TheDAB : Chapitre 51
TheDAB : Chapitre 53

Chapitre 52

 

« P… Profiter ? Comment ça ? Que veux-tu dire par là ? » Shi Kun ne comprit pas bien ce qu’il pouvait obtenir de ces cultivateurs qui n’étaient finalement que les marionnettes de l’Orgueil.

« Ah… » La Paresse soupira, blasée de devoir tout expliquer à Shi Kun. « Tu as besoin de devenir puissant. Il te faut de l’alcool spirituel, c’est certain. Tu possèdes des fruits rares et exquis mais les utiliser à ton niveau serait du gâchis. Tu ne maîtrises pas bien la technique de fermentation et de distillation alors pourquoi ne pas ne pas simplement leur demander des fruits et des légumes spirituels ? Tu pourrais à la fois t’entraîner et progresser gratuitement. »

Que la Paresse veuille que Shi Kun s’entraîne et fasse des efforts était quelque peu étrange. Shi Kun ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas simplement proposé de leur laisser faire tout le travail. Mais finalement, il y avait quelque chose de vrai dans ce qu’elle disait.

Un jour, Shi Kun atteindrait le point qu’il s’était fixé dans sa cultivation. Il allait s’arrêter quelque part avant d’atteindre le stade de l’Établissement des Fondations afin de vivre une vie tranquille dans sa secte de la Porte Azure. Pourquoi parler d’un avenir dans lequel il serait tout-puissant, pourrait invoquer des démons incroyables et plier le monde à sa volonté ? Tant qu’on le laissait dormir en paix, il n’avait aucun besoin de tout ça.

Cependant, à quoi bon tenir tête à la Paresse ? Peu importait à Shi Kun que son démon gardien comprenne ce qu’il ressentait. Et puis… ce devait déjà être le cas. N’avait-elle pas été choisie par les cieux parce que leurs caractères étaient semblables ? Elle le comprenait forcément et devait adhérer à ce genre d’idée.

« Bon. Que dois-je faire ? » Shi Kun finit par abandonner tout naturellement. Pourquoi ne pas se laisser guider, après tout ? S’il pouvait atteindre la perfection plus tôt que prévu, il pourrait alors rentrer sans craindre que le patriarche ne lui tombe sur le dos. Il pourrait montrer qu’il s’était arrêté pour cultiver, il pourrait raconter qu’il avait rencontré une bonne fortune, quelque part dans la nature sauvage. Qui irait le contredire ?

En réalité, il se voyait déjà se dorer la pilule en laissant ces cultivateurs béats faire tout le boulot. Oui, c’était un plan parfait. Il pourrait récolter les bénéfices d’un travail qui n’était pas le sien tout en se reposant pendant tout ce temps.

« Oh, oh… Je sais ce que tu penses. » La Paresse esquissa un sourire et jeta un seau d’eau sur les ardeurs de Shi Kun. « Tu vas devoir t’entraîner, Shi Kun. Il est hors de question qu’ils fassent tout pour toi. »

« Quoi ? Mais pourquoi ? »

« Il faut que tu comprennes et appréhendes la nature même de la fermentation magique. Sans ça, que feras-tu une fois rentré ? Tu seras toujours aussi faible et incapable de distiller correctement les fruits rares et précieux que tu as dans ta sacoche spirituelle. C’est réellement ce que tu désires ? »

Shi Kun réfléchit un instant. S’il rentrait ainsi, même plus puissant d’un ou deux niveaux de la maîtrise du qi, le patriarche serait certes satisfait par ses progrès mais ensuite ? La Paresse disait vrai. Si Shi Kun se voyait incapable de continuer à cultiver – et il devait le faire par le biais de l’alcool spirituel – alors le patriarche lui retomberait rapidement sur le dos. Il devait à tout prix faire sienne la technique de fermentation magique qui lui permettrait, une fois maîtrisée, de créer un alcool spirituel digne de le faire progresser.

Shi Kun n’était pas idiot. Il savait que plus il allait devenir puissant, plus la quantité de qi nécessaire serait énorme. Les impuretés, quant à elles, seraient toujours là pour le freiner : s’il avait été capable de passer au deuxième niveau de la maîtrise du qi, il ne pouvait déjà plus prétendre au troisième en buvant du Déchet. Alors que dire de la suite ?

« Tu as malheureusement raison… Je vais devoir parfaire cette technique. »

La Paresse hocha la tête.

« Cela ne signifie pas que tu ne peux rien tirer d’eux. »

Shi Kun leva les sourcils.

« Oh ? »

La Paresse se tourna vers la foule prostrée au sol, qui attendait visiblement un ordre – ou leur départ – pour se relever.

« Vous tous, humains ridicules. Vous me fatiguez. Levez-vous. »

Sans plus attendre et en tremblant, tous se relevèrent. Sur leurs jambes faibles, pas un seul d’entre eux ne parvint à articuler le moindre mot, fut-ce question ou protestation.

