Chapitre 129 – Le Destin du Fou (5)
— Tu ne voleras pas le précieux du King ! Hurla le roi.
Friderik n’entendit pas ce que l’étrange créature face à lui venait de gargouiller, bruits incompréhensibles dans un flot de bave et de claquements de dents nerveux.
Le roi, totalement inconscient de ce qui se trouvait autour de lui, de la puissance de la bête face à lui – aurait-ce était un simple loup – et parfaitement obnubilé par le vin qu’il désirait plus que tout au monde, leva les bras et asséna un coup le plus violent possible sur le museau du loup.
Ce dernier ne broncha pas. Un simple humain n’avait absolument aucune chance de le faire flancher ou de lui infliger le moindre dégât. Friderik s’était par le passé gavé de tant et plus de choses et ses statistiques avaient déjà gagné tant de bonus qu’il ne craignait plus grand-chose aux alentours de Camelot.
Ce que Friderik prenait pour un gobelin se rendit compte que ses coups n’avaient pas l’effet escompté et entreprit de mordre le loup qui s’en étonna à moitié.
Un gobelin, hein. Il est plus gros et d’apparence plus humaine que les gobelin classiques mais l’odeur ne trompe pas. Il pue le sang, la crasse et la bave. Les vêtements qu’il porte sont sans doute de là que vient ce relent d’odeur humaine que je sens. À qui les a-t-il volés ? Ah, voilà qu’il me mord… Un vrai gobelin, merde.
Friderik perdit patience. Il devait retourner voir Wuying pour s’assurer qu’elle allait bien après tout ce qu’il avait ressenti la concernant. Il grogna une fois de plus dans le but de faire comprendre au gobelin qu’il avait tout intérêt à cesser et fuir immédiatement.
Un grognement menaçant et furieux, empli de toute la haine pour cette race minable et indésirable qu’il pouvait trouver au fond de ses tripes.
Arthur continuait à mordre, le rouer de coups le griffer et l’étrangler en jurant des mots incompréhensibles. Friderik ne bougeait toujours pas d’un poil et même ses grognements ne parvenaient pas à faire abandonner ce monstre ridicule.
Ses babines se retroussèrent et il exhiba des dents grises, vertes et blanches, savant mélange de couleurs aussi variées que sa forme de loup pouvait lui permettre d’afficher. Un filet de bave s’écoula de sa gueule et on pouvait lire dans ses yeux que sa limite était éprouvée de façon assez vulgaire par une créature qui ne parvenait pas à comprendre la différence qui existait entre eux. Friderik avait l’impression d’être un mur de roche qu’un enfant tentait de faire bouger.
L’assaut ne s’arrêta pas et Arthur, devenu totalement aveugle à ce qui arrivait, n’avait plus qu’une idée en tête. Il fallait qu’il empêche ce loup de lui voler son vin, son vin si proche, qui devait être quelque part dans le coin. Il y jouait sa vie, le savait et s’en fichait passablement : rien n’était plus important au monde que son précieux.
Friderik perdit patience pour de bon.
D’un coup sec, il fit claquer ses crocs à quelques centimètres du visage du gobelin putride et puant, dans l’espoir de lui faire comprendre que s’il ne fuyait pas immédiatement, la seule issue serait la mort. Friderik ne se voyait pas simplement tourner les talons et partir, poursuivi par une créature infecte qui cherchait uniquement à lui faire du mal.
Tuer pour rien était encore une chose qu’il évitait de faire et il n’avait aucun besoin de dévorer ce gobelin si faible mais lorsque sa patience était à bout, la solution la plus radicale face à un vulgaire gobelin comme il en existait tant était sans doute l’exécution simple et rapide.
Le poing du roi vola une fois de plus. Il chercha, peut-être par instinct, à crever les yeux de ce loup malvenu dans sa recherche si importante. Friderik, exaspéré par ce comportement vulgaire et agressif, décida que c’en était trop.
