pour que le patriarche le laisse un peu tranquille ?

« Je… J’ai prévu de continuer à distiller de l’alcool… » Peut-être ainsi le laisserait-il faire puisqu’il savait désormais que l’alcool spirituel était lié de près à sa base de cultivation.

« Distiller de l’alcool, hein ? Avec ces pêches spirituelles de mauvaise qualité ? »

« Eh ? Oui. Je n’ai pas vraiment le choix. Il faut que je maîtrise le processus du début à la fin pour obtenir un alcool spirituel de bonne qualité. Et les pêches sont le seul fruit spirituel que je peux acheter avec ce que me donne la secte chaque semaine. » Totalement honnête, Shi Kun étala son problème au patriarche dans l’espoir que celui-ci, au lieu de lui donner l’autorisation d’accéder à une zone dans laquelle il ne voulait pas aller, pourrait peut-être augmenter sa réserve de pierres spirituelles.

« Connais-tu le prix des fruits spirituels plus rares ? Un disciple de ton niveau ne peut pas aisément se les procurer. » Le patriarche Destinée commençait à voir l’issue par laquelle il sortirait de son dilemme.

« Oui ! Je les ai vus ! Ils sont si chers… »

« Dans le gouffre, tu auras trois jours pour ramasser autant de fruits spirituels que tu le désires, le sais-tu ? Puisque personne n’y met jamais les pieds plus de trois jours par an, c’est un monde presque vierge, et les fruits spirituels plus rares y poussent à foison. »

Le patriarche fit mine d’avoir prononcé ces quelques mots sans se rendre compte de leur répercussion et se mit même à observer les environs en chantonnant un petit air, tout bas dans sa barbe. Shi Kun, de con côté, sentit un éclair lui traverser l’esprit.

« Des fruits plus rares… gratuits ?! »

Avant de réaliser soudain où se situait le piège.

« Je n’ai pas de sacoche spirituelle pour les stocker. Et l’endroit reste très probablement dangereux. Si personne n’y entre jamais, les monstres doivent y pulluler. » Shi Kun secoua la tête d’un air désolé et résolu. Non, il n’irait pas, malheureusement. Il devrait faire un trait sur ces fruits spirituels et continuer à distiller de l’alcool de pêche spirituelle pendant longtemps encore.

Après tout, il avait décidé de cultiver bon gré mal gré jusqu’à un niveau plus élevé. Puisqu’il était obligé d’effectuer des missions, alors il cultiverait jusqu’à pouvoir effectuer les plus simples d’entre elles simplement en claquant des doigts.

Pour ça, il devrait comprendre et maîtriser à la perfection la technique de fermentation et le raffinage de l’alcool spirituel en lui-même. Il n’avait d’autre choix. Après avoir consommé son Déchet lors de son avant-dernier combat, il pouvait sentir que ses méridiens étaient légèrement obstrués par des impuretés qui ne partiraient pas de là tant que Shi Kun n’aurait pas percé au 3ème niveau de la maîtrise du qi. En boire plus était hors de question. Son but actuel était clair comme la neige : il lui fallait distiller de l’alcool spirituel de plus haute qualité et contenant moins d’impuretés.

« Dangereux ? Mais… » Le patriarche fut légèrement pris à mal. Effectivement, Shi Kun ne savait réellement rien de tout ça, et c’était la première fois qu’il entendait parler du gouffre insondable. « Tu sais, le gouffre est totalement vide. Il s’agit d’un réseau de grottes souterraines labyrinthiques dont on ne peut atteindre le fond en trois jours à peine. Aucun être vivant ne peut être trouvé dans ce royaume dimensionnel. Tu ne risques rien : trois jours après y être entré, tu en seras tiré de force, où que tu sois. »

« Oh… Je vois. » Si c’était vrai, alors il s’agissait vraiment d’une récompense dont il pourrait réellement profiter. Trois jours de récolte de fruits spirituels rares, gratuitement ? Shi Kun sentait qu’il était même prêt à laisser de côté l’heure de la sieste pour trois jours, rien que pour ça.

Mais il restait l’autre problème. Comment transporter trois jours de butin ? C’était impossible et il n’avait pas assez de crédits pour se procurer une sacoche spirituelle. Le patriarche lui adressa un sourire, conscient qu’il était sur la bonne voie. Il ne lui restait plus qu’à porter le coup de grâce.

« Pour ton autre problème… Je pourrais te prêter l’une des sacoches spirituelles dont je ne me sers pas… » Le patriarche lâcha ça comme s’il s’agissait d’une invitation à boire le thé, des paroles sans importance ; Shi Kun y réagit vivement en revanche.

« Une sacoche spirituelle de patriarche ?! Elles doivent être si rares ! »

En réalité, le patriarche avait prévu de lui confier une sacoche basique, à peine de quoi stocker trois jours de récolte. Mais en entendant la remarque de Shi Kun, il fut pris d’un léger sentiment de culpabilité. Après tout, il voulait absolument envoyer Shi Kun dans le Gouffre insondable ; l’énergie spirituelle y était dense et elle avait de quoi donner envie même aux cultivateurs les plus récalcitrants. Le patriarche était persuadé que Shi Kun se laisserait définitivement tenter.

Mais voilà que ce dernier s’était mis dans la tête de recevoir une sacoche spirituelle de patriarche ? Non seulement ce n’était pas correct du point de vue de l’équité mais même en tant que patriarche, il ne possédait que des sacoches spirituelles basiques, à l’exception de la sienne personnelle, qui était un artefact extrêmement rare pouvant contenir plusieurs montagnes.

