MoL : Chapitre 73
MoL : Chapitre 75

Un grand merci à Kevin pour le dernier don des soldes 🙂
Il reste encore un chapitre de EER à boucler et les bonus seront à jour !

 


Chapitre 74 — Le retour

 

Simulacre numéro quatre était inquiet. Il n’aurait vraiment pas dû l’être, en considérant ce qu’il était et le nombre de fois qu’il avait affronté le Chasseur Gris. Il aurait pu, à la limite, se sentir excité – il le sentait bien, cette fois. Ils étaient meilleurs, ils étaient devenus familier, presque intimes, avec le comportement de l’araignée, et avaient apporté un certain nombre de surprises spécifiquement créées pour le contrer. Ça pouvait marcher. Ça pouvait vraiment marcher, contrairement à toutes les tentatives précédentes.

Peut-être que ça y était. Lors de leurs essais passés, Zorian – et, par extension, simulacre numéro quatre – avaient toujours senti que ça fonctionnerait un jour. Même s’ils échouaient, c’était prévisible. Cette fois, cependant, ils croyaient sincèrement en leurs chances, et il était nettement plus investi émotionnellement que lors de toutes les chasses passées.

Mais bien sûr, ils avaient un besoin certain des œufs de la bête, cette fois. Ils pourraient contacter Lac d’Argent sans eux, mais lui demander un service en lui offrant une chose qu’elle désirait énormément en retour se serait nettement moins contrariant.

Il pressa le fusil contre son torse, inconsciemment, et cette sensation dispersa le fil de ses pensées. Il se souvint s’être entraîné avec cette arme, encore et encore, et elle lui semblait pourtant si étrangère à son esprit… tout comme les bras qui la portaient. Il était un tout nouveau type de simulacre, auquel l’original avait songé récemment – au lieu d’être fabriqué d’une carapace ectoplasmique comme il en avait l’habitude, il avait été attaché à un véritable golem fait de matière, fait spécialement à l’image de Zorian. C’était une amélioration du sort sous tous les aspects, qui lui offrait une durabilité augmentée et réduisait le coût en mana de moitié. Zorian pouvait ainsi conserver deux fois plus de simulacres en vie, et il était certain qu’ils ne seraient pas détruits par de dégâts mineurs. Le seul point négatif de cette opération était le temps que nécessitait la création du golem, ainsi que son coût en espèces sonnantes et trébuchantes. En tout cas, c’était l’idée. Le simulacre se sentait bien plus raide qu’à son habitude, signe que ses articulations n’étaient pas aussi souples que Zorian l’avait espéré. Sans aucun doute, l’original trouverait un moyen de réparer ou d’équilibrer tout ça lorsqu’il en aurait le temps, mais ça ne ferai que peu de différence pour lui. Il espérait simplement qu’il n’allait pas manquer son coup ou faire échouer le combat à cause de ça.

Hélas, le temps de la réflexion était terminé. Un court message ondula hors de son âme, jusqu’à sa conscience, l’informant – et informant de même les trois autres simulacres dispersés dans la zone – que l’original s’apprêtait à entamer le combat. Il vérifia rapidement l’état de son arme une dernière fois et envoya une confirmation en utilisant la même méthode : grâce à l’âme qu’ils partageaient, qui formait un conduit de communication idéal. L’original travaillait déjà à d’autres améliorations en se basant sur leurs études de l’hydre et des rats-crânes, mais ce domaine était toujours en phase initiale et loin d’être applicable lors d’un combat réel. Pour l’instant, la communication normale via l’âme devrait faire l’affaire.

Et ça commença. Le Chasseur Gris surgit de sa grotte et se dirigea immédiatement vers Zach et Zorian afin de les attaquer, ignorant totalement les simulacres en chemin. Une volée de projectiles répondit à sa charge, les deux adolescents faisant de leur mieux pour garder la bête sous une pression constante sans gaspiller trop de leurs réserves de mana. Zach lançait de puissants rayons de force, l’obligeant à esquiver et à briser son élan. Zorian, de son côté, utilisait le truc de Kirma : il portait un cube de métal lui servant de concentrateur magique, et tirait de plus petits projectiles, qui suivaient à la trace les points faibles de leur proie. Il s’arrangeait pour faire partir ses attaques en même temps que celles de Zach, empêchant le Chasseur Gris d’esquiver la totalité de leurs sorts. Bien que chaque attaque seule fût incapable de lui faire le moindre mal, elles provoquaient malgré tout une réaction ensemble, l’araignée clairement énervée et de plus en plus agitée à mesure que les secondes s’écoulaient.

Simulacre numéro quatre suivit le Chasseur Gris à la trace au travers du viseur de son arme, mais ne tira pas. Le monstre l’ignorait, parce qu’elle ne le percevait pas comme une menace, mais ça ne durerait pas longtemps s’il commençait à la bombarder aveuglément. Non, si lui et ses frères dupliqués souhaitaient aider Zorian et Zach, ils devaient n’agir qu’au moment crucial.

Le problème d’un flingue et du Chasseur Gris ne résidait pas dans la possibilité de le voir esquiver le tir. Il en serait incapable. Zorian en était certain, rien ne pouvait volontairement éviter un projectile se déplaçant plus rapidement que le son. Non, le souci, c’était que l’araignée ne restait jamais assez longtemps sur place pour qu’il pût la viser convenablement. Une balle ne traquait pas sa cible, et utiliser la magie pour ce faire était incroyablement difficile – et la bête l’aurait senti. D’autant que de toute façon, tout ce que Zorian pouvait faire, c’était courber légèrement la trajectoire d’un projectile filant à une telle vitesse. Et le simulacre ne devait pas simplement toucher sa cible. Il devait la toucher et épargner le sac d’œufs.

Techniquement, il fallait que le Chasseur Gris restât immobile pendant une ou deux secondes. Un haut fait, mais si quelqu’un en était capable c’était ce duo.

L’araignée plongea vers Zorian. Zach était une plus grande menace, mais Zorian était bien plus irritant, et avait certainement l’air plus vulnérable. Si le plus faible et le plus ennuyeux pouvait mordre la poussière le premier, alors toute son attention pourrait alors être redirigée vers la menace principale, et la victoire serait assurée. Mais les apparences sont trompeuses. Le Chasseur Gris s’écrasa sur le bouclier de Zorian et s’arrêta net. L’épaisse barrière de force qui l’entourait était une merveille de technologie magique, un sort personnalisé que Zorian avait créé avec l’aide d’une dizaine de professionnels pour tirer profit, au maximum, de son talent en façonnage du mana. Les fils de mana, brillants, entremêlés et formant cette sphère de force protectrice, s’illumina comme une lampe au milieu de la nuit, distribuant la puissance de l’impact sur toute sa surface avant de s’éteindre graduellement, telle une image rémanente.

Le Chasseur Gris attaqua le bouclier avec hargne, encore et encore, et parvint finalement à le traverser… mais au lieu de le voir s’effondrer totalement, trois petits hexagones de force se brisèrent, laissant la structure principale intacte. Avant que l’araignée ne pût tirer profit de cette petite ouverture, le bouclier tout entier pivota et se réarrangea afin de refermer la faille.