Une pourriture de gobelin, qui avait sans doute tué son soûl d’humains pour leur voler les loques qu’il portait sur le dos, osait s’en prendre à lui de la sorte ? Il lui avait donné sa chance à plusieurs reprises déjà.
Friderik se contenta d’ouvrir la gueule une fois de plus et de la refermer sur cette main qui arrivait trop vite vers lui.
Le résultat était prévisible mais fut malgré tout étonnamment sanglant. La main du gobelin vola sur plusieurs mètres et ce dernier recula d’un pas, hébété, les yeux posé sur un moignon dont le sang sortait désormais en un gros bouillon.
— Je… Rah… Précieux…
Incapable de comprendre les grognements étranges qui sortaient de la gorge enflée du roi, Friderik ne s’arrêta pas là. Cette merde de gobelin avait osé s’en prendre à lui, il allait simplement l’exécuter, le bouffer et faire demi-tour pour s’en retourner voir Wuying . Oui, c’était ce qu’il y avait de plus simple à faire.
Il se jeta en avant et sans donner à la pauvre créature la moindre chance de riposter, lui ouvrit la gorge d’un coup sec de la mâchoire.
Le roi ne comprit pas ce qui lui arrivait ; ses yeux rougis et enflés par la folie se révulsèrent et il s’effondra simplement sur place, comme une poupée de chiffon. Friderik n’attendit pas plus et plutôt que de gaspiller une créature qu’il venait de mettre à mort, il décida qu’il pouvait tout aussi bien l’absorber ; peut-être y gagnerait-il un petit quelque chose ? Il n’avait jamais dévoré de gobelin, après tout.
Friderik se déforma et reprit une f orme plus proche de celle qu’il possédait naturellement. Son corps vint envelopper le cadavre du roi qui convulsait encore au rythme du sang qui jaillissait en fontaine de ce qui avait été sa gorge quelques minutes auparavant.
Il ne fallut pas longtemps à Friderik pour totalement absorber le roi Arthur. Une fois ceci fait, il se désintéressa totalement de ce qui venait de se passer et s’apprêta à faire demi-tour pour repartir dans la direction qu’il avait choisie pour sortir de la forêt.
[Absorption terminée]
[Nouvelle forme : humain]
— …Quoi ?
Friderik s’arrêta net en voyant ce qui venait de s’afficher dans son champ de vision. Une nouvelle forme ? Humain ?
Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser que ce qu’il venait de dévorer n’était alors pas un gobelin comme il le pensait. Cette odeur d’humain ne venait pas de ses vêtements mais de sous la crasse et le sang dont il était recouvert… Mais alors ?
Friderik fut frappé par une vague d’informations qui le plaqua au sol dans un élan de douleur.
— Argh ! Hurla-t-il en se roulant par terre pour tenter de faire disparaître ce mal qui le rongeait d’un seul coup.
Dans le flot d’informations qui déferlait en lui, Friderik découvrit alors l’identité de celui qu’il venait de mettre à mort et d’absorber ; ouvrant de grands yeux, il se demanda immédiatement ce qu’il avait fait et quelles conséquences son geste allait avoir, sur Camelot, sur Albion, et surtout sur lui-même. Tuer un humain était une chose, en absorber était totalement différent ! Il n’avait jamais osé franchir le pas et voilà qu’il venait de le faire sans le savoir !
— M… Merde ! Qu’est-ce qu’il m’arrive ?!
Le slime ne comprenait pas le mal qui se déversait en lui, qui semblait vouloir dévorer l’intérieur de son corps sans lui laisser la chance de se battre. C’était comme un mal physique et psychologique à la fois. Parce qu’il avait dévoré un être humain ? Était-il maudit ? Un quelconque dieu cherchait-il à le punit ? Devenait-il lui-même un vulgaire monstre, uniquement capable de semer la mort parmi les Hommes ?!
Friderik sentait qu’il y avait quelque chose de ténébreux, tout au fond de lui. La douleur s’était calmée et il parvint à retrouver son calme mais il avait définitivement un problème.
