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Chapitre 13 – Des tests, encore des tests (2)

 

De retour dans mon donjon, je regardai l’heure sur ma montre.

17 : 45.

J’avais amplement le temps de faire ce que j’avais à faire avant de devoir rentrer. J’avais pris soin de confirmer l’absence d’aventuriers évidemment, et je m’étais ruée vers la salle des gobelins. J’avais pensé à une faille dans le système, et il y avait de fortes chances pour qu’elle m’accorde des bénéfices incroyables si les aventuriers étaient juste un tant soit peu cupides.

Actuellement, la pièce était plus ou moins carrée, aussi carrée que pouvait l’être une grotte aux allures naturelles. En entrant, on ne voyait pas vraiment le fond, plongé dans les ténèbres une dizaine de mètres plus loin, sans parler des gobelins qui faisaient leur ronde et des trois petites huttes que je leur avais installées.

Pour attirer les aventuriers, il fallait que je leur donne envie d’entrer. Et en même temps, il me fallait une force de frappe incroyable pour les anéantir d’un seul coup. Et j’avais pensé à une solution idéale. Ricanant légèrement, je me mis à surélever le fond de la pièce pour créer une estrade de pierre illuminée par des torches et visible dès l’entrée.

À cet endroit, je plaçai dix coffres contenant chacun un objet aléatoire ; grâce à ça, j’avais acquis une quantité d’énergie suffisante pour créer des tas de gobelins !

Pour commencer, je supprimai les Peaux-Vertes, qui ne servaient à rien. Puis, je me mis à invoquer des assassins dans les ombres, encore et encore. Les assassins gobelins avaient cette particularité d’être totalement invisibles dans les coins sombres, pour n’apparaître que derrière leur cible au moment même où leur dague leur perçait le cœur ou la nuque.

L’absence apparente de monstres allait faire baisser la garde aux aventuriers, s’ils ne voyaient qu’un boss et trois incendiaires gardant en tout et pour tout onze coffres en comptant le premier que j’avais installé, ils allaient se jeter dans la mêlée avec joie et insouciance.

Je finis par manquer d’énergie à mon 6ème assassin. Ainsi, les gobelins consommaient plus d’énergie que n’en donnaient les petits coffres… Il fallait que je garde ça à l’esprit.

Mais ça allait être suffisant. Mon donjon possédait maintenant huit assassins gobelins, tous camouflés et prêts à bondir sur les explorateurs imprudents.

Fière de moi, je constatai que le niveau du donjon venait de changer, automatiquement. Auparavant, c’était un donjon de niveau 1~4, avec une somme de niveaux limitée à 4. Après y avoir ajouté les assassins, le niveau était monté à 3~5 avec une somme de niveaux limitée à 7. Autant dire que ça faisait un gros changement, j’espérais que les aventuriers n’allaient pas y voir l’entourloupe que je leur avais préparée.

Je souriais, contente que tout aille dans le sens que j’avais désiré, et je m’apprêtais à rentrer. M’engageant dans le couloir entre les deux salles, celui dans lequel se trouvait la dalle de sortie, je vis en face de moi ce que je ne souhaitais absolument pas voir. Un homme se trouvait là, juste devant la dalle, une torche à la main et un sourire cupide sur le visage.

Evidemment, il savait qu’une nana à la peau rouge qu’on croisait dans un donjon était une architecte ! Il voyait déjà les crédits qu’il allait amasser à mes dépens. Et moi, je me voyais déjà à zéro. Enfin, ce n’était pas comme s’il me restait grand-chose à perdre.

Il se jeta en avant en hurlant des mots dans un langage que je ne comprenais pas. J’avais pris l’habitude de ne pas les entendre parler, et j’avais inconsciemment imaginé qu’ils parlaient tous la même langue. Après tout, sur le Plan des Architectes, n’était-ce pas le cas ?

Il ne me laissa absolument pas le temps de me rendre sur la dalle de sortie pour m’enfuir, et m’obligea à battre en retraite dans la salle des gobelins. Evidemment, je connaissais ce mec, c’était l’aventurier qui m’avait déjà offert une dague et deux épées de merde, celui que je souhaitais tuer et qui me faisais désormais fuir. Bon sang, peut-être qu’il ne savait pas que j’avais modifié le donjon ? Et s’il y était entré avant ? Il allait avoir la surprise de sa vie.

J’entendis une autre voix, d’un homme plus âgé. En regardant par-dessus mon épaule, je vis qu’il était accompagné d’un vieillard rabougri mais qui avait l’air d’un débutant, paradoxalement. Il avait peut-être commencé sa carrière d’aventurier tard ? Mais pourquoi est-ce que je me posais ce genre de question à ce moment critique ?