Soudain consciente que Zorian n’était pas la cible facile qu’elle avait imaginée, la femelle arachnoïde monstrueuse tenta de reculer, mais il était trop tard. Zach s’était déplacé avec précaution tandis qu’elle avait essayé de percer le bouclier de Zorian comme une abrutie, et venait de lancer un barrage de trois sphères de pierre d’une densité extrême. Elle pivota tel un acrobate, parant et déviant les projectiles à l’aide de coups de pattes mesurés, mais Zorian ne perdit pas une seconde, et tira avantage de ce moment pour lancer deux cylindres métalliques. Le Chasseur Gris, habitué à encaisser les attaques contraignantes mais plutôt faiblardes de Zorian et ne détectant pas une concentration extrême de mana dans ces cylindres, les ignora en faveur des bien plus dangereuses sphères de pierre.

Juste avant de toucher leur cible, les cylindres détonnèrent en une cacophonie de sons, lumière aveuglante, perturbations magiques et odeurs aromatiques – tout était optimisé pour rendre chaque sens de l’araignée totalement fou.

Sonnée et désorientée par les grenades, la mère de ces œufs tant convoités tituba et s’arrêta. Juste pour un instant.

Simulacre numéro quatre appuya sur la détente avec sang-froid.

Un autre bruit assourdissant retentit, rapidement suivi par deux autres. Simulacre numéro deux n’avait pas fait feu, positionné très maladroitement et voyant qu’il pourrait courir le risque de toucher les œufs s’il essayait. Des trois balles, l’une manqua totalement sa cible – simulacre numéro un avait apparemment si mal visé que mêmes la magie de correction de trajectoire s’avéra insuffisante. Mais cela n’importait pas. Numéros trois et quatre touchèrent le Chasseur Gris dans son céphalothorax, le perçant avec facilité.

Et il fallait avouer qu’il s’agissait d’une preuve de la résistance du monstre. Quelques secondes après les impacts, il se secoua pour se remettre du choc et se retira à une vitesse ahurissante, comme s’il ne venait pas à peine de se faire toucher deux fois à la tête. Mais à quoi bon courir ? Il vivait ses derniers instants ; à partir du moment où les balles avaient touché sa chair, son sort était scellé.  Elles étaient emplies d’une essence distillée d’ooze cristal, une créature sans doute aussi puissante que le Chasseur Gris, et qui vous changeait en cristal au moindre contact. Les balles cristallisantes, comme Zorian les appelait, transformaient déjà les organes de leur victime en minéraux inertes, et celle-ci ne pouvait rien y faire.

Et l’araignée sembla le réaliser également. Elle devint folle, se précipita vers Zach et Zorian comme s’ils étaient les responsables du massacre de son espèce, avant de tenter de fuir. Ils ne pouvaient pas le permettre, évidemment. Si elle s’échappait, cette mère poule irait très probablement mourir loin dans le donjon, et d’autres monstres dévoreraient sans aucun doute les œufs avant qu’ils ne pussent les récupérer. Aussi, des murs de pierre et de force lui barrèrent la route, des liens ectoplasmiques et des tentacules cherchèrent à l’emprisonner et des portails dimensionnels barrèrent la route vers son antre.

Au bout d’un moment, la cristallisation interne fut trop avancée pour qu’elle pût continuer à fonctionner de façon normale. Elle ralentit, et s’arrêta.  Simulacre numéro quatre et compagnie furent envoyés auprès d’elle pour la démembrer et récupérer les œufs, parce que l’original était trop peureux pour le faire lui-même – et les golems étaient bien plus résistants que lui, de toute façon. Et il avait bien fait : l’araignée, dans un dernier soubresaut, charcuta simulacre numéro trois au-delà de toute réparation possible, juste avant de mourir pour de bon.

Mais quoi qu’il en fût… elle était bel et bien morte, cette fois, et les œufs étaient intacts.

Il était temps d’aller rendre visite à Lac d’Argent après tout ce temps. Après y avoir réfléchi un peu, simulacre numéro quatre s’éloigna du cadavre et entraîna Zorian à l’écart pour lui parler. Il était si impatient de voir sa réaction lorsqu’elle apprendrait ce qu’ils avaient fait, et il n’était pas juste qu’il ne pût pas la voir juste parce qu’il était un simulacre ! Il était celui qui avait mis le monstre à mort ! Bon, il y avait numéro trois, aussi, mais il avait fini par se faire avoir par l’araignée.

Il avait totalement gagné le droit de demander une telle chose et n’accepterait pas un refus.

 

___

 

Après avoir sécurisé le corps du Chasseur Gris, Zorian et ses simulacres retirèrent avec des précautions absolues ce pourquoi ils étaient là : le sac d’œufs attaché à son ventre. Mais bien sûr, ce précieux était solidement attaché à sa mère, mère qui était capable d’effectuer toutes sortes d’acrobaties sans risquer de le perdre, alors les grands dieux savaient qu’il était bien accroché et qu’il était présomptueux de prétendre l’éplucher aussi facilement que ça. Pourtant, ce ne fut rien que Zorian et ses copies ne purent résoudre avec un peu de temps et d’analyse. Au bout d’une petite heure, ils parvinrent finalement à séparer les œufs du corps sans les ruiner.

Ils partirent immédiatement en quête de Lac d’Argent. Ils n’avaient aucune idée de ce qu’il fallait pour maintenir les œufs frais pendant longtemps, après tout, et il était mieux de les lui livrer au plus tôt. Ils conservèrent le corps du monstre également, l’envoyant dans l’orbe du premier empereur. La plupart de ce qui faisait sa valeur était ruiné à cause de ses organes cristallisés, mais il devait en rester encore suffisamment pour une ou deux potions.

Après une discussion calme et raisonnée, Zorian décida d’emmener simulacre numéro quatre. Se voir accompagné par un simulacre pourrait l’aider à la convaincre qu’il n’était pas juste cet adolescent précoce en quête de reconnaissance et qu’elle devrait le prendre au sérieux.

Dans tous les cas, traquer la sorcière ne fut pas bien compliqué, cette fois. Elle était peut-être cachée dans une dimension miniature, mais Zorian savait plus ou moins où la trouver, et il possédait des sorts de divination spécialisés dans ce genre de pistage. Ils ne tentèrent pas de pénétrer de force dans sa dimension, en revanche. Ils se seraient montrés menaçants et très malpolis. Au lieu de ça, ils attirèrent son attention d’une manière bien plus civilisée – ils sortirent le cadavre du Chasseur Gris et se mirent à parader autour de l’entrée de la dimension tout en scandant son nom.

Il ne fallut pas longtemps pour la voir sortir. Elle jeta un rapide coup d’œil au monstre mort, ouvertement intriguée, avant de l’ignorer pour observer les nouveaux venus. Elle resta debout à côté de l’entrée de son monde de poche, un long bâton métallique entre ses doigts squelettiques.

— Salut, entama Zach avec un sourire plein de dents et un signe de la main.

— Quel étrange lot de visiteurs que voilà, répondit-elle, impassible. Ce n’est pas tous les jours que deux mages juvéniles parviennent à me traquer jusqu’ici… et… est-ce un simulacre, attaché à la structure de ce golem ? Eh bien, êtes-vous malins…

— Vous savez, vous êtes plutôt intelligente vous-même, nota Zorian. Vous avez remarqué ce qu’était mon simulacre sans avoir eu besoin de lancer le moindre sort.