Comme une sensation de manque, un désir inassouvi et qui cherchait à devenir plus important que tout.
— Il… Le vin ? J’ai absorbé son désir de vin ? Sa folie ? Supposa-t-il. Mais alors… Il faut que je retrouve Wuying au plus vite !
Friderik se releva et malgré cette sensation gênante qui oppressait tout son être, se changea une fois de plus en loup et se mit à galoper au cœur de la forêt, le plus rapidement que lui permettaient ses pattes affaiblies par son état étrange.
***
Au camp des géants, j’attendais depuis presque un jour entier. Je passais du temps sur mon lit à me reposer et à récupérer tout ce que je pouvais, ne sachant pas où allaient me mener mes prochaines aventures. Je fermai les yeux la plupart du temps afin d’observer l’intérieur de mon donjon et deux choses me sautaient aux yeux.
D’abord, personne ne parvenait à vaincre le tavernier. Il encaissait l’alcool mieux que personne et peut-être personne aux alentours de Camelot n’arriverait-il jamais à bout de son épreuve. Alors, pourrais-je seulement supprimer ce donjon pour en créer un nouveau ?
Ensuite, Xun Ya n’était pas revenue. Elle n’avait toujours pas réussi à trouver Friderik. Où pouvait-il bien être ? J’étais certaine qu’elle avait déjà trouvé un moyen de contacter le roi et si Friderik jouait le rôle de l’épée à ses côtés, il aurait déjà dû être là.
Alors où diable pouvait-il se trouver ?
Joc entra dans ma petite maison.
— Wuying.
J’ouvris les yeux et tournai la tête.
— Oh, Joc. Bienvenue. Installe-toi.
— Merci, répondit-il en se trouvant une chaise ou poser ses fesses.
— Tu as besoin de quelque chose ? Lui demandai-je en me redressant sur mon lit.
— En effet, acquiesça-t-il. Ou plutôt, plus qu’un besoin, il faut que je te dise quelque chose.
À chaque fois que Joc avait quelque chose à me dire, c’était du sérieux et souvent des choses que j’aimais entendre. La boutique était-elle à nouveau active ?
— J’ai fait quelques recherches sur cette persona qui t’a été imposée.
— Oh. Tu as toute mon attention, lui répondis-je avec des yeux brillants
Il se gratta le menton et chercha ses mots. Même assis, je devais lever la tête pour le regarder en face. Joc était vraiment un colosse digne d’avoir survécu à l’âge des cavernes. Je ne pouvais qu’imaginer ce type chasser à mains nues ou avec des outils primitifs les plus grands prédateurs de son époque. Il me rappela cependant à la réalité en me sortant de ma rêverie.
— Après analyse de ton âme, j’ai pu constater que les traces qu’elle a laissées sont évidentes. Il s’agit d’une persona qui, contrairement à toutes les autres, a reçu une énergie et un accès au système plus grands, si grands, en réalité, qu’elle peut sortir d’Imperos là où toutes les autres sont limitées par l’enceinte de la ville.
Il fit une pause de quelques secondes et voyant que j’attendais la suite en silence, reprit la parole.
— Et je pense que c’est pour cette raison précise qu’elle a été créée. Sortir de la ville. Tu sais, pour combattre les parias. Je crois que le système attendait un corps particulièrement spécial comme le tien pour y placer une persona qu’il a sans doute mis des années, des siècles peut-être, à créer.
— Un corps spécial ? Répétai-je. Il aurait attendu un corps pendant si longtemps ?
— En effet. Il faut que tu te rendes compte que peu importe la puissance de la persona et ses capacités, si elle ne peut pas tirer ce qu’il faut d’un corps, elle est inutile. Imagine le plus grand combattant de tous les temps dans un corps d’obèse souffrant de la maladie de Parkinson. Penses-tu que toutes ses connaissances lui seront utiles ?
— …Je suppose que non. Je crois que je vois où tu veux en venir.
Il hocha la tête et reprit le cours de son explication.