Je me précipitai dans le fond de la salle pour me cacher derrière Dugnekk le pyromancien, le boss des lieux. Il se tourna vers moi et vit mon air affolé, ce qui le poussa à regarder dans la direction d’où je venais. Alors il me voyait bel et bien ! Moi qui pensais que les monstres que j’invoquais n’avaient pas conscience de ma présence, en réalité, ils se contentaient de m’ignorer ! Bon, après tout, j’étais un peu leur maman…

Mais là n’était pas le problème à ce moment précis.

De l’entrée de la salle surgirent les deux aventuriers. Celui qui était habitué des lieux murmura quelque chose à son compère, qui leva la main en chantant un truc bizarre. En quelques secondes, une lumière vive jaillit de la paume de sa main et éclaira une zone de plus de deux mètres autour d’eux. Les deux assassins qui étaient déjà sur le point de les réduire en charpie furent éblouis et révélés, la dague prête à percer le cœur de leur victime.

Ainsi, il avait ramené un type qui savait utiliser une magie de lumière ? Il était moins con que ce que je pensais. L’aventurier profita du moment de stupeur provoqué par le sort pour trancher les deux assassins d’un coup d’épée large et précis.

Les assassins avaient une force de frappe dépassant l’entendement, capables de tuer leurs cibles d’un coup bien placé à chaque fois. Mais en contrepartie, ils ne possédaient évidemment aucune défense, n’ayant jamais besoin de combattre réellement. Je m’étonnais moi-même de la présence d’informations aussi précises dans ma tête, et je me rendis compte que je savais bien plus à leur sujet que ce que je m’imaginais. Sans doute leur création m’avait-elle octroyée des connaissances liées à leur existence.

Les assassins tombèrent, raide morts.

L’aventurier esquissa un sourire, fier d’avoir enfin mis à mort les deux parasites qui passaient leur temps à l’empêcher de vider la grotte de ses trésors.

Il scruta alors plus précisément le boss et les incendiaires, qui le regardaient de loin. Les trois gobelins fous furieux qui se voyaient déjà exploser dans son environnement immédiat coururent tous ensemble vers lui, pour ne finir que par tomber comme la première fois qu’il les avait rencontrés. Finalement, ils n’étaient pas si bons que ça ; je ne les avais jamais vus tuer personne, après tout.

Dugnekk restait en arrière, semblant réfléchir à quelque chose. En me concentrant, je parvins à saisir des fragments de ce qu’il avait dans la tête, et même si un gobelin n’avait pas un QI très élevé, il parvenait tout de même à formuler quelques idées construites.

Et ce que je comprenais, ce que j’arrivais à déduire, c’était qu’il voulait engager les deux pauvres types pour les carboniser, mais qu’il savait que les assassins, les six restants, allaient en faire de la charpie avant qu’il ne puisse agir.

Aussi se contentait-il d’observer.

Et en effet, au moment où les deux aventuriers s’élancèrent, la lumière du vieillard s’était éteinte – sans doute n’en avait-il plus besoin maintenant que les deux assassins étaient morts – et des ombres se déplacèrent, je pouvais le voir en plissant les yeux.

Ils s’étaient jetés dans ma direction. J’étais plus appétissante que le boss ou les dix coffres qui trônaient au fond de la pièce ? Merde ! Heureusement que j’étais près de Dugnekk, il pourrait me défendre dans le pire des cas.

Mais le pire des cas n’arriverait pas, je le savais. Les ombres se matérialisèrent et six assassins perçaient déjà le corps des deux aventuriers en plusieurs endroits qui provoqueraient leur mort, assurément.

Ils s’effondrèrent sans prendre la peine de se retourner ou de compter le nombre de leurs meurtriers, et disparurent.

J’accourus pour vérifier s’ils n’avaient pas perdu des objets, pendant que les assassins disparaissaient à nouveau dans les ténèbres de la grotte.

Fiou…

Je me permis de souffler. J’avais eu chaud. C’était ma première altercation avec des aventuriers dans mon donjon, et mon cœur battait encore comme mille chevaux au galop. Je ne pensais pas que ça allait être aussi stressant, puisque je pouvais mourir et que je n’avais presque rien à perdre. Alors pourquoi ?

Je ne pris pas le temps de me poser la question plus que ça, et me jetai sur la dalle de sortie afin d’éviter une autre mésaventure de ce genre ; suite à quoi, je me mis à simplement observer mon donjon en fermant les yeux. Il était 18 : 17. Dans mon donjon, il devait être tard dans la nuit, peut-être bientôt le matin, je n’avais pas très envie de calculer et je m’en foutais. Les aventuriers n’avaient pas d’horaires spécifiques, je l’avais bien compris.