Et il le pensait. Certainement, il ne pourrait pas faire de même. Il devrait passer plusieurs minutes à lancer des sorts de divination analytique avant de pouvoir remarquer ce à quoi il avait affaire. Bien sûr, elle pouvait parfaitement l’avoir fait avant de sortir de son petit monde, mais c’était malgré tout impressionnant.

— Eh bien, on s’en fiche, trancha-t-elle. Pourquoi venez-vous ennuyer cette vieille femme au milieu de sa sieste de l’après-midi, à faire tout ce raffut ?

— Nous sommes venus pour faire un peu de commerce, répondit Zach, le ton toujours aussi enjoué, totalement inaffecté par son air menaçant.

— Nous avons tué le Chasseur Gris et récupéré le sac d’œufs intact, expliqua Zorian sans préambule en agitant sa main en direction du corps, pendant que son simulacre sortit nonchalamment les précieux œufs de la boîte qu’il portait, afin que la sorcière pût les voir, et elle les vit : ses yeux s’embrasèrent immédiatement. Nous pensions que vous pourriez être intéressée.

— Oh ? renchérit-elle aussi rapidement. Et qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

— Parce que vous me l’avez demandé par le passé, lui dit platement Zorian.

— Parce que je te l’ai dit par le passé, répéta-t-elle lentement, en le regardant comme le dernier des imbéciles. Quelle curieuse chose à dire. Je suis peut-être âgée, mais ma mémoire est toujours excellente… et je ne me souviens pas t’avoir un jour parlé, mon garçon.

Zach et Zorian avait discuté de ce qu’ils allaient pouvoir dire à Lac d’Argent après l’avoir rencontrée. Lui dire la vérité à propos de la boucle temporelle était dangereux, parce qu’elle était douée à la fois en magie de l’âme et en magie mentale. Elle était une sorcière extrêmement capable, et elles étaient célèbres pour s’y connaître dans ces domaines. Cependant, la convaincre de leur accorder son aide en lui mentant et en la manipulant pourrait prendre un temps fou… et le temps était, de façon assez amusante, une chose dont ils manquaient de façon chronique. Aussi, ils avaient tous deux décidé de raconter toute la vérité à la veille peau, et de voir comment elle allait réagir. Même si elle se montrait hostile, ils pourraient probablement gérer.

Probablement.

— Vous ne vous souvenez pas parce que le monde dans lequel nous vivons se répète constamment. La nuit du festival d’été, le monde se termine. L’existence retourne à son état initial, un mois auparavant, et tout se rejoue comme si rien ne s’était passé. Comme une boîte à musique qui se remonterait inlassablement… oubliant constamment, recommençant à chaque fois, expliqua Zorian, se montrant délibérément un peu mélodramatique et mystérieux.

La sorcière l’écouta parler, un sourcil levé, surprise et amusée en même temps.

— Ma parole, vous êtes venus jusqu’ici tous les deux juste pour me raconter ce genre d’histoire ? finit-elle par glousser. Je suppose que je peux comprendre où vous voulez en venir. On m’a déjà dit que je radotais plutôt souvent.

— Ce n’est pas que vous, fit Zorian en secouant la tête. Tout le monde revit ce mois encore et encore. Seuls Zach et moi y sommes immunisés.

— Oh, mais bien sûr ! s’exclama-t-elle en se frappant le front. Bien sûr que c’est ainsi ! Sans aucun doute puis-je également obtenir ce genre d’immunité à un prix très favorable, me sauvant par là de ce destin affreux de… répétition et d’oubli pour l’éternité ? Je dois dire que les arnaqueurs sont vraiment inventifs, de nos jours.

— En fait, nous ne pouvons rien faire pour vous permettre de conserver la conscience des mois passés, intervint Zach, insatisfait. C’est déprimant, mais voilà. Nous ne sommes pas là pour ça. Comme je l’ai fait remarquer un peu plus tôt, nous sommes là pour faire du commerce : le sac d’œufs contre de l’aide en matière de magie.

Lac d’Argent resta silencieuse, pendant quelques secondes.

— Ah, je vois, dit-elle enfin. Vous ne faisiez que répondre à ma question. J’ai demandé comment vous saviez que j’avais besoin de ces œufs, et vous m’avez donné une réponse. Je suppose que si je vous demandais pour une explication réelle… ?

— C’est le plus réel que nous puissions vous offrir, trancha Zorian. Que vous me croyiez ou non n’est pas de mon ressort.

— Hmpf, renifla la sorcière. Par curiosité, pendant cette conversation dont je n’ai aucun souvenir, vous ai-je seulement dit pour quelle raison je désirais ces œufs ?

— Absolument pas, admit Zorian. Pour être honnête, j’étais en colère contre vous, et je ne m’y suis pas intéressé. Je suis venu vous voir pour obtenir de l’aide quant à un problème pressant, et vous m’avez envoyé effectuer toutes sortes de tâches, pour lesquelles je n’ai opposé aucune complainte. Et ma seule récompense a été de m’entendre dire qu’il fallait que j’aille chasser une araignée géante pour récupérer ses œufs. J’étais bien plus faible alors, et ça revenait simplement à m’envoyer effectuer une tâche impossible juste pour vous débarrasser de moi.

— On dirait bien quelque chose que je pourrais faire, acquiesça sagement la vieille renarde. Ce qui m’amène au point suivant : pourquoi es-tu si certain que je veux ces œufs ? Peut-être t’ai-je simplement envoyé dans une quête insensée afin de ne plus te revoir, sans me soucier du résultat.

Eh bien, en vérité, Zorian n’en était pas certain. Il supposait fortement que ce fût le cas en se basant sur le fait qu’elle avait réellement tenté de se les procurer avant le début de la boucle temporelle. Mais elle n’avait pas besoin d’en savoir autant.

— Je suis un empathe, lui dit-il. Alors je sais pertinemment que vous désirez ces œufs. Que vous les désirez profondément.

Lac d’Argent lui offrit une grimace.

— Un mage mental, cracha-t-elle sur un ton dégoûté. J’ai vraiment la pire des malchances, je te le jure. Je n’apprécie la magie mentale que lorsque je suis celle qui la manipule ! Bien, bien, j’avoue, je veux ces œufs… mais ils ne sont pas aussi précieux que vous deux pouvez l’imaginer.

— Ce qui veut dire ? s’enquit calmement Zorian.

— Je suis sur un projet important qui nécessite ces œufs, mais ils ne sont que l’un des deux ingrédients essentiels qui me manquent. Si vous les aviez amenés tous les deux, je me serais réellement montrée désespérée et prête à tout pour les obtenir. Mais c’est dommage, vraiment dommage, que sans l’autre composant, ces œufs sont tout au plus… intéressants.

Zach leva les yeux au ciel.

— Vous êtes vraiment telle que Zorian vous a décrite. À chaque fois qu’une tâche est accomplie, vous en avez déjà une autre sous la main.

— Eh bien, ce n’est pas très juste, dit-elle raisonnablement. Je ne me souviens pas avoir envoyé ce jeune homme sur une telle mission, si ce que vous dites est simplement vrai, pour commencer. D’ailleurs, je n’ai jamais dit que je ne vous achèterai pas ces œufs. J’ai simplement dit que vous ne devriez pas vous attendre à m’extorquer monts et merveilles pour un ingrédient si mineur.

Mineur, qu’elle disait. Ok.

— Par curiosité, quel est l’autre ingrédient ? demanda Zorian.