— Seulement, le temps s’est écoulé. Trop de temps et les parias comptent dans leurs rangs un nombre sans doute important d’Architectes très, très puissants. Même le système ne s’y attendait pas et la persona n’a pas été capable de les vaincre. Tu es morte et pour une raison que j’ignore, lorsque tu es revenue ici au camp des géants, la persona s’est endormie.
— End… Hein ?
— Oh. Ce n’est peut-être pas le bon terme. Plutôt qu’endormie, elle m’a l’air d’être scellée en toi. Ne me demande vraiment pas pour quelle raison, je l’ignore complètement. Prends garde, Wuying, la persona est là, en toi, et tout comme tu étais coincée dans ton corps, forcée de la regarder agir, elle est actuellement sans doute spectatrice de ta vie. Ne t’a-t-elle pas adressé la parole ? Ne l’as-tu pas entendu te parler, dans ta tête ?
— Non, fis-je en secouant la tête.
— Hm… Alors le sceau qui la bloque est peut-être encore plus puissant que ce que j’ai calculé.
Après quelques minutes de silence de sa part et de la mienne, totalement incapable que j’étais de réaliser la réalité de ce qu’il venait de me dire, je finis par répondre.
— Je suis une espèce de bombe ambulante ?
— Une b… Pardon ?
— Si elle reprend le contrôle pour une raison ou une autre… Tu sais, je connais cette persona, elle sait faire des choses… des choses que je pensais impossibles. Elle utilise mieux mon corps que je ne l’ai jamais fait.
— Ah. Je vois. Eh bien, je suis déjà en train de travailler sur un outil d’analyse et de renforcement des liens qui sont actuellement en train de la réprimer. Lorsque je l’aurai terminé, elle ne pourra plus rien faire. Tu sais, je suis l’un des plus vieux membres du système et elle a beau être puissante, mes connaissances dépassent de loin tout ce qu’elle pourrait tenter.
— Tu me rassures, finis-je par admettre en soupirant.
D’un seul coup, je sentis un picotement dans la nuque. L’espace d’une demi-seconde, j’eus peur que la persona parvienne à sortir, totalement furieuse et désespérée de ce qu’elle venait peut-être d’entendre. Je me rendis cela dit vite compte que quelque chose se tramait dans mon donjon.
J’ouvris de grands yeux, incapable de comprendre la raison derrière la scène que je venais d’apercevoir, de l’autre côté.
— L… Le roi Arthur vient d’entrer dans mon donjon !
- EER : Chapitre 225 - 26 décembre 2023
- EER : Chapitre 224 - 8 décembre 2023
- EER : Chapitre 223 - 7 décembre 2023
Merci pour le chapitre
Merci pour les chapitres.
j’attends de voir comme ça va évoluer entre wuying et sa persona.
Merci pour le chapitre =)
Merci pour ce chapitre ^^
Franchement, j’espèrais bêtement que les choses s’amelioreraient pour Arthur… Donc sa mort m’attriste vachement (mais l’évolution de Fredrick est super intéressante^^)
le truc avec la poisse légendaire de wuying, c’est quelle affecte aussi les personne proche d’elle
Bonjour/soir Raka, je me posais une question par rapport à l’histoire de DMS : Au début, quand Wuying reçoit la quête « va sauver mon fils des gobelins hors d’Imperos »… On est d’accord, le marchand et son fils sont des PNJ, donc des architectes possédés par le Système. Et on est d’accord, un possédé est libéré si il sort d’Imperos (comme Joc). Mais du coup… Le fils du marchand… C’était une personna spéciale, comme celle de Wuying ? Ou un truc du genre ?
Eux, c’est un cas un peu particulier.
On va les retrouver dans… Dans longtemps en fait.
Tu comprendras à ce moment.
ou c’était le début de la création par le système d’un corps intéressant ? Ou peut être une tentative des parias…
C’est dans le scénario, et d’ailleurs à cette époque un indice avait déjà été semé. Cela dit, sans savoir c’est compliqué à déceler.
mince, faut que je relise le début alors
Merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre !