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Chapitre 66

Le doyen ne comprenait pas ce que lui racontait ce patriarche lunatique, qui faisait montre du plus grand respect quelques instants auparavant. Pourquoi désormais semblait-il peiner à contenir une colère furieuse et que signifiait cette grande déclaration sur le destin ?

Toujours incapable de bouger un cil, le pauvre doyen toujours à genoux ne put même pas secouer la tête pour montrer son incompréhension. Shi Kun, de son côté et même s’il n’en disait rien pour ne pas créer de situation dans laquelle il devrait expliquer des choses, savait bien ce que le doyen avait toujours désiré et se doutait de la raison qui l’avait poussé à demander des hommes au patriarche.

Shi Kun secoua légèrement la tête, offrant un regard désolé au doyen. Ce dernier avait réussi à déclencher quelque chose que Shi Kun n’avait déjà que trop expérimenté et il savait que lorsque le patriarche entrait dans un état second, la seule chose qui restait à faire était de prier : quoi qu’il arrive, le patriarche plaçait une confiance absolue dans ses techniques de divination étranges.

Patriarche qui, d’ailleurs, leva les mains et effectua un geste d’incantation rapide, que même l’oeil acéré du doyen ne put suivre. Immédiatement, une immense lumière apparut dans le dos du patriarche. Elle se condensa, se concentra et rétrécit en un pilier qui finit par s’aplatir tout en noircissant.

Un instant plus tard se trouvaient entre eux un immense disque de pierre dont les crevasses et les accrocs semblaient aussi vieux que le temps lui-même. Sur les bords se trouvaient des encoches et au milieu, un pivot.

Le doyen ne reconnut pas l’objet et s’il avait pu froncer les sourcils, il l’aurait volontiers fait. Cependant, telle la statue vivante qu’il était, il se contenta d’observer passivement le patriarche ouvrir la main et révéler une boule blanche. L’œil sévère et concentré, il claqua l’immense disque de pierre du revers de la main. Ce dernier se mit à tourner à une vitesse prodigieuse, flottant dans les airs entre les deux experts.

Le patriarche avança la main et lâcha la boule qu’il tenait d’un geste lent et savant, les yeux fermés.

Shi Kun ignorait également de quoi il s’agissait mais en connaissait déjà l’issue : du résultat quelconque ce cet espèce de roulette allait dépendre le sort du doyen. Après tout, le patriarche était déjà allé contre les règles même de la secte suite à l’un des résultats de ses jeux de hasard ; Shi Kun n’avait aucun mal à imaginer que la mise à mort d’un étranger ne lui poserait pas de cas de conscience.

Le doyen commença à transpirer, sentant la tension ambiante et voyant la boule commencer à ralentir petit à petit. Il comprenait bien que lorsque tout ça serait à l’arrêt, son destin dépendrait du résultat. La torture qu’était l’attente impuissante était sans doute aussi douloureuse que la crainte de ce qui allait pouvoir se produire ensuite ; son âme hurlait – et son corps restait silencieux.

« Allez ! » Le patriarche Destinée hurla comme pour presser la boule de s’arrêter plus rapidement. « Quel est ton destin ?! »

En transe, le patriarche avait l’air d’être dans un autre monde. Plus rien ne comptait plus que ce que le destin de cet expert étranger allait être. Le destin de cet homme allait être annoncé par la roulette du destin et il était de son devoir de lui permettre de suivre son cours sans heurt.

Rapidement et dans un claquement sec, la boule s’arrêta.

« Oh. » Le patriarche posait un regard profond sur le résultat que lui seul pouvait voir. Shi Kun et le doyen avaient beau observer le disque de pierre, ils n’y voyaient que de la pierre et des craquelures.

Finalement, le patriarche se gratta la barbe, une main sur la hanche.

« Je ne sais qu’en penser. Et dire qu’il fallait que ton destin soit de devenir… Hmm… Je ne peux pas vraiment te punir. »

Il réfléchissait à voix haute en observant toujours ce qu’il voyait inscrit sous la boule immobile, sans se soucier du monde qui l’entourait maintenant et que son spectacle avait attiré. Une foule de disciples, de gardes et de mortels de passage près de la porte de la guilde, du côté de la ville. Tous entouraient le petit groupe et attendaient avec impatience et curiosité ce que le patriarche allait pouvoir décider.

« P… Patriarche ? » Shi Kun n’en pouvait plus et désirait rentrer chez lui au plus vite. Il fallait qu’il presse les choses, quoi que puisse être le destin du doyen. Après tout, il n’était pas en position d’y faire quoi que ce fut.