— Les os et certains organes d’une salamandre brune géante, répondit-elle aussitôt.

— C’est tout ? s’étonna Zach, incrédule. Mais ces trucs sont partout, dans les environs.

— Ce n’est pas aussi simple que ça en a l’air, répliqua-t-elle d’un air plein de remontrances.  Oui, on en trouve énormément dans les rivières et les ruisseaux, mais elles ne sont simplement pas assez grosses… Pas assez matures. Les salamandres brunes géantes ne meurent pas de vieillesse, tu sais. Elles se contentent de grossir. Mais c’est une espèce magique relativement faible, et elles grandissent relativement lentement après un certain point, alors la plupart meurent chassées par un prédateur quelconque avant d’avoir atteint la taille que je recherche. Il me faut une salamandre d’un siècle passé, et c’est incroyablement rare.

— Pourquoi ne pas les élever en captivité ? s’étonna Zach.

La sorcière lui offrit le regard le plus stupide qu’il eût jamais reçu.

— Et qui serait assez motivé pour attendre un siècle, juste pour qu’une créature grandisse ? demanda-t-elle. Personne ne dispose d’autant de temps, garçon. D’ailleurs, elles tomberaient malades et mourraient certainement bien avant ça. Je n’ai aucune idée de la façon d’élever une salamandre.

Zorian ne put s’empêcher de se souvenir de sa rencontre avec elle. Si sa mémoire ne le trompait pas, il venait de se faire attaquer par une salamandre brune particulièrement énorme et l’avait tuée en se défendant. Il s’était agi du catalyseur qui avait poussé la vieille à se montrer… Il lui avait gentiment donné le corps de la salamandre, sans réaliser à quel point il était précieux… et elle, après avoir reçu un truc apparemment si rare, avait malgré tout décidé de l’envoyer courir aux quatre coins de la forêt sans même entendre ce qu’il lui voulait.

Cette putain de vieille salope décrépie !

— Arrêtons de tourner autour du pot pendant un instant, trancha Zorian en ravalant son irritation afin d’accomplir quelque chose de concret. Voilà mon offre : le sac d’œufs du Chasseur Gris en échange d’un mois de formation sur la création de dimensions miniatures. Qu’en dites-vous ?

— Oh ? La création de dimensions ? murmura Lac d’Argent, en pleine réflexion, tapotant son menton du bout de son index osseux. Alors, c’est après ça que vous en avez, vous deux. C’est une compétence plutôt exotique et de très haut niveau. Es-tu vraiment certain d’être capable de l’apprendre ?

Oh, bien – elle n’avait pas nié posséder ces connaissances. Zorian avait eu peur que son antre fût uniquement un trésor qu’elle aurait trouvé un jour, et dont elle se serait servi sans rien en savoir. Il aurait été réellement douloureux de devoir trouver quiconque d’autre capable de leur enseigner quoi que ce fût dans ce domaine.

Dans tous les cas, Zorian ne tenta pas de la convaincre en lui sortant une tirade toute faite – il ouvrit simplement un portail dimensionnel vers Koth, juste là. La sorcière se mit instantanément en garde lorsqu’il commença à lancer le sort, mais ne tenta pas de l’arrêter. Au milieu de l’incantation, elle sembla réaliser ce qu’il faisait et se détendit. Elle adopta un air plus curieux et intrigué, qui ne fit que s’amplifier lorsque le passage dimensionnel apparut pour de bon à côté de Zorian.

Elle en fit le tour à plusieurs reprises, l’observant intensément, avant de se tourner vers son créateur.

— Eh bien, tu es plein de surprises. Je ne pense pas avoir un jour vu un passage dimensionnel si stable et bien structuré, admit-elle un peu à contrecœur.

Zorian esquissa un sourire. C’était naturel. Après tout, ses compétences en création de passages dimensionnels étaient une fusion de sorts plus orthodoxes que Xvim lui avait transmis avec les connaissances qu’il avait acquise grâce à l’étude approfondie du portail ibasien. Il doutait que de nombreuses personnes fussent capables d’étudier et de combiner rien que ces deux trucs-là.

— Comme vous pouvez le voir, je suis plutôt doué en dimensionnalisme, se vanta Zorian. Et mon ami Zach l’est tout autant. Vous n’avez pas à vous inquiéter de notre capacité à suivre vos instructions.

— Eh bien, c’est très bien, rétorqua-t-elle avec un sourire large et auquel il manquait quelques dents. Il ne reste donc plus que la question du paiement. Voyez-vous… Je ne pense pas qu’un sac d’œufs de Chasseur Gris soit suffisant pour ça.

Zorian ne cilla pas. Il s’était totalement attendu à ce que la vieille peau rejetât son offre initiale et tentât d’obtenir plus. Quelqu’un d’aussi cupide qu’elle n’accepterait jamais la première offre d’une personne.

Et c’était parfait, il avait bien plus de choses à offrir.

— Je pourrais en débattre, mais je me sens généreux, aujourd’hui, clama-t-il en faisant un geste à Zach, qui sortit l’orbe du premier empereur. Ce que tient mon ami est une dimension miniature portable contenant une ancienne ruine. C’est un artefact perdu de l’âge des dieux, probablement impossible à reproduire de nos jours. Si vous acceptez, nous vous permettrons d’étudier cet artefact pendant toute la durée de nos leçons. Je suis sûr que vous pouvez imaginer à quel point ce pourrait être bénéfique pour votre propre dimension, et vos propres compétences en la matière ?

La sorcière l’imaginait très bien, oui, et ne le cacha pas le moins du monde. Elle observa l’orbe avec une telle intensité que Zorian eut peur, l’espace d’une seconde, qu’elle les attaquât pour le leur voler. Mais après une dizaine de secondes, elle secoua la tête et sortit de sa rêverie.

— Ajoute ton sort de portail modifié et nous avons un marché, dit-elle.

— Ah, non, je ne peux accepter, s’excusa Zorian, une tristesse feinte dans la voix. Pourtant, ce sort n’est pas totalement hors de question… si vous accepter de faire quelques concessions de plus.

Lac d’Argent lui grimaça en pleine face, ce que Zorian ignora parfaitement. Si elle pouvait se montrer cupide, il le pouvait aussi. Clairement, elle désirait ce sort avec passion, alors pourquoi ne pas en obtenir tout ce qu’il pouvait ?

— Je suppose que tu as quelque chose de spécifique à l’esprit ? marmonna-t-elle.

— Je veux acquérir la capacité de perception de l’âme, dit Zorian. Et malheureusement, la potion créée à partir de chrysalides de papillons de nuit n’est pas une option.

— Oui, cette potion ne se garde pas bien du tout, confirma-t-elle. Elle peut rester efficace six mois, tout au plus, en étant optimiste. Mais pourquoi m’ennuyer avec une requête si mineure ? Allez tuer des gens. C’est comme ça que presque tous les nécromanciens gagnent cette compétence, de nos jours. Même si vous n’avez aucun talent en magie de l’âme, une vingtaine de sacrifices devraient être suffisants.

— Ce n’est pas une option non plus, répondit Zorian en soutenant son regard contrarié. Du tout. Si je dois me transformer en meurtrier rituel pour ça, alors je préfèrerais abandonner l’idée.

— Bah, cracha la sorcière. Quel gosse dégoûtant de sensiblerie nous avons là. Pourquoi désires-tu percevoir les âmes, dans ce cas ? Tu n’arriveras à rien en magie de l’âme avec cette attitude.