Et quelque chose me disait qu’ils allaient revenir. S’il n’avait pas abandonné après s’être fait trouer deux fois et qu’il était revenu avec un collègue, alors il y avait de fortes chances pour qu’il n’abandonne pas, une fois encore.

En plus, maintenant que le donjon était ouvert à de plus gros niveaux, lui qui était sans doute de niveau 3 pourrait embaucher des gens de plus haut niveau. Mais alors, est-ce que mes assassins allaient toujours être capables de gérer ? Je supposais que oui. Ils étaient huit, après tout. Je ne pouvais pas imaginer qu’ils se fassent tuer tous les huit.

Quelque peu rassurée, je me permis de rentrer chez moi et de m’allonger sur le lit. J’allais observer mon donjon encore un moment, et puis m’endormir.

Au bout de presque une heure d’inactivité, et lasse de regarder mon Dugnekk le pyromancien faire les cent pas et ses fidèles incendiaires ne pas savoir quoi exploser, je me mis à laisser courir mes mains, innocemment d’abord, puis de manière un peu plus experte ; et il me fallait bien ça pour laisser retomber le stresse de mon aventure de la journée. Alors que j’en étais encore aux prémices du plaisir, je sentis l’aventurier têtu entrer à nouveau dans le donjon, cette fois accompagné par un autre type, moins vieux que son compagnon précédent et habillé d’une longue robe rouge.

Ça ne me disait rien qui vaille, il ressemblait à un mage de jeu vidéo, mais après tout, s’il ne portait pas d’armure, il serait une proie encore plus délicieuse pour mes assassins. Je repris mes mouvements incessants qui avaient subi une halte l’espace de quelques secondes.

Les deux aventuriers dépassèrent la Fontaine sans s’en soucier, et approchèrent à pas de loup de l’entrée de la salle des gobelins. Le travelo en robe avança le premier ; de mon côté, j’arrivais au comble de la joie, seule dans mon lit.

Il leva les mains alors que je levais la tête, les yeux à moitié révulsés et criant mon bonheur.

Une flammèche jaillit de sa paume tandis que la chaleur se répandait en moi.

Et ce petit brin de feu tournoya pour devenir un tourbillon qui enveloppa la salle, l’espace d’une seconde, le temps qu’il me fallut pour couper court.

…Huk !

À cause de lui, la tension qui me parcourait venait de retomber d’un seul coup, et pas de la bonne manière ! Je vis les huit assassins grièvement brûlés et ne parvenant plus à se camoufler dans les ombres ; Les incendiaires avaient explosé sans laisser de trace dès que les bombes qu’ils transportaient avaient pris feu.

Dugnekk le pyromancien quant à lui, n’avait subi aucun dégât. Il était maître du feu, et possédait une résistance élevée envers cet élément. L’aventurier habitué à mon donjon s’élança et en l’espace de quelques mouvements, acheva les assassins un à un.

Le compagnon en robe avait déjà disparu, il avait effectué une retraite stratégique. Utiliser un tel sort à un si bas niveau, c’était de la triche ? Et si ce n’en était pas, il ne devait pas avoir de quoi continuer à se battre. Il devait forcément posséder du mana, ou quelque chose dans le genre, non ? Et là, il avait clairement tout utilisé.

Dugnekk le pyromancien était seul face à l’aventurier. Moi, j’étais seule avec moi-même, les doigts… bref. Seul, il allait dans tous les cas se faire rôtir par Dugnekk. Je voyais déjà l’issue du combat, claire comme de l’eau de roche.

Et comme je m’y attendais, l’aventurier rebelle se jeta en avant, en direction de son ennemi le plus coriace à ce jour – en tout cas, je l’espérais.

Raka
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12 thoughts on “DMS : Chapitre 13

  1. hmmm sortir un chapitre à cette heure ci c’est pas du stakanovisme ?
    Il faut et ménager un peu ! Sinon des individus déplaisants ( au hasard, moi ) viendront de demander plus de chapitres le week end !

    En tout cas, merci pour le chapitre, et bonne continuation.

  2. Je voulais lire la suite en anglais tellement j’apprécie ce novel…
    Quelle ne fut pas ma peine en voyant que c’était une oeuvre écrite par Raka ! 

    Toute fois je salue ton courage, écrire deux romans, tu m’inspires !:)

    1. Haha, merci ^^

      Ce genre de réaction, c’est le rayon de soleil d’un auteur 🙂

      La suite arrive, ce soir à minuit 1. Question de principe, histoire de dire que je l’ai sortie dimanche :p

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