« Shi Kun. Nous allons laisser partir cet expert. C’est pour le bien de notre secte de la Porte Azure. » Le patriarche se tourna vers Shi Kun pour hoche la tête à son attention. Puis, il libéra le doyen qui put enfin prendre une profonde inspiration, libéré des entraves qui étaient siennes.

« Va. Pars et ne reviens jamais dans notre ville. Tel est ton destin. » Le patriarche, sans même le regarder, leva la main et souleva une bourrasque de vent qui emporta le doyen à des centaines de kilomètres de là. Ce dernier ne demanda pas son reste et se promit que quoi qu’il advienne, il ne croiserait plus jamais la route de cet expert de la Naissance de l’Âme, rencontre qui avait bien failli lui coûter cher.

Il réfléchirait bien plus tard à ce que pouvait signifier tout ce qui s’était passé entre Shi Kun et le patriarche de cette secte, et à tout ce qu’avaient dit les puissants experts de la Montagne Impériale à son sujet.

Pour l’heure, il décida simplement de fuir pour sa vie.

De son côté, le patriarche posa ses mains sur les épaules de Shi Kun et le regarda droit dans les yeux.

« Shi Kun, mon garçon. »

La foule se dispersait déjà après un spectacle raté.

« Shi Kun, viens. Nous devons parler, maintenant que tu as progressé et décidé de parfaire ta cultivation. »

« Eh ? » Shi Kun ne comprit pas immédiatement ce que le patriarche voulait dire par là mais n’en eût pas vraiment l’occasion. Déjà, tous deux volaient au-dessus de la secte en direction de la Montagne du Patriarche. Une fois de plus, Shi Kun sentait qu’il allait se voir imposer des efforts et des douleurs concernant lesquels il n’aurait pas son mot à dire et il eut soudain envie de pleurer.

À peine rentré à la maison et déjà embarqué dans autre chose ? Quand donc aurait-il l’occasion de se reposer un peu ?!

Ou alors… Se pouvait-il que le patriarche fût malgré tout furieux du retard qu’avait pris Shi Kun en rentrant à la secte ?

Ce fût ce qu’il demanda au doyen aussitôt tous deux à terre près des bassins dans les jardins de la demeure du patriarche.

« Patriarche. » Shi Kun rassembla ses mains devant lui et s’inclina légèrement. « Mon voyage a été long et douloureux. Il m’est arrivé beaucoup de choses et ces choses ont retardé mon retour. »

Le patriarche leva une main au ciel comme pour balancer quelque chose par-dessus son épaule.

« Bah, peu importe ! Tel était ton destin ! Tu es de retour, désormais et nous devons nous entretenir de plusieurs choses importantes. »

Shi Kun, rassuré par le fait que le patriarche Destinée ne lui en voulait pas pour le temps qu’il lui avait fallu pour rentrer, soupira de soulagement.

« Shi Kun, mon garçon. Je constate que malgré un voyage sans doute ardu et pénible, tu as malgré tout réussi à percer au troisième niveau de la maîtrise du Qi. Ton dantian est encore désordonné et chaotique mais tu l’as fait. Je sais que ta cultivation est particulière et qu’il t’a sans doute fallu une bonne fortune gigantesque pour tomber sur un alcool spirituel suffisamment puissant pour te permettre de percer et que tu aurais parfaitement pu ne pas le faire. »

Le patriarche sourit en coin et continua.

« Je sais que tu n’es pas enclin à cultiver, que tu vois ça comme un travail pénible et inutile. Que tu souhaitais rester au premier niveau de la maîtrise du Qi pour toujours. N’est-ce pas ? Je le sais bien. Pourtant, tu es déjà au troisième niveau. Et tu as passé ce troisième niveau loin de chez toi, loin de nous, loin des yeux de ceux pour qui ça aurait pu avoir une importance quelconque. Je te félicite pour ce choix, mon garçon. Tu as enfin décidé de parfaire ta cultivation. »

Shi Kun n’osa pas le contredire. Il sentait que le patriarche se trompait sur les vraies raisons qui l’avaient poussé à vouloir progresser dans sa cultivation et ne sentait pas que le moment était propice à une explication plus détaillée. Après tout, le patriarche avait raison : Shi Kun désirait cultiver. Ce qu’il ignorait, c’est qu’il avait prévu de le faire jusqu’à un certain point uniquement.