— Je pourrais en avoir besoin pour me sauver la vie, expliqua-t-il. Ce n’est pas une chose qui vous concerne. La question est : pouvez-vous le faire ? Pouvez-vous me concocter une potion qui me permettrait d’obtenir ce que je désire, en moins d’un mois ?

— Hmpf, pouffa-t-elle tout bas.  Sais-tu seulement à quel point acquérir la perception de l’âme grâce à une potion est compliqué ?

— Oui, répondit Zorian de façon nette et précise. Je ne le sais que trop bien. C’est bien pour ça que je suis venu vous voir vous, et pas quelqu’un d’autre.

En vérité, la plupart de ce que Zorian savait à ce sujet venait de Sudomir, qui avait été interrogé de façon abusive pendant plusieurs mois. Alanic y avait contribué, mais le prêtre de guerre balafré était très réticent à parler de la magie de l’âme, et avait d’ailleurs admis qu’il en savait moins que leur prisonnier, de toute façon. Quoi qu’il en fût… apparemment, toutes les âmes possédaient la capacité de percevoir les autres âmes par défaut, capacité que les dieux avaient verrouillée jusqu’à la mort, car supposée guider les âmes vers leur destination après celle-ci, et son activation prématurée sur le plan matériel était dangereusement tentant. Aussi avaient-il décrété qu’un être vivant ne pouvait posséder ce trait, à moins d’être un hérétique. Sudomir l’avait expliqué par le fait qu’il s’agissait d’une chose inhérente aux âmes elles-mêmes, et que les dieux avaient scellée par jalousie et par peur de l’ingéniosité et de la puissance de l’humain. En voyant que les nécromanciens tendaient à se rendre sauvagement immoraux, Zorian tendait à être plutôt d’accord.

Mais ça n’avait aucune importance. Même Alanix avait admis que la perception de l’âme n’était pas maléfique en elle-même. Le Triumvirat pressait les gens de ne pas délibérément la rechercher, mais en même temps l’encourageait au sein de leurs prêtres. Chaque prêtre de haut rang et quelques-uns moins importants possédaient une certaine mesure de la perception des âmes. Avec la disparition des dieux, le Triumvirat avait trouvé quelques méthodes pour combler la perte de leurs pouvoir divins… et faire acquérir la perception de l’âme en masse à ses membres était l’une d’elles. Le Triumvirat avait développé la potion à base de papillons de nuit – la méthode alchimique la plus accessible et sûre d’obtenir cette compétence. Simplement… la recette de cette potion était si simple et si largement distribuée qu’elle avait fini par filtrer hors de l’Église et était désormais employée dans les cercles nécromantiques en général.

Zorian avait déjà senti qu’il était étrange qu’une potion uniquement accessible une fois tous les vingt-trois ans fût si attirante… et avait trouvé la recette d’une potion alternative dans les souvenirs de Sudomir, ce qui lui avait permis de comprendre. Les ingrédients nécessaires ne pouvaient absolument pas être acquises au marché noir. Il s’agissait du genre de choses qu’il fallait se procurer soi-même aux quatre coins du monde, et la plupart des ingrédients venaient de créatures capable d’attaquer votre âme d’une manière ou d’une autre. Même pour Zach et Zorian, ça représentait un danger majeur : afin de créer une potion alignée avec les souvenirs de Sudomir, il leur aurait fallu un temps fou ou des relations qu’ils ne possédaient pas afin de rassembler les ingrédients nécessaires, posséder assez de force pour prétendre les récupérer pour eux, et trouver une personne avec suffisamment de connaissances en alchimie pour créer une potion compliquée qu’ils n’avaient probablement jamais tentée de leur vie, et ce, du premier coup.

En plus de ça, toutes ces potions étaient basées sur le même principe : ils plaçaient la personne aux portes de la mort, pour les en tirer au tout dernier moment. Un peu comme l’entraînement d’Alanic, simplement… en plus extrême. Inutile de dire que réaliser cette potion avec le moindre défaut était léthal. Les papillons de nuit nécessaires à la création des potions plus sûres n’apparaissaient qu’une fois tous les vingt-trois ans, mais en une quantité telle qu’ils permettaient de faire des stocks d’ingrédients pour un certain temps.

Bien sûr, il existait d’autres moyens d’obtenir la perception des âmes. Ils n’étaient simplement pas utiles pour lui.

Par exemple, on pouvait simplement être né avec. Certaines personnes possédaient cette compétence comme Zorian était un empathe ; ils étaient appelés Yeux Fantômes par les érudits. Il n’était bien entendu pas l’un d’entre eux. Certaines autres personnes, après avoir frôlé la mort, déverrouillaient la perception par accident. Mais on ne pouvait pas compter sur ce genre de choses, personne ne sachant réellement comment tout ça fonctionnait exactement. Finalement, il existait la méthode simple du sacrifice. Tout ce dont on avait besoin, c’était de forger un lien temporaire avec une personne avant de la tuer d’une certaine façon. Lentement. Tout en les gardant conscientes, parce que bien sûr, ça ne fonctionnait pas autrement. C’était la méthode que Sudomir avait employée, la même que la plupart des nécromanciens adulaient, facile, bon marché et rapide à mettre en place.

Ayant eu vent de la procédure dans les souvenirs du maire, Zorian savait qu’il n’avait pas les tripes pour le faire. Il était, comme l’avait dit la sorcière, bien trop sensible pour torturer une dizaines d’humains jusqu’à les tuer.

— Si tu sais à quel point c’est difficile, alors tu comprends certainement qu’en fabriquer une en un mois est une absurdité, même pour moi. Rien que rassembler les ingrédi –

— Peu importe les ingrédients, nous les trouverons, la coupa Zach. Dites-nous simplement ce que nous devons vous ramener pour en faire quelque chose qui fonctionne.

— Hmm, réfléchit la sorcière. Vous avez tué le Chasseur sans endommager ses œufs. Ça en dit long sur vos capacités de combat. Pourtant, rassembler des ingrédients pour une potion de perception des âmes à l’ancienne va vous demander de savoir défendre votre âme.

— Nous le pouvons, renchérit Zach.

—  Vraiment ? s’étonna-t-elle sincèrement. Eh bien, parfait. Tant que vous vous occupez de la collecte des ingrédients, je suppose que je peux faire ça. Mais seulement ça ! Je ne vous donnerai pas la recette, et vous ne pourrez pas me regarder créer la potion !

— Acceptable, acquiesça Zorian, qui attendit pendant quelques secondes, et continua en réalisant qu’elle n’allait rien ajouter. Alors, avons-nous un marché ? En échange du sac d’œufs, de l’accès à la dimension portable et mon expertise sur le sort de portail, vous acceptez de nous enseigner la création de dimensions et de nous distiller une potion de perception des âmes.

La sorcière garda le silence, travaillant le marché dans sa tête. Elle fronça les sourcils et grimaça pour elle-même, se mettant parfois à grommeler tout bas et à effectuer d’étranges gestes. Zorian l’observa attentivement, de peur qu’elle cherchât à lancer un sort quelconque au milieu de ces absurdités, mais tout semblait totalement déconstruit. Bon, c’était une vieille sorcière loufoque, après tout.

