DMS : Chapitre 59
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Chapitre 60 – De l’autre côté (7)

 

Je fis de mon mieux pour emmener Pythagore vers l’est. Mon but, c’était le camp des géants ; ceci dit, le trajet allait s’avérer ardu, et même à l’aide de la fameuse carte, les premiers obstacles s’avérèrent être la plaine des serpents.

— Heh ? Viens, c’est par là…

— AAAAH Non ! J’ai envie d’aller tout droit ! Je sens… Ah, je sens qu’il y a quelque chose de bien, par là !

Si le début du voyage et la plaine des chupacabras n’avait posés aucun souci, il avait piqué une crise dès que nous avions dépassé le bosquet aux slimes. Il ne voulait plus écouter et je pouvais voir dans ses yeux injectés de sang qu’il m’aurait tuée s’il n’avait pas été sous l’effet minime de son sort de protection des addictions.

— Tu sais, il faut qu’on avance. Maintenant, nous sommes loin d’Imperos alors je peux te le dire sans crainte. Là où nous allons, il y a du vin.

Il s’arrêta net et me regarda d’un air des plus intéressés :

— Du vin ?

— Plein de vin.

— Beaucoup de vin ?!

— Tout le vin que tu voudras.

— Tout ça de vin !!!

— Et encore plus.

— Mais qu’est-ce qu’on fait encore là ?! hurla-t-il en se mettant à courir vers l’est, droit vers un regroupement de serpents qui se doraient au soleil.

— Att… Attends ! Mais attends !

Je n’eus vraiment d’autre choix que de lui courir après pour ne pas le perdre. Il pouvait facilement battre Usain Bolt en avançant à cloche-pied. Il devait avoir des statistiques de malade ! Après tout, je ne savais pas depuis combien de temps il était là ; sur Terre, il avait disparu plus de deux millénaires plus tôt, mais ici ? Il pouvait être là depuis 5 000 ans ou être arrivé beaucoup plus tard…

Mais il devait être super puissant quoi qu’il en fut, parce que sa secte n’avait recruté personne – à l’exception de Teacup qui n’avait pas vraiment été recruté – depuis plus de 300 ans…

Je courais derrière Pythagore comme une dératée quand soudain, je le perdis de vue. Pourtant, la plaine était relativement plate, mais il était déjà parti si loin que je ne le voyais plus. Je distinguais à peine un nuage de poussière à l’horizon, suivant la direction dans laquelle il avait fui. Et là où je passais, je ne trouvais qu’un champ de cadavres écrasés et mutilés, comme s’il ne s’était même pas arrêté pour les tuer.

— Bon… me résignais-je, au moins, je peux courir tout droit en paix… Plus besoin de carte.

Je me demandais simplement combien de temps cela pouvait durer, je ne voulais pas non plus, même s’il allait bien dans la bonne direction, qu’il finisse par rencontrer les géants. Il se ferait capturer et… et je n’osais pas y penser.

Courant de toutes mes forces, je me mis en tête de le rattraper à un moment ou un autre. Il allait bien finir par se fatiguer, reprendre ses esprits et se demander ce qu’il faisait là. Je pourrais alors avoir une petite chance de lui parler.

Pour l’heure cependant, je traversais des champs de serpents morts. Il les avait tous tués, la voie était on ne pouvait plus libre et si ça continuait comme ça, j’allais gagner un temps fou.

Enfin, ça aurait pu être bien si je n’étais pas arrivée aux marais. Je pensais devoir escalader les arbres, la nuit tombée, et ainsi perdre toute chance de rattraper ce fou alcoolique en manque.

Mais en regardant de plus près, je vis des centaines de corps mutilés flotter à la surface de l’eau croupie. Tant de crocodiles, de petits serpents et de mélanges des deux que mes yeux pouvaient voir.

— Bon… Tentons le coup, me convainquis-je.

J’allais mettre un pied dans l’eau quand soudain, je me frappai le visage de la main.

— Je sais voler… me rappelai-je.

Et ce fut ainsi que je continuai ma route, traversant les marais par la grande porte – et sans risque –  en lévitant sans me fatiguer à quelques centimètres au-dessus de l’eau. Je me fis une étrange réflexion :

— Le voyage sera-t-il plus court que prévu, finalement ?

Mais c’était sans compter sur Pythagore. Il avait effectivement nettoyé le chemin mais comme je le pensais, il avait fini par retrouver un peu de sa lucidité et se demander ce qu’il foutait donc là à courir comme un dégénéré en tuant des pauvres monstres innocents qui ne voulaient que chasser leur repas.

Au bout de plusieurs heures et alors que le soleil se couchait, je finis par le retrouver assis par terre, contre un énorme rocher – exactement celui au sommet duquel je devais passer la nuit lors de mon voyage en solitaire – et il se tenait la tête dans les mains.