Le patriarche avait sué sang et eau pour l’obtenir, plusieurs dizaines d’années auparavant. Les sacoches spirituelles aussi convoitées que celle-ci étaient si rares que même lui n’en avait croisées que trois durant sa longue vie.

« Shi Kun, je… Pour ça, hum… » Il ne savait pas comment lui dire que ce n’était pas possible sans pour autant le dissuader de descendre dans le Gouffre malgré tout. Devait-il lui offrir plusieurs sacoches spirituelles de base ? Cela allait à l’encontre des règles. Une sacoche spirituelle s’achetait grâce aux crédits obtenus lors des missions réussies. Shi Kun était loin de pouvoir s’en offrir une.

Et puis que sous-entendrait un disciple de son niveau qui arriverait avec plusieurs sacoches spirituelles à sa hanche ? La sacoche spirituelle était le seul objet au monde que l’on ne pouvait pas faire entrer dans une autre sacoche spirituelle…

« Ainsi, je pourrai récolter tous les fruits que je désire. En trois jours, cela risque d’être fatigant, mais il faut que je regarde plus loin. Je vais réaliser un bénéfice immense, c’est une bonne fortune sans précédent. Percer au 3ème niveau de la maîtrise du qi, oui. Je pourrai alors le faire grâce à ces fruits rares. » Shi Kun réfléchissait à voix haute et prévoyait déjà d’atteindre les sommets de la maîtrise du qi en concoctant des alcools spirituels rares ; ainsi, il serait enfin tranquille.

Le patriarche l’entendit et réagit aussitôt.

« Il a réellement décidé de se mettre à cultiver ? Il a bien dit qu’il souhaitait trouver ces fruits pour percer au 3ème niveau de la maîtrise du qi ? Alors mon plan a fonctionné ! L’obliger à faire des missions a bel et bien mis un terme à son envie de ne pas cultiver ! » Totalement extatique, le patriarche se surprit à sourire d’une oreille à l’autre. Finalement, que représentait une sacoche spirituelle face à ce Dao légendaire, futur pilier de la secte ?

« Je peux bien la lui prêter pendant trois jours… Après tout, il me la rendra. »

Ayant pris sa décision, le patriarche hocha la tête d’une manière résolue tout en observant l’étincelle d’anticipation dans les yeux de Shi Kun. Ce dernier laissait une impression mitigée au patriarche depuis la première fois qu’il l’avait vu : lorsqu’il n’était pas complètement séduit par son Dao légendaire et l’avenir sans limites que Shi Kun pouvait avoir, il voyait un disciple fainéant qui ne désirait pas cultiver.

Pour la première fois, il sentit que quelque chose avait changé. Ce disciple avait, de lui-même, annoncé qu’il voulait percer ! Ce simple état d’esprit méritait toutes les concessions du monde.

« Je vais bien entendu te prêter ma sacoche spirituelle personnelle, Shi Kun. Mais attention ! Tu devras me la rendre lorsque tu sortiras. Et elle contient un certain nombre de choses que je n’ai pas… hm… pas envie de sortir, alors je me contenterai de les sceller à l’intérieur grâce à une formation spéciale. Tu n’y auras donc pas accès. » Le patriarche possédait en effet plus d’une montagne d’objets en tous genre ; les retirer de la sacoche provoquerait plus de souci qu’il ne pouvait gérer.

Il allait donc simplement créer une formation spirituelle isolant toute une partie à l’intérieur de la sacoche spirituelle, empêchant ainsi Shi Kun d’y regarder d’un peu trop près. La différence entre leurs bases de cultivation le lui assurerait.

« Tu pourras récolter tous les fruits que tu désires. Il y a dans le Gouffre plusieurs endroits… Des vastes vergers, des jardins luxuriants, et tout ça sera à toi, rien qu’à toi. Si tu ne perds pas de temps, tu pourras récolter des milliers de fruits spirituels en tout genre. Lorsque tu ressortiras, je te laisserai les utiliser pendant quelques semaines s’il le faut. Dans la sacoche spirituelle, ils ne pourriront pas. Lorsque tu auras terminé, tu pourras me la rendre, mais attention ! Je surveillerai ça de près. Je ne compte pas la perdre. »

Le patriarche soupira. Il soupira à la fois de bonheur et de résignation.

« Quand désires-tu partir ? » Persuadé que Shi Kun allait vouloir prendre un peu de repos avant de descendre dans le Gouffre, il secoua la tête.

« Oh ? Tout de suite ! » Contre toute attente, Shi Kun décida de ne pas faire traîner la chose. Après tout, il fallait qu’il passe par là et même s’il n’avait pas très envie de passer trois jours à cueillir des fruits, son salut y était lié.

« Paresseux mais pas stupide. » Le patriarche hocha la tête avec surprise et retira sa sacoche spirituelle. Il effectua un geste de la main avant de la plonger dans la sacoche.

« Voilà. Il y a désormais une formation spirituelle qui sépare mes affaires personnelles de ce que tu y mettras. J’y ai également laissé un petit quelque chose qui me permettra de la retrouver si jamais tu devais la perdre. On n’est jamais trop prudent. »

Shi Kun attrapa la sacoche spirituelle du patriarche, les yeux emplis d’étoiles filantes et le sourire déchirant son visage d’une oreille à l’autre.

Raka
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12 thoughts on “TheDAB : Chapitre 42

  1. Pauvre patriarche… il aurait du sortir ses affaires je pense.
    C’est dur l’éducation d’un enfant à problème. Tu as beau savoir qu’il ne va pas faire ce que tu attend, tu as quand même foi en cette personne…et paf la cata. Alors si en plus tu rajoute de l’alcool sur le feu ^^

    Merci Raka

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