— J’ai une question, reprit-elle finalement. Tu m’as raconté cette histoire démente au sujet d’un mois qui se répète sans cesse, et la façon dont je perds la mémoire sans rien pouvoir y faire, tandis que vous deux, non. Cela ne signifierait-il pas que tout ce que je gagne en passé un marché avec vous est illusoire, tandis que vous conserverez tout ce que je vous donnerai ?

— Je croyais que vous n’y croyiez pas ? fit remarquer Zorian.

— Prétendons que c’est le cas, rétorqua-t-elle sans cligner des yeux. Ai-je tort ?

— Absolument pas, fit Zorian en secouant la tête. Sur le long terme, ce marché nous favorise incroyablement. Tout ce que vous recevrez disparaîtra à la fin du mois, tandis que les connaissances que vous nous transmettrez et l’acquisition de la perception des âmes, non.

— Alors… continua-t-elle. Ne pensez-vous pas qu’il est parfaitement idiot de me le dire ?

Elle ne semblait même pas en colère, mais plutôt intéressée par la logique sous-jacente qui les avait fait arriver à cette décision.

— Je veux dire, renchérit-elle encore, je ne crois pas en cette histoire abracadabrante, mais si je vous avais cru, ça me rendrait totalement réfractaire à l’idée même d’accepter ce marché.

— Je pense au futur, expliqua enfin Zorian, calmement. Il n’est pas possible d’absorber les connaissances sur la création de dimensions en un petit mois. Nous le savons tous les deux. Je reviendrai encore, et encore, et j’aurai besoin de continuer l’apprentissage là où nous le laisserons. Je pourrais être capable de vous berner les quelques premières fois, en prétendant avoir acquis les bases de quelqu’un d’autre, mais ça deviendra vite impossible. À un certain moment, je vais devoir expliquer qui m’a enseigné des compétences qui sont clairement les vôtres…

— Eh bien, c’est bien logique, en effet, mais… En quoi cela vous aide-t-il maintenant ? insista-t-elle.

— C’est le moment idéal pour découvrir quoi que ce soit que je pourrais utiliser pour vous convaincre, à l’avenir. Peut-être ne me croyez-vous pas, en effet, mais vous êtes encline à jouer le jeu pendant un moment… comme le prouve cet interrogatoire.

Elle grimaça une fois de plus, et fut ignorée une fois de plus.

— J’espère que vous me confirez, à un moment, un secret que je pourrai utiliser pour convaincre la sorcière d’une itération future que la boucle temporelle est une réalité, et que nous nous sommes rencontrés au préalable… alors qu’elle ne s’en souviendra pas.

Lac d’Argent l’observa encore pendant quelques secondes avant d’éclater de rire. Zorian soupira. Il ne voyait vraiment pas ce qu’elle pouvait trouver de drôle à la situation.

— Mon garçon, tu es encore plus taré que moi ! finit-elle par articuler entre deux fous rires, se frappant le torse à plusieurs reprises pour tenter de se contrôler. D’accord ! J’accepte ton marché ! Et comme je suis désormais de très bonne humeur, je vais y ajouter un petit cadeau ! Tu veux connaître un secret ? Je vais t’en révéler un. La raison pour laquelle j’ai besoin de ces œufs et de cette salamandre, c’est pour créer une potion de jeunesse !

— Vous tentez de repousser la mort de vieillesse ? demanda Zach, surpris. Ouah. C’est quelque chose de vraiment avancé et exotique. J’ai entendu que vous étiez une pointure en alchimie, mais je ne savais pas que vous étiez si douée.

— Petit idiot, ricana-t-elle gentiment. Je n’essaye pas de repousser la mort de vieillesse. Ça, ça fait longtemps que c’est fait.

Tous deux ouvrirent la bouche, mais ne purent rien y redire. Une immortelle ?

— Ha ha ! craqua-t-elle. Surpris, hein ? Oui, je peux persister indéfiniment ainsi. Ne vous laissez pas entourlouper par mon apparence et ma santé – je suis positivement ancienne.

— An.. Ancienne ? hésita Zach.

— Il est malpoli de s’enquérir plus que de raison sur l’âge d’une dame, se moqua-t-elle sans honte. Mais c’est un nombre à trois chiffre, je peux vous en dire tant. Quoi qu’il en soit, j’ai empêché le temps de ravager ce corps avec succès, mais ce n’est pas suffisant. Je veux ma jeunesse. Et avec ces œufs que vous m’avez amenés, je ne suis plus qu’à un pas de ce but.

Un silence assez court s’abattit sur la scène, les adolescents ne sachant qu’y répondre.

— C’est un secret plutôt intéressant, n’est-ce pas ? fit-elle, fière d’elle.

Elle leur avait dit ça juste pour pouvoir avancer à quel point elle était extraordinaire, hein ?

— Oui, toussota Zorian. Oui, oui. Bon, concernant notre marché…

— Revenez dans deux jours, leur dit-elle. Vous êtes venus totalement à l’improviste, et vous m’avez prise par surprise. Ma maison est en fouillis, hors de question de recevoir des invités ainsi. Il faut que je récupère d’autres chaises dans la cave, que je dépoussière les meubles et peut-être que je prépare quelques rafraichissements. Je pense qu’il me reste encore un peu de ce gâteau aux champignons que j’ai testé il y a quelques années. Je sais que ça a l’air un petit peu étrange, mais il se conserve vraiment bien et vous fait faire de jolis rêves…

— Le sac d’œufs reste avec nous jusqu’à ce que nous nous revoyons, dans ce cas, la prévint Zorian, ignorant totalement son diatribe.

— Hmpf, renifla-t-elle. Bien, qu’il en soit ainsi, gamin paranoïaque. Assure-toi de les conserver dans un endroit frais et sec, sombre, avec suffisamment de mana ambiant pour ne pas les ruiner, ou le marché sera de l’histoire ancienne !

— Je tâcherai de m’en souvenir, répondit Zorian en hochant la tête – les œufs étaient finalement bien plus simples à conserver qu’il l’avait imaginé, dans ce cas. Juste pour être sûr, ce truc est sûr, hein ? Les œufs ne vont pas éclore dans quelques heures et libérer une armée de petites araignées assoiffées de sang ?

— Non, non, non… bon, ils ne devraient pas… hésita la sorcière.

— Nous allons les ranger dans un endroit éloigné de toute population, dans ce cas, décida Zach. Et quand nous irons le rechercher, nous y enverrons d’abord un simulacre.

— Hé ! protesta le simulacre présent.

— Ça suffit, trancha la sorcière. Tout ira bien. Faites-moi confiance.

Tous trois lui lancèrent un regard pas du tout amusé, lui annonçant clairement ce qu’ils pensaient de sa fiabilité et du fait de lui faire confiance.

— Les gosses, de nos jours, aucun respect pour leur aînés… se plaignit-elle sur un ton colérique. Bon, déguerpissez, maintenant ! Allez, partez ! Cette rencontre était agréable jusqu’à présent, laissons les choses se terminer sur une note plaisante. N’oubliez pas les cadeaux, la prochaine fois que vous venez ! Honnêtement, je ne peux pas croire que vous êtes venus rendre visite à quelqu’un sans même lui ramener une bouteille de brandy ! Ne savez-vous donc pas que les cadeaux à l’hôte, c’est une tradition importante ? Non, ne répondez pas à ça, ce n’était pas une question, rien qu’une leçon de morale. Allez, ouste !