En m’entendant arriver, il leva des yeux rouges ; il avait pleuré.

— Oh, Wuying… Je suis si faible… Je suis nul… Je n’ai aucun talent… se lamenta-t-il.

— Pourquoi dis-tu ça, mon ami ? lui demandai-je pour tenter de le consoler.

— J’ai créé un sort qui devait me protéger contre l’addiction, il était si puissant ! En tout cas, c’est ce que je croyais. Il s’avère…

Il hésita deux secondes avant de finir sa phrase en secouant la tête :

— …que c’était un sort de merde créé par un érudit sans aucun talent. Plus le temps passe et plus je sens que je perds pied. Je vais bientôt ne plus pouvoir du tout reprendre mes esprits… Ça arrive trop rapidement, Wuying. Trop rapidement.

— Ne t’en fais pas, le rassurai-je. Tiens bon encore quelques jours. Lance à nouveau ton sort s’il le faut, aussi souvent que possible. Il t’aidera peut-être. Une fois que nous serons chez les géants, ils sauront te soigner, j’en suis certaine. Et sinon, héhé, ils sauront te donner tout le vin dont tu as besoin pour garder ta tête !

J’essayais d’être la plus optimiste possible afin de lui remonter le moral. Et il finit par hocher la tête d’un air déterminé.

— Oui. Tu as raison. Les géants sauront me… Hein ?! Les gé… Les géants ?!

Il ne parvint pas à finir sa phrase, choqué au possible par ce que je lui proposais.

— Mais ils vont nous torturer et nous tuer à petit feu ! Tu ne le sais donc pas ?!

Je me relevai pour le regarder de haut, d’un air qui se voulait dominateur, qui lui affirmait qu’il n’avait pas le choix.

— À qui crois-tu avoir affaire, là ?! Penses-tu vraiment que je me laisserais faire par ces géants de pacotille ?!! Suis-moi, je vais te montrer les pouvoirs d’une déesse.

— …

Il ne comprenait pas, mais je l’avais sans doute convaincu par mon comportement assuré. Sûre de moi, il n’avait de toute façon plus vraiment d’autre choix que de me faire confiance.

— O… Ok, je te suis… bafouilla-t-il en lançant son sort anti-addiction, qui allait sans doute le faire tenir quelques heures, si la chance lui souriait.

— Euh… le repris-je, en fait, passe devant, plutôt. D’accord ? On… On va par là.

 

***

 

Je ne pouvais pas espérer meilleur voyage dans ces conditions. Pythagore avait lancé son sort à de nombreuses reprises pendant plusieurs jours afin de lutter contre l’addiction, et ça avait eu le mérite de fonctionner plus ou moins.

Il nous avait tracé un chemin en ligne droite direction le camp des géants ; je n’avais plus besoin de ma carte. Tout ce que nous rencontrions, il le massacrait du haut de ses trois étoiles.

— Attention, lui dis-je alors qu’on arrivait près du cratère noir dans lequel j’avais suicidé le géant, à partir de là, ils peuvent nous repérer.

— Qui ? Nous y sommes déjà ? s’étonna-t-il.

— Oui. Regarde par ici, c’est le camp.

— Mais… Les monstres précédents étaient de niveau assez moyen, et tu me dis qu’il y a là les géants ? Déjà ?!

— Oui, oui, lui assurai-je en hochant la tête, je te promets qu’ils vivent là.

— Alors ils ne doivent pas être si puissants que ce qu’en disent les légendes, conclut-il d’un seul coup, nous venons à peine de passer des monstres qui sont au sommet des deux étoiles.

— Je sais. Mais entre ceux-là et les géants, il y a un gouffre énorme, insistai-je encore, ce ne sont pas des créatures que tu peux espérer vaincre. Ni seul, ni accompagné, crois-moi.

— Hah ! s’esclaffa-t-il comme pour se moquer, au-delà du sommet des deux étoiles se trouvent les monstres du tout début des trois étoiles. Et moi-même, je suis déjà de niveau 134 ★★★ et je ne pense pas que, comme tu dis, je me fasse exterminer en un mouvement.

Je ne pus que porter la main à mon visage face à de telles paroles. Qui était venue là ? Moi ! Qui n’y étais jamais venu ? LUI ! Et il osait remettre en doute ce que je lui disais… Il était clair que sa folie commençait tout doucement à lui obscurcir les idées, et j’allais lui proposer de constater ça par lui-même.

— Écoute, lui répondis-je calmement, si tu dis que tu es capable de les battre, alors je te fais confiance. Va, commence par celui qui vient de sortir du camp, juste là-bas ! Dépêche-toi avant qu’il ne puisse alerter ses congénères !