« Vous avez voulu invoquer mon frère. Mais je suis là, moi. »

La Paresse ferma la bouche et attendit quelques instants, pour faire monter la tension. Finalement, le démon reprit la parole.

« Ce jeune cultivateur, comme vous l’avez compris, a été capable de réaliser une chose que vous êtes incapables de faire, vous tous ici. Toi, humain, n’es-tu pas déjà à un stade avancé de l’Établissement des Fondations ? Je le sens… Toi qui es le plus puissant de cette foule, tu n’as pas été capable de les guider vers la réussite ? Ha ha… Crois-tu sincèrement qu’on peut invoquer un grand démon simplement en sacrifiant quelques vies ? »

L’homme en question tressaillit mais ne répondit pas. À vrai dire, son esprit était désormais tiraillé entre son désir naturel d’invoquer l’Orgueil et la puissance contenue dans les mots de la Paresse. Il chercha à balbutier quelque chose mais la tortue ne lui en laissa pas le temps.

« Cessez vos petits rituels. Vous n’avez pas la puissance nécessaire pour ça. Il vous faudrait être des millions pour parvenir à lui faire franchir les portes de ce plan. Ne s’en rend-il pas compte lui-même ? J’en suis le premier étonné mais qu’importe… Vous allez cesser. Vous verrez que votre désir disparaîtra rapidement. »

L’homme secoua la tête, incapable de se défaire de ce sentiment d’incompréhension. Devait-il suivre ses pulsions, celle créées malgré lui par l’Orgueil ? Devait-il laisser la voix de la tortue pénétrer son esprit ?

« Ce jeune homme, un jour, vous montrera la voix. Je vous le dis aujourd’hui : il est le seul que j’autorise à invoquer celui que vous cherchez à faire venir. »

D’un seul coup, la vois de la Paresse tonna comme jamais, comme si elle avait pris une inspiration gigantesque et qu’une explosion avait pris forme dans sa gorge.

« Est-ce compris ?! »

Alors qu’une onde de choc se propagea à travers l’immense grotte, tous furent soufflés et tombèrent en arrière.

« Oh… Ce n’est pas évident de faire ça avec le peu de puissance que tu possèdes, Shi Kun… Pfff, ça m’a épuisé. Débrouille-toi pour la suite. » Sans crier gare, La Paresse ouvrit une déchirure dans la réalité et s’y engouffra pour disparaître totalement, ne laissant qu’un silence assourdissant là où elle venait de hurler.

Cependant, les cultivateurs avaient entendu la voix de la raison. L’un après l’autre, ils secouèrent la tête, l’esprit nettoyé de cette envie d’invoquer le grand démon qui se disait une puissance cosmique et créateur de ce monde. Çà et là, on entendait déjà des murmures.

« Il a raison… »

« Comment pouvions-nous croire en cette cause ? »

« Le créateur de ce monde ? Mais alors pourquoi n’y est-il pas ? »

Tous reprenaient leurs esprits, lentement.

Tous ? Non. Certains des plus puissants, y compris ce dirigeant au stade de l’Établissement des Fondations, secouèrent encore la tête.

« Non… Quelque chose ne va pas dans tout ça. Nous avons forcément raison. »

De telles paroles étaient audibles parmi les plus puissants. Déjà, les plus faibles hochaient la tête, étrangement convaincus par de simples mots sans fondement. La puissance du lavage de cerveau de l’Orgueil n’était pas à prendre à la légère. Rapidement, tous semblaient à nouveau croire en leur cause initiale… mais quelque chose avait changé.

Le cultivateur au stade de l’Établissement des Fondations se tourna vers Shi Kun, l’air grave.

« Le grand ancien que tu as invoqué a parlé. Si nous voulons invoquer le grand ancien créateur de ce monde, nous devons le faire grâce à toi. Les mots ont été prononcés, tu es celui qui est élu, tu es celui qui devra ouvrir les portes pour faire entrer le grand lion cosmique. »

L’homme hocha la tête de la façon la plus sérieuse possible et Shi Kun se sentit quelque peu mal à l’aise. Était-ce vraiment ce que désirait la Paresse ? Avait-elle loupé son coup ? Shi Kun avait l’impression que le démon avait tout fait pour que ces humains le voient comme un élu et le traitent avec respect pour lui garantir un séjour agréable… Alors, qu’était-il en train de se passer ?

« Non, je… » Shi Kun agita les mains et tenta de s’expliquer. Il voulait simplement rentrer chez lui après avoir un peu parfait sa technique avec des fruits spirituels gracieusement offerts par ses hôtes.