Ainsi se termina leur rencontre avec la vieille sorcière – chassés comme une paire de chats de gouttière traînant dans son jardin. Pourtant, ils avaient largement obtenu ce pourquoi ils étaient venus, et Zorian en était le premier satisfait.

Il espérait simplement qu’elle allait réellement honorer sa part du marché.

 

___

 

Quand Zach et Zorian revinrent voir Lac d’Argent, elle se tenait près de son humble cottage, dépeçant nonchalamment une paire de salamandres géantes. Il s’agissait de spécimens plus petits, incomparables avec celle qui avait tenté de dévorer Zorian si longtemps auparavant, aussi supposa-t-il qu’elles n’étaient pas de la trempe dont la sorcière avait besoin pour concocter sa potion… mais apparemment, elle leur avait malgré tout trouvé une utilité. En tout cas, elle les accueillit avec un grand sourire et leur demanda immédiatement les œufs de Chasseur Gris, qu’ils lui donnèrent, attendant patiemment tandis qu’elle les ignora pendant plus d’une minute, temps qu’elle prit pour inspecter son précieux. Elle les fit ensuite entrer dans son cottage, qui se trouvait être en réalité moins un cottage que l’entrée d’une dimension miniature.

Enfin, la couche intérieure de sa dimension. Le cottage lui-même était également enfermé dans une dimension miniature, ce pourquoi Zorian n’avait pas pu le trouver lorsqu’il l’avait cherché dans la forêt, mais il s’agissait simplement de la couche superficielle d’un autre monde dans le monde, qui pouvait être déployé et devenant accessible aux visiteurs au sein même de la forêt ou compressé et disparaissant totalement de la réalité, sur un simple caprice. Tapi à l’intérieur de cette dimension que la sorcière déployait et refermait selon ses envies et besoins se trouvait une autre dimension, plus grosse, qui lui servait de demeure et de base opérationnelle.

Selon les propres mots de la sorcière, le cottage n’était qu’une façade pour tromper les curieux.

Quant au contenu de cette dimension dans la dimension, il était composé de trois choses : une agréable maison à deux niveaux, un jardin d’herboriste empli de plantes rares, et un atelier alchimique lourdement protégé dans lequel elle travaillait principalement.

Oui, une puissante sorcière, clairement et ouvertement fière de ses traditions et qui faisait une nette distinction entre alchimie et création de potions, possédait un atelier entièrement équipé qui aurait rendu jaloux la plupart des alchimistes professionnels des grandes villes. Zorian ne pouvait pas s’empêcher de trouver ce paradoxe très amusant.

Cela faisait cinq jours, et jusqu’alors, la sorcière honorait sa part du marché. Zorian avait eu peur qu’elle tentât de bâcler son instruction en leur donnant des buts étranges et inaccessibles avant de disparaître dans son atelier pour le reste de la journée, mais ça n’arriva pas. Probablement parce qu’ils se trouvaient dans le plus profond de sa maison et qu’elle courait le risque de la voir flamber à la moindre incartade. Ou peut-être parce qu’elle désirait ce sort de portail modifié de tout son cœur et savait que le niveau de coopération qu’elle pourrait attendre de leur part serait directement corrélé à ce qu’elle allait leur enseigner concernant la création de dimensions. Peu importaient ses raisons, elle leur fournit en réalité des explications longues et complexes et créa même quelques espaces de la taille d’un poing en tant que démonstrations.

Créer une dimension était théoriquement simple. L’idée de base voulait que l’on compresse et que l’on replie un volume d’espace sur lui-même jusqu’à ce qu’il devienne une sorte de… bouteille sous pression, que l’on refermait ensuite. Ce bouchon virtuel était appelé l’ancre, et empêchait l’espace compressé de, justement, se décompresser, comme il avait naturellement tendance à le faire pour retrouver son état universel. Après quoi la dimension miniature pouvait graduellement s’ajuster et enfler jusqu’à atteindre la taille maximale que l’ancre pouvait tolérer.

Bien entendu, la création d’une ancre se trouvait être la partie la plus cruciale du processus. C’était l’endroit qui connectait la réalité à la dimension miniature, et servait à la fois d’entrée et de sorte, et de fondation qui offrait sa stabilité à la construction spatiale artificielle. Sa taille, sa puissance et son degré de sophistication déterminaient à quel point une dimension pouvait être énorme et stable. Si l’ancre était détruite, la dimension qui y était attachée rencontrerait bien rapidement le même sort.

Ni Zach, ni Zorian n’avaient pour l’heure réussi à créer une ancre stable avec succès, pas même une toute petite. Le processus était tout aussi compliqué que d’apprendre à lancer le sort de portail dimensionnel, sauf qu’il demandait encore plus de mana et d’attention au détail. Zorian était quelque peu contrarié de constater que Zach allait sans doute choper le truc avant lui, simplement parce qu’il avait beaucoup plus de mana à brûler gratuitement.

Et Zorian n’aidait pas ; il avait lourdement plombé sa capacité à récupérer son mana en maintenant six simulacres à la fois. Il était comique de se rendre compte qu’il avait inventé une toute nouvelle méthode pour diviser le coût de mana de la maintenance par deux… et qu’il en avait profité pour doubler le nombre de simulacres actifs.

Actuellement, Zorian était assis par terre, dans la dimension de Lac d’Argent, et revoyait des rapports envoyés par ses simulacres tout en patientant le retour de son mana. L’un des simulacres était à Koth, se creusant la tête avec Daimen afin de trouver comment récupérer les autres clés. Un autre fouillait la bibliothèque de l’Académie en quête de livres sur le dimensionnalisme avancé. Un troisième arrangeait un marché avec l’un des experts mineurs qu’ils approchaient sans cesse. Le quatrième et le cinquième travaillaient sur des améliorations pour la structure des golems destinés à recevoir leurs existences, non qu’il aurait décidé ça en temps normal, mais il n’eut guère le choix : tous les simulacres se mirent en grève jusqu’à ce qu’il eût finit par accepter d’en mettre deux sur ce job particulier.

Finalement, le sixième et dernier simulacre bossait sur une chose très délicate et possiblement tout aussi dangereuse – les améliorations mentales.

C’était plutôt un travail ralenti pour l’instant. Il ne voulait pas qu’une copie démente se mît à dévaster tout ce qui l’entourait, ou pire, lui courût après. De plus, les simulacres étaient toujours essentiellement lui-même, ce qui signifiait qu’ils n’étaient pas d’accord avec le fait de risquer la santé de leur esprit sans assurance. En prenant en compte les risques pour sa propre sécurité et la dérangeante possibilité que les simulacres pussent se mutiner s’il poussait les choses trop loin dans cette direction, Zorian avait ordonné à numéro six de limiter les recherches aux illusions auto-infligées. Des choses comme comprendre comment bloquer le son et d’autres distractions environnementales, des améliorations de sa perception visuelle, et ainsi de suite. C’était un sous-domaine très orthodoxe et sûr des améliorations mentales, parce que dans ce cas, elles ne modifiaient que les sens du lanceur de sort, sans toucher à ses pensées ou ses émotions, et ce faisant, on ne pouvait que limiter les possibles catastrophes. Les mages humains avaient déjà effectué une quantité énorme de recherches sur le sujet, principalement en tentant de créer des sorts de divinations qui enverraient leurs résultats directement aux sens du lanceur de sort. Bien sûr, Zorian avait également consulté diverses Toiles Aranea, dont les deux plus intéressantes avaient été les Avocats Lumineux et les Artisans du Phantasme Parfait, suivies de près par quelques Toiles plus modestes, telles que la Bande du Brouillard et les Réfugiés des Rêves.