Chauffé par mes encouragements et ma confiance en lui – feinte évidemment, je savais ce qu’il allait se passer – il bomba le torse, et les yeux déjà injectés de sang alors que le sort anti-addiction commençait tout doucement à ne plus faire effet, se jeta en avant. Il croyait être le plus furtif possible, comptant visiblement s’approcher du géant pour l’attaquer de dos ; après tout, il pensait être plus fort que lui et sans doute le terrasser en un coup bien placé.

Mais à peine avait-il parcouru une dizaine de mètres que sa cible se retourna en humant l’air et son regard le trouva immédiatement, faute de forêt où se cacher. Ses immenses sourcils se froncèrent sévèrement et il se jeta en avant, direction Pythagore, sans réfléchir.

Je pouvais voir dans son regard que tout ce qu’il avait à l’esprit était la chasse à l’intrus. Peut-être même était-il sorti pour une petite ronde spécifiquement dans ce but, aussi était-il dans de bonnes dispositions pour ça.

Pythagore n’avait pas peur, il se jeta en avant lui aussi, voyant que sa tentative d’assassinat avait échoué ; l’attaque de front était un recours acceptable également, après tout. Surtout s’il s’imaginait que les géants étaient des monstres trois étoiles plus faibles que lui…

Il était évident qu’il n’avait pas observé son ennemi. Même de là où j’étais, en plissant les yeux, je pouvais apercevoir les 4 étoiles du géant. Si Pythagore avait eu toute sa tête, il aurait sans doute remarqué, lui aussi.

— Et le voilà qui hurle comme un barbare, me plaignis-je, la main à nouveau sur les yeux, subtil mélange de honte et d’incompréhension.

Au moment où j’entendis un cri, j’entrouvris les doigts pour apercevoir le géant un large sourire aux lèvres. Il tenait Pythagore à bout de bras par une de ses jambes, et le pauvre génie à moitié fou se débattait inutilement.

— Et voilà… Je te l’avais dit, murmurai-je.

De loin, je pus entendre le géant glousser de plaisir :

— Huahahaha… J’ai capturé un intrus ! Un intrus de moins qui viendra essayer de voler notre recette !

Il se retourna et partit en direction du camp. Je savais qu’au-delà se trouvaient les champs de vignes et qu’il allait sans doute attacher Pythagore à un cep aussitôt qu’il y serait. C’était parti pour des années de torture.

— Bon, il va falloir que je m’en mêle avant que ça aille trop loin.

Pythagore se redressa et se mit à frapper du poing l’immense main qui le tenait prisonnier. Mais loin de broncher, le géant se contenta de le secouer dans tous les sens, comme une vulgaire poupée de chiffon.

— Aa-aaaa-aaaa-aaah ! Aa-aa-rrê-te ! Lââââ-cheeee-moiiiii !

Ses suppliques ne reçurent pas un soupçon de réponse. Le géant disparut bientôt à l’intérieur de son camp et je sortis du cratère pour me jeter en avant en courant. Il fallait maintenant que je le rattrape avant qu’il ne fasse une bêtise et qu’il ne mette sa déesse en colère.

Fort heureusement, ma vitesse de course était toujours supérieure à l’allure du géant qui marchait au pas, comme s’il se contentait de sortir les poubelles. Je finis par entrer dans le camp, confiante et sûre de moi, pas apeurée pour un sou. Il se retourna en me sentant arriver, et d’autres géants assis par terre autour d’un immense feu de joie – ou de camp, pour eux – tournèrent également des têtes étonnées vers moi.

Ceci dit, ils réagirent aussitôt à ma présence en me reconnaissant immédiatement. Ceux assis près du feu se levèrent pour se tourner et mieux s’agenouiller pour finir la face incrustée dans le sol face à moi tandis que celui qui tenait Pythagore ne savait plus quoi faire de sa victime et n’osait pas la laisser partir de peur qu’elle ne lui file entre les jambes sans doute.

Mais lui comme les autres se mirent à scander :

— Oh, grande déesse d’au-delà des cieux, nous sommes honorés de ta visite ! Aime-nous, bénis-nous et accorde-nous une récolte fructueuse !

Je pouvais voir Pythagore qui ne comprenait pas tout à fait ce qu’il se passait. Il avait un visage perplexe et même s’il voyait le monde sens dessus dessous, il pouvait clairement s’apercevoir que c’était moi que ces géants révéraient.

Je bombai fièrement la poitrine et leur répondis :

— Géants ! Les dieux ont apprécié votre vin au plus haut point !