« Le grand ancien a parlé. » L’homme lui coupa la parole. La puissance de sa base de cultivation émanait de lui et Shi Kun se sentit écrasé, incapable de bouger ou de répliquer. L’homme fronça les sourcils. « Tu es un élu mais tu n’es pas assez puissant ! Comment pourrais-tu ouvrir une deuxième porte ? Le grand ancien me l’a dit télépathiquement : tu dois devenir plus puissant ! Et il m’a naturellement dit comment faire… C’est étrange, mais il a parlé et je ne peux que le croire ! »

« Eh ? » Shi Kun, tout à coup libéré de l’emprise de son interlocuteur, s’étonna. La Paresse lui avait parlé télépathiquement ? Que lui avait-elle dit ?

L’homme claqua des mains.

« Qu’on prépare une suite de luxe pour notre élu ! De la nourriture ! De l’alcool ! Et beaucoup, beaucoup de fruits spirituels ! »

Shi Kun comprit alors le fin mot de l’histoire. La Paresse avait fait tout ça pour lui permettre malgré tout un séjour confortable et de quoi passer le temps tout en s’entraînant avec efficacité et gratuitement.

« Mais je suis pourtant certain qu’il n’avait pas prévu cette tournure… » Shi Kun n’eut pas le temps de finir sa pensée qu’une dizaine de cultivateurs légèrement plus puissants que lui le poussaient déjà en avant avec douceur.

« Allez, grand élu… Lorsque le moment sera venu, tu seras la personne la plus importante du monde ! Allons t’installer dans ta suite de luxe ! »

Les yeux vides mais brillants, tous semblaient animés de la même volonté : celle de tout faire dans un seul sens, de tout faire pour finalement parvenir à invoquer celui qu’ils appelaient le grand ancien cosmique, créateur du monde.

« Je ne suis pas certain d’être vraiment en sécurité ici… Vont-ils réellement me faire invoquer l’Orgueil ? Combien de temps va-t-il me falloir pour ça ? Et… Ah, je ne sais pas ! Que va-t-il se passer ?! »

Rapidement, Shi Kun fut mené dans une pièce taillé dans la roche. Fermée par une double porte en bois noir et lisse sculpté de nombreuses figures humaines et animales. Rien que la porte était une véritable œuvre d’art.

« Pourquoi ont-ils ce genre de porte et de pièce ici ?! » Shi Kun n’en revenait pas mais il n’eut pas vraiment le temps de se poser plus de question. La porte s’était ouverte sur une chambre aussi grande que plusieurs fois son terrain au sein de la secte de la Porte Azure. Deux grands piliers de marbre soutenaient le plafond et des bougies flambaient magiquement dans toutes les lanternes qu’il pouvait apercevoir sur les murs.

« Incroyable… Je… Je vais vraiment vivre ici ?! Ok. Peu importe le temps que ça va prendre. Mais tout d’abord… » Shi Kun claqua des mains comme face à des serviteurs, souriant légèrement et le regard vif, plein d’anticipation. « D’abord, une sieste. Vous pouvez me laisser là. Plus tard, ramenez-moi ces fruits et cet alcool dont nous avons parlé plus tôt. Merci, merci. »

D’un geste de la main, il les chassa. D’un autre geste de la main, il fit ce qu’il avait longuement eut le temps de maîtriser depuis qu’il cultivait. La porte se referma dans un claquement sourd sans qu’il eut besoin de la toucher.

Laissé seul au monde dans un silence de mort, Shi Kun soupira enfin. Il regarda autour de lui et aperçut en fin de compte toutes les commodités que proposaient cette pièce. Un coin avec des couvertures et des draps, afin de pouvoir y dormir. De l’autre côté, des étagères sur lesquelles on pouvait trouver des théières spirituelles qui laissaient échapper un arôme qui arrivait déjà jusqu’à Shi Kun.

Au milieu de la pièce, entre les deux grands piliers se trouvait un petit étang. Guère assez large pour s’y allonger en entier mais assez profond pour y plonger jusqu’à la taille, si on s’y asseyait pour méditer.

« Mais… Je n’ai pas besoin de méditer. Ma base de cultivation du deuxième niveau de la maîtrise du qi est stabilisée depuis longtemps, maintenant. Les théières… Je ne m’en approcherai pas, j’ai de mauvaises expériences avec les théières spirituelles. Elles me portent malheur. Bien ! C’est décidé ! Il ne me reste plus qu’à faire une bonne sieste. »

Shi Kun s’installa confortablement sur un paquet de couvertures qu’il venait d’empiler et s’y enfonça comme un bienheureux.

« Ouah ! Je n’ai jamais été si bien installé ! Je dois être le mendiant le plus heureux du monde ! » Sur ces mots, Shi Kun ferma les yeux et s’endormit d’un sommeil profond.

Lorsqu’il les rouvrit, ce fut pour entendre quelqu’un tambouriner à la porte.

« Grand élu ! Grand élu ! Ouvrez ! Il est temps ! Le doyen a dit qu’il était l’heure de passer l’épreuve ! »

Raka
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