— Mon garçon, je t’ai dit de garder un œil sur ce chaudron, l’agressa la sorcière, le tirant de ses pensées. La mixture va bouillir si tu continues à rêver comme ça. Arrête, ce n’est pas professionnel.

— Ugh, grogna Zorian, en jetant un œil à l’énorme chaudron de fer sur sa gauche.

La sorcière l’avait techniquement enrôlé et forcé à l’aider dans son alch… pardon, sa création de potions tandis qu’il récupérait son mana. Cependant, les dix minutes qu’elle lui avait demandé de lui accorder s’étaient rapidement transformées en trente.

— Nous n’avons jamais dit que je serais votre assistant personnel. Je devrais commencer à vous facturer ces services, marmonna Zorian, juste assez fort pour qu’elle l’entendît, avant de lever la voix lorsqu’elle l’ignora. Qu’est-ce qu’il y a, dans ce chaudron, de toute façon ? Si vous comptez me recruter pour un projet quelconque, j’entends au moins savoir de quoi il s’agit.

— C’est une expérience, lui répondit-elle directement, trop occupée à nettoyer une espèce de racine en forme de carotte pour le regarder dans les yeux. Je suis sûr que tu as remarqué ces salamandres que je découpais, les quelques derniers jours. Je tente de concentrer artificiellement l’essence régénératrice de salamandre pour voir si je peux en faire un substitut acceptable pour ce dont je manque. Probablement pas, mais eh. Qui ne tente rien…

— L’essence régénératrice ? répéta Zorian en fronçant les sourcils. C’est à ça que sert la salamandre géante ?

— Bien sûr, acquiesça-t-elle. Ces bestioles peuvent faire repousser n’importe quoi. Si on les coupe en deux avec précaution, les deux moitiés repousseront et il en sortira deux individus viables. C’est un truc très utile, ça. La plupart des sorts de soin ne font qu’accélérer les compétences naturelles d’un corps, alors ils ne fonctionnent pas sur certaines blessures. L’essence de salamandre, suffisamment concentrée et combinée avec d’autres ingrédients… eh bien, elle pourrait même faire tourner l’horloge à l’envers et défaire les effets de l’âge !

— Hmmm, fit Zorian en se perdant dans ses pensées.

Ok, c’était un peu plus intéressant qu’il l’avait imaginé. Pourtant…

— Alors pourquoi le faites-vous ainsi, à ciel ouvert, dans un simple chaudron ? Vous possédez un atelier alchimique digne des plus grands professionnels. Pourquoi ne pas l’utiliser ?

— Hmpf. Ça montre bien l’étendue de tes connaissances, cracha-t-elle. Je le fais ainsi parce que c’est la meilleure option. C’est suffisant pour ce que je veux obtenir. Obtenir le même résultat dans un atelier compliqué ne ferait qu’user des ustensiles plus coûteux et compliqués à nettoyer.

Zorian n’avait rien à redire. C’était somme toute parfaitement logique.

Tous deux gardèrent le silence pendant un moment. La vieille finit de préparer les racines et les jeta sans cérémonie dans le chaudron empli de ce liquide brûlant. Elle observa les bulles qui commençaient à apparaître à sa surface avant de hocher sagement la tête et d’ajouter quelques bouts de bois dans le feu.

— Connais-tu la différence entre la création de potion et l’alchimie, mon garçon ? lui demanda-t-elle soudain, en plissant les yeux.

Zorian fut tenté de lui répondre que la création de potion n’était qu’une sous-discipline de l’alchimie, mais il savait qu’elle considèrerait la réponse fausse à tout point de vue.

Elle parlait de la création de potion comme en parlaient les anciennes sorcières, pas comme l’expliquaient les écoles modernes.

— La création de potion tourne autour de l’utilisation d’un chaudron, et rien d’autre, répondit-il alors.

— Oui, confirma la sorcière. Ça a l’air très idiot, n’est-ce pas ? Une potion ratée peut libérer des nuages empoisonnés ou des gaz toxiques, t’exploser au visage ou t’éclabousser et brûler ta peau. Merde, une potion correctement créée peut faire exactement la même chose ! Très souvent, les vieilles sorcières portaient des marques de leurs échecs sous la forme de cicatrices, odeurs étranges ou maladies de peau après des années d’exposition aux vapeurs magiques et aux concoctions. L’alchimie moderne est tellement plus sûre, tellement plus précise. Pourquoi, alors, penses-tu que les anciennes sorcières continuent de faire les choses comme elles le font ?

Zorian pencha la tête sur le côté, tentant de comprendre où elle voulait en venir. Qu’est-ce que ça avait à voir avec quoi que ce fût ?

— Parce que c’est… moins cher ? tenta-t-il.

— Hah. Presque. C’est parce que l’alchimie, dans sa forme actuelle, demande une société entière orbitant autour d’elle. Quelqu’un doit fabriquer les fioles et le matériel de précision, les conteneurs, les brûleurs, et ainsi de suite. Quelqu’un doit faire pousser, récolter et recenser les ingrédients. Quelqu’un doit transporter et distribuer tout ça à ceux qui en ont besoin… ou avoir les relations nécessaires pour se les procurer. Quelqu’un doit garder l’atelier plein d’un équipement hors de prix contre les voleurs et saboteurs. Les vieilles sorcières n’ont accès à rien de tout ça, alors elles doivent souvent faire avec un chaudron, leurs mains et leurs yeux. C’est comme tu le dis, moins cher. Moind cher en terme d’argent, mais surtout en terme d’infrastructure sociale nécessaire à son bon fonctionnement.

— Je vois, finit par acquiescer Zorian, convaincu.

— Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus de sorcières qui n’utilisent pas l’alchimie moderne sous une forme ou une autre, en plus de leur art traditionnel, continua la sorcière. Les anciennes congrégations auraient trouvé ça hérétique, je parie. Mais les anciennes congrégations ont toutes disparues, à ma connaissance, et ce n’est pas par accident. Les temps changent. Les congrégations de sorcières ne l’ont pas fait, et en ont payé le prix. L’alchimie a sa place… tout comme la création de potion. Ne sois pas si enclin à classer les deux arts par ordre d’importance.

— Vous avez dit tout ça rien que pour me délivrer cette petite leçon de morale à la fin, n’est-ce pas ? pouffa Zorian, légèrement contrarié.

— Tu t’en souviendras mieux de cette façon, ricana-t-elle, avant de vérifier l’état des bulles dans le chaudron. Bien, quoi qu’il en soit, je pense que nous pouvons laisser ça pendant quelques heures, maintenant. Tu as récupéré, n’est-ce pas, mon garçon ? Tu prends assurément tout ton temps avec ce repos forcé – c’est un miracle que tu aies pu aller si loin avec une éthique de travail si volage. Quand j’avais ton âge, je…

Zorian soupira et se leva, faisant de son mieux pour noyer les paroles de la vieille peau. Il envoya un message rapide au simulacre travaillant sur les améliorations mentales, et lui imposa de travailler rapidement sur les filtres sensoriels. Il allait avoir besoin de ça aussitôt que possible…

Raka
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