« O… Oui, Patriarche. Je vais cultiver. » Sans doute qu’il le libérerait et le laisserait rentrer chez lui lorsqu’il serait satisfait de sa réponse. Aussi Shi Kun ne prit-il pas la peine de chercher plus loin et se contenta-t-il d’acquiescer. Après tout, le patriarche pouvait bien penser ce qu’il voulait, Shi Kun ferait comme il avait prévu et lorsque le moment serait venu de cesser de cultiver pour enfin se reposer comme il le méritait, il aurait toujours l’occasion de penser à la façon d’expliquer les choses.

« C’est très bien. Je suis fier de toi, mon garçon. Toi et ton Dao légendaires êtes la fierté de ma secte de la Porte Azure. Le destin nous a déjà annoncé que tu allais devenir quelqu’un de grand et que tes choix allaient façonner notre avenir à tous, et j’attends avec impatience de voir tout cela se réaliser ! »

Shi Kun hocha la tête avec la plus grande conviction dont il pouvait faire montre. Le patriarche ne parvint pas à lire la véritable intention cachée derrière cette façade, qui criait silencieusement « Laisse-moi juste rentrer chez moi ! » et lui tapota l’épaule à plusieurs reprises en souriant.

« Oui, je suis fier. »

« P… Patriarche, en avons-nous terminé ? Je voudr… » Shi Kun ne tint plus et décida de lui demander directement s’il pouvait aller enfin prendre du repos après un long et éreintant voyage. Mais le patriarche lui coupa la parole d’un ton sec.

« Il y a autre chose. Maintenant que tu as pris conscience de l’importance de la longue route que tu arpentes, nous devons parler du tournoi intersectes qui va avoir lieu dans quelque temps. »

« Le… Oh oh. » Shi Kun sentit ses cheveux se dresser sur sa tête au mot tournoi. D’un seul coup, cette étrange sensation, ce pressentiment désagréable le reprit. Un tournoi ? Il était déjà sûr à cent pourcent que le patriarche allait l’embarquer dans une nouvelle galère de son crû.

Shi Kun eut envie de pleurer mais les larmes ne vinrent pas. Il ne fallait pas qu’il montre au Patriarche qu’il était déjà désespéré rien qu’à la mention d’un tournoi ou le puissant expert, patriarche de secte et cultivateur de la Naissance de l’Âme n’allait pas se gêner pour lui forcer la main et sans doute pas de la meilleure des façon. Shi Kun n’avait que de trop bons souvenirs de tout ce que le patriarche lui avait forcé à faire auparavant et se disait que peut-être, s’il faisait mine de n’en avoir rien à faire, pourrait-il y échapper d’une manière ou d’une autre cette fois.

« Je… D’accord. Je vais le faire. » Shi Kun haussa les épaules, priant les cieux et la terre pour que cette façon de faire fonctionne.

« Ha ha ha ! Parfait ! Parfait, mon garçon ! Oui, je suis fier de toi ! » Le Patriarche éclata de rire en serrant les épaules de Shi Kun entre ses puissantes mains. « Nous reparlerons de ça un peu plus tard, veux-tu ? Je t’expliquerai les formalités et ce qu’il devra se passer lors de ce tournoi !  Pour l’heure, on me réclame, quelque chose d’urgent, semble-t-il. Mon talisman spirituel vibre depuis un moment et il va falloir que j’aille voir de quoi il retourne ! Si ce n’était pas de la plus haute importance, celui qui me contacte n’insisterait pas de la sorte ! »

Le patriarche fronça les sourcils, passant d’une expression de joie absolue à une autre, plus alarmée. Il attrapa Shi Kun et tous deux s’envolèrent vers le bas de la Montagne du Patriarche.

Ce dernier déposa Shi Kun et hocha la tête dans sa direction comme pour lui dire qu’il pouvait enfin s’en aller. Shi Kun ne demanda pas son reste et fit immédiatement demi-tour après avoir respectueusement salué le patriarche.

Tout en s’en allant, il entendit au loin, dans son dos, quelqu’un hurler sur le patriarche. Il était question d’un mortel spécialisé dans le droit et la justice ; d’une facture d’alambic payée à l’aide de pierres spirituelles vides ; de menaces dont Shi Kun ne saisit plus la teneur car il pressait le pas de peur d’être un fois de plus impliqué dans une chose qui ne le concernait peut-être que trop, s’il devinait bien de quoi il s’agissait.

Raka
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