Ils levèrent la tête et je pus voir des étoiles dans leurs regards et des larmes se former aux coins de leurs yeux. Ils étaient clairement heureux d’apprendre cette excellentissime nouvelle, parce que ça signifiait qu’ils étaient désormais bénis des dieux, qu’ils risquaient fortement de devenir leurs chouchous. Et dans le pire des cas, ça voulait au moins dire qu’il ne leur arriverait pas malheur.

— Je suis revenue pour vous l’annoncer moi-même, car je vous apprécie ! leur lançai-je. Je veux voir Grorg, votre chef. Est-il là ?

Deux des géants se regardèrent d’un air étonné. L’un d’eux se tourna vers moi pour me répondre.

— Notre chef ? Mais nous n’avons pas de chef. Grorg n’est pas notre chef.

— Comment ça, pas votre chef ? m’étonnai-je, on m’a pourtant installé dans une immense hutte la dernière fois, ce devait absolument être celle d’un chef. Et c’est lui qui a pris les choses en main ensuite.

Il haussa les épaules, plus par incompréhension que par dédain ceci dit.

— Ah, non, c’est simplement une grande hutte. La hutte communale, grande déesse.

Ils n’avaient pas de chef ? Mais, et Grorg, alors ?

— Et Grorg, alors ?

— Il n’est pas notre chef. Il est notre frère. C’est simplement lui qui a parlé le premier. Il aurait pu en être de même pour n’importe lequel d’entre nous.

Pythagore se débattait à nouveau, peut-être agacé qu’on ne fasse plus attention à lui, ou éventuellement en proie à une nouvelle crise de folie. Je devais régler ce problème au plus vite.

— Eh bien, votre déesse a parlé. Maintenant, vous avez un chef, et il s’agit de Grorg. Faudra vous y faire.

Les géants levèrent tous la tête, profondément surpris par mon annonce nonchalante et ne comprenant pas tout à fait où je voulais en venir, à remettre en cause le fonctionnement éternel de leur société fratriarcale. Moi, de mon côté, je me surpris à sourire légèrement en me rendant compte que j’avais le pouvoir de changer de telles choses dans une société de monstres surpuissants, d’un simple mot.

— Ah, peu importe, continuai-je, vous gèrerez ça plus tard.

Je me rendais bien compte que j’agissais sur un caprice, sur une simple envie parce que j’en possédais le pouvoir. Faire ça n’avait aucun intérêt profond, si ce n’était pour faire savoir qui était le patron ici ; et même ça n’avait pas de vraie importance puisqu’au final, c’était moi.

— Pour le moment, toi, là, pose cet architecte au sol.

Le géant qui tenait toujours Pythagore leva les sourcils et son regard dériva aussitôt sur la pauvre victime.

— Moi ? Lui ? Ah ? Oui, grande déesse… J’obéis… Mais pourquoi ?

— Il est un envoyé des dieux, improvisai-je rapidement, il est arrivé en ma compagnie et il est spécialisé dans le vin. Il est là pour goûter chaque cuvée, afin de s’assurer que les dieux se verront servis un vin des plus parfaits lorsque l’envie leur prendra d’en boire à nouveau. Vous lui serviez donc un gobelet de vin trois fois par jour, sans discuter.

J’avais trouvé un plan parfait.

— Ah, et traitez-le comme s’il s’agissait de moi. Ok ? Je ne veux pas le voir attaché et torturé. Compris ?

Raka
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26 thoughts on “DMS : Chapitre 60

  1. Cette fois ci j ai d abord lu avant le message x).
    Merci pour le chapitre.
    Elle aurait pas pu profiter que pythagore soit la pour l aider a achever des monstres ?

  2. Mercipour le chapitre
    J’ai hâte de voir la suite.

    Ps Raka tu ma pas confirmer
    Elle conserve a jamais les divers pouvoir chopper
    Ou elle perd au bout de 24h ou si elle meurt le pouvoir appropriées

  3. Un envoyé des dieux qui n’a pas toute sa tête, et qui n’a pas grand chose de divin x)
    Merci pour le chapitre !

  4. slt je pense avoir compris comment marche le pouvoir d’appropriation.
    Je pense que le pouvoir marche via les yeux du boss de zones
    par exemple le coup de la crotte puante doit être une compétence de soit le monstre boss (la sorcière) ou d’une des créatures (gobelin ) du 2eme donjon
    vous en pensez quoi ?

      1. Je pense qu’elle obtient une compétence aléatoire et que si elle meure elle perd la competence, dans ce cas à quoi sert les 24h ? À mon avis c’est le temps qu’il faut pour valider l’appropriation de la competence

        1. Tu veux un spoil ?

          En réalité, la compétence est bien aléatoire, et se réinitialise soit au bout de 24h, soit à la mort.

          C’est pas bien compliqué, au final 😉

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